• Aucun résultat trouvé

Religions catholiques (34,7%)

LES PERLES MINERALES

Les données archéologiques mettent en exergue la présence de perles de cornaline dans les nécropoles. Hormis cette pierre rouge, d'autres minéraux ont été appréciés dans une moindre mesure pour confectionner des perles.

La calcédoine rouge

Les gisements de calcédoine rouge (cornaline) sont très peu nombreux en Afrique puisque la base de données géologique mindat n'en répertorie aucun sur ce continent. Il existe donc un paradoxe entre l'abondance des perles en cornaline et en jaspe rouge sur les sites archéologiques africains, notamment camerounais, et la rareté de cette matière première. Dans son livre Unearthing Igbo Ukwu, Thrustan Shaw apporte l'hypothèse que les perles en cornaline des trois sites fouillés proviennent de Cambay en Inde. La cornaline à Cambay a en effet fait l'objet d'un commerce à vaste échelle, étudié par Bérénice Bellina dans sa thèse de

130 doctorat soutenue en 2001. Elle montre que Cambay a diffusé de manière massive dès le VIe

siècle avant notre ère une grande quantité de perles en cornaline et en agate rouge sur l'Asie du Sud-Est. Cornaline de l'Inde - des pratiques techniques de Cambay aux techno-systèmes de

l'Indus, ouvrage dirigé par Valentine Roux et publié en 2000, se démarque des autres ouvrages

sur ce domaine par son approche ethnoarchéologique et ses bornes chronologiques plus vastes. Cet ouvrage mentionne notamment la relation commerciale entre l'Inde et la Mésopotamie. Puisque le commerce transsaharien reliait le Moyen Orient à l'Afrique subsaharienne, il est possible que ces perles proviennent d'Inde via le Moyen Orient. Néanmoins, selon les sources arabes, il semble qu'il ait existé des gisements de minerais rouges en Afrique. Selon Al Bakri (p.341) :

"On peut se rendre par une autre route de Tadmekka à Ghadams : après avoir marché pendant six jours dans une région habitée par les Saghmara, on entre dans une solitude où l'on voyage quatre jours avant de trouver de l'eau. Ensuite on passe dans une autre solitude ayant la même étendue que la précédente et qui renferme une mine d'où l'on tire le taci'n-semt, espèce de pierre qui ressemble à de l'agate et qui offre parfois un mélange de rouge, de jaune et de blanc. On y trouve, mais bien rarement, de beaux échantillons ayant une grosseur considérable. Les habitants de Ghana, chez qui on les porte, les regardent comme d'une valeur inestimable, et les achètent au prix de ce qu'ils ont de plus cher. On parvient à polir cette pierre et à la percer en employant une autre espèce de pierre nommée tentouas, de même qu'on polit le rubis à l'aide de l'emeri (...) A Bounou se trouve une mine de la même substance, mais l'autre est plus riche."

(Traduction de Mac Guckin de Slane) Dans cette citation, il semble que la pierre rouge mentionnée soit de la cornaline (calcédoine de couleur rouge). En effet, elle ressemble à de l'agate et peut avoir des teintes plus orangées. De plus, une des particularités de la cornaline est sa très grande dureté : 7 sur l'échelle de Mohs. Elle est donc égale au quartz et ne peut donc pas être polie par du sable, comme les roches tendres à dures. La mention d'une pierre tentouas servant au polissage et la comparaison avec le rubis montre la très grande dureté de la pierre qu'il décrit. Enfin, dans le territoire de l'ancien Ghana, on a trouvé de grandes quantités de perles en cornaline,

131 comme au Cameroun. Ainsi il existerait deux sites d'extraction de cornaline en Afrique, dont un dans le désert du Sahara, Bounou étant une ville dont on ne connait pas la situation, même approximative. De même, Jean Devisse signale dans le chapitre consacré aux commerce et routes du trafic en Afrique occidentale (p. 449-450) de l'Histoire générale de l'Afrique, que des gisements de cornaline sont nombreux en Egypte, dans la moyenne vallée du Nil. La calcédoine (SiO2) est un minerai qui peut être d'origine sédimentaire ou magmatique et dont

les composants (silice et dioxyde) sont extrêmement répandus sur Terre, ce qui ne facilite pas les recherches. La calcédoine est rouge lorsqu'elle contient des "impuretés" ferrugineuses. Généralement, les humains la chauffent pour faire des rouges plus soutenus ; on appelle en gemmologie ce résultat de la cornaline, terme non reconnu en géologie. Pour l'instant, au Cameroun et dans les alentours, aucun gisement n'a été répertorié. Cependant, il n'est pas totalement exclu qu'il y en ait eu, compte tenu de la présence de silice et d'oxyde de fer dans les sols du Cameroun.

