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Chapitre II. Etude des mécanismes de déformation élémentaires

4. Approches théoriques pour la mesure de l’EDE

La mesure expérimentale de l’énergie de défaut d’empilement (EDE) est devenue possible vers la fin des années 1950 grâce à l’amélioration de la résolution ponctuelle du MET et aux développements liés à la préparation des échantillons. De nombreux modèles théoriques ont ainsi vu le jour pour exploiter des configurations géométriques liées à des interactions de dislocations rigoureusement décrites par l’expérience. Sur la base de quelques configurations synthétisées par (Ruff, 1970), nous avons retenu la méthode des nœuds dissociés et la méthode des tétraèdres de défaut d’empilement car ces configurations ont clairement été identifiées dans notre alliage.

4.1.

Méthode des nœuds dissociés

4.1.1. Formation des nœuds

Dans la structure CFC, les nœuds dissociés sont une configuration particulière des dislocations, qui se forme selon un mécanisme proposé par (Whelan, 1959) et exposé en Figure II. 8.

Ce mécanisme résulte de l’interaction de deux dislocations parfaites faiblement dissociées : - La dislocation contenue dans un plan (a) est dite « intersectée ».

- La dislocation contenue dans un plan (d) est celle qui « intersecte ».

La Figure II. 8(a) représente le premier stade de l’intersection des deux dislocations faiblement dissociées. Les dislocations partielles Cδ et δB, appartenant au plan (d), sont combinées avec la dislocation partielle αC du plan (a). Il se forme ainsi la dislocation partielle αB.

Or le segment de dislocation αC n’est pas stable dans cette configuration rectiligne. La tension de ligne de DααC pousse αB dans le plan (a). Cette étape est illustrée par la Figure II. 8(b). Par ailleurs, la Figure II. 8(b) traite du cas où plusieurs dislocations s’intersectent.

Enfin, pour un meilleur équilibre entre les tensions de ligne des dislocations, les dislocations partielles Cδ et δB contenues dans le plan (d) dévient dans le plan (a). La configuration finale des dislocations est montrée en Figure II. 8(c).

Les dislocations constituent un nouveau réseau entièrement contenu dans le plan (a) (contenu dans le plan de la Figure II. 8(e)). On observe la coexistence de nœuds contractés (i) et de nœuds étendus ou dissociés (ii). La morphologie d’un nœud dissocié résulte d’un équilibre entre la courbure des segments de dislocations le constituant et l’étalement du défaut d’empilement en son centre. De ce fait, les modèles proposés pour mesurer l’EDE tiennent compte de ces mêmes grandeurs à savoir l’étendue du défaut d’empilement ainsi que le rayon de courbure des segments.

4.1.2. Théories

En première approximation, (Whelan, 1959) suggère un équilibre entre la force attractive refermant le défaut d’empilement et la force nécessaire pour maintenir le rayon de courbure 𝑅 des dislocations partielles bordant le défaut. En prenant la tension de ligne des dislocations égale à 𝐺𝑏𝑝2

2 , l’EDE γ se

calcule selon l’équation (II. 1) :

γ

=

𝐺𝑏2𝑅𝑝2 (II. 1)

𝐺 est le module de cisaillement et 𝑏𝑝 la norme du vecteur de Burgers des dislocations partielles. Leurs valeurs sont consultables en Annexe A du manuscrit.

Cependant cette théorie est incomplète et introduit, selon (AW Ruff, 1970), une erreur d’un facteur minimum de 2 sur les mesures d’EDE.

Une théorie améliorée est proposée par (Brown, 1964 ; Brown, Thölén, 1964) qui font l’hypothèse de l’élasticité isotrope du milieu. Par ailleurs, ils remplacent la tension de ligne des dislocations par la notion de « self-stress of a dislocation » : chaque dislocation partielle est divisée en une multitude de segments rectilignes (voir Figure II. 9(a)) dont chacun interagit avec le reste des segments. Il faut ajouter à cela l’effet du défaut d’empilement au centre.

Le nœud adopte une configuration telle que l’expansion du défaut d’empilement atteint une limite (un état d’équilibre) donnant lieu à cette configuration géométrique ayant des dimensions caractéristiques pour un matériau donné.

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53 Cette théorie s’appuie sur la mesure du rayon 𝑦 du cercle inscrit dans le nœud et du rayon de courbure 𝑅 des dislocations partielles (voir Figure II. 9(b)). Les auteurs proposent deux équations ((II. 2) et (II. 3)), où les valeurs obtenues pour l’EDE doivent coïncider compte tenu du caractère des dislocations considérées. 𝛾1=𝐺𝑏𝑝 2 𝑅 {0,27 − 0,08 ( 𝜐 1 − 𝜐) 𝑐𝑜𝑠2𝛼 + [0,104 (2 − 𝜐1 − 𝜐) + 0,24 (1 − 𝜐) 𝑐𝑜𝑠2𝛼] 𝐿𝑜𝑔𝜐 10𝑅Є} (II. 2) 𝛾2=𝐺𝑏𝑝 2 𝑦 {0,055 ( 2 − 𝜐 1 − 𝜐) − 0,06 ( 𝜐 1 − 𝜐2) 𝑐𝑜𝑠2𝛼 + [0,018 (2 − 𝜐1 − 𝜐) + 0,036 (1 − 𝜐) 𝑐𝑜𝑠2𝛼] 𝐿𝑜𝑔𝜐 10𝑅Є} (II. 3)

𝜐 est le coefficient de Poisson (sa valeur est consultable en Annexe A du manuscrit), 𝛼 est le caractère de la dislocation au point de mesure. Є est un paramètre lié au rayon de cœur des dislocations et les auteurs proposent que Є ≈ 𝑏𝑝. Les autres paramètres sont définis de manière similaire à ceux de

l’équation (II. 1).

