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Les principales cibles des peptides antimicrobiens

Chapitre I – Les peptides membranotropes

2. Les cibles des peptides membranotropes

2.1. Les principales cibles des peptides antimicrobiens

Les bactéries constituent une des principales cibles des peptides antimicrobiens. Ce sont des micro-organismes procaryotes, ubiquitaires depuis l’apparition des premières formes de vie sur Terre. Elles sont classées en deux grandes catégories selon les propriétés physico-chimiques de leur membrane : les bactéries à Gram négatif et les bactéries à Gram positif. Cette terminologie doit son nom à la coloration de Gram qui colore de manière différente les bactéries selon la quantité présente et l’accessibilité du peptidoglycane dans la membrane. Le peptidoglycane est un des composants majeurs de la membrane bactérienne, présent en quantité inégale dans les deux types de bactéries. Il est constitué d’un disaccharide, formé des

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sucres N-acétylglucosamine et acide N-acétylmuramique liés par une liaison glycosidique, et d’une courte chaine peptidique liée à l’acide N-acétylmuramique (Figure 9). Cette chaine peptidique peut varier selon la souche bactérienne. Par exemple, celle couramment retrouvée chez Escherichia coli (bactérie à Gram négatif) est composée d’un enchainement L-alanine, D-acide glutamique, méso-acide diaminopimélique (dérivé carboxylé de la lysine) et D-alanine, tandis que chez Staphylococcus aureus (bactérie à Gram positif), elle est composée d’un enchainement L-alanine, D-glutamine, L-lysine et D-alanine. Dans les membranes bactériennes, les chaines peptidiques du peptidoglycane se lient entre elles pour établir la structure générale et la rigidité de la membrane (Figure 10) [117-118]. Elles forment ainsi de multiples couches réticulaires d’une épaisseur généralement comprise entre 20 et 80 nanomètres chez les bactéries à Gram positif, ce qui peut être dix fois plus élevée que la quantité retrouvée chez les bactéries à Gram négatif [103]. Le réseau de peptidoglycane donne une structure générale à la membrane bactérienne et joue un rôle déterminant dans la rigidité de celle-ci.

Figure 9. Structure générale du peptidoglycane

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La synthèse du peptidoglycane est complexe et fait intervenir une vingtaine de réactions enzymatiques dans son mécanisme. La première étape se déroule dans le cytoplasme de la bactérie et consiste en la synthèse de l’uridine-diphosphate-N-acétylmuramyl-pentapeptide à partir de l’uridine diphosphate-N-acétylglucosamine, faisant intervenir les enzymes MurA à MurG qui comprennent notamment une phosphoénolpyruvate transférase, une racémase et une synthétase. L’étape suivante aboutit à la formation d’un polymère entre l’acétylglucosamine et de l’uridine-diphosphate-acétylmuramyl-dipeptide catalysée par la protéine membranaire MraY, suivie de la transition de ce polymère à travers la membrane cytoplasmique à l’aide d’une flippase. La troisième étape extracytoplasmique est la polymérisation du peptidoglycane à la surface de la membrane cytoplasmique par transglycosylation (formation de liaison glucidique entre la acétylglucosamine et l’acide N-acétylmuramique par les glycosyltransférases) ou dans la partie externe de la membrane cytoplasmique par transpeptidation (formation de liaison peptidique entre les acides aminés de la chaine peptidique par les transpeptidases) (Figure 11) [100, 101].

Le peptidoglycane étant un des composants les plus importants de la membrane bactérienne, sa synthèse est la cible de nombreux antibiotiques qui agissent à différentes étapes de cette biosynthèse selon l’agent thérapeutique (Figure 11) [101]. Par exemple, la fosfomycine inhibe l’action de la pyruvyl transférase MurA impliquée dans les premières étapes de la synthèse du peptidoglycane [102]. D’autres antibiotiques agissent lors des dernières étapes de la biosynthèse comme les β-lactamines, qui comprennent les pénicillines et les céphalosporines, et qui inhibent les transpeptidases extracytoplasmiques.

