• Aucun résultat trouvé

l’opposition des deux infertilités

5. L E CHOIX DE DEUX ENQUÊTES

Nous présenterons de manières détaillées les deux enquêtes de terrain réalisées et leurs méthodologies au sein des chapitres 4 et 8. Dans cette partie, il s’agit d’exposer les objectifs ayant précédé la réalisation de la recherche et le choix des interlocuteurs auprès de qui les enquêtes ont été menées.

Afin d’étudier le traitement de l’infertilité féminine liée à l’âge dans le cadre de l’AMP en France et de questionner l’opposition entre infertilité « pathologique » et infertilité « normale », nous avons choisi d’analyser les représentations et attitudes tant des professionnels de la reproduction que des femmes infertiles en raison de leur âge. Ainsi, nous avons souhaité mener notre recherche, d’une part, auprès des personnes qui « traitent » cette infertilité en AMP, soit les professionnels de la reproduction, et d’autre part, auprès des personnes confrontées à cette infertilité, soit les femmes âgées de plus de 40 ans prises en charge en AMP.

Nous présenterons les deux enquêtes ayant eu lieues auprès de ces deux types d’interlocuteurs au sein de différentes parties de la thèse (Partie 2 : enquête des professionnels / Parties 3 et 4 : enquête auprès des femmes). Cela nous permettra de montrer leurs spécificités, tout en tissant constamment des liens entre elles. Nous exposerons en effet au fil de la thèse les écarts, similitudes, particularités entre les discours sociaux et médicaux présenté dans la partie 1, les discours et attitudes des professionnels de la reproduction présentés dans la partie 2, et ceux des patientes de l’AMP présentés dans les parties 3 et 4.

En commençant par présenter les résultats de l’enquête réalisée auprès des professionnels de la reproduction, nous nous fixons comme objectifs d’étudier leurs discours et leurs pratiques relatifs au traitement de l’infertilité féminine liée à l’âge. S’inscrivent-ils strictement dans le cadre du modèle bioéthique et du discours social sur l’horloge biologique des femmes ? Nous tâcherons d’en dévoiler les écarts ou similitudes. Par ailleurs, nous montrerons les tensions auxquelles ils font face dans le cadre de la prise en charge de l’infertilité féminine liée à l’âge. Pour cela, nous étudierons leurs arguments d’acceptation ou de refus de prise en charge ; les justifications des limites qu’ils imposent ; et la façon dont ils mènent la prise en charge après acceptation. L’étude des discours et pratiques des professionnels de

l’AMP permettra d’explorer comment ces derniers appréhendent l’infertilité et notamment la distinction entre infertilité « normale » et « pathologique ».

L’enquête réalisée auprès des femmes prises en charge en AMP en raison d’une infertilité liée à leur âge permettra d’appréhender les mêmes interrogations depuis un autre point de vue, autrement concerné. En effet, comment elles-mêmes vivent et appréhendent l’infertilité ? Qu’est-ce que leurs discours, leurs décisions et actions révèlent de l’infertilité liée à l’âge et de la dichotomie entre « normal » et « pathologique » ? Comment vivent-elles et appréhendent-elles cette distinction qui semble s’imposer à elles par le cadre légal de l’AMP, via les professionnels de la reproduction ? Que montrent leurs histoires et en quoi apparaissent-elles ou non en écart avec le discours social et celui des professionnels de l’AMP ? Afin de répondre à ces interrogations multiples, nous étudierons au sein de la partie 2, les trajectoires biographiques des femmes concernées et replacerons l’histoire de leur infertilité dans des histoires de vie plus globales, mises en relation avec le contexte sociohistorique dans lequel elles s’inscrivent. Nous explorerons les vécus de cette infertilité et les questions et tensions qu’elle a suscitées. Par la suite, au sein de la partie 3, nous étudierons les parcours d’AMP des femmes interrogées et mettrons en perspective leurs expériences avec le discours social sur « la convenance ». Nous étudierons également comment les femmes vivent la confrontation aux limites de la fertilité et de l’infertilité, comment elles appréhendent le recours aux techniques d’AMP ainsi que les limites de prise en charge qui leur sont imposées.

Nous avons choisi de mener cette enquête uniquement auprès de femmes afin de nous concentrer sur les spécificités de leurs discours et expériences relatifs au vécu de l’infertilité féminine liée à l’âge. Une enquête parallèle auprès d’hommes aurait permis de mettre en perspective leurs discours et expériences avec celles des femmes, et d’explorer davantage les asymétries de genre relatives aux vécus de l’infertilité liée à l’âge et du parcours d’AMP. D’autant plus que la majorité des études sociologiques et anthropologiques portant sur l’AMP se concentre le plus souvent sur l’expérience des femmes alors que le point de vue des hommes gagnerait pourtant à être exploré pour spécifier les difficultés particulières auxquelles ils font face (Courduriès et Herbrand, 2014). Néanmoins, lors de notre enquête, nous avons systématiquement interrogé les femmes rencontrées sur le point de vue et l’expérience de leurs

compagnons afin de prendre en compte la façon dont elles présentent et vivent les éventuelles différences avec eux.

Notre étude a entièrement été réalisée en France afin d’étudier de manière approfondie les spécificités du modèle bioéthique français relatif au traitement de l’infertilité féminine liée à l’âge en AMP. Nous souhaitons en effet proposer un questionnement spécifique du modèle bioéthique français et de la distinction entre infertilité « normale » et infertilité « pathologique » sur laquelle repose le permis et l’interdit en matière d’accès à l’AMP. Nous avons ainsi souhaité privilégier l’approfondissement de notre recherche par la prise en compte des multiples points de vue des différentes personnes concernées, afin d’appréhender notre objet d’étude dans toute sa complexité.

P

ARTIE

2 –

E

NQUETE

1 :

L

ES