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Chapitre 3. Les femmes dans la paix et la sécurité internationale : analyse de discours thématique des

3.2. Les Résolutions « Femmes, paix et sécurité »

Ce travail s’intéresse à l’usage de la force armée et aux intersections existant entre la question des femmes, la pensée féministe et l’usage de la force. Le Conseil de Sécurité, en l’an 2000, se positionne pour la première fois sur la question des femmes et la lie à la question de la paix et de la sécurité, soit à l’usage potentiel de la force armée. Les questions de la paix et de la sécurité sont bien sûr plus vastes que celle de l’usage de la force armée. C’est cependant dans cette dernière que réside l’intérêt principal de ce travail. Les documents existant en matière de droits de la femme ou d’usage de la force sont nombreux, mais rares sont ceux liant les deux questions ensemble. Les Résolutions FPS ont pourtant ce potentiel, il s’agit donc ici d’analyser s’il est matière concrète.

Le corpus de données est donc potentiellement très large, pouvant regrouper tous documents des Nations unies faisant référence à l’usage de la force et/ou aux femmes. Le corpus de données peut en effet comprendre tous les débats du Conseil de Sécurité préalables à l’adoption des résolutions concernant « les femmes la paix et la sécurité » ainsi que les déclarations de son président en la matière. Toutefois, après avoir étudié le contenu de ces autres documentations pouvant constituer un plus grand data set, nous avons conclue à la similarité de leur contenu avec celui des résolutions FPS. Leur inclusion ne produirait donc pas de résultats diamétralement différents de ceux fondés uniquement sur les résolutions FPS. Ce travail, pour des raisons de temps imparti, choisi donc de s’intéresser primordialement à ces dernières, qui seront notre set de données.

La question « femmes paix et sécurité » se retrouve dans de nombreux documents nationaux et internationaux, mais l’origine de cette expression revient au Conseil de Sécurité des Nations unies qui, le 31 octobre 2000, adopta la première résolution en la matière563 qui fut appuyé par 7 résolutions suivantes : la résolutions 1820 en 2008564, les résolutions 1888 et 1889 en 2009565, la résolution 1960 de 2010566, les résolutions 2106 et 2122 en 2013567 et la

563 UN Doc, S/RES/ 1325 (31 octobre 2000). 564 UN Doc, S/RES/ 1820 (19 juin 2008).

565 UN Doc, S/RES/ 1888 (30 septembre 2009) ; UN Doc, S/RES/1889 ( 5 octobre 2009). 566 UN Doc, S/RES/ 1960 (16 décembre 2010).

résolution 2242 de 2015568. Une nouvelle résolution FPS fut également adoptée le 23 avril 2019 lors de la composition/rédaction de ce travail, et élève ainsi le nombre de résolutions en la matière à neuf.

Ces résolutions furent le point de départ de l’agenda « femmes paix et sécurité » des Nations Unies, assuré dans la pratique notamment par ONU FEMMES569. Les résolutions FPS sont contraignantes et guident les Nations unies et les États membres en matière de droits des femmes en temps de conflits armées et portent principalement sur l’implication de ces dernières dans les processus de paix, reconnaissant les conséquences désastreuses des conflits armés sur les femmes.570 Les résolutions FPS prennent place dans un contexte de débat récurrents depuis la guerre froide sur ce qu’est la sécurité, et les conditions d’usage de la force.571 La notion de sécurité est apparue en 1994 lors du Programme des Nations Unies pour le Développement.572 Cette notion, dans sa conception moderne et onusienne, centre la sécurité sur l’humain et non plus sur l’État.573 Les résolutions FPS sont aussi l’aboutissement de l’entrée et du séjour prolongé des questions de genre au sein des Nations Unies.

L’agenda FPS du Conseil de Sécurité vient s’ajouter à divers instruments en matière de femme au sein des Nations Unies. Les Nations Unies déclarent en 1975 « l’année internationale de la femme » et organisent une conférence mondiale à Nairobi sur le statut de la femme à laquelle 165 États et ONG participèrent574. En 1979 la Convention sur

567 UN Doc, S/RES/ 2106 ( 24 juin 2013) ; UN Doc, S/RES/2122 (18 octobre 2013). 568 UN Doc, S/RES/ 2242 ( 13 octobre 2015).

569 Site internet de ONU Femmes, disponible en ligne : http://www.unwomen.org/fr/news/in- focus/women-peace-security (consulté le 16 mai 2019).

570 Id.

571 Aime ROBEYE RIRANGAR, « Genre et conflits : l'effectivité de la résolution 1325 de l'ONU de l'oeuvre sur les femmes la paix et la sécurité », Thèse, Lyon, France, Université Lyon 3, (28 octobre 2016) ; Charles-Philipe DAVIDE et Jean-Jacques ROCHE, Théories de la sécurité, Paris, Montchrestien, 2002, p. 21.

572 Id., p. 22.

573 Jean François RIOUX, La sécurité humaine: une nouvelle conception des relations internationales, Paris, Harmattan, 2002, pp. 22-23.

574 Département de l'information de l'ONU, « Les quatre conférences mondiales sur les femmes 1975- 1995. Perspective historique », Site des Nations Unies, (2000), en

ligne :<https://www.un.org/french/womenwatch/followup/beijing5/session/fond.html > (consulté le 3 aout 2019).

l’Élimination des Violences faites aux Femmes (CEDEF) est adoptée.575 La conférence mondiale de Beijing en 1995 fait également partie des jalons en matière de femmes et de féminisme au niveau international, en conceptualisant les droits des femmes comme des droits humains.576 La question des femmes, de leur droit, de leur participation, de leur condition, n’est donc pas nouvelle au sein des Nations Unies. C’est cependant la première fois que l’organe chargé de la mission de paix et sécurité se positionne sur le sujet. Ce positionnement du Conseil semble justifié par les conséquences des conflits armés sur les femmes parallèlement à leur exclusion des processus de paix. Évidemment, ces résolutions prennent place dans le contexte global des luttes féministes. Dans le contexte Onusien, les résolutions FPS s’inscrivent comme aboutissement des différentes campagnes menées par les ONG de droit de femmes, certains parlent de lobbying féministe577.

Les résolutions FPS viennent officiellement inscrire les femmes dans la question de la paix et de la sécurité. Ces résolutions représentent l’entrée du féminisme et de la femme dans le discours du Conseil de Sécurité, premier responsable de la paix et de la sécurité internationales. Au cœur des questions de paix et de sécurité se trouve la question spécifique de l’autorisation de recours à la force armée par le Conseil. La littérature féministe s’est abondement intéressée aux résolutions du Conseil et l’implication des femmes sans toutefois se saisir activement de la question de la justification de l’usage de la force au nom de la femme.578 Il est donc pertinent d’analyser comment le Conseil de Sécurité se positionne en matière d’usage de la force et comment les femmes sont impliquées sur la question. De façon plus générale, il nous sera aussi intéressant de pouvoir analyser comment les femmes sont engagées et perçues par le Conseil au regard des questions de paix et de sécurité. En tant que clef de voute de l’agenda en la matière, ces résolutions sont la fondation et le guide des Nations unies, des États et organisations membres en la matière. Elles donnent le ton. Il demeure à analyser quel ton est donné.

575 Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de violences contres les femmes, adoptée le 18 décembre 1979.

576 Disponible en ligne : <http://www.un.org/womenwatch/daw/beijing/pdf/BDPfA%20F.pdf> 577 Carol COHN, « Women, Peace and Security Resolution 1325 », (2010) 6-1 International Feminist

Journal of Politics 130, 133-140.