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Chapitre I. Etude bibliographique

2. Précisions sur l’alliage 15-15Ti et la nuance AIM1

2.1. Contexte d’utilisation justifiant la composition chimique et la gamme de fabrication

2.1.1. Le phénomène de gonflement

Dans le cœur d’un RNR-Na, les conditions d’irradiation sont extrêmes (ANON., 2008). L’impact des neutrons de haute énergie (neutrons rapides) sur le matériau provoque une expulsion des noyaux atomiques de leur position initiale et produit ainsi une cascade d’évènements tels que :

- La permutation entre atomes de la structure cristalline, - La création de défauts ponctuels de type paires de Frenkel.

Les défauts ponctuels de type paires de Frenkel sont constitués en nombre équivalent de lacunes et d’atomes interstitiels. La température nominale de service permet une grande mobilité de ces défauts nouvellement créés. S’ils ne peuvent pas se recombiner mutuellement, ils vont se regrouper sous forme d’amas. Les amas lacunaires conduisent à la germination de cavités. Ces cavités vont être stabilisées par l’accumulation des gaz de transmutation à l’intérieur (notamment l’hélium ou l’hydrogène) et vont pouvoir ainsi croître. Ce processus de germination et de croissance de cavités, aboutit à une augmentation volumique du matériau, appelé gonflement.

Le gonflement est quantifié par la déformation diamétrale du tube ou plus directement par des mesures de densités, en corrélation avec le dommage créé par les cavités au sein de la structure. Le dommage créé est mesuré par l’unité appelée déplacement par atome (dpa). Par exemple, une dose de 100 dpa signifie que chaque atome du matériau irradié s'est en moyenne déplacé 100 fois.

Le gonflement est l’un des phénomènes le plus limitant pour la durée de vie des gaines en réacteur. Il doit être maintenu en deçà de valeurs compatibles avec le respect de critères fonctionnels (minimisation de l’instabilité dimensionnelle des structures) et/ou structurels (atteinte d’une valeur seuil de fragilisation induite par les cavités de gonflement).

2.1.2. Historique et origine de l’acier 15-15Ti AIM1

En France, plusieurs nuances ont été développées et utilisées avant d’aboutir au 15-15Ti AIM1. La Figure I. 15 présente l’amélioration de la résistance au gonflement des différents aciers employés comme tubes de gaine dans les réacteurs expérimentaux français (Rapsodie, Phénix ou SuperPhénix).

Figure I. 15 : Evolution de la déformation diamétrale (quantifiant le gonflement) des gaines du réacteur Phénix en fonction de la température (selon la position dans l'assemblage), a) pour une dose de 60 dpa, b) pour une dose de 93 dpa (Séran, 2014).

Historiquement, les premiers tubes de gaine étaient en acier 316 hypertrempé. Leur gonflement était important et s’étalait sous forme d’un large pic entre 400°C et 650°C comme le montre la Figure I. 15 à gauche. Par la suite, différentes améliorations ont été apportées pour diminuer le gonflement :

- La première a consisté à ajouter du titane dans l’acier. Cet élément, présent en solution solide, permet d’augmenter la dose d’incubation avant que le gonflement débute. On observe alors un affinement du pic autour de 400°C - 600°C pour du 316Ti hypertrempé.

- Une autre amélioration a été obtenue en écrouissant l’acier 316. En effet, les dislocations, présentes dans le métal, permettent d’éliminer les défauts d’irradiation par piégeage (Séran, 2014). Dans ce cas, le gonflement se manifeste par :

o Une première « bosse » entre 400°C et 550°C, o Un pic persistant entre 550°C et 650°C.

- L’amélioration suivante a combiné les deux précédentes pour obtenir le 316Ti écroui, où seul le gonflement de première bosse persiste. Cette optimisation conserve l’effet bénéfique du titane en solution solide, et utilise aussi sa capacité à précipiter sous forme de nanocarbures (TiC) pour stabiliser le réseau de dislocation. Les interfaces TiC-matrice peuvent être également des pièges à défauts d’irradiation.

