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CHAPITRE II Réactions Multi-électroniques avec Formation et Rupture de Liaisons C-C sur

II.2 Synthèse, caractérisation et réactivité de complexes de lanthanides à ligands base de Schiff

II.2.6 Etude électrochimique

Afin de mieux comprendre les phénomènes rédox de ces complexes de Ln(III), nous avons effectué une étude électrochimique sur la série des complexes 1-Ln. Les données électrochimiques sur des complexes de lanthanides en conditions anhydres sont limitées. 136,

138, 139, 142-144

Dans un premier temps, nous nous sommes focalisés sur le complexe 1-Nd puis nous avons étudié indépendamment l’effet de la nature du lanthanide et l’effet de la substitution du ligand. Nous avons utilisé la cyclovoltamétrie puisque c’est est une technique parfaitement adaptée à l’étude des phénomènes rédox qu’ils soient réversibles ou irréversibles. Les mesures ont été effectuées sur des solutions de pyridine contenant les composés à des concentrations de 10 mM avec l’électrolyte [NBu4][PF6] à une concentration

de 0.1 M. Tous les potentiels sont référencés par rapport au couple Fc+/Fcet sont présentés en Table 8.

Le cyclovoltammogramme du sel de ligand K2salophen en pyridine ne présente pas de

phénomènes rédox sur une fenêtre électrochimique allant de 0 V à -2.5 V en accord avec les données de la littérature (Epc = -2.47 V vs. SCE en DMF soit -2.85 V vs. Fc+/Fc) (Figure 56). 176

Le complexe 4-Nd présente une vague d’oxydation irréversible à Epa = -0.97 V assignée à

l’oxydation à deux électrons du ligand bis-salophen. Le nombre d’électrons mis en jeu dans cette oxydation a été déterminé par une combinaison de chronoampérométrie et d’étude au régime stationnaire en utilisant une microélectrode (Figure 170, Figure 171). La valeur trouvée est proche de 2. La vague de réduction irréversible observée à Epc = -2.37 V quand le

potentiel est balayé depuis -0.5 V vers les potentiels négatifs n’est pas observée quand le potentiel est balayé initialement depuis -1.7 V, ce qui permet d’attribuer cette vague à la réduction du ligand salophen. Des processus rédox sont observés à des potentiels similaires sur le cyclovoltammogramme du complexe 1-Nd qui est irréversiblement réduit à un potentiel Epc = -2.50 V et oxydé à Epa = -0.97 V. Le déplacement vers les potentiels positifs de

la réduction du ligand salophen complexé au Nd(III) (Epc = -2.50 V) par rapport au ligand libre

(Epc = -2.85 V) montre que la coordination à un ion lanthanide électropositif facilite la

réduction du ligand. Les événements rédox observés restent irréversibles pour des vitesses de balayage allant de 10 à 5000 mV/s (Figure 228), probablement dû à la complexité des

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phénomènes associés à la transformation du ligand bis-salophen qui doivent se produire avec des réarrangements électroniques et structuraux importants. De plus, on s’aperçoit que la formation de la liaison C-C stabilise la forme réduite du ligand vis-à-vis de l’oxydation, ce qui explique pourquoi le potentiel d’oxydation du complexe 4-Nd se produit à un potentiel beaucoup plus haut que celui de la formation de la liaison C-C (ΔEp = 1.6 V).

Figure 56: Cyclovoltammogrammes de solutions à 10 mM en pyridine des composés a) K2salophen,

b) K[Nd(salophen)2] 1-Nd, c) K3[Nd(bis-salophen)] 4-Nd enregistrés à 100 mV/s, 0.1 M en [NBu4][PF6].

II.2.6.1 Effet du métal

Au vue de l’important changement qu’apporte un ion Nd(III) coordiné au ligand salophen, nous avons décidé d’étudier l’influence de la nature du lanthanide sur les propriétés rédox de ce système. Comme la polarisabilité et le rayon ionique diminuent le long de la série des lanthanides, cela pourrait modifier les processus rédox. De plus, les potentiels des couples LnIII/LnII varient énormément d’un lanthanide à un autre. 94 Pour cela, nous avons sélectionné trois ions lanthanides représentatifs europium, terbium et ytterbium. Ces ions avec le néodyme couvrent pratiquement toute la gamme de rayons ioniques des lanthanides (riNd(III) = 1.109 Å, riEu(III) = 1.066 Å, riTb(III) = 1.040 Å, riYb(III) = 0.985 Å). 178 De plus, les

potentiels des couples LnIII/II varient significativement (E°(EuIII/II) = -0.35 V, E°(YbIII/II) = -1.15 V, E°(NdIII/II) = -2.6 V et E°(TbIII/II) = -3.9 vs. NHE). 94 Alors que le degré d’oxydation divalent est facilement accessible pour l’europium et l’ytterbium, le néodyme et le terbium divalents sont extrêmement difficiles à stabiliser. Cette étude est également l’occasion d’observer la possible implication d’un intermédiaire de lanthanide divalent.

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Les cyclovoltammogrammes des complexes 4-Ln (Ln = Eu, Tb, Yb) sont présentés en Figure 57. On s’aperçoit rapidement que ces cyclovoltammogrammes sont très similaires à celui du complexe 4-Nd avec une oxydation et une réduction irréversibles centrées respectivement à -0.94 V et -2.45 V pour tous les complexes (Figure 57, Table 8). Ces résultats suggèrent que les propriétés rédox du ligand ne sont pas affectées significativement par la polarisabilité et le rayon ionique du lanthanide qui n’a qu’un effet très modéré sur ces processus rédox centrés sur le ligand.

