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CHAPITRE II Réactions Multi-électroniques avec Formation et Rupture de Liaisons C-C sur

II.1 Bibliographie

II.1.5 Complexes de lanthanides trivalents à ligands rédox-actifs

II.1.5.2 Ligands polypyridine et phénanthroline

Evans et al. ont été les premiers à reporter la réduction du ligand 2,2’-bipyridine (noté bipy) par un complexe de lanthanide (Figure 19). 126 Les mesures 13C RMN, IR, UV-Vis et DRX du complexe [Cp*2Sm(bpy)] montrent une oxydation du samarium et une réduction du ligand

bipy.

Figure 19: Réduction de la 2,2’-bipy par le décaméthylsamarocène. 126

Le comportement de l’analogue d’Yb est plus complexe. En effet le complexe [Cp*2Yb(bpy)]

est le mieux caractérisé comme un complexe où l’électron est localisé à la fois sur l’ytterbium et sur le ligand avec un profil magnétique situé à mi-chemin entre les complexes [Cp*2Yb(II)(bpy0)] et [Cp*2Yb(III)(bpy.-)]. 127, 128 Ce comportement est directement lié au

caractère moins réducteur de l’Yb(II) comparé au Sm(II) (E°(YbIII/II) = -1.15 V, E°(SmIII/II) = -1.55 V vs. NHE). 94 La localisation de l’électron peut être modifiée en changeant les substituants sur le ligand Cp. Par exemple l’introduction de groupements SiMe3 légèrement attracteurs

permet de favoriser la forme [Cp*2Yb(II)(bpy0)] en délocalisant l’électron sur l’ytterbium

alors que les substituants alkyles légèrement donneurs favorisent la forme [Cp*2Yb(III)(bpy.-

)]. 127 Les profils électrochimiques des complexes [Cp*2Yb(bpy)] ainsi que du précurseur

[Cp*2Yb] et du ligand bpy, ont été déterminés dans le THF par cyclovoltamétrie. Ils indiquent

que la complexation déplace très fortement les potentiels E(YbIII/II) et E(tpy0/-), respectivement de 1.0 V vers les potentiels plus négatifs et 1.0 V vers les potentiels plus positifs en accord avec une forte déstabilisation des orbitales f de l’ytterbium et une forte stabilisation de la LUMO du ligand bpy. 129 Andersen et al. ont montré que l’équilibre entre les formes [Cp*2Yb(II)(Men-bpy0)] et [Cp*2Yb(III)(Men-bpy.-)], Men-bpy= bipy mono- ou di-

substitués par des groupements méthyles à différentes positions de la bipy, était dépendant de nombreux paramètres, notamment de la température 130 et de la position de substituants

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méthyle de la bipy. 131 Ces caractérisations minutieuses et complexes ont nécessité une combinaison de DRX, XANES, EXAFS, RPE et simulation théorique.

La bipy peut également être réduite par deux électrons. Bochkarev et al. ont reporté en 1999 le premier complexe de lanthanide avec un ligand (bipy)2- anti-aromatique. Il s’agit du complexe trimérique [[Yb(µ-ƞ2:ƞ4-C10H8N2)(THF)2}3] qui peut être synthétisé par réaction du

complexe [(C10H8)Yb(THF)2] avec la bipy neutre ou par réaction du précurseur d’Yb(II)

[YbI2(THF)2] avec le sel de lithium du ligand. 132 La distance entre les deux cycles du ligand

(bipy)2-, caractéristique du degré de réduction du ligand, est en accord avec celle précédemment mesurée dans la structure du sel de sodium [Na2(bipy)(DME)2]. 133

La réaction du complexe dinucléaire de La(III) [LaI2(THF)3]2-(µ-ƞ6:ƞ6-C10H8)] (contenant un

dianion [C10H8]2- pontant) avec la bipy dans un rapport 1:2 en THF ou en DME permet

d’isoler le complexe de La(III) [LaI2(bipy.-)(DME)2] où le ligand bipy est réduit (Figure 20). 134

La même réaction en présence d’un excès de bipy conduit au complexe de La(III) [LaI2(bipy.-

)(bipy)(THF)2] où un des deux ligands bipy coordinés est sous forme radicalaire alors que

l’autre est sous forme neutre. Les mesures RPE effectuées permettent de détecter un échange électronique rapide entre la bipy réduite et la bipy neutre. Les auteurs précisent que les deux électrons utilisés pour réduire les ligands bipy sont fournis par l’anion [C10H8]-

éliminé sous forme de naphtalène neutre.

