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5 Les turqueries

Dans le document Quid noui ? (Page 128-142)

Venons-en maintenant à ce que l’on pourrait nommer les turqueries et aux mots latins pour les désigner. On va le voir immédiatement, ceci nous amène à confirmer le constat qui vient d’être fait. Busbecq emploie une bonne vingtaine de ces mots. Cyriaque aucun. Les néologismes que ce dernier

j’avais une nouvelle fois visité Nauplie » : Cyriaque,Later Travels, Journal V, § 66, p. 336. Voir encore un exemple : Cyriaque,Journeys, l. 1095=Cyriaque,Later Travels, Journal II, § 83, p. 140.

1. « De la même brillante Paros, le 25 décembre, jour heureux, jour sans nuages, jour solennel et très fêté de la naissance de Jupiter fait homme » : Cyriaque,Later Travels, lettre 28, § 6, p. 210.

2. « Ou alors est-ce que [le Cicéronien], en lieu et place de Père du Christ, dira “Iuppiter opti-mus maxiopti-mus” ? » : Érasme,Opera omnia(ASD), p. 641, 9-10. Il s’agit d’un extrait duCiceronianus bien entendu.

3. Estienne, p. 632, 31 (Ioue terreno) et 34 (Iupiter ille), cités par Hoven 2006,s. u. Iuppiter.

forge et dont les dépouillements réalisés laissent à penser qu’ils sont de sa main concernent d’autres sujets et révèlent ainsi d’autres centres d’intérêt : l’architecture, l’épigraphie, auxquels il faut ajouter le vocabulaire religieux, en particulier celui des réalités monastiques orthodoxes.

Voyons Busbecq. Sans entrer dans le détail de chaque mot, comme on vient de le faire avec les noms des Turcs, on peut tenter de mettre en lumière diffé-rentes manières qu’il a d’inscrire dans un texte latin des mots quia priorin’ont rien à y faire, des mots :

• vernaculaires,

• issus de langues — le turc, l’arabe, le persan — sans rapport avec le latin,

• désignant des réalités à priori totalement étrangères à la culture des lecteurs de Busbecq et donc pas reconnaissables par eux non plus, au contraire, pour prendre un exemple dans un champ sémantique qui leur était plus familier, delieutenantus, trouvé dans la correspondance d’Érasme¹.

Ces façons de faire, on le comprendra, ne sont du reste pas propres aux cas ni aux langues qui nous intéressent ici, les turqueries nous servant d’exemple pour illuster des mécanismes généraux.

5.1 La transcription pure et simple

La transcription pure et simple est utilisée par Busbecq, mais, dans la mesure où elle n’est pas très intéressante du point de vue qui est le nôtre, je ne m’y attarderai pas longtemps. Busbecq cite quelques mots turcs sans les latiniser et, dans certains cas, il s’agit de paroles rapportées. Ainsi lorsque Busbecq est reçu en audience par Soliman en personne, à Amasie, et que le sultannec ora-tionem nec rationes nostras nec mandata animo aut fronte satis benigna suscepit, ce dernier s’impatiente²:

Sed cum exspectationi eius non responderent (erant enim Caesareae Maiestatis postu-lata plena dignitatis et libertatis ideoque ab eo, qui sibi nihil negari debere putabat, minus aequis auribus accipiebantur),ueluti fastidiens nihil aliud respondit 1. Érasme,Opus epistularum, t. IX, no2587, 16, cité par Hoven 2006.

2. Busbecq,Turc.I, p. 100. Juste avant : « Lui n’accueillit ni nos paroles, ni nos arguments, ni nos instructions avec bonne humeur ou d’un air particulièrement bienveillant. »

quam : « Giusel, giusel », hoc est : « Pulchre, pulchre. »Ita sumus domum dimissi.

