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124 Nous allons voir que cette capacité des jardiniers à agīr et à se comporter en tant que groupe prenait cependant une forme différente à Homs et à Hama, tant dans la manière dont les jardiniers s'organisaient effectivement que dans la façon dont les propriétaires de jardins intervenaient dans cette organisation.

À HOMS, UNE STRUCTURE CENTRALISÉE ET MÉDIANE

125 Il s'agissait ici d'une structure relativement centralisée, au sein de laquelle un conseil, issu des grands lignages de jardiniers de la zone agricole, jouait un rôle important. Aussi, après avoir présenté dans le détail cette structure, je m'intéresserai plus particulièrement à ces grands lignages de jardiniers.

Chef et conseil des jardiniers

126 À Homs, les jardiniers avaient à leur tête un chef (šayḫ al-basātneh) secondé par un conseil (maǧlīs). Si ce chef était reconnu à la fois des autorités municipales, de la société citadine et des jardiniers eux-mêmes, ces derniers n'avaient toutefois aucune part dans son mode de désignation. Le chef des jardiniers n'était d'ailleurs pas lui-même un jardinier mais appartenait à l'une des grandes « familles » de notables homsiotes, les Atāssī. Ceux-ci ont en effet monopolisé la fonction depuis la fin duXIXe siècle, se la transmettant de père en fils ; le dernier à l'avoir occupée est le šayḫ Zuḥūrī ibn Maḥmūd (1885-1956), frère du mufti de Homs à la même époque53. La fonction a disparu à sa mort.

127 Ce monopole héréditaire, confirmé par les autorités municipales, devait beaucoup à la domination que cette « famille » de notables exerçait alors sur la société citadine homsiote et à l'importance de leurs propriétés maraîchères ; les Atāssī possédaient en effet quelques 166 hectares de jardins, représentant donc presque 20 % de la zone cultivée, ce qui faisait d'eux les principaux propriétaires de jardins.

128 Le chef des jardiniers représentait donc davantage les propriétaires et plus particulièrement les grands notables, que les jardiniers eux-mêmes. De plus, en tant que madanī – terme qui désignait, dans le vocabulaire des jardiniers, le « citadin »

non-jardinier – il était étranger au milieu qu'il devait pourtant contrôler et dont il était le responsable officiel. Il s'appuyait donc sur un conseil par l'intermédiaire duquel il lui était possible d'intervenir avec une relative efficacité à l'intérieur même de la zone des jardins. Ce conseil était constitué d'une demi-douzaine de membres (‘aḍal ‘aḍawāt), des jardiniers issus de quelques-uns des grands lignages que j'ai mentionnés plus haut et dans lesquels ils occupaient eux-mêmes des positions dominantes.

129 Le chef des jardiniers et le conseil, se situant à la charnière de la société citadine et du monde des jardins, fonctionnaient plus ou moins sur deux niveaux interdépendants de responsabilités et de compétences.

130 Chef et conseil se réunissaient régulièrement dans les jardins ou dans la maison du chef à Bāb al-Masdūd et s'occupaient, en dehors de la gestion du système d'irrigation que je laisserai pour l'instant de côté, de toutes les questions ayant trait au foncier et aux relations entre propriétaires et jardiniers. Intervenant dans les délicats problèmes de bornage ou de limites de parcelles, ils pouvaient être également amenés à estimer la valeur d'une terre, notamment lors de ventes de parcelles ou de divisions d'héritage. Ils se rendaient alors dans le jardin pour expertiser, fixer leur prix et partager les lots. Leur parole faisait loi.

131 Ils étaient aussi sollicités comme arbitres dans les nombreux conflits opposant des propriétaires à leurs jardiniers, le chef des jardiniers pouvant être amené à prononcer une mesure d'expulsion à l'encontre d'un jardinier. Dans ce cas, lui et son conseil s'occupaient d'expertiser l'exploitation concernée de manière à permettre au jardinier expulsé de récupérer la valeur relative des récoltes qui se trouvaient alors en terre, mais aussi de l'engrais qu'il avait utilisé et des aménagements (clôtures, constructions ...) qu'il avait pu effectuer durant son séjour.

