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PARTIE III UNE ANALYSE DIDACTIQUE DES DEUX REFORMES

Chapitre 2 L’analyse générale des programmes

2.1 Les programmes français

Le programme du niveau élémentaire de 1945 est encore appelé « calcul », et conformément à son nom, met l’accent sur le calcul numérique et sur l’utilisation des unités de grandeurs de la vie courante, y compris le calcul des aires, des surfaces et des volumes. L’étude expérimentale des figures géométriques simples et les constructions avec des outils divers sont introduites à partir du cycle élémentaire (grades 2-3). Le programme du niveau moyen est varié en fonction

101 Nous avons inséré dans les annexes (III.2.3) un court extrait de la traduction anglaise du programme de Varga. La traduction est faite d’après une version provisoire du programme et n’est pas entièrement identique avec le programme officiel ; permet en même temps de prendre connaissance avec sa forme de présentation et son style.

102 Comme on l’a souligné précédemment, la publication des manuels scolaires n’est pas libre en Hongrie à l’époque : la seule collection officielle des manuels scolaires et livres du maîtres est écrit par le même équipe que le programme.

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des filières diverses103. Au « cours supérieur » du primaire et en classe de Sixième (grade 6) du secondaire, il est encore très concentré à la pratique de calcul et de mesure. En classe de Cinquième (grade 7) du secondaire, il est découpé en « Arithmétique » et « Géométrie », et à partir de la classe Quatrième (grades 8 et 9), en « Arithmétique », « Algèbre » et « Géométrie ». On y trouve entre autres l’étude des fractions, des décimaux, des équations et inéquations au premier degré, les notions fondamentales de la géométrie euclidienne, la notion de vecteur ; la dernière année, la notion de la racine carrée et les équations du second degré ou les notions de la trigonométrie.

Le programme de 1960 (qui ne concerne que le niveau moyen) apporte peu de changement dans le contenu du programme. Ce n’est pas le cas par contre du programme de la réforme des mathématiques modernes. Les changements sont moins importants mais pourtant visibles au niveau élémentaire. Au lieu de « calcul » unique, le texte du programme est découpé en trois parties à partir de la deuxième année : « éléments de mathématique », « exercices d’observation et travaux sur des objets géométriques », « exercices pratiques de mesure et de repérage ». Le programme du cours préparatoire de 1945 a demandé par exemple les éléments suivants :

Étude concrète des nombres de 1 à 5, puis de 5 à 10, puis de 10 à 20. Formation, décomposition, nom et écriture. Usage des pièces et billets de 1, 2, 5, 10 francs, du décimètre et du double décimètre gradués en centimètres.

Les nombres de 1 à 100. Dizaines et demi-dizaines. Compter par 2, par 10, par 5. Usage du damier de cent cases et du mètre à ruban.

Exercices et problèmes concrets d’addition, de comparaison et de soustraction (nombres d’un chiffre, puis de deux chiffres, de multiplication et de division par 2 et 5. (Prog. fr. é.é. 1945)

Le programme de 1970 remplace les précédents avec cinq points succincts :

Activités de classement et de rangement. Notion de nombre naturel.

Nommer et écrire des nombres. Comparer deux nombres.

Somme de deux nombres. (Prog. fr. é.é. 1970 p. 3)

On peut voir que le programme est très allégé, parmi les 4 opérations il ne reste que l’addition, et les applications sur les « problèmes » de la vie courante disparaissent également. En même temps, la notion d’ensemble est introduite implicitement, et au lieu de l’étude « des

103 Nous rappelons que le programme français de ce niveau n’est unifié qu’en 1960. En 1945, il varie en fonction des différents types d’établissement : il existe encore des « cours supérieurs » de l’ordre primaire et plusieurs filières de l’ordre secondaire.

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nombres concrets », l’accent est plutôt mis sur la « notion de nombre naturel » et sur les relations entre les nombres.

