• Aucun résultat trouvé

PARTIE II – Le lecteur comme pilier des œuvres

Chapitre 3 : Le lecteur comme co-créateur des œuvres

B) La liberté d'interprétation du lecteur

1. Le choix du rationnel ou de l'irrationnel

L'activité du lecteur comme co-écrivain de l’œuvre s'exerce également grâce à la grande liberté d'interprétation laissée par les auteurs. En effet, dans Le Grand Meaulnes et Les Faux-

Monnayeurs, un même événement peut être expliqué de façon rationnelle ou irrationnelle sans que

le lecteur soit conditionné à l'une de ces deux explications. Les deux romans se présentent alors comme étant des récits interactifs, c'est-à-dire des récits où « le lecteur peut réellement intervenir, fait des choix qui dirigent sa lecture 133. » Le lecteur possède une véritable liberté d'interprétation

dont le choix d'une perspective engendrera un nouveau sens de l’œuvre. Plus particulièrement, si l'on considère un événement comme étant profondément fantastique ou si l'on préfère être pragmatique par rapport à celui-ci, l’œuvre n'a plus la même signification. C'est pourquoi le lecteur

devient co-créateur. Dans Le Grand Meaulnes, le merveilleux s'oppose au réalisme à travers le domaine sans nom. Ces deux tendances sont d'ailleurs représentées par les personnages de François, constamment en train de s'émerveiller de la magie des aventures de Meaulnes et par Delouche qui préfère se contenter d'une explication pragmatique : « C'était une noce quoi ! » (GM, p. 190) Le lecteur, tout comme les personnages, a la possibilité de choisir la façon dont il interprète le récit des aventures de Meaulnes. C'est d'ailleurs potentiellement pourquoi ce roman est souvent présenté comme une œuvre de jeunesse. En effet, si l'on choisit de ne voir que la magie de ce domaine, on peut amplement se laisser porter par la croyance d'un monde magique et merveilleux. Mais si l'on n'occulte pas les explications données sur l'événement ayant donné lieu à cette fête, la réalité peut reprendre le dessus et rompre toute la magie. Une double lecture du Grand Meaulnes est alors envisageable. Notre interprétation dépend du regard que l'on pose sur le monde : si l'on a davantage tendance à croire ou à savoir. Un événement particulier peut illustrer cette hypothèse : la fuite de Frantz et de Ganache. En effet, au moment de repartir du domaine, Meaulnes voit une apparition :

Et tandis qu'il secouait la vitre, le visage collé au carreau, il aperçut, grâce à un coude du chemin, une forme blanche qui courait. C'était, hagard et affolé, le grand pierrot de la fête, le bohémien en tenue de mascarade, qui portait dans ses bras un corps humain serré contre sa poitrine. Puis tout disparut. » (GM, p.124)

La narration dirige le lecteur vers une explication irrationnelle. Le verbe « disparaître » utilisé dans cette description semble évoquer un acte magique. Pourtant, en réalité, le cheval s'est éloigné progressivement. Les deux interprétations, irrationnelle et rationnelle, sont possibles. Un choix est donc laissé aux lecteurs selon ses aspirations. Dans Les Faux-Monnayeurs, cette liberté d'interprétation s'illustre à travers l'insertion d'éléments fantastiques populaires. Sophroniska affirme par exemple que Boris a pratiqué la magie occulte :

Boris, vers l’âge de neuf ans, a été mis au collège, à Varsovie. Il s’est lié avec un camarade de classe, un certain Baptistin Kraft, d’un ou deux ans plus âgé que lui, qui l’a initié à des pratiques clandestines, que ces enfants naïvement émerveillés, croyaient être « de la magie ». C’est le nom qu’ils donnaient à leur vice, pour avoir entendu dire, ou lu, que la magie permet d’entrer mystérieusement en possession de ce que l’on désire, qu’elle illimite la puissance, etc. (FM, p. 202)