Figure 20: Réduction de la bipy par le complexe [LaI2(THF)3]2-(µ-ƞ6:ƞ6-C10H8)]. 134

Plus récemment, Nocton et al. ont décrit la synthèse d’un complexe du complexe de Tm(III) [Tm(Dtp)(bipy.-)2] portant deux ligands bipy réduits par un double transfert mono-

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La réaction du décaméthylytterbocène avec les ligands tridentates tpy, tpy = terpyridine, et tpp, tpp = tétra-2-pyridinylpyrazine, a permis d’isoler les complexes [Cp*2Yb(tpy)] et

[Cp*2Yb(tpp)]. 129 Comme les complexes de bipy, ces complexes présentent une

délocalisation partielle de la charge du métal sur le ligand tpy ou tpp. La caractérisation complète du complexe [Cp*2Yb(tpy)] ainsi que celle du complexe [Cp*2Yb(tpyCN)], tpyCN =

4’-cyanoterpyridyl, par cyclovoltamétrie, mesure du moment magnétique et spectroscopie UV-Vis a permis d’établir un isomérisme de valence dépendant de la température entre les formes 4f14-π*0 et 4f13-π*1 (Figure 21). De plus, le groupement électroattracteur 4’-cyano stabilise la LUMO du ligand tpyCN et favorise la délocalisation de la charge sur le ligand. 136 L’utilisation de ligands allyles substitués par des groupements encombrants à la place des ligands Cp* modifie considérablement les propriétés rédox de ces complexes. 137 Ceci est en partie dû à l’encombrement stérique des ligands allyles qui repoussent le ligand tpy et empêche toute communication électronique entre l’ytterbium et la tpy. En revanche, l’analogue de samarium [Cp*2Sm(tpy)] présente les mêmes caractéristiques que le complexe

[Cp*2Yb(tpy)] malgré la différence de taille causée par la contraction des lanthanides. 138

Enfin, Kiplinger et al. se sont intéressés aux propriétés rédox de complexes hétérobimétalliques Ln/Ln139-142 et Ln/Ac143, 144 avec des ligands tpy pontants qui présentent des caractéristiques de communication électronique très intéressantes.

Figure 21: Equilibre rédox des complexes [Cp*2Ln(R-tpy)]. 136

Contrairement aux complexes [Cp*2Ln(bpy)], les complexes [Cp*2Yb(phen)], phen = 1,10-

phénanthroline, ont été largement moins étudiés. Andersen et al. ont reporté que contrairement au complexe [Cp*2Yb(bpy)] de valence intermédiaire, la forme 4f13-π*1 du

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électron est transféré d’une orbitale f vers la LUMO du ligand, cela génère un trou électronique dans l’orbitale f et de ce fait un bi-radical métal/ligand. La structure électronique de l’état fondamental est déterminée par la façon dont ces deux radicaux interagissent ensemble, soit sous forme de singulet (S=0) avec un couplage antiferromagnétique, soit sous forme de triplet (S=1) avec un couplage ferromagnétique. Andersen et al. ont reporté que le complexe [Cp*2Yb(bipy)] possède un état fondamental

singulet alors que le complexe [Cp*2Yb(phen)] possède un état fondamental triplet (Figure

22). 145

Figure 22: Configuration de l’état fondamental des complexes [Cp*2Yb(bipy)] et [Cp*2Yb(phen)]. 145

De plus, pour le complexe [Cp*2Yb(phen)], la probabilité de présence de l’électron est plus

importante sur certains atomes de la phénanthroline, notamment en positions 4 et 7, illustrée par la formation de l’espèce dimérique [Cp*2Yb(bis-phen)YbCp*2] (Figure 23) isolée

et caractérisée par DRX. 145 Dans le cas du ligand 3,8-Me2phen, l’espèce monomérique

radicalaire et l’espèce dimérique neutre sont observables et quantifiables en solution par 1H RMN à différentes températures, ce qui permet de caractériser la thermodynamique de l’équilibre (ΔH° = -5.8 kcal/mol, ΔS° = -26 cal/mol/K).

Figure 23: Formation du complexe dimérique [Cp*2Yb(bis-phen)YbCp*2] par couplage radicalaire du complexe

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Enfin, Andersen et al. ont prouvé la communication électronique entre l’Yb(II) et le ligand 4,5-diazafluorène en isolant le complexe [Cp*2Yb(4,5-diazafluorène.-)], et en observant

l’élimination d’atomes d’hydrogène du ligand 4,5-diazafluorène. 146