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159 Les villes de Homs et de Hama ont depuis toujours entretenu à leurs portes, et jusqu’à l’intérieur de leurs murs, une zone de cultures maraîchères et fruitières. Cette réserve agricole urbaine devait assurer aux deux villes une réelle autonomie alimentaire vis-à-vis des campagnes et, à ce titre, a longtemps dû constituer un espace d’importance qu’il convenait de sauvegarder et de contrôler. Essentiellement assuré par les notables citadins qui disposaient de la propriété de la terre (Homs) et de celle de la terre et des moyens d’irrigation (Hama), ce contrôle s’est cependant exprimé différemment d’une ville à l’autre. Les jardins de Homs ont en effet connu une structure professionnelle responsable de la bonne gestion des relations agricoles et du canal collectif d’irrigation, tandis qu’à Hama les petits groupes d’irrigants fonctionnaient sans aucune structure coercitive et fédératrice, dépendant directement des propriétaires de jardins et de norias. Ainsi, alors qu’à Homs les jardiniers disposaient d’une organisation reconnue et à ce titre pourvue d’une relative autonomie interne, à Hama, l’absence d’une telle organisation laissait les jardiniers sans beaucoup de recours face à leurs propriétaires.

160 À Homs. la structure professionnelle prolongeait en quelque sorte la hiérarchie sociale des quartiers aisés de l’ouest de la médina, alors qu’à Hama, les secteurs agricoles et les quartiers uniformes et périphériques où vivait une majorité des jardiniers ont constitué les éléments d’un même ensemble formant une sorte d’organisation urbaine qui dépassait largement le seul cadre du groupe professionnel des jardiniers pour englober la

population de tout un quartier. Alors qu’à Homs, le lien du groupe des jardiniers avec ses quartiers pouvait se résumer à une relation d’approvisionnement, mais aussi de clientèle et de pouvoir, à Hama le lien des jardiniers avec leurs quartiers se présentait davantage sous la forme d’une complémentarité, d’une relation d’association ou encore d’une appropriation collective de l’usage d’un terroir.

161 Nous avons également vu que ce qui brouillait l’image du jardinier en tant que citadin était le fait qu’une partie de son univers social se développait à l’extérieur de la ville, dans les jardins et apparemment en dehors de tout contrôle social direct de la société citadine, dans une logique propre à la zone agricole, autrement dit dans une logique qui pouvait sembler être plus rurale que citadine. Pourtant, la question de savoir si l’on avait affaire à des « paysans des villes » ou à de véritables citadins semble devoir se poser en des termes prenant davantage en compte le contexte urbain : comment la ville gérait-elle (ou réagissait-elle face à) cette part irréductible de ruralité que les jardiniers devaient à leurs activités agricoles ?

162 Ainsi, Homs a toujours été considérée comme une ville pauvre, rurale et ouverte71. De cette ouverture résultait notamment la bonne cohabitation de nombreuses communautés religieuses : on trouvait à Homs aussi bien des musulmans sunnites et des alaouites que des chrétiens72. Cette hétérogénéité religieuse se conjuguait aussi avec l’acceptation par la ville d’une certaine ruralité : le fait que les jardiniers étaient bien acceptés dans la médina, le cœur même de la vieille société citadine, est de ce point de vue assez caractéristique d’un type de ville rurale. La présence à Homs de nombreux paysans, se rendant chaque jour dans leurs champs situés parfois à plusieurs kilomètres de la ville et revenant le soir dans leur quartier (Naaman, 1951 : 395), caractérise également une ville moins attachée à un strict démarquage entre monde citadin et monde rural.

163 Inversement, Hama apparaît comme une ville riche, citadine et fermée. Cette fermeture se trouvait comme justifiée par une forte homogénéité confessionnelle, la population hamiote étant majoritairement musulmane sunnite, les chrétiens ne constituant qu’une petite minorité de la population. Cette « orthodoxie musulmane inscrite et affichée dans sa citadinité (...) s’opposait à la mixité hétérodoxe des villes périphériques et des campagnes peuplées de minoritaires » (Métrai, 1989 : 334), réduisant ainsi au minimum les contacts entre la société hamiote et un monde rural où dominaient le paysan alaouite et le bédouin73. 164 Dans ce contexte, la place qui était faite aux jardiniers dans cette ville acquiert une

