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Au sein de l’extrait du Code de la santé publique cité plus haut, il est spécifié que le couple doit être « en âge de procréer ». La loi ne précise pas quel est cet « âge » et laisse aux professionnels la responsabilité de définir des cadres d’actions plus précis. L’assurance maladie prenant en charge les parcours d’AMP des couples jusqu’au 43ème anniversaire des femmes, c’est à cette limite que se réfèrent généralement les professionnels, comme en atteste le Dr Charles Brami dans un article publié dans une revue médicale :

« Le texte de loi encadrant le remboursement par les Caisses d’assurance maladie, publié dans le Journal Officiel du 30 mars 2005, indique que nous pouvons prendre en charge les femmes jusqu’à 43 ans, et que 4 tentatives sont remboursées (décision du 11 mars 2005 de l’UNCAM relative à la liste des actes et prestations pris en charge ou remboursés par l’assurance maladie). » (Brami, 2005).

Les textes de l’UNCAM (Union nationale des caisses d’assurance maladie) parus au Journal Officiel du 30 Mars 2005 concernant la cotation des actes médicaux en termes de FIV disposent en effet que l’AMP ne peut être prise en charge au-delà de quatre tentatives de FIV, et interdisent ces techniques aux femmes âgées de plus de 43 ans. Cette mesure constitue une limite de fait et est établie sur la base du ratio chance de réussite/risque. C’est-à-dire qu’elle est établie sur la base des chances diminuées d’obtenir une grossesse par l’AMP pour les femmes autour de 40 ans, du fait du vieillissement ovarien, et des risques de complications médicales, pour la femme enceinte et l’enfant, plus fréquents en raison de l’âge.

prise en charge par l’assurance maladie. Cette différence entre les sexes est en général expliquée par les médecins par l’argument selon lequel la limite naturelle de la fertilité avec l’âge et le rapport bénéfice/risque concerne essentiellement ces dernières, bien que nombre d’entre eux se disent de plus en plus favorables à une limite d’âge masculine de prise en charge par la sécurité sociale (Belaïsch-Allart et al., 2016). Pour l’heure, sans cette limite masculine de la sécurité sociale, ce sont les professionnels eux-mêmes qui en fixent une par consensus. L’âge limite peut ainsi varier d’un centre à un autre. Cette limite ne renvoie pas à une infertilité naturelle, liée à la physiologie, et aux taux de grossesse comme pour les femmes. Les hommes n’étant pas soumis aux mêmes rythmes de la fertilité et de l’infertilité féminine, ils peuvent concevoir jusqu’à un âge très avancé. Voici donc comme le précise le professeur François Olivennes, gynécologue-obstétricien spécialiste de l’infertilité, la façon dont sont envisagées les limites d’âge masculine pour accéder à l’AMP :

« Si l’âge de la femme constitue un facteur physiologique crucial en

reproduction, l’âge paternel n’influe pas de manière aussi importante sur l’aptitude à la procréation. Certes la qualité du sperme peut diminuer les chances de grossesse, augmenter le risque de malformation et les risques de maladie mentale (en particulier d’autisme) et les problèmes d’impuissance sont plus fréquents mais il n’y a pas de véritable arrêt des possibilités de reproduction et ces complications se font jour à un âge plus avancé que pour la femme. Cependant en dehors du problème médical, se pose un problème plus éthique ou plus psycho-pédagogique : existe-t-il un âge paternel préjudiciable au bon développement de l’enfant ? Cette question est rendue d’actualité par les refus récents et répétés de l’Agence de Biomédecine opposés à des hommes « âgés », désireux d’exporter à l’étranger leurs paillettes de sperme auto-conservées dans le cadre d’un projet d’AMP. La question de l’âge du père en AMP a toujours fait débat dans les centres d’AMP. Certains centres ont établi des limites d’âge du conjoint (60, 65, 70 ans) au-delà duquel les couples ne sont plus pris en charge. Pour d’autres, le préalable d’un entretien psychologique est une condition sine qua non. Pour d’autres enfin aucune limite n’est opposée aux couples. En faveur d’une limite d’âge interviennent un certain nombre de pédo-psychiatres, arguant de la célèbre maxime : « il y a un âge pour