Mais comme cela ne répondait pas à ses attentes — car les demandes de sa Majesté Impériale étaient emplies de dignité et d’indépendance et pour cette raison elles étaient accueillies d’une oreille plutôt défavorable par un homme qui pensait qu’on ne pouvait rien lui refuser —,prenant comme un air de mépris il répondit seulement : « Giusel, giusel », c’est-à-dire : « C’est bien ! C’est bien ! »Et on nous congédia.

Cela n’est pas mal transcrit — Soliman a ditgüzel güzel— et c’est aussi très bien traduit :güzelveut dire « beau »,güzel güzelmarque l’impatience : « C’est bien ! C’est bien ! »Pulchre,pulchre.C’est bien traduit, mais « Giusel, giusel », ce n’est pas du latin. Busbecq a sans doute voulu, en rapportant les paroles du sultan telles qu’elles ont été prononcées, donner un caractère plus solennel au récit de cette audience tendue.

Quelquefois, le mot transcrit tel quel et non latinisé occupe une fonction dans la phrase, mais ce n’est pas très fréquent chez Busbecq. Celui-ci, anti-quaire comme beaucoup d’humanistes, est constamment à la recherche de monnaies. Il en trouve beaucoup, notamment des monnaies grecques¹:

Quibus multis in locis Turcae pro ponderibus utebantur, nimirum unius drachmae uel dimidiae ;uocant « Giaur manguri », ac si dicas nummos paganorum siue infidelium.

Les Turcs, en beaucoup d’endroits, s’en servaient comme de poids — sans doute pour une drachme ou une demi-drachme.Ils les appellent « Giaur man-guri », comme on dirait « argent de païens » ou « d’infidèles » [mangır=pièce en cuivre ; giaour=infidèle].

On notera encore une fois l’excellente connaissance du monde oriental qu’avait fini par acquérir Busbecq, qui, retournant pour ainsi dire le sens (chré-tien) deinfidelisattesté au Gaffiot, rapporte l’usage musulman d’appeler tous les non-musulmans, entre autres noms, « les Infidèles ». Pour le reste, les imprimeurs des xvieet xviies. ont eu un peu de mal avec ce « Giaur manguri », comme on peut s’en douter².

5.2 La latinisation du mot

La latinisation des mots est, à l’inverse de la transcription pure et simple, un procédé que Busbecq utilise volontiers. Il n’est au fond pas très éloigné du

1. Busbecq,Turc.I, p. 86.

2. Voir l’apparat critique de von Martels :mauguridans certaines éditions.

précédent, mais permet d’intégrer de manière plus profonde le mot à la phrase, par le jeu de la flexion que permet l’adjonction d’un suffixe latin. On en trouve une petite liste chez Busbecq, plusieurs n’étant attestés, on s’en doutera, que dans lesLettres de Turquie. Tous témoignent de la bonne oreille de l’humaniste (qui ne connaissait pas le turc, mais était néanmoins polyglotte) et de son souci de retranscrire les mots le plus fidèlement possible. La plupart ont trait à des noms de fonctions.

Certains sont directement importés du turc :

agiamoglani, -orum: lesacemi oğlan=« les enfants étrangers¹». Il s’agit de jeunes chrétiens enlevés à leur famille et enrôlés dans l’administra-tion ou l’armée ottomanes ;

bellerbegus,-i: unbeylerbey(gouverneur de province²) ;

chiausus,-i: unçavuş, mot passé en français en 1547, à peu près à l’époque de Busbecq donc (chaoux ; aujourd’hui : chaouch, selon leTrésor de la Langue française³). Le chaouch est une sorte d’huissier aux tâches variées assurant par exemple la sécurité des ambassadeurs étrangers ou celle du Palais ;

dellius,-ii: undeli, un « fou » (cavalier turc⁴). De mêmegaripigi,selictari, spahiietulufagisont aussi des cavaliers⁵.Spahii(turcsipahi) sera tran-scrit en français exactement de la même manière, notamment par Loti (Le Roman d’un Spahi⁶) ;

singiaccus,tulipan⁷...