Une nouvelle fois, le choix est laissé aux lecteurs de croire qu'il s'agit effectivement d'une pratique magique ou d'un simple jeu imaginaire et enfantin. Ce choix est possible grâce à l'insertion des guillemets autour du mot « magie » qui remet en doute sa véridicité sans véritablement la nier. De la

même façon, nous assistons à la rencontre de Bernard avec un ange : « Il méditait depuis quelques instants, lorsqu’il vit s’approcher de lui, glissant et d’un pied si léger qu’on sentait qu’il eût pu poser sur les flots, un ange. » (FM, p. 332) Nous pouvons voir dans cet épisode la métaphore de son passage à maturité puisque « sa lutte avec l'ange l'avait mûri. » (FM, p. 337). Ou bien, nous pouvons croire en l'apparition d'un véritable ange qui l'a aidé à se trouver. Une explication rationnelle ou irrationnelle est possible. Par conséquent, nous avons pu constater que ces deux romans laissent une marge de manœuvre au lecteur qui peut interpréter l’œuvre de la façon qu'il souhaite et ainsi participer à la création d'un roman avec une dimension nouvelle. Il en est de même concernant le genre des œuvres, qui peut résulter de la volonté du lecteur.

2. Des œuvres aux caractéristiques génériques multiples

Nous l'avons déjà vu lors de l'introduction à notre mémoire : les romans d'Alain-Fournier et de Gide peuvent se voir octroyer les caractéristiques de plusieurs genres littéraires. Précisément, cette pluralité de normes génériques adoptées permet une interprétation tout à fait libre du lecteur, qui en choisissant un genre précis, changera totalement la dimension de l’œuvre. Tout d'abord, en tant que lecteur, nous pouvions relier Le Grand Meaulnes et Les Faux-Monnayeurs au roman d'aventure dans la mesure où il y a de multiples péripéties. Il se trouve également que les deux romans satisfont certains critères génériques établis par les critiques. Par exemple, il respecte « les cinq étapes du héros d'aventures », énoncées par Danielle Marcoin dans Le roman d'aventure à

l'école :

A – La présentation du héros, sa nature, son environnement. B – L'enclenchement de l'aventure.

C – Une situation critique. D – La rencontre du compagnon.

E – Le dénouement du récit, les choix du héros 134.

En ce qui concerne Le Grand Meaulnes, il se trouve que Meaulnes passe effectivement par ces cinq moments. Après la présentation du personnage dans son quotidien à Saint-Agathe, nous le suivons

dans ses aventures au domaine sans nom avant que la situation ne se complique. Les recherches du domaine prennent du temps, et une fois retrouvé, désespéré par la banalité du quotidien, même Yvonne ne peut le rendre heureux. Seul son compagnon Frantz, en l'appelant à l'aide, peut lui rendre son bonheur en lui permettant de partir à nouveau à l'aventure. Nous avons reproduit ce parcours dans le tableau ci-dessous :

Séquence A : la présentation du héros « Il arriva chez nous » (GM, p. 23) à « son étrange aventure » (GM, p. 68)

Séquence B : l'aventure « …...

A une heure et demie de l'après-midi » (GM, p. 68) à « dansant au-dessus des clôtures » (GM, p. 125)

Séquence C : la situation critique « Le grand vent et le froid » (GM, p. 129) à « du côté du petit ruisseau » (GM, p. 268)

Séquence D: la rencontre du compagnon « Je l'appelai » (GM, p. 268) à « pour un instant abandonnée » (GM, p. 271)

Séquence E : le dénouement « Mal rassuré, en proie à une sourde inquiétude » (GM, p. 272) à « pour de nouvelles aventures » (GM, p. 329)

Dans Les Faux-Monnayeurs, la distinction d'un héros en particulier est plus difficile dans la mesure où nous suivons au même niveau les quotidiens d’Édouard, de Bernard et d'Olivier. Mais si nous nous attachons plus particulièrement à Bernard, nous voyons que lui-aussi, à l'image de Meaulnes, respecte les étapes du parcours de héros d'aventure. En effet, nous retrouvons tout d'abord Bernard dans son quotidien avant qu'il ne fugue de chez lui, et ne se retrouve sans un sou, c'est alors à ce moment qu'il rencontre Édouard qui lui permettra alors de vivre décemment avant de retourner habiter chez son père adoptif. De la même façon, nous avons reproduit ces étapes dans le tableau ci- dessous :