132 Toutes ces interventions constituaient une source de revenus pour le chef des jardiniers, celui-ci faisant payer chacun de ses services et recevant régulièrement des fruits et des légumes de la part de jardiniers solliciteurs. Le conseil en revanche ne recevait aucun dédommagement pour le travail accompli.

133 Le chef des jardiniers n'intervenait cependant que rarement dans les conflits qui n'impliquaient que des jardiniers et qui portaient notamment sur des questions relevant du domaine privé (dots, héritages, répudiations...). Ce n'est en fait que lorsque l'affaire devenait grave, autrement dit s'il y avait actes de violence, que le chef des jardiniers pouvait s'imposer en arbitre, étant alors le dernier recours avant l'intervention des autorités citadines et des institutions judiciaires, intervention que l'on préférait éviter. 134 Les membres du conseil pouvaient par contre jouer un rôle actif dans leur secteur

respectif, s'interposant entre les antagonistes, imposant leurs décisions ou étant sollicités pour diriger des groupes de conciliation (ṣulḥ), du moins lorsque eux-mêmes et leur lignage n'étaient pas directement partie prenante dans l'affaire.

135 Mais cette capacité d'intervention, ils la devaient moins à leur appartenance au conseil qu'à leur position de chef d'un groupe lignager54 étendu et dominant. S'il ne faisait pas de doute que leur statut de membres du conseil renforçait cette situation familiale et régionale et même la légitimait, il ne l'avait toutefois pas créée. C'est en effet parce que ces jardiniers et leur lignage avaient déjà une certaine influence dans leur secteur que les premiers avaient été choisis pour former le conseil et non l'inverse : leur accession au conseil n'était que la reconnaissance officielle d'une situation préexistante. L'action des « membres » dans leur secteur s'appuyait donc surtout sur des rapports de force locaux,

sur des liens anciens unissant leur lignage aux autres lignages de jardiniers, et que nourrissaient finalement leurs rivalités et leurs conflits, les obligations qu'ils avaient contractés les uns envers les autres, leurs intérêts personnels, leurs haines ou leurs amitiés.

Les grands lignages de jardiniers

136 Qu'est-ce qui, en dehors de leur statut de petits propriétaires, différenciait ces lignages des autres lignages de jardiniers ? Qu'est-ce qu'était en définitive un grand lignage de jardiniers ? Sur quoi s'appuyait sa « grandeur » et son autorité au sein de son groupe professionnel ?

Les cas de trois grands lignages

137 J'ai montré que les grands lignages de jardiniers homsiotes se caractérisaient par leur stabilité et que cette stabilité était rendue possible par la propriété de parcelles constituant une sorte de noyau dur autour duquel s'organisaient leurs exploitations : les grands lignages de jardiniers étaient donc ceux qui héritaient de terres.

138 La participation directe de ces grands lignages au conseil du chef des jardiniers constitue un autre indice de leur « grandeur ». Cette participation leur permettait notamment d'influer sur les décisions du chef des jardiniers et de servir d'intermédiaire entre ce chef et les jardiniers, entre la société citadine et le milieu agricole.

139 Ces faits ayant été établis plus haut, ne peut-on chercher les causes de leur « grandeur » dans l'histoire même de ces lignages ? Je voudrais ainsi présenter le cas de trois grands lignages de jardiniers homsiotes et dégager ce qui semble les avoir caractérisés.

A - Les za‘arūr

140 L'un de leurs ancêtres serait mort sous un buisson d'aubépines (zu‘arūr), mais une autre version fait remonter l'origine de leur nom au fait que leurs plus anciens jardins étaient entourés autrefois par une haute haie d'aubépines. Les Za‘arūr seraient en fait la branche cadette d'un autre lignage, celui des Sabsabī qui prétendaient descendre de Ḥussayn ibn ‘Alī, le petit-fils du Prophète. Les Za‘arūr auraient d'ailleurs fait valoir cette descendance prestigieuse auprès des Ottomans pour être dispensés d'impôts et de servir dans l'armée, ce qui leur aurait été accordé. Les Ottomans leur auraient également donné l'exploitation de terres waqf rattachées à la mosquée al-Ḫaled et de terres domaniales, dont celles sur lesquelles a été plus tard construite une partie de la zone industrielle et du quartier

Ḫaldiyyeh où réside actuellement la majorité des Za‘arūr. Au XIXe et au début XXe, ils exploitaient donc en location quelques 30 hectares de terres à céréales et une dizaine d'hectares de vignes, en plus des jardins dont ils étaient propriétaires (fig. 14) ou locataires dans le zūr al-Na‘ūra (nord de la zone)55.

