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CHAPITRE 2. Perspectives féministes sur l’usage de la force en droit international

2.1. Des féminismes pour l’usage de la force

2.1.1 Des années 1990 au 11/09/01, du paysage post guerre du Kosovo au régime des talibans : les positions féministes en matière d’intervention

2.1.1.3. Beth Van Schaack et l’intervention bona fide

La position de VanSchaak concernant l’usage de la force armée se situe autour de la question de l’intervention humanitaire et est une position plus nuancée. Elle commence tout d’abord par souligner que jusqu’alors les différentes interventions humanitaires n’ont pas eu les effets escomptés en matière de sort des femmes qu’elles devaient libérer.293

De façon préliminaire toujours, Van Schaak estime aussi que la tentation d’invoquer l’usage de la force armée face à des violations des droits de la personne pourrait dissuader le développement de solutions non violentes face à des situations demandant intervention.294 Les travaux de Van Schaak rappellent aussi que les interventions armées, même au nom de l’humanitaire produisent également de la violence à court et long terme que même la défense des femmes ne peut facilement légitimer.295

Van Schaak, se joint aux critiques de l’intervention sous ses formes actuelles et mets en garde contre les dangers de l’instrumentalisation et en appelle à garder un esprit critique.296

Cependant, la position de Beth Van Schaack297

bien que mitigée, demeure en faveur d’un usage de la force pour des fins humanitaires, donc en faveur d’une intervention humanitaire. En effet, l’auteur estime qu’une forme d’intervention humanitaire serait bénéfique au sort des femmes en ce qu’elle peut être développée comme un outil de droit international en cas de violation extrême des droits de la personne, notamment des femmes puisque ces dernières continuent à subir de multiples violences. 298

Ainsi, l’option de l’intervention humanitaire serait à conserver mais aussi à bonifier.299

293K. ENGLE, préc., note 285, 84.

294 B. VAN SCHAACK, préc., note 276, 480. 295 Id.

296 Id., 482.

297 Dans le cadre de la conférence sur les femmes et le droit pénal international, tenue par

« international Law grrls and the american society of international Law », disponible en ligne :

<http://www.intlawgrrls.com/> (consulté le 13 mai 2019). 298 B. VAN SCHAACK, préc., note 276, 480 et s.

Elle estime en effet nécessaire de théoriser la matière et de développer un corps de règle pouvant freiner l’abus de la part des États.300

Elle développe donc sur des considérations éthiques sous l’égide desquelles l’intervention humanitaire militaire devrait avoir lieu, qu’elle nomme intervention bona fide. Van Schlaack propose en fait, de penser l’intervention humanitaire en s’inspirant des valeurs de la guerre juste, que nous avons évoqué dans le chapitre précèdent. Ainsi une intervention humanitaire militaire si elle doit avoir lieu se devrait d’être entreprise par une autorité légitime (comme le Conseil de Sécurité ou sollicité par une autorité locale et légitime).301

L’intention de l’intervention se devrait d’être réellement et uniquement dans le but de limiter les violences existantes en usant de la force en dernier ressort et de façon proportionnelle.302

Une intervention enfin ne devrait pas avoir lieu sans qu’une chance raisonnable de succès existe.303

Malgré la reconnaissance des pans problématiques304 et la mention en petite note des relents impériaux de telles interventions, VanSchaack estime qu’il est cependant possible de théoriser une intervention humanitaire moderne et éthique. Elle estime que pour penser une intervention humanitaire au nom des femmes il est nécessaire d’inclure ces dernières dans les décisions relatives à l’usage de la force armée.305

VanSchlaack estime vraisemblablement qu’une plus grande participation des femmes à ce genre d’interventions serait bénéfique et espère que les pas faits en ce sens par la résolution 1325 continueront et apporteront une plus grande participation de femmes et des idées féministes à ce genre de décision, puisque ce n’est pas le cas à l’heure actuelle.306

Elle rappelle toutefois que si jusqu’alors le sort des femmes fut utilisé dans différentes justifications d’interventions humanitaires, cela n’a jamais été la base

300 Id.

301 Id., 487. 302 Id., 488. 303 Id., 483.

304 Id ; David KENNEDY, The Dark Side of Vertue : Reassessing International Humanitarianism, Princeton University Press, Princeton, 2004, p. 24.

305 B. VAN SCHAACK, préc., note 276, 488.

306 Id ; voir aussi Christine BELL et Catherine O’ROURKE, « Peace Agreements or Pieces of Paper? The Impact of the UNSC Resolution 1325 on Peace Processes and their Agreements », (2010) 11-1

unique d’une intervention et que les interventions ayant eu lieu ne furent ni neutre ni désintéressées.307

Une légère fracture entre féministes militantes et féministes académiques semble cependant avoir existé quant au support apporté à l’intervention humanitaire militaire. Selon Engle : « Pratiquement aucune militante des droits des femmes ne s’est opposée à l’intervention américaine en Afghanistan ni à l’utilisation faite à cette occasion des droits des femmes pour légitimer l’invasion »308 alors qu’à l’inverse, de nombreuses intellectuelles se

positionnèrent contre ce genre d’intervention.309 La divergence semble résider en partie dans une instrumentalisation politique de certains pans féministes, ou de leur allégeance à certaines positions politiques. Il s’agirait également d’une réalité différente pour celles se trouvant dans des positions plus pratico-pratiques et voulant simplement trouver des moyens de faire avancer la cause féministe, devant faire preuve de plus grands compromis que leurs consœurs théorisant sur le sujet. Tous les auteurs et organisations féministes n’ont toutefois pas apporté un support à l’intervention militaire humanitaire, et celles l’ayant soutenu ne l’ont pas fait pour les mêmes raisons. Une autre justification singulière à l’intervention humanitaire se trouve dans l’argumentaire du care.