signification toute particulière. Ils résidaient dans leur majorité en périphérie de l’agglomération ou dans leurs exploitations du centre-ville, se situant géographiquement et statutairement à l’écart, peut-être à la limite du citadin et du paysan. Tout se passait comme si leurs activités agricoles les rendaient suspects, au regard de la société citadine, d’une ruralité inacceptable au centre-ville : ce qu’il s’agissait de repousser vers les limites de la ville, ce n’était pas seulement les troupeaux de bovins polluants et beuglants mais aussi tous ces succédanés de paysans que constituaient les jardiniers. Pourtant, ceux-ci n’étaient pas des paysans. Ils étaient de confession sunnite, comme la plupart des Hamiotes, et résidaient à Hama et non dans un des villages périphériques : ils étaient bien à la limite, mais du côté citadin. Ils étaient donc éminemment ambigus et semblaient en quelque sorte payer cette ambiguïté de statut et d’identité par leur maintien dans une situation urbaine marginale.

165 La zone agricole elle-même entre dans cette relation problématique entre villes et campagnes, entre urbain et rural. Alors qu’à Homs, elle faisait bien souvent figure de sas facilitant l’entrée de ruraux (paysans et bédouins) dans la ville, leur fournissant un accès

à la société citadine et même une sorte d’apprentissage à la vie urbaine, à Hama, elle était plutôt un cul-de-sac urbain, n’étant que peu en contact avec la campagne et ne devant pas être confondue avec celle-ci. Les jardins hamiotes semblaient ne devoir en aucun cas servir de porte d’entrée à une population rurale que la société citadine hamiote s’est toujours efforcée de maintenir à distance74. Il était donc logique de ne pas trouver de main-d’œuvre rurale dans les jardins hamiotes. Tout semblait se passer comme si les jardins de Hama devaient rester des jardins accessibles aux seuls citadins, un espace réservé, géographiquement situé entre Souk et Ḥāder, mais symboliquement accaparé par le Souk seul : une nature urbaine ou mieux encore, une nature intérieure.

166 À partir de ces quelques remarques sur les jardins de Homs et de Hama se dégagent finalement deux grands types de zone des jardins : le type « ghouta » qui concernerait les jardins de Homs, jardins extérieurs à la ville et ouverts sur la campagne, en relation avec l’environ-nement rural de la ville ; le type « jardin urbain », qui concernerait les jardins de Hama, jardins intérieurs et fermés, en rupture avec l’environnement rural de leur ville. Et n’est-ce pas aussi deux types de société citadine qui semblent finalement transparaître derrière la qualification de leur espace agricole : une « société ouverte »75 et une « société fermée » ?

NOTES

1. On pourrait aussi rendre compte, à l’instar de Marcel Mauss avec ses techniques du corps, de certains gestes, d’un maintien particulier, d’une façon de marcher, de parler, d’un vocabulaire aussi... bref de toute une gamme d’indices parfois très discrets, mais immédiatement révélateurs pour les citadins de l’appartenance d’un individu au groupe professionnel des jardiniers.

2. Rendus visibles lorsque le jardinier se déchausse pour pouvoir accéder à un lieu de réunion de quartier ou à la pièce de réception d’un particulier (manzūl).

3. Actuellement, les jardiniers utilisent souvent des bottes en caoutchouc parfois coupées au raz de la cheville de manière à rendre plus facile leur usage.

4. Ces pratiques étaient fort anciennes et communes à toutes les villes de Syrie, comme le confirme Abdel Nour pour les XVIe-XVIIIe siècles (1979 : 208) : « Une association s’était établie dans toute la Syrie entre les cultivateurs et les villes : les maraîchers assuraient le ramassage des ordures ménagères urbaines et pouvaient les utiliser pour fumer leurs terres. A Damas, ces éboueurs portaient le nom de sawādī, leur travail consiste à parcourir les rues de la ville avec des ânes porteurs de grands couffins et des pelles afin de collecter les détritus... (...) Les propriétaires de vergers et les paysans autour de Damas, à cause de l’abondance de l’eau, obtiennent deux récoltes par an, ils ont besoin pour cela de beaucoup de fumiers (‘amāra), alors ils envoient leurs serviteurs les collecter à Damas. »

5. De même qu’à Sanaa (Yémen), les jardiniers sont considérés comme souillés par le contact quotidien qu’ils ont avec les eaux usées provenant des bassins d’ablutions des mosquées qui irriguent leurs jardins.

