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E Les recompositions spatiales suscitées par l'enracinement des manières modernes de gouverner

Cette section questionne la dimension spatiale des techno-sciences coproduites avec des manières spéciques de gouverner l'eau. Nous interrogeons ainsi comment les dispositifs transforment les manières de dire et de représenter l'espace mais également comment ils recomposent les matérialités et leurs inscriptions spatiales.

La géographie est une entrée particulièrement stimulante pour s'intéresser aux recompositions spa-tiales liées à des problématiques environnementales. Cette discipline permet d'articuler la séparation moderne de Nature/Culture. Ceci est du à l'histoire de la discipline au début duXIXesiècle. La

géogra-phie française de l'environnement s'est formée à la rencontre de la connaissance physique de la Nature et une étude de la population notamment via Paul Vidal de la Blache qui a institutionnalisé la discipline dans l'enseignement public. Vidal de la Blache propose une géographie physique et une géographie po-litique tel que le souligneLacoste (2014) loin du déterminisme physique dont se sont réclamés certains de ses successeurs. Cette séparation moderne entre Nature et Culture s'est exacerbée lors de la crise épistémologique de la géographie française dans les années 1970.

Avec les études environnementales, la géographie connait un renouveau dans sa capacité permettant de concilier géographie physique et géographie humaine (voir par exempleBertrand et Bertrand(2002) et

Arnould et Simon(2007)). Il est ici question de l'exploration de l'interface entre sciences de la nature et sciences sociales (Arnould et Simon (2007)). Cependant, la géographie française reste fortement marquée par cette césure moderne qui guide la manière d'approcher les questions environnementales notamment en terme de risques ou de ressources.

Pour parvenir à dépasser cette césure, nous articulons une géographie des relations de pouvoir et de l'exercice du gouvernement avec une géographie de l'environnement. Nous souhaitons ainsi contribuer à la géopolitique d'Yves Lacoste pour les questions environnementales.

E.1 Réintroduire la question du pouvoir en géographie

Yves Lacoste publie en 1976 La géographie, ça sert d'abord, à faire la guerre . Ce livre, qui s'ins-crit au moment de la crise épistémologique de la géographie, provoque une controverse dans le champ scientique. Il questionne les aspects politiques de la géographie notamment dans ses usages :

Poser d'entrée de jeu que la géographie sert, d'abord, à faire la guerre n'implique pas qu'elle ne serve qu'à mener des opérations militaires ; elle sert aussi à organiser les territoires non seulement en prévision des batailles qu'il faudra livrer contre tel ou tel adversaire, mais aussi pour mieux contrôler les hommes sur lesquels l'appareil d'État exerce son autorité. La géographie est d'abord un savoir stratégique étroitement lié à un ensemble de pratiques politiques et militaires, et ce sont ces pratiques qui exigent le rassemblement articulé de renseignements extrêmement variés, au premier abord hétéroclites, dont on ne peut comprendre la raison d'être et l'importance, si l'on se cantonne au bien-fondé du découpage du savoir pour le savoir. Ce sont ces pratiques stratégiques qui font que la géographie est nécessaire, au premier chef, à ceux qui sont les maîtres des appareils d'État (Lacoste(2014), page 57)

Lacoste réintroduit ainsi à la fois la portée stratégique des savoirs géographiques et ore une place pour une géographie critique capable d'étudier le pouvoir. Ce livre correspond à la création d'une nouvelle revue de géographie, Hérodote, dirigée par Yves Lacoste dont le premier numéro sort en 1976. Ce numéro pose directement la question du pouvoir et du gouvernement pour refonder une géographie comme géopolitique selon l'expression Savoir penser l'espace pour savoir penser le pouvoir (Foucault et

Hérodote(1976)). Dans ce premier numéro, Michel Foucault dialogue avec les géographes pour cerner la question du pouvoir en géographie. Face à des géographes convaincus de l'intrication du pouvoir dans la géographie qui le questionnent su l'absence des aspects géographiques dans son travail sur l'archéologie du savoir (Foucault(1969)). Foucault répond dans un premier temps que la géographie n'est pas dans son champ d'étude et il renvoie aux géographes la tâche de faire leur propre archéologie de la géographie. Mais au fur et à mesure, Lacoste souligne la dimension spatiale des relations savoir/pouvoir dans le travail de Foucault :.