Séquence A : la présentation du héros « " C'est le moment de croire que j'entends des pas dans le corridor " » (FM, p. 13) à « que le magistrat devait trouver en rentrant » (FM, p. 17)

Séquence B : l'aventure « " Monsieur, " J'ai compris, à la suite de certaine découverte que j'ai faite par hasard cet après-midi, que je dois cesser de vous considérer comme mon père » (FM, p. 24) à « Adieu » (FM, p. 84)

Séquence C : la situation critique « Le soleil avait réveillé Bernard » (FM, p. 85) à « c'est que les papiers que voici vont m'occuper davantage » (FM, p. 88)

Séquence D: la rencontre du compagnon « Lisons d'abord ceci » (FM, p. 88) à « pour pouvoir être contemplé fixement » (FM, p. 378) Séquence E : le dénouement « " J'apprends par Olivier que Bernard est

retourné chez son père » (FM, p. 378)

Le Grand Meaulnes, comme Les Faux-Monnayeurs peuvent donc être assimilés à des romans

d'aventures. Mais l'omniprésence d'adolescents et d'enfants dans les œuvres laisse également émerger un autre sous-genre romanesque : le roman d'apprentissage. Mais nous allons laisser ce développement de côté dans la mesure où nous nous sommes déjà attachés à démontrer les enjeux du passage de l'adolescence à l'état adulte ainsi qu'à étudier les résultats des parcours des adolescents 135. En revanche, comme nous l'avons dit durant l'introduction de notre mémoire, les

éléments fantastiques des Faux-Monnayeurs peuvent être considérés comme des pendants des éléments merveilleux du Grand Meaulnes ; de ce fait les œuvres peuvent être également reliées au genre fantastique pour la première et au conte pour la seconde. En ce qui concerne Les Faux-

Monnayeurs, tout au long du roman, nous assistons impuissant à l'omniprésence et à la prise de

pouvoirs du démon, aujourd'hui considéré comme une figure fantastique. Nous avons déjà pu constaté que les personnages incarnent tour à tour le démon par des actions maléfiques, mais ce démon est un personnage à part entière, il est bien présent physiquement dans le roman. Il apparaît dès les premières pages du roman lorsque Bernard trouve les lettres de sa mère : « La famille

respectait sa solitude; le démon pas. » (FM, p. 13) Ce démon semble avoir une enveloppe corporelle, dans la mesure où il est capable de parler aux personnages. C'est notamment le cas quand Vincent, au lieu de donner raisonnablement une pension à Laura, la joue au poker :

De quel démon alors avait-il écouté le conseil? — la somme, déjà remise en pensée à cette femme, cette somme qu'il lui vouait, lui consacrait, et dont il se fût trouvé bien coupable de rien distraire, quel démon lui souffla, certain soir, qu'elle serait probablement insuffisante? (FM, p. 45)

De la même façon, c'est toujours ce démon qui permet le vol de valise par Bernard en mettant une pièce dans la poche de Bernard :

Mais le démon ne permettra pas qu'il se perde; il glisse sous les doigts anxieux de Bernard, qui vont fouillant de poche en poche, dans un simulacre de recherche désespérée, une petite pièce de dix sous oubliée depuis on ne sait quand, là, dans le gousset de son gilet. (FM, p. 86-87)