D’autres viennent, par exemple, de l’arabe ou du persan et ont éventuellement transité par le turc :

diuanus,-i: le Divan, conseil impérial de l’Empire ottoman et lieu où il se tient⁸;

1. Busbecq,Turc.III, p. 276. Sur ces « enfants étrangers », voir Hitzel 2001, p. 92.

2. Un exemple : Busbecq,Turc.III, p. 236. Voir Hitzel 2001, p. 74-76.

3. Un exemple : Busbecq,Turc.I, p. 16. Voir Mantran 1989, p. 754 etTLFi,s. u. chaouch.

4. Busbecq,Turc.III, p. 202.

5. Voir ces mots sous leurs entrées respectives dans Hoven 2006.

6. Voir leTLFi,s. u. spahi.

7. Voir ces mots sous leurs entrées respectives dans Hoven 2006.

8. Un exemple : Busbecq,Turc.I, p. 108. Sur le Divan, voir Hitzel 2001, p. 91-92.

hoggia,-ae: unHoca(prononcez « Hodja »), quelque chose entre le Lettré et le Saint Homme¹;

uisirius, -ii (régulièrement accompagné, chez Busbecq, de Bassa= Pacha) : un vizir=un ministre².

D’autres encore sont passés par le prisme d’une langue vernaculaire euro-péenne, comme l’italien :

gianizarus,-i: un janissaire, du turcyeni çeri(« nouvelle troupe »), par l’intermédiaire de l’italiengiannizzero(attesté avant 1470³). Le mot, très fréquent dans les textes de la Renaissance qui parlent de l’Empire otto-man, revêt de nombreuses formes (ianizaris,ianizarus...), à l’instar de beaucoup d’autres mots latinisés ;

moschea,-ae: une mosquée ; a lui aussi sans doute transité par l’italien⁴. Avant de passer à la suite, je voudrais examiner de plus près deux cas parti-culiers amusants : yaourt et sultan.

yaourt: Comment transcrire en latin ce mot turc assez difficile à pro-noncer et à comprendre : yoğurt, avec un ğ mouillé intervocalique qui marque l’allongement de la voyelle antérieure ? Ce ğ a aussi gêné le français, comme l’orthographe hésitante le montre : yaourt, yogourt, yoghourt⁵. Que fait Bus-becq ? D’abord, il cite Galien. J’évoquais l’approche historicisante fondatrice de la pensée humaniste : vérifier par l’expérience ce qu’on a lu chez les Anciens en fait partie intégrante, qu’il s’agisse de médecine, par exemple, ou de géographie. Lisons cet extrait⁶:

Sed ea est eorum frugalitas, gulae minime studentium, quibus si sal sit et panis allium-que aut cepa autacidi lactis genus Galeno non ignoti, quod ipse Oxygalam, isti Iugurtham dicunt, nihil requirant praeterea. Lac illud diluunt aqua frigidissima panemque interunt eoque utuntur in magno aestu et siti. Cuius sane utilitatem nos quoque in magnis caloribus saepe experti sumus. Cibus is cum palato et uentriculo gratissimus est, tum ad exstinguendam uehementiorem sitim uim habet admirabilem.

1. Busbecq,Turc.IV, p. 356.

2. Un exemple : Busbecq,Turc.I, p. 8 etpassimdans lesLettres.

3. Un peu partout dans lesLettreset notamment Busbecq,Turc.I, p. 18. Voir aussiTLFi,s. u.

janissaireet Hoven 2006,s. u. gianizarus.

4. Busbecq,Turc.I, p. 96.

5. TLFi,s.u. yaourt.

6. Busbecq,Turc.I, p. 92.

Telle est leur sobriété, à eux qui ne recherchent pas du tout les plaisirs de la bouche, et pour peu qu’ils aient du sel et du pain, ainsi que de l’ail ou un oignon ou biencette espèce de lait acide que Galien n’ignorait pas — lui-même l’appelait Oxygale, les Turcs disent Iugurtha —, ils n’en réclament pas davantage. Ils diluent ce lait dans de l’eau glacée et y font tremper du pain.

