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1.2 L’usage de la force entre tensions contemporaines et nouveaux concepts

1.2.1 La justification sécuritaire

Nombre d’interventions militaires contemporaines ayant pris part en dehors du cadre légal du recours à l’usage de la force connurent des justifications altruistes. Ce n’est pas le cas des notions de guerre préventives et préemptives. Ces deux notions voient l’usage de la force comme une nécessité de protection de l’État et de ses nationaux.

1.2.1.1. La « guerre préventive »

La guerre préventive est une doctrine de guerre fondée et initiée sur la croyance d’un conflit futur.173 Le conflit n’existe donc pas encore mais son éventuelle existence vient justifier une attaque armée.174 Elle est une guerre dont les justifications sont stipulatives. Elle pallie la dissuasion et s’impose comme mesure géopolitique beaucoup plus drastique.

Comme nous venons de le voir, le droit positif en matière de conflit armé prévoit des conditions strictes d’entrée en guerre. La guerre préventive n’a pas de fondement en droit international positif, et ne connait aucun statut.175 L’article 2, paragraphe 4 de la Charte des Nations-Unies est claire sur ce point-là.176 Or, en l’absence de législation appropriée venant

173 Olivier CORTEN, Le retour des guerres préventives : le droit international menacé, Bruxelles, éditions Labor, 2003, p. 117.

174 Id.

175 Id., p. 119.

176 « Les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout

garantir et empêcher les abus, le recours à ce type de guerre, met en péril les règles de droit international.177 Il a également été souligné que cela peut aussi sévèrement réduire les chances de paix mondiale ainsi qu’accroitre le nombre de conflits armés internationaux178. Une des critiques du recours à la « guerre préventive » souligne aussi l’absence de prise en considération des différentes sources possibles des potentiels conflits mondiaux, notamment la disparité considérable des ressources, ce qui ne permet pas de dialogue réaliste sur comment endiguer ce genre de violence179.

Cependant, pour certains objectivistes, la guerre préventive est désormais justifiée et justifiable en droit international en raison des évolutions récentes de la vie internationale180. Pour l’instant, seulement deux pays ont eu recours à une « guerre préventive » : Israël en 1967 et les États-Unis en 2003.181 Il faut noter que la justification de la « guerre préventive » s’inspire de la théorie de « l’impérialisme défensif », thèse contemporaine qui reprend une thèse présente à l’époque romaine, selon laquelle la puissance impériale bâtie par les Romains aurait été mue par une volonté de prévention d’attaques éventuelles plutôt que par une simple volonté de conquête182. Ce qu’il est intéressant de constater c’est l’utilisation de cette thèse dans la justification de guerre préventive couplée à celle de la théorie de la « guerre juste »183.

État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies », article 2, Charte des Nations Unies, préc., note 85.

177 Mireille MANDES-FRANCE et Hugo RUIZ DIAZ BALBUENA, « La dégradation généralisée du respect au droit international », (2005) 60 Revue internationale et stratégique 43, 47, 48.

178 O. CORTEN, préc., note 32, p. 224.

179 Mary Ellen O’CONNEL, International Law and the « global war on terror, Paris, Pedone, 2007, p. 56.

180 Jane E. STROMSETH, « Law and Force After Iraq : A Transitional Moment », (2003) 97 Georgetown

Law Faculty Publications and Other Work, 628, 632 ; voir également Franck BIGGIO, « Neutralizing the Threat : Reconsidering Existing Doctrines in the Emerging War on Terrorism », (2002) 34-1

Journal of international Law 1, 23, 35 ; Amos GUIORA, « Anticipatory Self-Defence and International

Law. A Re- Évaluation », (2008) 13-1 Journal of conflict and Security Law 3, 16. 181 Id.

182 Hugo CASTIGNANI, « L’impérialisme défensif existe-t-il ? Sur la théorie romaine de la guerre juste et sa postérité », (2012) 45 Raisons politiques 35, 44, 52.

1.4.1.2. La « guerre préemptive »

Le Président Bush dans le National Security Strategy ranima un vif débat sur la scène du droit international, à propos de la « guerre préemptive »184. La similitude entre « guerre préemptive » et « guerre préventive » réside dans la possibilité d’utiliser la force armée comme défense, avant qu’une attaque n’ait lieu. Cependant, dans le cadre de la « guerre préemptive » il s’agirait de répondre à une menace grave, tellement précise et imminente par une attaque défensive, avant que la menace ne se réalise.185 Contrairement à la « guerre préventive », la « guerre préemptive » pourrait trouver un encadrement légal dans la charte des Nations Unies dans le cadre des règles du droit à la légitime défense.186 Ce qui impliquerait potentiellement un droit anticipatif à l’autodéfense dans des conditions très règlementées.

La « guerre préemptive » a été majoritairement développée par les auteurs O’Brien et Lango entre autres187. Ces derniers argumentent que le droit à une « guerre préemptive », donc à une attaque a priori dans le but de se défendre, pourrait être mis en œuvre si trois critères principaux sont respectés : l’intention du pays commandant l’attaque doit avoir été clairement identifiée comme agressive ; l’attaque doit être imminente ; la conduite de l’attaque préemptive doit être proportionnelle aux pertes qu’un possible conflit engendrerait.188 Un critère de rationalité à celui de proportionnalité devrait également être rajouté.189 Évidemment des critères et une interprétation stricte permettraient d’assurer une utilisation non abusive de ce recours exceptionnel à la force, qui n’est pas à l’heure actuelle en application.190

184 La question est reprise dans de nombreux champs disciplinaires, philosophiques entre autres, s’intéressant à la question de la guerre préemptive dans le contexte actuel.

185 H. CASTIGNANI, préc., note 182, p. 32. 186 Id.

187 James JOHNSON, « The conduct of Just and Limited War by William V. O’Brien », (1984) 2-2 The

journal of Law and religion 417, 429 ; John LANGO, « Preventive Wars, Just War Principles, and the United Nations », (2005) 9 The Journal of Ethics 256, 258.

188 J. LANGO, préc., note 187, 258.

189 Donald A WELLS, « How much Can the ‘Just War’ Justify? », (1969) 66-23 The Journal of

philosophy 820, 823.

190 Mary Ellen O’CONNELL, « The Myth of Preemptive Self-Defense », (2002) 1-4 The American

Society of International Law-Task Force on Terrorism 3, 8 ; voir également Mary Ellen O’CONNELL,