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Figure 11. Représentation des différentes étapes de la biosynthèse du peptidoglycane et des antibiotiques qui l’inhibe. Les enzymes qui participent à la biosynthèse sont en bleu et les inhibiteurs en noir. C55-PP : undécaprényl diphosphate ; Ddl : D-alanyl-D-alanine ligase ; GlcNAc : N-acétylglucosamine ; meso-A2pm : acide mésodiaminopimélique ; MurNAc : acide N-acétylmuramique ; PBP : protéine se liant à la pénicilline (penicillin-binding protein) [101].

Les deux types de bactéries possèdent une membrane cytoplasmique, également appelée membrane intérieure de composition similaire, qui est entourée d’une quantité différente de peptidoglycane. En effet, les bactéries à Gram positif possèdent une quantité très importante de peptidoglycane qui peut être jusqu’à dix fois plus élevée que la quantité retrouvée chez les bactéries à Gram négatif. Ces dernières, possédant moins de peptidoglycane, se différencient par une deuxième membrane extérieure de composition différente (Figure 12) [103].

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Figure 12. Différences entre les membranes de bactéries à Gram positif (à gauche) et à Gram négatif (à droite). CAP, protéine liée de manière covalente (covalently attached protein) ; IMP, protéine intégrale membranaire (integral membrane protein) ; LP, lipoprotéine ; LPS, lipopolysaccharide ; LTA, acide lipotéichoïque ; OMP, protéine membranaire (outer membrane protein) ; WTA, acide téichoïque (wall teichoic acid) [103].

La membrane cytoplasmique est principalement composée de phospholipides auxquels sont associées des protéines membranaires. Les phospholipides les plus abondants sont les glycérophospholipides qui dérivent de l’acide phosphatidique. Leur structure de base est généralement constituée d’une molécule de glycérol estérifiée par deux acides gras et un phosphate estérifié lui-même généralement par un groupement polaire qui varie selon le phospholipide (Figure 13).

Figure 13. Structure générale d’un acide phosphatidique.

Cette composition donne aux glycérophospholipides une structure amphiphile avec une « tête » polaire hydrophile et deux « queues » aliphatiques hydrophobes. Les propriétés

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physico-chimiques du lipide sont directement déterminées par la nature de ces deux parties. Les phospholipides s’organisent en bicouche où les chaines grasses interagissent par interactions hydrophobes et de Van der Waals vers l’intérieur de la bicouche et les têtes polaires se retrouvent vers l’extérieur, en interaction avec le milieu extérieur hydrophile.

Les phospholipides sont de même nature pour les bactéries à Gram négatif et à Gram positif, mais la distribution de ces phospholipides est sensiblement différente pour les deux types de bactéries. En effet, les membranes des bactéries à Gram négatif sont composées de 20 à 25 % de phospholipides anioniques tels que les phosphatidylglycérols et 60 à 80 % de phospholipides zwitterrioniques (globalement neutres) comme les phosphatidyléthanolamines (PE) selon la souche bactérienne (Figure 14) [104].

Chez les bactéries à Gram positif, la membrane cytoplasmique est particulièrement riche en phospholipides anioniques. Par exemple, le phosphatidylglycérol (PG) y représente entre 60 % et 70 % de la composition lipidique selon la souche bactérienne et, à l’opposé des bactéries à Gram négatif, la membrane possède peu de phospholipides zwitterrioniques, qui peuvent même être totalement absents chez certaines bactéries comme Staphylococcus aureus [104, 105].

Figure 14. Structure générale du phosphatidylglycérol (à gauche) et de la phosphatidyléthanolamine (à droite). R1 et R2 représentent les chaines aliphatiques des lipides.

La composition des membranes bactériennes s’adapte remarquablement bien à l’environnement de la bactérie, variant selon des facteurs comme la température. En effet, lorsque la température de culture des bactéries augmente, la nature des lipides de leur membrane change pour présenter plus de lipides avec des chaines aliphatiques saturées [106, 107, 108].

Chez certaines souches à Gram positif, le groupement 3’-hydroxyl de la tête polaire des phospholipides peut être estérifié avec un acide aminé, formant ainsi un lipide nommé lipoaminoacide. Il est possible de citer l’alanylphosphatidylglycérol présent chez

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Streptococcus faecalis et le lysylphosphatidylglycérol chez Staphylococcus aureus où le

glycérol du phosphatidylglycérol a été respectivement estérifié avec une alanine et une lysine, ce dernier devenant alors cationique (Figure 15) [109, 110].