Ils en prennent en cas de canicule, quand ils ont très soif. Nous avons pu, nous aussi, constater à de nombreuses reprises sa grande utilité, lors des fortes cha-leurs. Cette nourriture est un régal pour le palais et l’estomac et, en même temps, elle possède une prodigieuse capacité à étancher la soif la plus forte.

La description qui est faite de cette boisson aux vertus rafraîchissantes et le rapprochement avec l’oxygale de Galien, cette sorte de fromage blanc fait avec du lait caillé, font plus penser à de l’ayranqu’à du yaourt, mais peu importe. La forme adoptée par Busbecq,iugurtha,-ae, est amusante et révélatrice. C’est sans doute une forme de lapsus, mais le choix d’un mot qui, jusque dans son orthographe, correspond lettre pour lettre au nom du célèbre roi Numide rebelle montre combien les humanistes sont imprégnés de littérature et d’his-toire antiques, qui peuvent ressurgir sans crier gare. Car enfin, ce difficile yoğurtoffrait sans doute d’autres voies pour se latiniser.

sultan, sultane: Le mot existe en latin, sous différentes formes, depuis le Moyen Âge :sultanus,soltanus,soldanus, toutes formes également attestées à la Renaissance, avec des variantes orthographiques (sulthanus...). L’on s’atten-drait à en trouver de nombreuses occurrences dans un texte où il est constam-ment question de Soliman le Magnifique. Or on ne trouve qu’une seule fois le mot dans lesLettres de Turquie, sous la formesultanus. Encore apparaît-il non pas pour désigner le sultan lui-même, mais dans un dialogue entre deux officiers Turcs en campagne et sur le point de charger l’ennemi à travers un marais, au vocatif¹:

Ecquid, inquit, uidesSultane (ita dignitate praecellentes Turcae nominant)in quam apertum discrimen teque et nos omnes coniicias ?

Sultan, lui dit-il —ainsi les Turcs s’adressent-ils à des personnes de haut rang— ne vois-tu pas l’évidence du danger dans lequel tu te jettes, et nous tous avec toi ?

emploi qui montre encore une fois l’excellente connaissance qu’avait Busbecq du monde oriental, puisque « sultan » peut effectivement, dans certains cas, désigner des dignitaires de haut rang autres que le sultan². Pour désigner ce

1. Busbecq,Turc.III, p. 198.

2. Sur sultan, voir Kramers et Bosworth 1998, p. 884-889.

que nous appelons le sultan, qu’il s’agisse de Soliman ou de ses prédécesseurs, Busbecq emploie d’autres mots, à savoir :imperatorouprinceps, au singulier ou au pluriel, en précisant parfois :Turcarum imperator,TurcicusouTurcus impe-rator,Turcabien sûr, au singulier, ou encorerex Turcarum. Ainsi parlant des janissaires évoqués plus haut¹:

Eorum cum plenissimus est numerus,rex Turcarumhabet XII millia.

Lorsqu’ils sont au complet,le roi des Turcsdispose de douze mille janissaires.

En revanche, l’épouse du sultan, elle, est bien sous sa plume unesultana, attesté une seule fois il est vrai — dans la première lettre²:

In amatoriis ei[l’hyène]uim magnam Turcae, ut etiam ueteres, tribuunt. Cumque essent duae eo tempore Constantinopoli, mihi tamen uendere grauabantur,quod se Sultanae, hoc est principis uxori, eas reseruare dicerent. Quippe quas philtris et magicis artibus animum mariti retinere recepta in uulgus, ut dixi, opinio est.