En effet, comme le soulignent les commentaires officiels :

L'ambition d'un tel enseignement n'est donc plus essentiellement de préparer les élèves à la vie active et professionnelle en leur faisant acquérir des techniques de résolution de problèmes catalogués et suggérés par « la vie courante », mais bien de leur assurer une approche correcte et une compréhension réelle des notions mathématiques liées à ces techniques.

[…]

Des expériences nombreuses, réalisées en France et à l'étranger, permettent dès maintenant l'élaboration d'un programme adapté à un enseignement rénové et accessible aux élèves. Mais la mise en œuvre d'un tel enseignement suppose que tous les maîtres aient pu y être préparés et demande, de ce fait, un certain délai. En attendant qu'une information suffisante soit donnée aux maîtres et qu'un programme entièrement rénové puisse être enseigné correctement dans nos écoles, il a paru indispensable de prendre des mesures provisoires partielles et sans doute modestes mais immédiatement applicables : alléger le programme actuel, en donner une rédaction différente qui réponde mieux aux finalités actuelles de l'école élémentaire, l'accompagner de commentaires qui, sans introduire pratiquement de terminologie nouvelle, annoncent et préparent une rénovation plus profonde et plus satisfaisante. (Prog. fr. é.é. 1970 p. 4)

Les instructions expliquent ensuite comment la notion du nombre doit être introduite sur la base de la notion d’ensemble. Nous revenons sur ce sujet dans le chapitre 3 (§1.1).

Les deux premières années de l’école moyenne, le changement le plus manifeste est l’apparition d’un chapitre « relations », contenant les notions et notations fondamentales de la théorie des ensembles. Selon l’introduction du programme, ce premier chapitre joue un rôle crucial pour assurer la cohérence du programme :

Les différentes parties du programme sont étroitement interdépendantes et devront être traitées en liaison les unes avec les autres. En particulier les idées de la première partie devront être utilisées dans l’étude de toutes les autres qui en fourniront des motivations et des applications. (Prog. fr. é. m. 1969 p. 13)

Pour le reste, le programme de ces années concerne les domaines de l’arithmétique et de la géométrie, ce dernier par une approche concrète et expérimentale.

Le programme de Quatrième et de Troisième (grades 8 et 9) marquent par contre une rupture importante par rapport aux classes précédentes, et surtout concernant la géométrie :

À la fin de l’année scolaire, la géométrie, née de l’expérience, devra apparaître aux élèves comme une véritable théorie mathématique ; c'est-à-dire que des faits ayant été admis (axiomes), d’autres en sont déduits (théorèmes). (Prog. fr. é.m. 1969 p. 15)

Les domaines enseignés restent principalement l’arithmétique, l’algèbre et la géométrie, comme dans les programmes précédents ; ils sont complétés par une révision des notions de

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relations au début de Quatrième et avec l’étude des fonctions numériques en Troisième. Mais le contenu change radicalement : en arithmétique et algèbre, il s’agit de construire la structure de l’ensemble des nombres réels ; en géométrie, s’appuyant sur la notion des réels, construire axiomatiquement la structure du plan et de l’espace affine et euclidien. L’enjeu principal est donc d’étudier deux grandes structures axiomatiques, celles des nombres et de l’espace. La priorité accordée à une construction axiomatique se manifeste aussi dans le fait que l’étude des fractions est repoussée à la fin du collège, après l’introduction de l’ensemble des réels ; ou pour donner un exemple de la géométrie, dans la priorité de l’étude de la géométrie affine par rapport à la géométrie euclidienne. Ce type d’organisation prend apparemment en considération la commodité pour une construction axiomatique au lieu de l’utilité pratique ou l’intuitivité des notions mathématiques.

Les différents domaines sont en effet strictement liés l’un à l’autre, dans un ordre hiérarchique : la notion des nombres s’appuie sur celle des ensembles, et la géométrie sur la notion du nombre réel. Le langage ensembliste et algébrique joue également un rôle unificateur dans ce programme.

En ce qui concerne le programme de 1977, le plus important changement par rapport au programme des « mathématiques modernes » est le rejet de l’approche axiomatique ; les domaines du programme précédent restent présents mais avec un allégement important du contenu et de leur dépendance hiérarchique.