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Chapitre 3. Les femmes dans la paix et la sécurité internationale : analyse de discours thématique des

3.4 Femmes et usage de la force dans les résolutions «FPS» Il résulte du codage des résolutions FPS et de nos premières observations en la matière que

3.4.2 Les femmes dans le discours FPS

3.4.2.1. L’égalité de genre

Le thème de l’égalité de genre est un thème émergent dans notre analyse. Bien qu’il soit un thème populaire pour le féminisme, il n’est cependant pas apparu dans nos recherches en matière d’usage de la force et de féminisme. La prise en compte de ce thème fut faite en raison de sa prédominance dans le discours. Cela prend notamment la forme d’un langage faisant appel à de nombreuses utilisations d’expressions telles : « parité entre les sexes »672, « démarches sexo-spécifiques »673, « équité entre les sexes »674 ou encore de « problématique homme-femme »675. La « problématique homme-femme » semble être la dénomination choisie par le Conseil pour évoquer les situations d’inégalité de genre, mais aussi de violences sexuelles, tant dans les forces militaires qu’au sein des bureaux des Nations Unies. Cette

671 Rubrique FPS sur le site web des Nations Unies, En ligne : < https://www.un.org/undpa/fr/women- peace-security > (consulté le 26 octobre 2019).

672 UN doc. S/RES/2242 (13 octobre 2015) à la page 4. 673 UN doc. S/RES/1325 (31 octobre 2000) à la page 2. 674 UN doc. S/RES/1325 (31 octobre 2000) à la page 2. 675 UN doc. S/RES/2122 (18 octobre 2013) à la page 3.

question bien que distincte de celle de l’égalité de genre lui reste complémentaire. La présence importante de ce langage renforce l’idée de l’engagement du Conseil en faveur de l’égalité de genre. L’égalité de genre est un thème qui se retrouve donc de façon extensive dans tout le discours FPS, et qui s’articule autour des questions de paix et de sécurité. Le discours lie la question de l’égalité de genre à la question de la paix sous trois angles principaux : le « gender

balancing », le « gender mainstreaming » et les obstacles qu’ils connaissent, eux-mêmes

considérés comme obstacles à la paix.

- Égalité de participation aux missions de terrain, le « gender balancing »

L’égalité de genre s’illustre dans le discours du Conseil par sa demande pour une présence plus importante de femmes dans les unités de maintien de la paix, notamment comme nous avons pu le souligner précédemment, dans des unités de forces armées par une plus grande participation aux missions de maintien de la paix :

« Se déclare prêt à incorporer une démarche soucieuse d’équité entre les sexes dans les opérations de maintien de la paix, et prie instamment le Secrétaire général de veiller à ce que les opérations sur le terrain comprennent, le cas échéant, une composante femmes »676

Cela fait référence à ce qui est désigné comme « gender balance »677 dans le jargon des Nations Unies. Plus que la présence plus grande voire égalitaire d’employés militaires de sexe féminin, le discours du Conseil témoigne d’une volonté d’incorporer les questions d’équité entre les sexes dans les missions de terrains et incite les pays membres à procéder de la sorte également. Le discours ne développe pas sur ce qu’une « démarche soucieuse d’équité entre les sexes » engage.

- Egalité de participation aux décisions en matière de paix et la prise en compte de l’égalité de genre dans les accords de paix et la reconstruction post-conflit : « gender mainstreaming »

Les Nations Unies définissent le « gender mainstreaming »678 comme :

676 UN doc. S/RES/1325 (31 octobre 2000) à la page 2.

677 Site internet des Nations Unies, en ligne : < https://www.un.org/ > (consulté le 17 juin 2019) 678 Id.

« […] the process of assessing the implications for women and men of any planned action, including legislation, policies or programmes, in all areas and at all levels. It is a strategy for making women’s as well as men’s concerns and experiences an integral dimension of the design, implementation, monitoring and evaluation of policies and programmes in all political, economic and societal spheres so that women and men benefit equally and inequality is not perpetuated. The ultimate goal is to achieve gender equality. »679

L’égalité de genre est le but, le « gender mainstreaming », la stratégie pour l’atteindre.680 Il s’agit donc d’introduire la question de l’égalité de genre à tous les niveaux, notamment décisionnels. Les décisions visées par l’application d’une politique d’égalité de genre sont souvent liées à la paix, dans le discours FPS. En effet, l’égalité de genre doit permettre aux femmes de participer aux accords de paix, aux efforts de paix et de reconstruction post- conflit :

« Demande instamment au Secrétaire général et à ses Envoyés spéciaux

d’inviter les femmes à participer aux débats sur la prévention et le règlement des conflits, le maintien de la paix et de la sécurité et la consolidation de la paix au lendemain de conflits, et encourage toutes les parties à ces débats à faciliter la participation pleine et égale des femmes à la prise de décisions »681

La question de l’égalité de genre est là encore présente à deux niveaux : la participation de plus de femmes aux dits accords, mais également l’insertion des questions liées à l’égalité de genre dans les accords de paix et dans les efforts de reconstruction post conflits. Ce « gender

mainstreaming » est très présent dans le discours du Conseil de façon équilibrée de la première

à la dernière résolution. Le « gender mainstreaming » fait parti de la politique officielle des Nations Unies depuis plusieurs décennies682, sauf pour le Conseil de sécurité qui intègre cette dimension dans son discours pour la première fois avec la résolution 1325. Dans un discours concernant la paix et la sécurité, l’égalité de genre est érigée en solution pour endiguer les conflits et amener la paix. L’égalité de genre préviendrait des conflits armés et participerait à

679 Site internet de UN WOMEN, en ligne : <https://www.un.org/womenwatch/osagi/pdf/e65237.pdf> (consulté le 17 juin 2019).