[Michel Foucault] On m'a assez reproché ces obsessions spatiales, et elles m'ont en eet obsédé. Mais, à travers elles, je crois avoir découvert ce qu'au fond je cherchais : les rapports qu'il peut y avoir entre pouvoir et savoir. Dès lors qu'on peut analyser le savoir en termes de région, de domaine, d'implantation, de déplacement, de transfert, on peut saisir le processus par lequel le savoir fonctionne comme un pouvoir et en reconduit les eets. Vous avez une administration du savoir, une politique du savoir, des rapports de pouvoir qui passent à travers le savoir et qui tout naturellement, si vous voulez les décrire, vous renvoient à ces formes de domination auxquelles se réfèrent des notions comme champ, position, région, territoire. Et le terme politico-stratégique indique comment le militaire et l'administratif viennent eectivement s'inscrire soit sur un sol, soit dans des formes de discours. (Foucault et Hérodote(1976), page 77)

Michel Foucault conclut le dialogue ainsi :

Plus je vais, plus il me semble que la formation des discours et la généalogie du savoir ont à être analysées à partir non des types de conscience, des modalités de perception ou des formes d'idéologies, mais des tactiques et stratégies de pouvoir. Tactiques et stratégies qui se déploient à travers des implan-tations, des distributions, des découpages, des contrôles de territoires, des organisations de domaines qui pourraient bien constituer une sorte de géopolitique, par où mes préoccupations rejoindraient vos méthodes. Il y a un thème que je voudrais étudier dans les années qui viennent : l'armée comme ma-trice d'organisation et de savoir la nécessité d'étudier la forteresse, la "campagne", le "mouvement", la colonie, le territoire. La géographie doit bien être au coeur de ce dont je m'occupe. (Foucault et Hérodote(1976), page 85)

Dans cette perspective, l'étude des façons de gouverner et des relations de pouvoir, c'est l'étude des dispositifs de gouvernement et de leurs déploiements dans l'espace. Harvey contribue à cette perspective en articulant espace et exercice du pouvoir pour étudier la mondialisation. Il explore ainsi le caractère spatial du capitalisme mondialisé. Les processus de domination et particulièrement la néo-libéralisation redessinent ainsi des espaces inégaux (Harvey (2003) et Harvey (2005)). La dimension spatiale de la dépossession par accumulation associée à un consentement forcé sont au coeur des dispositifs spatio-temporels qui produisent une domination dont il fait la géographie (Harvey(2004)). Harvey s'aranchit des cadres politiques étatiques pour orir une exploration matérielle des processus globaux capitalistes

et néolibéraux qui produisent de nouvelles formes de domination à diérentes échelles.

C'est dans cette dynamique d'une géographie soucieuse et exploratrice du pouvoir que je m'inscris40. Je propose cependant de décentrer l'objet de cette géopolitique en me focalisant sur l'eau à partir d'un cas local. Nous allons explorer ci-dessous le positionnement de ce décentrage.

E.2 Contribuer à une géopolitique de l'eau par le bas

L'étude du pouvoir et du gouvernement au sein de la géographie correspond au champ scientique de la géopolitique. Elle prend de nombreuses formes et porte sur une grande variété de sujets. Cependant, la géopolitique se spécialise en grande partie sur des objets et des questions dont le caractère politique a une certaine évidence. Les catégories et entités sont ainsi pré-identiées comme étant politiques. La géopolitique se positionne ainsi essentiellement dans une géographie politique des États et de leurs relations internationales sous des registres de guerre, de paix, de coopération, de développement, de problèmes globaux ou encore de mondialisation économique.