Figure II. 9 : Représentation shématique d’un nœud illustrant (a) le concept de « self stress of a dislocation », (b) la mesure de

𝑦 et 𝑅.

Par ailleurs, le nœud imagé sur l’écran phosphore ou la caméra du MET est seulement une projection du véritable nœud, qui est souvent incliné dans la lame mince comme illustré sur la Figure II. 10(a). Cette projection est distordue si la direction du faisceau électronique n’est pas orthogonale au plan contenant le nœud. Dans ce cas, la valeur mesurée de 𝑦 est erronée. Pour compenser cet effet, (Tisone et al., 1968) ont proposé de mesurer le périmètre 𝑃 d’un triangle équilatéral inscrit dans le cercle projeté comme montré sur la Figure II. 10(b).

Figure II. 10 : Représentation shématique illustrant (a) l’inclinsaisont du nœud dans la lame d’après (AW Ruff, 1970), (b) la mesure du périmètre 𝑃.

La valeur réelle de 𝑦, nommée 𝑦𝑡, est alors donnée par l’équation (II. 4) :

𝑦𝑡= 𝑃

√3[1 + √1 + 3 𝑐𝑜𝑠2(𝜓)]

(II. 4)

𝜓 est l’angle entre la normale du plan du nœud et le faisceau électronique (voir Figure II. 10(a)).

Enfin, l’incertitude sur l’EDE liée à la fiabilité de ce modèle est de l’ordre de 5% (AW Ruff, 1970).

4.2.

Méthode des tétraèdres de défaut d’empilement

Une autre configuration propice à la mesure de l’EDE est l’organisation des dislocations en tétraèdres de défaut d’empilement.

Sur ces tétraèdres, les arêtes sont constituées par des dislocations partielles et coïncident avec les directions <110> du cristal. Les 4 faces correspondent aux plans {111}. Comme elles sont délimitées par des dislocations partielles, chacune d’elles contient un défaut d’empilement sur toute sa surface. La Figure II. 11(a) schématise un tétraèdre de défaut d’empilement dans le volume du cristal. La direction BD (direction de type <110>) est parallèle à la direction du faisceau électronique dans le MET. La Figure II. 11(b) représente la projection de ce tétraèdre sur l’écran phosphore ou la caméra du MET. Il ne s’agit alors pas d’un tétraèdre, mais d’un triangle avec des franges d’interférence dues aux défauts d’empilement.

Les mécanismes expliquant la formation des tétraèdres de défaut d’empilement sont controversés (AW Ruff, 1970). Cependant, il semblerait qu’une boucle de Frank soit d’abord nécessaire. Elle peut se former de deux manières :

- Par trempe du métal et coalescence de lacunes (Silcox, Hirsch, 1959),

- Suite à une déformation mécanique induisant du glissement de dislocations (Loretto et al., 1965).

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Figure II. 11 : Représentation shématique (a) d’un tétraèdre dans le volume du cristal, (b) de la projection observable d’un tétraèdre (Silcox, Hirsch, 1959).

Par la suite, la boucle de Frank peut évoluer vers une configuration donnant lieu à un tétraèdre de défaut d’empilement par des réactions de déviation et de dissociation.

(Silcox, Hirsch, 1959) proposent d’estimer l’énergie d’un tétraèdre 𝐸𝑇 en fonction de la longueur de son arête 𝑙 selon l’équation (II. 5) :

𝐸𝑇 = 𝐺𝑎 2𝑙 12𝜋(1 − 𝜈) log ( 𝑙 𝑟0) + √3𝑙 2𝛾 (II. 5)

𝑎 est le paramètre de maille et 𝑟0le rayon de cœur de la dislocation. Il peut être approximé par

𝑏

2 où 𝑏 est la norme du vecteur de Burgers des dislocations parfaites. Les autres paramètres sont définis

comme pour l’équation (II. 2).

Les auteurs suggèrent que si 𝑙 devient trop grand, la boucle de Frank est alors la configuration la plus stable. Il est ainsi possible d’estimer l’énergie d’une boucle de Frank 𝐸𝐵 en fonction de la taille du

tétraèdre selon l’équation (II. 6) :

𝐸𝐵= 𝐺𝑎 2𝑙 4𝜋(1 − 𝜈) log ( 𝑙 𝑟0) + √3 4 𝑙2𝛾 (II. 6)

L’EDE se calcule grâce à la taille critique des tétraèdres (la longueur critique de l’arrête est appelée 𝑙𝐶)

qui est obtenue en égalisant les équations (II. 5) et (II. 6). En isolant 𝛾, on obtient l’équation (II. 7) :

𝛾 = 2𝐺𝑎2 9√3𝜋(1 − 𝜈) log (𝑙𝑐 𝑟0) 𝑙𝑐 (II. 7)