Figure 15. Structure générale de l’alanylphosphatidylglycérol (à gauche) et du lysylphosphatidylglycérol (à droite)

De nombreuses compositions de membrane plasmique, comme chez la souche

Pseudomonas aeruginosa, comprennent également une faible quantité (environ 10 % ou

moins) d’un autre phospholipide : la cardiolipine ou diphosphatidylglycérol. Sa structure unique est composée de quatre chaines lipidiques et deux groupements phosphates anioniques reliés par un glycérol (Figure 16) [104, 111]. Ces cardiolipines participent à la courbure de la membrane, et aident à empêcher sa perméabilisation en bloquant la translocation des peptides dans la membrane et par conséquent certains mécanismes qui conduiraient à la formation de pores dans celle-ci [112].

Figure 16. Structure générale des cardiolipines

En plus des lipides qui la composent, la bicouche de la membrane cytoplasmique comprend également la présence de protéines membranaires qui assurent le transport de molécules à travers la membrane et qui peuvent contribuer à la résistance de la bactérie contre les éléments antibactériens cationiques tels que les peptides antimicrobiens. Ainsi, l’expression de protéines chargées positivement au sein de la membrane peut assurer une répulsion électrostatique avec les peptides cationiques.

Certaines bactéries peuvent sécréter des protéines chargées négativement afin de servir de leurres qui lient et bloquent les molécules cationiques. Les bactéries de la souche

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Staphylococcus aureus peuvent également produire des β-lactamases qui hydrolysent un

grand nombre d’antibiotiques et peuvent aussi synthétiser des protéines qui se lient avec ces antibiotiques et les neutralisent, comme les PBP (Penicilin Binding Protein) [113, 114]. Enfin, les protéines transmembranaires de transport, telles que les pompes d’efflux, peuvent rejeter dans le milieu extracellulaire les composés toxiques pour la bactérie [115, 116].

2.1.2 Les bactéries à Gram positif

Les bactéries à Gram positif regroupent de nombreuses bactéries de la famille des cocci parmi lesquelles on peut compter les Staphylococcus et les Streptococcus, ainsi que des bactéries de la famille des bacilli. Contrairement aux bactéries à Gram négatif, les bactéries à Gram positif ne possèdent pas de membrane externe (Figure 17).

Les bactéries à Gram positif ne possèdent qu’une seule membrane cytoplasmique qui est entourée d’une épaisse couche de peptidoglycane.

Figure 17. Structure générale d’une membrane de bactérie à Gram positif. CAP, protéine liée de manière covalente (covalently attached protein) ; IMP, protéine membranaire (integral membrane protein) ; LTA, acide lipotéichoïque ; WTA, acide téichoïque (wall teichoic acid) [119].

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La membrane des bactéries à Gram positif comprend au sein de sa couche de peptidoglycane de longs glycopolymères anioniques, nommés acides téichoïques, qui peuvent être classés en deux catégories. D’une part, les acides téichoïques (wall teichoic acid) qui sont composés d’une longue chaine de polyribitol phosphate ou polyglycérol phosphate orientée vers le milieu extérieur, et d’un groupement disaccharide qui est lié de manière covalente au peptidoglycane de la membrane [120]. La deuxième catégorie d’acides téichoïques est constituée des acides lipotéichoïques qui sont des acides téichoïques liés à un diglycéride par une liaison ester et dont le glycéride est ancré dans la membrane bactérienne (figure 18) [121]. Les acides téichoïques représentent environ 60 % de la masse cellulaire des bactéries à Gram positif et jouent un rôle important dans la physiologie de la bactérie. Les charges négatives apportées par leurs groupements phosphates peuvent se lier à des cations, neutralisant ainsi les répulsions électrostatiques entre ces groupements phosphates. Ce réseau cations-acides téichoïques influence directement la structure de la membrane ainsi que sa porosité et sa rigidité [122]. Ces acides interviennent également dans la croissance de la bactérie, sa division cellulaire et sa capacité à former des biofilms [123, 124].

Figure 18. Structure générale de l’acide téichoïque (WTA : wall teichoic acid, en haut) et de l’acide lipotéichoïque (LTA : lipoteichoic acid, en bas) [125].