141 Il existe actuellement six à sept lignées de Za'arūr dans les jardins, sans qu'il soit toutefois possible d'identifier avec précision les liens de parenté les unissant. Ils se considèrent tous comme des cousins éloignés, précisant qu'ils étaient déjà dans un rapport de cousinage au siècle dernier et qu'il faudrait remonter bien plus loin pour leur trouver un ancêtre commun. Même s'ils se considèrent comme appartenant tous au même groupe de parenté, ces lignées n'ont pas toutes eu la même importance dans l'histoire récente des jardins.

142 La lignée de ‘Alī est celle autour de laquelle s'est faite, de la seconde moitié du XIXe siècle jusqu'aux années 1930, l'unité du lignage. Personnage autoritaire et respecté, le ḫaǧǧ ‘Alī ibn Muḥammad (1820-1893) exploitait 40 dunum dans le zūr al-‘Atīq, était agriculteur sur les terres agricoles du nord de la ville et enfin chamelier, convoyant régulièrement du blé et de l'avoine vers le Liban. Il exerçait une autorité certaine sur l'ensemble du lignage, lui imposant même vers 1860 un tribut dont il fut le principal bénéficiaire. Membre du conseil du chef des jardiniers, il domina jusqu'à sa mort tout le nord de la zone des jardins au-delà de la route de Mimas.

143 Il eut cinq fils qui devinrent jardiniers, agriculteurs et chameliers. L'aîné, Aḥmad (1860-1945), devint membre du conseil à la mort de son père. Dans les années 1920, il ouvrit, avec ses frères, un manzūl à Ḫaldiyyeh, ce qui contribua à renforcer la position et l'influence de la lignée au sein du lignage, mais aussi dans le quartier et dans les jardins.

« Le manzūl se trouvait dans le wadīal-Sa‘īq. La maison existe toujours, mais elle est fermée maintenant. Elle a été construite par Muṣṭafa, l'un des fils de ‘Alī. Les gens qui venaient étaient nombreux : il y avait des gens du quartier, des voisins, des amis du bayt, des proches du bayt, mais aussi des jardiniers et des propriétaires de jardins, comme bayt Zahrāwīou certains Atāssī. Lorsqu'il y avait un problème ou un conflit entre un propriétaire et un jardinier du bayt, ça se réglait parfois au manzūl.

Ils s'y retrouvaient là le soir et discutaient. Les parents du propriétaire et du locataire s'entretenaient alors, on racontait l'histoire et on essayait de faire baisser les enjeux, de détendre les rapports. Il s'y passait beaucoup de choses. Il arrivait même que des terres soient vendues ou louées dans le manzūl. Mais ceux qui venaient étaient surtout des jardiniers de notre bayt. Les autres jardiniers savaient ainsi où nous trouver pour faire affaire ou régler un problème. Lors des élections, les gens venaient aussi dans le manzūl pour trouver des voix et organiser des réunions. » (A.M.Z., zūr al-Faḥam, Homs, 3 août 1992).

Figure 14 – Propriétés agricoles et quartier de résidence des lignages Za‘arūr, Muḥbanī et ‘Abd al-Bāqī dans les années 1930-40.

144 Une association de bienfaisance de la famille Za‘arūr (Ǧam‘iyyeh ḫayriyyeh li-bayt al-Za‘arūr ) fut également créée dans les années 1930 par les descendants de ‘Alī. Elle disposait d'un président, d'un secrétaire et de trois membres élus et concernait l'ensemble des lignées. Rassemblant dons et contributions de tous les hommes actifs du lignage, elle octroyait des aides à ceux qui, dans le lignage, rencontraient des difficultés économiques, atténuant ainsi les inégalités de conditions qui pouvaient exister d'une lignée à l'autre. Les réunions se tenaient le plus souvent dans le manzūl du wadī al-Sa‘īq. Constituant peu à peu le seul lien existant entre les membres du lignage travaillant dans les jardins et ceux qui, de plus en plus nombreux, pratiquaient des activités plus urbaines, elle a fonctionné jusque dans les années 1960.