L'eau a une place importante dans cette géopolitique internationale comme une ressource convoi-tée/appropriée par diérents États. Les chapitres de Frédéric Lasserre dansLasserre et Descroix(2011) font ainsi une géopolitique internationale de l'eau comme source d'une augmentation des tensions dans le monde. Celle-ci peut faire naître ou être la cible de conits voir de guerre. Le livre fait ainsi un pa-norama des tensions liées à l'eau entre États et au sein des États. Le droit, les aménagements ou des cadres de gestion tel que la GIRE (Trottier (2012))41 sont les clés des problèmes ou des solutions de cette géopolitique de l'eau. Celle-ci se focalise sur des bassins transfrontaliers où des Etats se disputent et s'opposent. Le Nil, Israël/Palestine, le sud-est asiatique (Chine-Vietnam), la mer d'Aral sont les cas emblématiques de cette géopolitique de l'eau. De nombreux auteurs décrivent ainsi les ouvrages contes-tés et les processus de règlements internationaux associés à ces conits de l'eau. Cette géopolitique est construite dans une optique surplombante de mise à plat des conits internationaux liés à l'eau. Elle peut s'associer au processus de réglementation en produisant des savoirs sur la question. Elle peut appuyer une gestion intégrée et une coopération internationale. Cette géopolitique a alors un rôle d'expertise dans le multipartisme des organisations internationales en véhiculant des discours politiques sur la gestion, le bassin versant, la coopération qui doivent permettre de s'aranchir de la pure force.

Dans cette thèse, je propose de décentrer cette géopolitique de l'eau aux échelles nationales et inter-nationales pour faire une géopolitique des diérentes façons de gouverner et des diérentes formes de pouvoir dans une approche multi-scalaire. Cette géographie par le bas propose de partir des assemblages concrets et locaux des acteurs et des matérialités et de suivre les relations de pouvoir aux diérentes

40. Cette adéquation de la géographie avec Foucault a été soulignée dansElden et Crampton(2016) 41. Voir l'étude de la GIRE dans la sectionA.1.1page311dans le chapitre6page307.

échelles (Leblond(2017)). En 2003, la revue Hérodote a proposé un numéro intitulé Les pouvoirs locaux, l'eau, les territoires . Béatrice Giblin signe le premier article pour armer :

Une fois encore rappelons que notre conception de la géopolitique ne se limite pas à l'étude des conits interétatiques, mais que toutes rivalités de pouvoirs s'exerçant sur un ou des territoires relèvent de la géopolitique, qu'il s'agisse de rivalités entre forces politiques rivales opposées, entre pouvoirs locaux commune contre département, départements entre eux, ou département et région , mais aussi rivalités entre forces économiques et sociales qui s'arontent sur des usages diérents du territoire. Selon cette conception, l'eau en France, à plus d'un titre, relève bien de la géopolitique. (Giblin(2003))

Les diérents auteurs font ainsi des études géopolitiques de l'eau en France en montrant diérentes facettes politiques liées à des problématiques particulières (inondation, hydro-électricité, identité poli-tique, débat public ou décentralisation). Chacun des auteurs de ce numéro explore les arènes politiques associées à un territoire où l'eau est un enjeu. Je propose, dans cette thèse de faire une géopolitique par le bas qui (re-)découvre le pouvoir dans ses pratiques spatiales. Faire une géopolitique de l'eau en Crau, c'est ainsi explorer la spatialisation des façons de gouverner et des façons de faire.

E.3 Le territoire comme collecteur hypertrophié de la géographie

Pour explorer par le bas la géopolitique de l'eau, nous devons questionner la notion de territoire qui est omniprésente dans la géographie et plus généralement dans les sciences humaines françaises mais également dans les discours des gestionnaires de l'eau. Chouquer(2011) décrit les collecteurs hypertro-phiés comme des catégories rassembleuses et niveleuses qui constituent ou sont à l'origine des objets ou des processus avec lesquels on écrit l'histoire. Ces catégories sont marquées par les caractères de la modernité . Chouquer utilise ce concept pour étudier les reconstructions politiques de l'histoire. Je pro-pose de décliner ce concept à la géographie pour montrer les reconstructions opérées par la notion de territoire. Je questionne le rôle de cette notion en interrogeant son imbrication avec le gouvernement de l'eau. Je souhaite ici préciser que parler de territoire ça sert, d'abord, à faire de la politique. Il ne s'agit pas d'attaquer la compréhension académique du territoire mais de regarder ses usages à la fois par des géographes, des scientiques d'autres disciplines, mais également et surtout par les gestionnaires de l'eau en Crau.