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2.1.1 Les bactéries à Gram négatif

Les bactéries à Gram négatif constituent un groupe de bactéries qui englobe notamment les cyanobactéries, les familles des Pseudomonadaceae comme la souche

Pseudomonas aeruginosa et la famille des entérobactéries comme Escherichia coli. Ces

bactéries possèdent une membrane cytoplasmique similaire à celle des bactéries à Gram positif mais celle-ci n’est pas entourée d’une couche aussi épaisse de peptidoglycane. Leur membrane se distingue par un espace périplasmique et une deuxième membrane extérieure riche en lipopolysaccharides en plus de la membrane cytoplasmique (Figure 19).

Figure 19. Structure générale d’une membrane de bactérie à Gram négatif. IMP et MP, protéines membranaires (integral membrane protein) ; IM lipoproteins, lipoprotéines de la membrane cytoplasmique (inner membrane lipoproteins) ; LP, lipoprotéine ; LPS, lipopolysaccharide [119].

Le périplasme, ou espace périplasmique, est l’espace qui sépare les deux membranes plasmique et externe de ces bactéries. Il est essentiellement composé de peptidoglycane dont la couche présente une épaisseur de quelques nanomètres (généralement entre 6 et 8 nanomètres) et permet de maintenir la forme de la bactérie. Il sert également d’espace de stockage pour les nutriments et renferme un certain nombre d’enzymes qui interviennent

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dans la biosynthèse de protéines ou contribuent à la résistance aux antibiotiques, comme la famille des β-lactamases qui hydrolysent certains antibiotiques. Le peptidoglycane s’organise en un réseau réticulé dans lequel s’insèrent quelques autres molécules telles que des lipoprotéines, molécules constituées d’une partie protéique et d’une partie lipidique dont le rôle est, en particulier, de transporter les lipides à travers la membrane [126].

En plus de la membrane cytoplasmique, les bactéries à Gram négatif possèdent une deuxième membrane en contact avec le milieu extracellulaire. Cette membrane externe est essentiellement composée de phospholipides et de lipopolysaccharides parmi lesquels se retrouvent quelques protéines membranaires (Figure 20). Comme pour le peptidoglycane, les différents composants de la membrane externe sont initialement synthétisés dans le cytoplasme de la bactérie, puis sont transportés à travers la membrane cytoplasmique et le périplasme avant d’être assemblés pour former la membrane externe.

Les phospholipides de la membrane externe synthétisés dans le cytoplasme peuvent traverser la membrane cytoplasmique par diffusion transversale, ou « flip-flop », dont le phénomène peut être catalysé par les flippases. Les phospholipides peuvent également être transportés à travers la membrane cytoplasmique par un transporteur à ATP Binding Cassette, ou transporteur ABC, le MsbA. Les transporteurs ABC sont des protéines transmembranaires qui assurent le transport unidirectionnel de molécules à travers la membrane cytoplasmique, en hydrolysant l’adénosine triphosphate (ATP) en tant que source d’énergie [127, 128]. Cependant, les mécanismes du transport des phospholipides à travers le périplasme et de leur assemblage dans la membrane externe ne sont pas clairement identifiés.

Comme les phospholipides, les lipopolysaccharides sont synthétisés dans le cytoplasme et transportés à travers la membrane cytoplasmique vers le périplasme grâce à la protéine MsbA. Le transport du lipopolysaccharide est initié par son extraction de la membrane cytoplasmique par un complexe de transporteurs ABC (LptB, LptC, LptF et LptG). Le lipopolysaccharide est ensuite transporté à travers le périplasme. Deux modèles sont proposés pour ce transport : le modèle de l’intermédiaire soluble (« soluble intermediate model ») où le lipopolysaccharide est transporté par une protéine chaperon LptA, et le modèle du complexe trans-enveloppe (« trans-envelope complex model ») où les protéines LptA s’assemblent pour former un complexe multiprotéique qui lie les deux membranes ce qui

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permet ainsi au lipopolysaccharide de diffuser d’une membrane à l’autre. Une fois arrivé au niveau de la membrane externe, le lipopolysaccharide est assemblé dans la membrane par le complexe de protéines membranaires LptE-LptD (Figure 20) [129, 130, 131].