Figure 57: Cyclovoltammogrammes de solutions à 10 mM en pyridine des complexes a) K3[Eu(bis-salophen)] 4-Eu

b) K3[Tb(bis-salophen)] 4-Tb, c) K3[Yb(bis-salophen)] 4-Yb, d) K3[Nd(bis-salophen)] 4-Nd enregistrés à 100 mV/s, 0.1 M en

[NBu4][PF6].

La similarité des cyclovoltammogrammes pour tous les lanthanides indique que dans tous les cas le ligand est réduit sans passer par un intermédiaire divalent. Il faut avouer qu’un tel comportement était attendu pour le terbium qui ne peut être réduit aux potentiels considérés ici. En revanche, un tel comportement est plus étrange pour l’europium et l’ytterbium qui forment habituellement des complexes divalents stables (E°(EuIII/II) = -0.98 V, E°(YbIII/II) = -1.78 V vs. Fc+/Fc). 177, 179 Cependant, comme il a déjà été précisé précédemment, les propriétés rédox des lanthanides complexés à des ligands base de Schiff sont fortement affectées par l’environnement du ligand. 138 Si la réduction de l’europium ou du terbium se produisait avant la réduction du ligand, des cyclovoltammogrammes différents devraient être observés pour l’europium et l’ytterbium comparativement au néodyme et au terbium. De ce fait, on peut conclure qu’aucun intermédiaire divalent n’est impliqué dans la formation des complexes 4-Ln et que la réduction du lanthanide n’est pas favorisée dans cet

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environnement. Cette conclusion est identique et confirme celle issue des études par synthèse moléculaire à partir des précurseurs de lanthanide divalent. Sur cette base, le mécanisme le plus probable est une réduction directe du ligand assistée par le centre lanthanide. La faible influence de la taille du lanthanide peut être expliquée par la grande habilité du ligand bis-salophen à s’adapter à différentes tailles d’ion.

Table 8: Potentiels rédox des complexes K[Ln(salophen)2] 1-Nd et K3[Ln(bis-Rsalophen)] enregistrés en solutions de

pyridine à 10 mM, 100 mV/s, 0.1 M en [NBu4][PF6], V vs. Fc+/Fc. Complexe Epc (V) Epa (V) ΔEp(V) K[Nd(salophen)2] 1-Nd -2.50 -0.97 1.53 K[Eu(salophen)2] 1-Eu -2.46 -0.98 1.48 K[Tb(salophen)2] 1-Tb -2.46 -0.92 1.54 K[Yb(salophen)2] 1-Yb -2.38 -0.89 1.49 K3[Nd(bis-salophen)] 4-Nd -2.37 -0.97 1.41 K3[Eu(bis-salophen)] 4-Eu -2.48 -0.97 1.52 K3[Tb(bis-salophen)] 4-Tb -2.46 -0.91 1.55 K3[Yb(bis-salophen)] 4-Yb -2.46 -0.90 1.55 K3[Nd(bis-Mesalophen)] 5 -2.54 -1.00 1.53

K3[Nd(bis-tBusalophen)] 6 -2.68 -1.50 1.19

II.2.6.2 Effet du ligand

Les comportements électrochimiques des complexes 5 et 6 ont également été étudiés pour montrer que l’on peut facilement modifier les propriétés électrochimiques du système en modifiant l’architecture du ligand. La présence de groupements alkyles sur le squelette du salophen devrait intuitivement déstabiliser l’espèce réduite à cause des contraintes stériques défavorisant la formation de la liaison C-C. Le caractère électrodonneur des groupements méthyles et tert-butyles devrait également déstabiliser l’espèce réduite et ainsi favoriser sa réactivité.

Comme pour le salophen, les ligands K2Mesalophen et K2tBusalophen libres ne présentent pas

d’événements rédox entre -0.5 V et -2.5 V. Deux événements rédox irréversibles sont observés pour les complexes 5 et 6 (Figure 58) : une oxydation irréversible à Epa = -1.00 V et

Epa = -1.50 V associée respectivement à l’oxydation du ligand bis-Mesalophen et bis- tBu

salophen et une réduction irréversible à Epc = -2.54 V et Epc = -2.68 V associée

respectivement à la réduction du ligand Mesalophen et tBusalophen. Ces données montrent clairement que le ligand bis-tBusalophen est plus facile à oxyder que le ligand salophen, avec une différence de 0.53 V entre les potentiels d’oxydation des complexes 6 (Epa = -1.50 V) et 5

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(Epa = -0.97 V). Le comportement du ligand bis-Mesalophen est intermédiaire (Epa = -1.00 V).

Le comportement du complexe 6 est probablement dû à l’effet fortement électrodonneur des groupements tert-butyles associé à l’encombrement stérique. Cette observation est remarquable étant donné la similarité chimique de ces composés. Cela prouve que par un choix judicieux de la nature et de la position des substituants, les propriétés rédox des complexes de Ln(III) peuvent être fortement modifiées.

Figure 58: Cyclovoltammogrammes de solutions à 10 mM en pyridine des composés a) K2Mesalophen b) K2tBusalophen,

c) K3[Nd(bis- tBu

salophen)] 6, d) K3[Nd(bis- Me

salophen)] 5, e) K3[Nd(bis-salophen)] 4-Nd enregistrés à 100 mV/s, 0.1 M en

[NBu4][PF6].

Dans cette étude, les ligands ont été modifiés en apportant des changements sur les groupements phénols uniquement. Un autre axe que nous avons encore très peu étudié pour le moment consiste à introduire des groupements donneurs ou attracteurs sur le cycle central o-phénylènediimine.