6. Depuis le creusement en 1909 d’un canal d’égouts reliant la ville à l’Oronte (Gaulmier, 1932 : 85).

8. Un khan (ḫān) est « un bâtiment carré en forde de cloître renfermant des chambres, des magasins et des boutiques pour les marchands » (G. Wiet, cité par A. Raymond, 1985 : 248-249).

9. Jusqu’à sa transformation en souk de détail, au début des années 1940, le marché de gros ayant alors été transféré avec ses commerçants dans le souk al-Na’ūra, une zone commerçante située à l’est du souk al-Ǧindī (cf. IVe partie, chap. I).

10. Pour les opérations de pesage de ces productions, les commerçants et les commissionnaires utilisaient des balances romaines (qabbān)d’une capacité de 20 à 30 kilos. Pour des charges plus lourdes (jusqu’à 200 kilos), ils avaient recours à une grande balance à perche (qabbān sīḫ) qui nécessitait le concours d’au moins trois hommes : deux pour la soutenir sur leurs épaules et un troisième pour s’occuper des mesures. Cette balance appartenait à un peseur attitré qui circulait dans le khan accompagné par ses deux aides et de la balance, louant ainsi ses services au prix d’un certain pourcentage directement prélevé sur chaque pesage qu’il effectuait. Il y avait à l’époque trois peseurs en activité.

11. Ainsi qu’une dizaine d’échoppes de bouchers.

12. La présence de jardiniers dans la filière de commercialisation des fruits et légumes est ancienne, mais elle ne deviendra importante qu’à partir des années 1950, époque à laquelle leur fut interdite la vente au détail sur le trottoir.

13. Un jardinier m’a cependant signalé l’existence d’un troisième marché de fruits et légumes qui se serait trouvé dans le quartier d’al-Mdīna, « vers la grande mosquée » et qui aurait disparu « depuis très longtemps ». Il aurait été alimenté par les jardins qui s’étendaient autour de la citadelle (al-Ḫuḍura, al-Ḫandaq...).

14. Si Hama constituait en effet le principal marché bédouin de Syrie centrale, drainant une grande partie des productions de la steppe, Homs n’était toutefois pas en reste dans ce secteur, comme le notait Thoumin (1936 : 163) : « Homs, en bordure de la Syrie centrale, entretient peu de relation avec les plateaux. Les homsiotes préfèrent commercer avec les tribus bédouines plutôt qu’avec les pasteurs de l’Anti-Liban. Le rôle que tient cette ville — ainsi que Hama sa voisine — dans la vie des nomades explique cette tendance. Aucun obstacle ne la sépare des steppes. Chaque été les bédouins s’avancent vers l’Oronte. Ils viennent aux souks faire les achats de l’année et en retour les citadins leur prennent des laitages ou (...) leur confient des troupeaux. »

15.Ces questions seront débattues plus longuement dans la quatrième partie, notamment lorsque je traiterai des changements d’activité au sein des lignages de jardiniers.

16. Ce qui n’empêchait pas bien sûr certains jardiniers de développer leurs relations sociales en dehors du seul cadre de la zone des jardins, des souks et du quartier résidentiel, en participant, par exemple, au milieu des éleveurs et des passionnés de pigeons ou encore en fréquentant des cercles religieux affiliés à la grande mosquée... il n’empêche que le quartier résidentiel a longtemps constitué « la cellule sociale fondamentale de la ville arabe » (É. Longuenesse, 1986 : 376) à l’intérieur de laquelle se construisaient de fortes solidarités et s’organisait la plus grande partie de la vie sociale des citadins.

17. Je reviendrai plus en détail, dans la troisième partie, sur ces constructions éphémères ou permanentes.

18. La plupart des données présentées dans ce paragraphe portant sur l’histoire, la description topographique et l’expansion urbaine des deux villes ont été tirées du chapitre V (« Mutation de l’espace urbain à Homs et à Hama ») de la thèse d’al-Dbiyat (1995 : 165-201), ainsi que de l’ouvrage de Sibā’ī et Zahrāwī sur Homs (1992), de l’ouvrage de Sabūnī sur Hama (1956) et enfin de l’article d’al-Muftī (1969 : 117-134) sur cette même ville.