Figure 20. Modèles de transport du lipopolysaccharide à travers la membrane des bactéries à Gram négatif : modèle de l’intermédiaire soluble (à gauche) et du complexe trans-enveloppe (à droite) [129].

Les lipopolysaccharides constituent les composants principaux de la membrane externe. Ils sont constitués d’une chaine polysaccharide nommé antigène O, d’un centre oligosaccharide et du lipide A, dont les chaines d’acides gras sont insérées dans la membrane externe (Figures 19 et 21). La partie oligosaccharidique varie selon l’espèce bactérienne et notamment l’antigène O qui peut être différent chez plusieurs souches au sein de la même espèce [132].

Les lipopolysaccharides présentent un grand nombre de phosphates (sous la forme d’hydrogénophosphates) à la surface de la membrane qui confèrent une charge globale négative à la membrane bactérienne externe. Ces charges négatives sont neutralisées par la

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présence de cations divalents, magnésium et sodium, permettant ainsi aux lipopolysaccharides de se lier entre eux et de former avec ces ions un réseau électrostatique [133].

Figure 21. Structure générale d’un lipopolysaccharide [119]

Les lipopolysaccharides sont également appelés endotoxines en raison de leur caractère pathogène lors de la lyse des bactéries. En effet, le lipide A des lipopolysaccharides peut causer une réaction toxique lors de la réponse immunitaire de l’hôte allant de l’inflammation jusqu’au choc septique. Le choc septique correspond à une réponse immunitaire inappropriée de l’organisme suite à une infection bactérienne qui entraine une hypotension majeure provoquant une mauvaise oxygénation des différents organes vitaux, causant par conséquent de nombreux problèmes vasculaires et cardiaques [134].

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La membrane externe des bactéries à Gram négatif est la cible d’un grand nombre d’antibiotiques et d’agents antibactériens. L’inhibition du transport ou de l’assemblage des lipopolysaccharides constitue une cible thérapeutique majeure des antibiotiques. En effet, cette inhibition permet de fragiliser la membrane bactérienne et de rendre les micro-organismes extrêmement sensibles aux agents antibactériens, voire d’inhiber directement leur croissance [135, 136].

Pourtant, cette membrane confère à la bactérie une première ligne de résistance contre certains agents antibactériens tels que la pénicilline ou le lysozyme, et contre certains détergents [137, 138, 139, 140]. La modification des lipopolysaccharides constitue le premier mécanisme de résistance des bactéries à Gram négatif (Figure 22). Elle implique généralement une addition d’une molécule d’aminoarabinose sur les phosphates du lipide A ou une acylation des chaines aliphatiques du lipide A [141]. Chacune de ces modifications réduit les interactions entre les antibiotiques et les molécules de lipopolysaccharides à la surface de la membrane [142].

Figure 22. Modifications possibles du lipide A chez les bactéries à Gram négatif pour lutter contre les molécules antibiotiques et antibactériennes [141].

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En plus des lipopolysaccharides, des protéines membranaires sont présentes dans la membrane externe, notamment les porines déjà mentionnées (Figure 19). Ces porines sont composées de plusieurs feuillets β qui s’assemblent pour former une structure cylindrique appelée « tonneau β » (Figure 23). Elles ont pour rôle de réguler la perméabilité de la membrane, permettant le transport des petites molécules hydrophiles. Certains antibiotiques, comme les β-lactamines, peuvent profiter de ces porines pour s’internaliser dans les bactéries [137, 138, 140, 143]. Comme pour les lipopolysaccharides, la modification des porines ou de leur synthèse constitue un mécanisme de résistance contre les antibiotiques, comme dans le cas de la souche Pseudomonas aeruginosa [144, 145].

Figure 23. Structure 3D d’une porine en utilisant le logiciel de visualisation PyMol [146].

Quel que soit le type de bactéries, à Gram positif ou à Gram négatif, leur membrane est chargée négativement par la présence des phospholipides anioniques et les nombreux groupements phosphates des sucres (acides téichoïques et lipopolysaccharides respectivement). Ce potentiel fortement négatif explique en partie l’affinité des peptides antimicrobiens, généralement cationiques, avec ces membranes.