être père et un âge pour être grand-père ». Avoir un père âgé pourrait retentir sur le bien-être de l’enfant, tout particulièrement au moment de l’adolescence et de la fameuse opposition au père. Dans les cas extrêmes (hommes de plus de 70 ans), se pose aussi le potentiel décès précoce du père à un âge ou l’enfant est encore petit. Les études sont cependant peu nombreuses dans le cadre particulier de la stérilité. (…) Au total, il me semble que fixer une limite à l’âge de l’homme est probablement impossible. Aider à procréer un homme âgé ne correspond pas, le plus souvent, à un contournement d’une impossibilité physiologique mais à la prise en charge d’une infertilité classique. »15.

On voit donc qu’on entre, lorsqu’il s’agit des hommes, dans des considérations très différentes. La limitation qui leur est posée n’est pas référée à une limite physiologique comme pour les femmes, elle semble fixée en référence à l’intérêt de l’enfant à naitre et à sa capacité à l’élever. Quelques discours commencent à émerger sur la diminution progressive de la fertilité masculine et sur le fait que, comme pour les femmes, le taux d’anomalies chromosomiques chez le fœtus augmente avec l’âge de l’homme (Belaisch-Allart et al., 2016). Néanmoins, l’extrait ci-dessus présente ces éléments sans qu’ils justifient pour autant une limite d’âge à poser aux hommes, en référence à leur physiologie. La différence d’environ quinze années dans la limite qui est posée aux hommes et aux femmes dans l’accès à l’AMP maintient les hommes à l’écart d’une éventuelle pression de (ce que personne n’appelle) leur « horloge biologique ».

En étudiant les limites d’âge masculine et féminine en AMP, on a la confirmation que si l’on pose une limite aux femmes, et qu’on la réfère à la nature, c’est parce qu’au-delà, on considère qu’une infertilité n’est plus pathologique mais liée simplement au vieillissement normal. Dans le contexte français du modèle d’AMP « thérapeutique », cette barrière acquiert une importance qu’elle n’aurait pas dans d’autres systèmes qui à la différence du nôtre n’opposent pas normal et pathologie pour penser le sens de l’intervention des médecins et distinguer le permis

15 Article de François Olivennes sur le site internet Gynécologie & Obstétrique, datant du 17/10/2012.

URL : https://web.archive.org/web/20161106025247/https://www.gyneco-

online.com/fertilit%C3%A9/y-t-il-un-age-limite-pour-%C3%AAtre-p%C3%A8re [Dernière consultation le 06/06/2017]

et l’interdit. De plus cela est accentué par la prise en charge de la Sécurité sociale, qui est également une particularité de notre modèle par rapport à d’autres (États-Unis). Aux yeux de l’opinion, cette prise en charge renforce la référence « thérapeutique » puisque la Sécurité sociale est supposée prendre en charge des soins médicaux précisément lorsqu’il y a une pathologie à traiter. Certes, on pourrait arguer que ce n’est pas toujours le cas, par exemple la sécurité sociale prend en charge la grossesse et l’accouchement hors de toute pathologie. Mais l’assimilation est très présente dans l’imaginaire collectif.

Ainsi, le cadre légal de l’AMP, de la même façon que le discours sur l’horloge biologique présenté précédemment, repose sur une vision « naturelle » de la reproduction féminine. En AMP, tout comme dans le discours social, l’espérance procréative des femmes est liée à l’horloge biologique qui repose sur la capacité ovarienne : elle prend fin avec son altération naturelle qui s’accroit autour de la quarantaine d’années. Ilana Löwy fait référence à ce propos, à la « tyrannie » de l’« horloge biologique » des femmes (2009).

c. Le don et l’autoconservation des ovocytes : un exemple de