680 Id.

681 UN doc. S/RES/1820 (19 juin 2008), à la page 4. 682 C. COHN, préc., note 577, 136.

maintenir la paix d’ou un certain lobbying pour son insertion dans les accords de paix et de reconstruction politique.

- Les obstacles à l’égalité de genre ;

Le discours prend en compte certains facteurs faisant obstacles à l’égalité de genre. Sont notamment évoqués le VIH, ou le manque d’intégration des problématiques de genre dans les institutions nationales et internationales. Le Conseil fait régulièrement appel aux États membres, notamment pour un support monétaire soutenant les actions en faveur de l’égalité de genre. Le discours insiste sur la nécessité de « transversaliser » la question de l’égalité de genre et demande plus de conseillers sur la question :

« Notant que le Bureau de la Conseillère spéciale pour la

problématique hommes-femmes est actuellement chargé de suivre l’application de la résolution 1325 (2000) et d’encourager la transversalisation de la problématique hommes-femmes dans tout le système des Nations Unies, l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes, et affirmant l’importance d’une coordination efficace des activités menées dans ces domaines au sein du système »683

Le Conseil dans son discours semble progressivement prendre en considération la question des causes profondes pouvant faire obstacles à l’égalité de genre et aux violences sexuelles subies par les femmes en conflit armées. Pour parer à ces obstacles le Conseil souligne l’importance de l’éducation aux questions de genre, notamment au sein des institutions des Nations Unies, mais également dans les forces militaires envoyées par des États membres :

« Reconnaît qu’il reste nécessaire de mieux intégrer la résolution 1325 (2000) dans ses propres travaux conformément à la résolution 2122 (2013), notamment en remédiant aux difficultés rencontrées pour ce qui est de fournir des informations précises et des recommandations sur les dimensions de la problématique hommes-femmes dans toutes les situations inscrites à son ordre du jour, de façon à inspirer et à contribuer à renforcer ses décisions, et par conséquent en sus des éléments visés dans la résolution 2122 (2013) et conformément à la pratique établie »684

La question de l’égalité de genre dans un discours sur la paix et la sécurité se concentre donc sur la question de la participation des femmes (« gender balancing ») et la prise en

683 UN doc. S/RES/1888 (5 octobre 2009) à la page 3. 684 UN doc. S/RES/2242 (13 octobre 2015) à la page 4.

compte des questions d’égalité de genre dans la formulation d’accords de paix ou de reconstruction (« gender mainstreaming »). Les assomptions et normes de genre à la base des violences liées au genre ne sont pas abordés par le Conseil, en fait des normes de genres sont reproduites dans le discours. Les questions de genre sont présentées dans une conception binaire du genre, assimilant nécessairement sexe (femelle) et genre (femme) et en liant les questions de genre uniquement aux questions d’égalité ou de violence de genre.685

Il est intéressant pour le discours FPS d’aborder l’égalité de genre dans un contexte de paix et de sécurité. En effet, si parfois le discours du Conseil demeure vague quant à comment l’égalité de genre permettra d’aider la paix internationale le discours semble cependant convaincu de la causalité entre égalité de genre et paix. Le discours ne fait pas de lien clair en ce sens si ce n’est par l’espoir placé dans la participation des femmes. Ces dernières sont perçues comme naturellement bénéfiques à la paix, composante essentialiste du discours que nous aborderons plus loin.

L’égalité de genre ne défie pas le concept de guerre. C’est la une conclusion qui rejoint celle de Cohn.686 La présence importante dans le discours des questions de gender balancing et de gender mainstreaming rend les femmes parties aux conflits, rend les conflits plus sécuritaires pour les femmes, inclus les femmes dans la reconstruction post-conflit, mais ne témoigne pas d’une position ferme contre la guerre. Au contraire, cela laisse la guerre intouchée et normalisée.687 Cette observation couplée à celle de l’absence du rappel de la prohibition de l’usage de la force armée retranscrit un discours qui n’est pas hors de la dynamique militaire, guerrière et qui ne s’inscrit pas dans l’idée d’un « droit contre la guerre ».688 Parashar estime en fait que l’implémentation de l’égalité de genre couplée au contre-terrorisme fait de l’égalité de genre un outil militariste.689

685 Gina HEATHCOTE et Diane OTTO, Rethinking Peacekeeping, Gender Equality and Collective

Security, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2014, p. 323.

686 C. COHN, préc., note 577, 137. 687 Id.

688 O. CORTEN, préc., note 32, p. 81.

689 « The inclusion of the WPS agenda, particularly in CVE (countering violent extremism force) policies, makes “gender equality” a militarized tool that securitizes women’s lives » and discounts the opinions and experiences of women on the ground in affected countries and local contexts. » in Swati