145 La génération née au début du siècle, plus nombreuse que la précédente, a été témoin du déclin de l'influence familiale dans les jardins. De fait, après la mort d'Aḥmad en 1945, le lignage n'est plus représenté au conseil. Leurs terres agricoles ont disparu du fait de l'urbanisation du nord de la ville entamée au lendemain de la première guerre mondiale et le développement des transports motorisés, dans les années 1920-1930, mit fin à leur activité de chameliers, ces évolutions les privant d'une part importante de leurs revenus extra-agricoles. Ainsi, de nombreux Za‘arūr ont commencé à diversifier leurs activités dès les années 1940 en devenant commerçants (vente de beurre bédouin, de légumes...), artisans (menuisiers...) ou ouvriers dans les nouvelles installations industrielles. La fragmentation des propriétés agricoles de ce lignage a également entraîné une réduction de son activité agricole.

B - Les Mubanī

146 Le lignage Muḥbanī est présent à la fois dans le souk et dans le nord de la zone maraîchère. Le lignage est actuellement constitué de trois lignées : celle de Ḥūrī, longtemps spécialisée dans le travail de la soie, celles de ‘Akāš et de Muḥammad, ayant de tout temps travaillé dans les jardins. Les liens de parenté entre ces trois lignées sont ici aussi imprécis : pour certains, Ḥūrī serait le cousin des frères ‘Akāš et Muḥammad ; pour d'autres, c'est le père de Ḥūrī qui aurait été le cousin du père de ‘Akāš et de Muḥammad. Ces deux dernières lignées semblent bien être les deux branches d'une même lignée dont le fondateur reste inconnu en dehors du fait qu'il s'appelait Muṣṭafa et qu'il aurait été le descendant d'un bédouin ‘agedāt fixé à Homs dans la seconde partie du XVIIIe siècle. 147 C'est la lignée de ‘Akāš ibn Muṣṭafa qui domina le zūr al-Na'ūra, secteur dans lequel se

trouvait l'essentiel des jardins du lignage, et cela dans le cadre d'une forte concurrence avec les Za‘arūr. ‘Akāš (1820-1900) exploitait un jardin d'une trentaine de dunum dont il était en partie propriétaire et était associé à des bédouins pour l'élevage du mouton. Il a aussi été membre du conseil du chef des jardiniers à partir des années 1880. Sa personnalité a suffisamment marqué les jardiniers pour que sa lignée soit appelée « ‘Akāš » après sa mort. Des portraits photographiques du ḫaǧǧ ‘Akaš et de ses fils sont encore accrochés aux murs de la maison de jardin qui, en bordure de la route de Mimas, sert actuellement de manzūl familial : sa mémoire est toujours honorée par ses descendants qui puisent dans sa fréquente évocation un sentiment de fierté familiale. 148 Les quatre fils de ‘Akāš étaient tous jardiniers. Ils louaient également des terres au nord

de la ville sur lesquelles ils employaient des journaliers pour cultiver des céréales (orge, blé), mais aussi des fèves, des concombres, des melons et des pastèques. Ils alimentaient le souk de Homs et vendaient dans leurs jardins les graines de ces différents légumes.

Enfin, ils ont pu racheter une partie de ces terres agricoles (12 dunum) qu'ils ont transformée en marché à bestiaux (bovins et ovins).