Partons de la dénition académique de territoire. Di Méo (1998) dénit le territoire comme une appropriation à la fois économique, idéologique et politique (sociale donc) de l'espace par des groupes qui se donnent une représentation particulière d'eux-mêmes, de leur histoire, de leur singularité . Les appro-priations sont explorées selon diérentes dimensions suivant les auteurs et les thématiques qu'ils traitent. Elles sont matérielles, idéelles, administratives, légales, culturelles, symboliques voire naturelles et correspondent aux aménagements, aux activités ou aux manières d'habiter (Lévy et Lussault (2013)).

Le territoire est progressivement devenu hégémonique dans la géographie française. Plus généralement, le territoire est couramment mobilisé pour délimiter l'ancrage spatial des travaux de sciences sociales, par exemple en utilisant l'expression : ce travail est situé dans tel territoire. Il faut noter l'importance de la dimension politique du territoire dans cette description de l'espace comme le souligneDi Méo(1998) Le territoire traduit un mode de découpage et de contrôle de l'espace garantissant la spécicité et la permanence, la reproduction des groupes humains qui l'occupent.

Cette notion est également mobilisée par les acteurs du territoire notamment les hommes politiques pour faire valoir leur légitimité, leur spécicité et leur ancrage. Ils disent ainsi, je suis de tel territoire et je parle de ce territoire et au nom de ceux qui y vivent. Le territoire est ainsi une notion à la fois académique et mobilisée par les acteurs avec une pluralité d'usages. Ceci est particulièrement le cas pour la thématique de la gestion de l'eau. La notion de territoire de l'eau est ainsi abondamment reprise par les académiques et les acteurs de la gestion.

Marie-Vic Ozouf-Marignier questionne le rôle des savoirs hydrographiques dans la dénition des divisions administratives au XIXe et XXe siècles. Son travail s'intéresse tout particulièrement aux controverses savantes et aux savoirs experts visant à redénir l'exercice du pouvoir administratif ( Ozouf-Marignier(2003)). Ghiotti permet de bien cerner cette double appartenance scientique et politique du territoire. Il montre comment les territoires de l'eau se sont construits en France à partir de l'entité naturalisée du bassin versant (Ghiotti (2006)). Il montre ses péripéties historiques et son hégémonie récente dans la gestion de l'eau. Il pointe l'articulation complexe parfois dicile entre le bassin versant, les dynamiques territoriales et les politiques de gestion qui fondent le bassin versant comme unité spatiale des scientiques mais aussi des dispositifs gestionnaires. Molle (2009) montre l'exportation globale du paradigme de la gestion par bassin versant associé à la gestion intégrée de l'eau. Il retrace ainsi la trajectoire politique et sociale de ce concept qui fonde la notion de territoire de l'eau.

Je propose d'aborder cette notion de territoire de l'eau d'un point de vue constructiviste pour parvenir à situer et à montrer les usages de ce concept polysémique et politique dans la gestion de l'eau en Crau. Pour ce faire, nous proposons de suivre la réexion de Foucault dans son dialogue avec Hérodote qui questionne cette notion :

Territoire, c'est sans doute une notion géographique, mais c'est d'abord une notion juridico-politique : ce qui est contrôlé par un certain type de pouvoir. (Foucault et Hérodote(1976), page 76)

Claude Raestin prône une géographie du pouvoir prenant ainsi la suite de la géopolitique d'Yves Lacoste. Il prend partie pour une géopolitique qui explore les stratégies des acteurs et leurs dimensions spatiales face à la géographie politique qui reprend les savoirs et cadres étatiques (Raestin (1980)). Il arme que le territoire est un produit de pouvoir (Raestin (1982)). Il élargit sa dénition : le territoire ne se limite plus au caractère étatique du territoire national mais correspond à l'espace des

relations de pouvoir.