La présence du diable n'est effectivement pas seulement mentale dans la mesure où elle atteint aussi les sens des personnages. Monsieur La Pérouse entend du bruit dans sa chambre, juste avant le meurtre de Boris : « Figurez-vous que, contre mon lit, dans la muraille, à la hauteur de ma tête précisément, il y a quelque chose qui fait du bruit. » (FM, p. 344) Mais juste après l'accomplissement de sa mission maléfique, le démon disparaît laissant ainsi la pièce silencieuse : « Il a cessé. C'est fini. Je ne l'entends plus. J'ai beau faire attention... » (FM, p. 376). En faisant du démon, un personnage à part entière, Gide donne donc à son roman un caractère fantastique et aux lecteurs la liberté de le voir comme tel. Le Grand Meaulnes, lui, peut davantage être relié au conte. L'univers merveilleux du conte repose principalement sur l'aventure de Meaulnes au domaine sans nom. Comme l'affirme Christophe Carlier dans La clef des contes, le monde merveilleux est un monde à part, et d'ailleurs nous pouvons retrouver cette distinction entre monde réel et monde merveilleux d'un point de vue typographique dans le roman. En effet, en dehors des chapitres et des parties, une autre structuration est utilisée par l'auteur, dont le principal critère est la ponctuation. Afin de marquer l'entrée dans les aventures merveilleuses de Meaulnes au domaine, Alain-Fournier utilise une ligne de points à la page 68. La sortie de ce monde se fait également par l'utilisation, non pas cette fois d'une ligne entière de points, mais de points de suspension à la page 125. La merveille, caractéristique du conte, est séparée de la réalité. De plus, Christophe Carlier pose trois critères propres au monde du conte : « L'éloignement temporel (" Il était une fois... "), spatial (" dans un pays lointain " …) ou social (" un roi et une reine " …) » 136. Précisément, dans le roman

d'Alain-Fournier, le domaine sans nom reprend ces trois caractéristiques. L'espace temporel est totalement bouleversé par le sommeil de Meaulnes durant le voyage, dans la mesure où il ignore combien de temps il s'est endormi : « il dut somnoler un assez long moment » (GM, p. 69). L'éloignement spatial est de mise puisqu'on ignore la localisation du domaine pendant longtemps. Enfin, il est évident que les règles sociétales du domaine sans nom sont fortement lointaines de celles du monde réel puisque les enfants font la loi : « Mais ce sont les enfants qui font la loi, ici ? … Étrange domaine ! » (GM, p. 84). Ainsi, Le Grand Meaulnes peut être assimilé également au genre du conte. Les œuvres respectives de Gide et d'Alain-Fournier répondent à des caractéristiques génériques différentes, le lecteur est donc tout à fait libre de les interpréter comme bon lui semble. Selon la perspective choisie, le sens de l’œuvre change. C'est pourquoi nous affirmons que le lecteur, grâce à cette libre interprétation, devient co-auteur de l’œuvre en lui donnant un tout autre sens.

Après avoir vu que le lecteur achève l’œuvre en interagissant avec les éléments déjà créés par les auteurs, nous avons pu constater que cette finalisation de l’œuvre passe également par l'intervention autonome du lecteur grâce à son imagination et ses intuitions. De cette façon, le lecteur prend part aux processus d'écriture des romans et contrecarre la possibilité d'une contamination par l'omniprésence de l'échec dans l'histoire sur l’œuvre littéraire en tant que telle. Ainsi, le lecteur s'attache à trouver fictivement des réponses aux questions ou des dynamiques de lecture en fouillant dans les romans. De manière encore plus forte, il prend la place de l'écrivain et de complète mentalement les histoires proposées. Cette activité est possible dans la mesure où les romans d'Alain-Fournier et de Gide laissent justement des blancs dans leur œuvre et une place vacante pour le lecteur. La liberté d'interprétation permet elle, non pas de compléter l'écriture de l’œuvre, mais d'en changer totalement le sens et d'en créer une nouvelle d'une certaine façon. Le lecteur devient donc bien co-créateur de l’œuvre et permet l'achèvement des œuvres, qui sans son intervention, seraient inachevées et succomberaient, elles-aussi à l'échec.

Conclusion

Le Grand Meaulnes et Les Faux-Monnayeurs mettent en scène la progression des

personnages vers un échec certain, mais cette fatalité n'est pas seulement présente dans la vie de Meaulnes, Édouard, et tous les autres. Les œuvres elles-mêmes, par extension, sont également touchées par le chaos régnant sur le monde diégétique. La mise en scène de cet espace littéraire est tout à fait cohérente avec le sujet sujet abordé, et l'imite d'une certaine façon. C'est alors qu'une figure apparaît pour sauver les œuvres : le lecteur. Les œuvres sont construites pour lui laisser un rôle essentiel, sans sa collaboration, les œuvres échoueraient : « Référé à des lecteurs que le texte ne postule pas et qu'il ne contribue pas à produire, le texte devient illisible (plus qu'il ne l'est) ou alors cela devient un autre livre 137 ». Le lecteur est le seul à pouvoir s'en sortir et à sauver l'objet littéraire