19. Bāb Tadmur, al-Fāḫūra, Bāb al-Drīb, Ǧamāl al-Dīn, Banī Sibā’ī, Dahr al-Muġāra, Bāb al-Hūd et Bāb al-Sbā’, chacun de ces quartiers ayant son šayḫou muḫtār (al-Sibā’ī et al-Zahrāwī. 1993 : 46). Il s’agissait en réalité de grandes divisions administratives pouvant elles-mêmes regrouper plusieurs petits quartiers. Ainsi le quartier de Bāb al-Hūd englobait les « petits quartiers » (ou secteurs) de Arba’īn, Bāb al-Hūd, Bāb al-Masdūd, Bāb al-Turkman, al-Zawīyya...

20. Voir l’exemple des souks de Sanaa, véritable porte de la ville d’après Mermier (1988).

21. Comme le souligne É. Longuenesse (1986 : 376) : « Se définissant par leur fonction résidentielle par opposition avec les zones d’activités économiques (artisanales et commerciales) regroupées dans les souks situés autour de la mosquée, [les quartiers] sont les lieux fermés où ne pénètre pas l’étranger à la différence des lieux ouverts, lieux de passage, de brassage, de mélanges ethnique, social, confessionnel, que sont les souks. » Sur cette question de la division des villes arabes traditionnelles en deux grandes zones distinctes et sur ses implications juridiques, sociales et architecturales, lire également l’article de Raymond (1989).

22. Tout un secteur de Bab al-Turkmān accueillait ainsi une importante population d’origine rurale récente. Les maisons y étaient construites en torchis et avaient un aspect très rural. Elles constituaient un ensemble qui se pressait aux pieds de la citadelle et rejoignait ainsi Bāb al-Sbā’ en tournant par l’est autour du tell. Y résidait une population très pauvre, marquée donc par son origine rurale, essentiellement alaouite, tcherkesse et chrétienne (Homsi, 1977 : 109). C’était un secteur dans lequel on trouvait des bergeries, des moutons et des chèvres paissant librement dans les fossés et sur les pentes de la citadelle.

23. Sur les quartiers de Homs intra-muros et la liste de leurs responsables (muḫtār ou šayḫ al-ḥāra)

au XIXe siècle, voir Sibā’ī et Zahrāwī, 1992 : 46-47.

24. Entièrement détruit dans les années 1980 dans le cadre d’un projet de construction d’un grand centre commercial.

25. Homsi (1977 : 78) estime que les chrétiens représentent 4 % de la population de Bāb al-Hūd. Il est peu probable que les rapports aient été foncièrement différents trente ans plus tôt, la partie ouest de la vieille ville ayant toujours été très majoritairement musulmane.

26. 416 hab./ha dans les années 1940, selon al-Dbiyat (1995 : 169).

27. La population de Homs était passée de 50 000 habitants en 1915 à 100 000 habitants en 1945, et la superficie de la ville de 120 hectares à 430 hectares durant la même période (al-Dbiyat, 1995 : 169).

28. Il faut attendre les années 1950 pour qu’elle se développe de façon significative à l’est, cette extension étant encore freinée dans les années 1940 par la présence d’importants vignobles et de quelques hectares de vergers. Ces plantations allaient être par la suite repoussées plus à l’est.

29. Il ne s’agissait vraisemblablement pas de lignages complets mais de quelques lignées ou familles. Certains lignages de jardiniers vont ainsi se disperser sur plusieurs quartiers, mouvement centrifuge qui se renforcera avec l’extension rapide de la ville.

30. Pour cette raison, je n’en ferai pas ici la présentation.

31. Rapide estimation, sans doute incomplète, effectuée dans le quartier en 1993.

32. Ainsi, Raymond (1985 : 189 et suivantes) précise-t-il que « le principe du classement hiérarchique des activités entraînait le refoulement vers la périphérie de la ville de métiers qui jouaient un rôle économique secondaire, qui présentaient des inconvénients rendant leur présence gênante dans le centre, ou qui étaient si directement liées à la campagne que leur localisation près de portes de la ville répondait à une évidente nécessité ». Étaient ainsi refoulés vers l’extérieur les marchés de produits agricoles (grains, fruits et légumes, bétail), les abattoirs, les tanneries, les ateliers de potiers, les presses à huile, les scieries...