La Figure I. 15(b) compare les comportements du 316Ti écroui et du 15-15Ti écroui. Un gain substantiel sur la résistance au gonflement a pu être obtenu grâce à l’augmentation de la teneur en nickel, en utilisant un rapport de composition chrome/nickel proche de 1. Enfin, pour arriver au 15-15Ti AIM1 (inclus dans la dénomination « Optimized 15-15Ti » sur la Figure I. 15), la dernière optimisation a concerné l’ajustement de la composition en éléments mineurs notamment le silicium et le phosphore. A l’heure actuelle, le gonflement de première bosse, bien que diminué de manière significative, demeure toujours perceptible.

Chapitre I : Etude bibliographique

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2.1.3. Composition chimique et spécification de fabrication

La composition chimique du 15-15Ti AIM1 est définie de manière précise pour garantir une résistance maximale du matériau au gonflement. Les spécifications en teneur minimale et maximale pour chaque élément sont données dans le Tableau I. 2

.

Il est précisé également la composition de deux aciers 15-15Ti selon la norme DIN 1.4970 et la désignation D9I, qui sont très proches de la nuance AIM1 et développés pour la même application de gaine de combustible pour des réacteurs rapides étrangers.

Composition (% massique) Cr Ni C Ti Mo Mn Si P B Fe 15- 15Ti AIM1 Spécif. max. 14 14 0.080 0,30 1,30 1,00 0,70 0,030 0,003 Bal. Spécif. min. 16 16 0,100 0,50 1,70 2,00 0,90 0,050 0,008 Bal. DIN 1.4970 (Allemagne- Belgique) 15 15 0.1 0.5 1.2 1.5 0.4 - 0,005 Bal. D9I (Inde) min. 13,5 14,5 0,035 5 x C 2,0 1,65 0,5 0,02 max. 0,001 Bal. max. 14,5 15,5 0,050 7 x C 2,5 2,35 0,75 0,002

Tableau I. 2 : Comparaison de la composition chimique du 15-15Ti AIM1 avec d’autres aciers similaires (International Atomic Energy Agency (IAEA), 2012).

Par rapport aux normes DIN 1.4970 et UNS S31272 (Tableau I. 1) et à l’alliage D9I, la nuance 15-15Ti AIM1 est enrichie en silicium et en phosphore. Ces deux éléments permettent d’accroitre la résistance au gonflement de l’acier. Le rapport Ti/C est optimisé dans ce même objectif.

Le retour d’expérience acquis par le CEA sur les RNR-Na a mis en avant l’importance des étapes de fabrication des tubes de gaines. Il existe une spécification de fabrication, dont la plupart des éléments ne sont pas détaillés dans ce manuscrit par soucis de confidentialité. Des travaux de recherche récents ont toutefois été menés sur ce sujet (Courtin, 2015). On soulignera ici l’importance des étapes ultimes de fabrication, qui confèrent à l’acier de gainage son état métallurgique particulier :

- L’avant dernière étape de fabrication est un traitement d’hypertrempe, suivi d’un refroidissement rapide. La température d’hypertrempe doit être suffisamment élevée pour assurer une bonne remise en solution des éléments d’alliages qui, pour certains, sont sous forme de précipités (le titane notamment). Cependant, cette température ne doit être trop élevée pour éviter d’obtenir une taille de grain excessive et hétérogène. Il est notamment spécifié un indice de grosseur de grain G entre 5 et 9 (convention ASTM).

- La dernière étape de fabrication est un écrouissage du tube entre 20% et 25% pour introduire les dislocations nécessaires au piégeage des défauts d’irradiation. LaFigure I. 16schématise ces deux dernières étapes de fabrication.

Figure I. 16 : Dernières étapes de la fabrication des gaines en 15-15Ti AIM1.

2.2.

Influence du vieillissement thermique à partir de 400°C sur