comme tel. Tout d'abord, le monde diégétique est bâti grâce à la fusion de deux entités apparemment contraires : l'imaginaire et la réalité. A l'origine d'une profonde confusion, ces deux pôles sont fondateurs de l'illusion menant les personnages à l'échec, et précisément, les histoires sont construites sur l'ambiguïté de leur relation. Le paradoxe fondateur peut être résolu par le lecteur, à même de distinguer les deux niveaux du monde et de comprendre les coulisses de ce maintien perpétuel de l'illusion. Le lecteur démontre alors qu'il possède un pouvoir sur les œuvres, grâce à sa position intermédiaire entre le personnage et l'auteur : l'investissement émotionnel et la possibilité d'une prise de recul lui donne des capacités exclusives. De plus, les techniques narratives utilisées pour écrire les œuvres sont complexes, à tel point que leur cohérence en est mise en danger. La faible frontière établie entre les statuts de narrateurs, personnages et lecteurs amène une perte de l'objectivité. La structure narrative est loin d'être fluide, entremêlant multiplicité des intrigues et des points de vue ainsi qu'une chronologie saccadée. Toute cette construction ressemble étrangement au chaos se jouant dans l’œuvre. L'intervention du lecteur devient alors absolument nécessaire ; il est le seul à pouvoir remettre en ordre ces mises en scène pour construire un tout cohérent et crédible. Les œuvres échappent au non-sens grâce lui. Enfin, l'intégralité du sens de chaque œuvre ne se dévoile pas instantanément ; l'achèvement des romans passe également par un acte de lecture spécifique. Le lecteur ne doit pas se contenter de lire sans intervenir. Avec une lecture attentive et active, il peut se hisser au rang de l'auteur ; en rétablissant une logique interne mais également en prenant part au processus d'écriture grâce à la place laissée par les écrivains, le lecteur finalise les œuvres et les empêche de sombrer elles-aussi dans l'échec. Il y a donc bel et bien la présence d'un itinéraire croisé dans les œuvres : donnant un sens, reconstruisant les œuvres, le chemin du lecteur est inverse à celui des personnages et permet de sauver les œuvres du chaos.

Conclusion générale

Si d'ordinaire, Le Grand Meaulnes et Les Faux-Monnayeurs apparaissent comme des œuvres fondamentalement différentes, voire incompatibles sur le plan littéraire, nous avons pu démontrer qu'en réalité, le cheminement des œuvres est tout à fait semblable. En effet, l'échec final est un facteur commun aux œuvres d'Alain-Fournier et de Gide. Les mondes diégétiques progressent au fil des pages vers un chaos généralisé, impliquant successivement les personnages, et le fonctionnement habituel du monde qui se retrouve totalement déréglé. L'omniprésence de personnages enfants ou adolescents rend la notion d'enjeux primordiale dans l'intrigue des deux romans. En effet, la perspective d'avenir sous-entend la possibilité d'une réussite ou d'un échec dans la quête de la maturité. C'est dans ce premier domaine que les déconvenues se succèdent ; chaque personnage grandit et change effectivement, mais pas toujours dans la bonne voie. La notion d'échec est alors aperçue. De plus, si les deux romans posent les cadres d'une vie quotidienne plutôt ordinaire qui pourraient laisser entrevoir un fonctionnement stable et paisible, il se trouve que tout ce qui touche les relations humaines est au contraire en total dysfonctionnement. La famille, l'amour ou l'amitié ne portent pas les personnages vers la réussite et le bonheur, au contraire ; ils sont l'illustration du chaos du monde diégétique qui voit ses bases se pervertir. On ne peut constituer un monde sain avec de telles relations humaines. Sans soutien, les personnages se battent seuls contre le mal qui ne cesse de les tenter. Il est donc logique que les œuvres terminent avec la victoire de l'immoralité, concrétisation du chaos absolu. En effet, tout au long des deux romans, le mal et le