33. Voir exemple des Za’arūr présenté dans le premier chapitre.

34. De fait, ce quartier n’a longtemps connu qu’une assez faible densité de population puisqu’il ne comptait encore, d’après D. Homsi (1977 : 79), que 15 habitants/ha dans les années 1970, alors qu’un quartier comme Bāb al-Hūd, toujours d’après le même auteur, comptait alors 416 hab./ha. Le fait que Ǧoret al-Šiyaḥ soit devenu un quartier essentiellement commerçant et artisanal a sans doute contribué à freiner son développement résidentiel.

35. A. Raymond (1985 : 206-207) souligne cependant que l’on ne pouvait accorder qu’une valeur théorique au schéma classique de la ville arabe s’organisant de façon radioconcentrique : « Dans la réalité, les villes se développaient suivant des formes plus complexes, dont les différences par rapport à

cette disposition " idéale" avaient des origines variées. La configuration même du site où s’était établie la ville était susceptible d’influer fortement sur son développement, par la présence de zones accidentées qui pouvaient gêner ou même interdire l’expansion de la ville dans certaines directions, par le voisinage d’un fleuve qui constituait, dans certains cas, un facteur d’attraction, dans d’autres cas un obstacle. »

36. A tel point qu’au Moyen Âge, chaque quartier avait ses propres fortifications (Ṣabūnī, 1956 : 85-86).

37. Al-Dbiyat souligne à propos du Ḥāder que « l’apparition d’un centre au service des pasteurs et paysans ne fut pas spontanée. L’aristocratie citadine de Hama a cherché ainsi à se prémunir contre une promiscuité jugée indigne en localisant l’aire de contact avec les non-citadins sur l’autre rive de l’Oronte. » (1995 : 196).

38.En vingt ans (1920-1940), la population hamiote est passée de 60 000 à 64 000 habitants et la surface urbaine de 200 hectares environ à 260 hectares... (al-Dbiyat. 1995 : 176-177).

39. Nous verrons plus loin comment se composait la population du quartier de Bab al-Ǧisr.

40. De nos jours, on peut se rendre compte de la place encore importante qu’occupe l’activité agricole dans ce quartier en observant les nombreux triporteurs — véhicules de jardiniers par excellence — qui sont garés dans ses ruelles.

41. Il ne disposait donc pas de son propre représentant (šayḫ al-ḥāra).

42. Ainsi, les limites administratives du quartier de Ḏahr al-Muġāra commencent à l’ouest de la rue Ǧāmi’ al-Dahya dans le cadastre mandataire, alors que des auteurs comme Sibā’ī et Zahrāwī

(1992 : 47) les situent beaucoup plus à l’est.

43. L’existence de quartiers aisés mixtes et de quartiers pauvres plus homogènes renforce en réalité plus qu’elle ne la contredit l’idée de ségrégation sociale.

44. Beaucoup de lignages avaient leur manzūl familial, dans lequel se réunissaient leurs seuls membres. À côté de ces manzūl « privés », il existait aussi des manzūl « publics », appartenant aux personnalités du quartier qui avaient les moyens financiers de les entretenir : commerçants, notables, chef du quartier. Les hommes du quartier s’y retrouvaient tous les soirs, selon bien sûr leurs affinités et leurs affiliations.

45. Transformé en musée en 1995.

46. Un iwān est un volume architectural ouvert sur un côté et donnant sur une cour.

47. Aucune de ces demeures de notables homsiotes n’avaient cependant atteint le raffinement des palais hamiotes, moins massifs mais intérieurement beaucoup plus richement décorés.

48. Ces conseils de quartier sur lesquels pouvaient s’appuyer les notables étaient constitués par des personnalités, des commerçants, des religieux : « traditionnellement, chaque quartier a un chef

(šayḫ al-ḥāra), qui est choisi parmi les familles notables, soit par l’autorité étatique, soit par les habitants. Il est secondé dans ses fonctions par l’imam de la mosquée et une assemblée informelle de personnes influentes, parmi lesquelles figurent les principaux abaḍāyāt [gaillards, fiers-à-bras] et les anciens du quartier » (Abdel Nour, 1979 : 162).

49. Cette configuration spatiale et sociale des quartiers de l’ouest de la médina était bien sûr ancienne. Comme le souligne Abdel Nour (1982b : 89) à propos de la ville syrienne de l’époque ottomane : « Les grandes maisons de notables émaillaient la ville, se dressant au milieu d’habitations plus modestes, où vivaient souvent les clientèles des familles influentes et qui leur servaient, en quelque sorte, de