Les Turcs, comme les Anciens, lui attribuent un grand pouvoir dans les affaires de cœur. À cette époque, il y en avait deux à Constantinople, mais on rechi-gnait à me les vendre,car, disait-on, on les mettait de côté pour la Sultane, c’est-à-dire l’épouse du Prince. Ces hyènes en effet, à travers des philtres d’amour et des incantations, retiennent le cœur de son mari — l’opinion en est communément admise, comme je l’ai dit.

Ce mot, dont il n’y a à ma connaissance pas d’attestation antérieure,teste Hoven cum Ramminger, se rattache bien sûr clairement àsultanuset plus particulière-ment à ce sens de « sultan » que Busbecq semble vouloir éviter. Alors pourquoi justement l’éviter ? Busbecq nous montre, en écrivantsultana, qu’il n’ignore ni le nom, ni la chose. Mais on peut émettre l’hypothèse queprincepsetimperator, également employés pour désigner Charles Quint et Ferdinand de Habsbourg, lui permettaient de faire voir de façon plus évidente l’antagonisme entre les deux puissances rivales, l’Empire ottoman et le Saint-Empire romain germa-nique, incarnées chacune dans unimperatorqui se voulait l’héritier de l’Em-pire romain. Et peut-être aussi tout simplement de mieux faire comprendre l’organisation de l’empire turc en la rapportant à celle de l’Occident.

Quoi qu’il en soit, on n’est pas ici, les cas mentionnés le montrent à suffi-sance, dans l’obsession de la métaphore antique de Cyriaque, même si Busbecq y recourt lui aussi à l’occasion.

1. Busbecq,Turc.I, p. 18.

2. Busbecq,Turc.I, p. 84-86.

5.3 L’analogie ou sens nouveau

L’exemple d’imperatorme permet de passer à un troisième procédé, l’analo-gie. Celle-ci consiste dans ce cas à faire comprendre, par un rapport de res-semblance, une réalité habituellement non exprimée en latin par un mot latin qui possède un sens pouvant s’en rapprocher. Le procédé est bien connu et employé depuis fort longtemps, comme les deux précédents, notamment dans l’Empire romain, confronté au problème du bilinguisme, mais pas seulement.

Dans le domaine néo-latin, on peut citer l’exemple deconsul, utilisé notam-ment pour désigner, sous l’Ancien Régime liégeois, les deux bourgmestres à la tête de la Cité ardente. En témoigne ce chronogramme du xviiiesiècle, datant du règne de Velbruck, et que le promeneur peut encore apercevoir au détour d’une vieille rue du Publémont¹:

De GraILLet D’otheeqVe ConsVLIbVs VobIs reDonantVr aqVae

De Graillet et d’Othée étant bourgmestres, les eaux vous sont rendues.

Busbecq n’emploie bien sûr pasconsulen ce sens, mais il use quelquefois de l’analogie, même s’il le fait peu finalement, en comparaison avec la latinisation.

Prenons deux exemples :

Cubicularius est attesté en latin classique. L’adjectif dérive de cubicu-lumet signifie tout simplement « de chambre à coucher ». Dans un emploi sub-stantivé, chez Cicéron et Pétrone notamment, c’est un « valet de chambre²».

Le mot est fréquemment attesté à la Renaissance, dans le sens de « camérier, chambellan³», plus prestigieux que le sens de base de « valet », mais qui n’en est pas si éloigné que cela et que l’on trouve d’ailleurs chez des auteurs chré-tiens de la fin de l’Antiquité, comme Grégoire de Tours⁴. Il connaît un dérivé

1. Il se trouve actuellement sous une potale sise en haut desDegrés des tisserands, mais pro-vient manifestement d’une fontaine restaurée grâce aux deniers des deux bourgmestres qui s’y trouvent mentionnés.