A partir du milieu des années 1980 et surtout des années 2000, la décentralisation transforme le pou-voir étatique associé à un territoire national en une multiplicité d'institutions associées à une myriade de territoires. Ces territoires sont ceux que les gestionnaires/politiques revendiquent comme attachement spatial et dont ils se font les porte-paroles. Avec ce mouvement de décentralisation, les études géopo-litiques peuvent questionner cette nouvelle construction et articulation territoriale caractérisée par une forme de localisme.Ozouf-Marignier(2011) explore la généalogie historique du département. Elle inter-roge de manière dynamique les diérentes facettes politiques du département associées ainsi à diérents territoires. Elle montre comment le département sert tour à tour d'entité géographique territoriale pour la mise en place de politiques publiques mais aussi pour s'y opposer.

Nous analysons comment cette notion de territoire est construite et mobilisée par de nombreux acteurs pour parler de l'eau en Crau. Nous interrogeons la manière de faire de la politique avec la notion de territoire particulièrement à la rencontre entre la décentralisation et le nouveau management de l'action publique. Nous questionnons également comment cette notion de territoire transforme l'identité spatiale des acteurs et les matérialités de l'eau notamment souterraine. Dans cette thèse, je ne mobilise donc pas la notion de territoire comme un élément constitutif de mon cadre théorique mais comme un objet d'étude an d'éviter toute confusion. J'explore comment la notion de territoire de l'eau opère comme un collecteur hypertrophié permettant d'ancrer spatialement la gestion de l'eau sans que l'exercice du pouvoir qui lui est attaché soit explicité. Ceci est particulièrement visible dans les reconstructions historiques qui mobilisent la notion de territoire de la Crau pour des périodes antérieures aux années 1990. Pour parvenir à situer et à explorer la construction de cette notion de territoire de l'eau , je fais appel au concept de spatialité présenté dans la section suivante.

E.4 Explorer les spatialités des façons de gouverner et des façons de faire

Pour suivre les relations entre espaces et façons de gouverner, je fais appel à deux concepts : spatialité et spatiographie. Ceux-ci sont construits par analogie avec les concepts d'historicité et d'historiographie. Les notions abordées par ces concepts recoupent notamment les questions de cartographie, de géopolitique des territoires, d'histoire de la géographie et d'épistémologie. Ces deux concepts me permettent de faire une certaine géographie qui traite à la fois de comment les réseaux d'acteurs produisent, marquent, racontent l'espace avec quels savoirs , techniques et pratiques géographiques. Ils permettent de montrer la co-production de manières de gouverner avec certaines conceptions de l'espace en dépassant le caractère situé du territoire.

Décrire une spatialité, c'est suivre au plus près les manières dont les acteurs pensent, pratiquent, jalonnent, disent, écrivent l'espace. Cette notion de spatialité permet de saisir les multiples façons dont les

acteurs fabriquent et façonnent l'espace en explorant leurs savoirs, leurs savoir-faire et leurs matérialités. Le géographe explore l'espace tel que les diérents acteurs le conçoivent, le marquent, le racontent et l'inscrivent. La spatialité est ainsi une manière de dire et de fabriquer l'espace propre à diérents acteurs. Cette manière est plus ou moins partagée et inscrite dans des dynamiques de gouvernement qu'elle contribue à performer et à légitimer. Cette notion de spatialité permet d'interroger la dimension spatiale des manières d'exercer des relations de pouvoir.

Étudier la construction de l'espace renvoie alors en grande partie à l'étude des luttes sociales et de la domination qui impose (ou tente de le faire) un certain espace à une population. Avec la notion de spa-tialité, je cherche à la fois à conserver la force de l'idée d'un espace construit socialement (Di Méo(2000))