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1.2 L’usage de la force entre tensions contemporaines et nouveaux concepts

1.2.2 La justification humanitaire

1.4.2.2. La « Responsabilité de protéger » 

La « responsabilité de protéger » (« R2P ») est ce qu’il y a de plus proche juridiquement d’une « intervention humanitaire » en droit positif. Elle a vu le jour en réaction aux concepts de « droit/devoir d’ingérence » et d’« intervention humanitaire ».208 La responsabilité de protéger est née à la suite des débats concernant la validité et la viabilité en droit international du concept « d’intervention humanitaire », « atteinte inacceptable à la souveraineté » selon les mots de Kofi Annan, ancien secrétaire-général des Nations-Unies.209 Ce dernier avait lors de son rapport du Millénaire lancé une question à la communauté internationale : que faire alors face aux violations flagrantes de droit de la personne ? Un an plus tard naissait la « Responsabilité de protéger », qui vient officialiser en grande partie ce que le précèdent concept énonçait.210

La R2P a connu deux moments clefs dans sa construction. Un en 2001, lors de la première ébauche officielle du concept avec le rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États (CIISE), qui eu lieu en dehors du cadre des Nations Unies. Puis un autre en 2005, lors de l’officialisation de la R2P dans le cadre onusien, notamment par le Conseil de Sécurité. La R2P a été réaffirmée par le Conseil de sécurité dans ses résolutions 1674 (2006), 1894 (2009), 2117 (2013) et 2150 (2014). L’ONU dégage quatre

206 Id.

207 Francis KOFI ABIEW, The Evolution of the Doctrine and Practice of Humanitarian Intervention, The Hague, Kluwer Law International, 1999, p. 31.

208 Id.

209Jean-Baptiste JEANGENE VILMER, « Introduction », dans Jean-Baptiste JEANGENE VILMER (dir.), La

guerre au nom de l'humanité. Tuer ou laisser mourir, Paris Cedex 14, Presses universitaires de France,

2012, p. 50. 210 Id.

crimes justifiant son existence : le nettoyage ethnique, le crime contre l’humanité, le génocide et le crime de guerre à grande échelle211. La R2P a donc des liens étroits avec les outils existants de prévention des génocides. Les Nations Unies ont également désigné un conseiller spécial chargé de délimiter ses portées « théoriques, politiques et opérationnelles ».212

Théoriquement, elle est la responsabilité, morale et non contraignante, pour un État de protéger sa population, mais également une responsabilité de réagir aux situations qui appellent la protection humaine et la prévention de situation propice à des crises humanitaires.213 Les principe de « responsabilité de protéger » et de « souveraineté  responsable » sont consacrés par l’article premier de la Convention sur le Génocide.214 Le document final du Sommet mondial de 2005 énonce les trois (3) piliers fondateurs de la R2P :

1. Il incombe au premier chef à l’État de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le nettoyage ethnique, ainsi que contre les incitations à les commettre ;

2. Il incombe à la communauté internationale d’encourager et d’aider les États à s’acquitter de cette responsabilité ;

3. Il incombe à la communauté internationale de mettre en œuvre les moyens diplomatiques, humanitaires, et autres de protéger les populations contre ces crimes. Si un État n’assure manifestement pas la protection de ses populations, la communauté internationale doit être prête à mener une action collective destinée à protéger ces populations, conformément à la Charte des Nations Unies.215

211 Article 139 de la Charte des Nations Unies (sur la R2P) préc., note Erreur ! Signet non défini. 212 La conseillère spéciale actuelle est Jennifer Welsh, Mme Welsh travaille sous la direction de M. Adama Dieng, Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, à la mise au point d’une approche conceptuelle, politique, institutionnelle et opérationnelle du concept de la

responsabilité de protéger, tel que l’Assemblée générale l’a énoncé aux paragraphes 138 et 139 du Document final du Sommet mondial de 2005. Mme Welsh est actuellement professeure et Directrice du programme de relations internationales à l’Institut universitaire européen de Florence. Les projets de recherche de Mme Welsh portent sur l’évolution du concept de la responsabilité de protéger au sein de la communauté internationale, l’éthique de la reconstruction après un conflit, l’autorité du Conseil de sécurité et la notion de souveraineté.

213 J-B JEANGÈNE-VILMER, préc., note 209, p. 79.

214 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1928, entrée en vigueur le 12 janvier 1951. Disponible sur le site des Nations Unies, en ligne :

http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CrimeOfGenocide.aspx (consulté le 25 mars 2017).

215 Document final du sommet mondial, 24 octobre 2005, disponible en ligne :

La question des moyens mis à la disposition de la R2P et des actions prises dans ce but est dépendante de la situation.216 Les Nations Unies énoncent plusieurs recommandations à ce propos : il peut s’agir de recommandations faites par des États à de l’aide humanitaire en passant par de l’aide au développement, au support des organisations civiles locales.217 Ultimement, le Conseil de Sécurité est le garant de l’action en R2P.218 C’est lui qui autorisera notamment l’intervention militaire.219 Ce recours à la force doit être légitimé et guidé par la gravité de la menace, la situation de dernier recours et la proportionnalité de la réponse, en accord avec la Charte des Nations Unies.220 La question du dernier ressort est capitale. Le dernier ressort suppose que d’autres actions possibles ont été envisagées et essayées et/ou que l’urgence de la situation appelle une action militaire.221 L’esprit de la R2P s’illustre par la nécessité de privilégier la prévention avant toute intervention.222 La R2P n’énonce pas un droit unilatéral d’intervention ni ne requiert l’usage automatique de la force armée.