2. Gaffiot 2000,s. u. cubicularius.

3. Hoven 2006 (s. u. cubicularius, avec références dès Valla) qualifie ce sens de « fréquent ».

4. Grégoire de Tours,Historia Francorum, 2, 1, cité dans Blaise 1954,s. u. II cubicularius.

médiéval,cubiculariatus,-us, « fonction de camérier ou de chambellan », qu’uti-lise encore Lorenzo Valla¹. Busbecq l’emploie dans le sens classique²:

His illi quidem acquiescebant, sed tamen solicitudinem deponere non poterant. Aderant mane ;expergefactum cubicularium meum rogabantut ad me uiseret uideretque quid illi temporis indices loquerentur,

Ils acquiesçaient à ces paroles, oui, et pourtant ils ne pouvaient abandonner leur inquiétude. Ils étaient là tôt le matin. Ils réveillaient mon valet de chambre pour lui demanderd’aller me trouver et de voir ce que disaient ces indicateurs de temps.

écrit-il à propos des janissaires de son escorte, à qui il a demandé de faire confiance à son horloge mécanique pour savoir quand il est l’heure de se réveiller... mais qui ont un peu de mal à s’y fier. Mais il donne également au mot un sens inédit, fondé sur l’analogie, celui d’eunuque attaché au harem du sultan, avec ou sans le moteunuchusaccolé : les eunuques, de par leur état, étaient les gardiens du harem, c’est-à-dire, pris au sens le plus large, de la chambre (cubiculum) du sultan. Les préfets ouağades eunuques étaient des personnages influents du sérail de Topkapi et partant de l’Empire, comme on le voit dans les deux extraits suivants³:

Sic Sandaeus in arcem quam Caradenis, hoc est maris nigri, uocant duci iubetur. Verum non longe abierat, cum reuocatur.Non uiderat eum Cubiculariorum decurio, cuius supra memini, magnae apud dominum auctoritatis.

Ainsi l’ordre est-il donné du transfert de de Sande vers la forteresse qu’ils appellent Caradenis, c’est-à-dire de la Mer Noire. Mais il n’était pas encore bien loin lorsqu’il est rappelé.Le chef des eunuques du sérail ne l’avait pas encore vu — j’ai parlé de lui plus haut, il jouit d’une grande influence auprès de son maître.

Primum diligitur in Persam orator Hassan Aga, unus e cubiculariorum principibus.

En premier lieu c’est Hassan Aga,l’un des principaux eunuques du sérail, qui est choisi comme ambassadeur auprès du schah.

1. Valla, t. 2, p. 426, l. 19. Le mot ne semble toutefois pas autrement utilisé par les humanistes, si l’on en croit Hoven, qui ne donne que la référence à Valla (Hoven 2006,s. u. cubiculariatus).

Idemchez Ramminger, même entrée.

2. Busbecq,Turc.I, p. 36.

3. Busbecq,Turc.IV, p. 296 et IV, p. 360. Sur les eunuques au Palais de Topkapi, voir par exemple Hitzel 2001, p. 59-61.

— Autre exemple : comment rendre en latin l’idée deRamadan? Là aussi Busbecq procède par analogie. Le jeûne chrétien, c’est le Carême, qui se dit très bien en latin :quadragesima, qu’on trouve chez Saint Jérôme¹. Busbecq pourrait se contenter de quelque chose comme :quadragesima Turcarum, par exemple. Mais il va chercher plus loin. Le jeûne musulman dure tout un mois, le mois de Ramadan, et dans le calendrier musulman les mois durent 28 jours : c’est un calendrier lunaire. Busbecq se souvient d’un mot qu’il a lu chez les Pères de l’Église avec le sens de « nouvelle lune » précisément et qui est très proche dequadragesima²:

Ergo illis in castris tranquilla omnia et summo silentio composita, cum alias tum maximetrigesimae(ut sic dicam) tempore.

Ainsi donc règne-t-il dans les campements turcs un très grand calme et un

Ainsi donc règne-t-il dans les campements turcs un très grand calme et un

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