149 C'est Sa‘īd l'aîné ( ?-1960) qui devint membre du maǧlīs après son père. C'est logiquement autour de sa lignée que s'est constituée la cohésion familiale. Lui aussi homme de caractère, il exploitait 30 à 40 dunum dans le zūr al-Wa‘ar et entretenait un manzūl d'été en bordure de son jardin, manzūl ouvert aussi bien aux jardiniers du secteur qu'aux habitants de son quartier (Ǧoret al-Šiyaḥ). Les quatre fils de Sa'īd, nés autour de 1900, sont tous devenus jardiniers et l'aîné prit à son tour place au conseil des jardiniers et la responsabilité du manzūl. Mais à partir des années 1950, le lignage devait connaître, comme les Za‘arūr, un émiettement de ses propriétés dans la zone des jardins, l'expropriation de ses terres agricoles situées au nord de la ville et une diversification de ses activités, s'orientant plus particulièrement vers l'artisanat moderne (carrosserie, mécanique auto...).

C - Les ‘abd al-bāqī

150 Jusque dans les années 1930, les ‘Abd al-Bāqī constituaient l'un des grands lignages de jardiniers du centre de la zone des jardins. Ils étaient propriétaires de plusieurs hectares dans le zūr al-Ḫarāb et étaient responsables d'un canal secondaire. Leur participation au conseil des jardiniers et leurs relations privilégiées avec certains grands propriétaires – notamment les Atāssī dont ils louaient des jardins dans le zūr al-Ḫarāb mais aussi quelques maisons dans le quartier Bāb al-Hūd – ainsi qu'avec les autorités ottomanes, ont constitué la base sociale et politique de leur autorité. Ils gardent encore la réputation d'avoir été un bayt autoritaire qui n'hésitait pas à user de la force lorsque ses propres intérêts se trouvaient concernés.

151 Le plus ancien membre connu de ce lignage s'appelait Nūrī. Il est mort juste après la première guerre mondiale. Jardinier, il était propriétaire d'une centaine de dunum dans le zūr al-Ḫarāb. Il a eu six fils, mais seule la lignée de Amīn s'est maintenue jusqu'à nos jours dans les jardins.

152 Amīn ibn Nūrī (1860-1933) a été la figure la plus charismatique du lignage ‘Abd al-Bāqī, celle qui a le plus marqué la mémoire des jardiniers au point que ceux-ci le confondent encore avec le chef des jardiniers, l'appelant donc šayḫ al-basâtneh56. Ḥaǧǧ Amīn n'a bien sûr jamais occupé cette fonction, mais il se comportait parfois comme s'il était le chef. Il avait hérité de 16 dunūm et louait dans le même secteur des parcelles appartenant aux Atāssī. Les jardiniers les plus âgés se souviennent encore d'un vieillard irascible et autoritaire, portant une barbe blanche et le ṭarbūš57. Monté sur son âne et armé d'un bâton, il faisait des tournées régulières dans les jardins afin de veiller au bon fonctionnement des canaux d'irrigation et empêcher les détournements d'eau, ceux du moins qui ne se faisaient pas à son profit, ironisent les jardiniers.

153 Il appuyait son autorité sur la crainte que son lignage inspirait et sur ses bonnes relations avec certains notables, notamment avec les Atāssī dont il était le voisin dans le quartier de Bāb al-Hūd. Tout comme les Za‘arūr et Sa‘īd Muḥbanī, il entretenait un manzūl dans son quartier dans lequel se rendaient voisins, alliés, clients et parfois propriétaires de jardins.

154 Amīn a eu cinq fils qui ont travaillé avec lui jusqu'à son décès en 1933, décès qui fut rapidement suivi par celui de deux de ses fils ainsi que d'un certain nombre d'animaux de l'exploitation, sans doute à la suite d'une épidémie. Cette mort collective touchant à la

fois les hommes et les bêtes a frappé les esprits et a été interprétée comme une punition divine. Le ḫaǧǧ Amīn ne fut d'ailleurs pas remplacé au conseil des jardiniers. Des trois fils restant, deux quittèrent les jardins dès 1934 pour travailler en ville comme menuisier et épicier, vendant leur part de jardin au troisième frère, Muḥammad al-‘Umār (1889-1950), qui est resté jardinier. Mais la mort qui avait si soudainement frappé Amīn et deux de ses fils constitua une rupture mettant fin à la domination de ce grand lignage et entraînant son affaiblissement définitif et sa presque disparition des jardins.

Les principales caractéristiques d'un grand lignage de jardiniers

155 Il est maintenant possible de dégager, à partir de ces trois exemples, certains des traits