Quoi qu'il en soit, les perles en calcédoine rouge ont de multiples formes. Elles sont de type I, II et IV. Leur unique perforation est réalisée selon diverses techniques, induisant plusieurs centres de production. Aucune perle n'est gravée, contrairement à ce que l'on voit fréquemment dans les sites du Moyen Orient et de l'Asie. Des ateliers de débitage de cornaline ont été mis au jour à Tichitt par Jean-Pierre Duhard (2002) et à Gao par Henri Lhote (1942), ce qui confirme l'importance de l'ouest saharien et sahélien dans la fabrication de perles en cornaline. Des analogies techniques et morphologiques entre les perles de l'ouest et celles du Cameroun sont visibles, de même qu'entre celles du Cameroun et les perles nubiennes. La Figure 44 montre quelques exemples de ces perles en cornaline trouvées dans des sites archéologiques Sao48. Sur cet ensemble d'images, les perles mesurent un centimètre

environ de large, mais leur longueur varie beaucoup, allant du cylindre court en haut à gauche à des perles longues en bas. Certaines cornalines sont transparentes, d'autres translucides à opaques. Les formes sont inspirées de figures géométriques : losanges, cylindres, tonnelet, parallélépipède rectangle et trapèze...

Les perles les plus récentes sont en agate rouge et sont commercialisées par les Européens. Ce matériau, appartenant également aux calcédoines, a des effets de couleurs

48 Pour plus d’exemples de perles en cornaline, se reporter sur le document en annexe F répertoriant les perles

132 plus contrastés à cause de ses motifs naturels rubanés. Ces perles sont de mêmes types que celles en cornaline (I, II et IV).

Figure 44: perles en cornaline de type I, II et IV.

Dans les périodes subactuelles, de nouvelles formes de pendants se développent, notamment celle en cœur et celle en "amulette" (cf. les répertoires de perles européens en annexe B) qui n'ont pas été attestés en fouille archéologique au Cameroun et dans ses environs.

133 Bien que la calcédoine rouge soit particulièrement présente dans les sites archéologiques, d'autres minéraux ont été taillés comme perles49.

Les autres minéraux et roches

Le sol camerounais présente une grande variété de minéraux et roches, cependant peu de roches locales ont été utilisées. Parmi les minéraux utilisés dans la fabrication de perles archéologiques, on peut citer l'amazonite qui est étrangère au sol camerounais, et la calcite, pierre abondante locale.

 La calcite

La calcite n'est pas toujours d'origine biologique, elle peut être aussi minérale. Elle est le principal constituant des roches sédimentaires de couleur blanche comme la marne et les calcaires. Contrairement à la calcédoine, elle n'est pas dure puisque son indice sur l'échelle de Mohs est de seulement 3. De plus, elle est soluble dans l'eau. Pure, la calcite est translucide blanche, comme le montre la Figure 45. Les perles photographiées ci-dessous sont actuellement conservées au musée du quai Branly et ont été acquises suite aux fouilles de Jean-Paul Lebeuf au Nord Cameroun durant la première mission Sahara-Cameroun menée par Marcel Griaule en 1936-1937. Les perles en calcite sont taillées en type I, régulières rondes. Il est probable que la nature du matériau facilite ce type de taille au détriment des perles à facettes. Ces perles locales seront largement copiées par les industries européennes de verre et de faïence, sans doute grâce à leur éclat vitreux.

Figure 45: perles minérales blanches découvertes par l'archéologue Jean-Paul Lebeuf sur un site Sao

49 Ce constat de dominance de la cornaline dans les matériaux minéraux réalisé pour le Cameroun et ses environs

134  L’amazonite

L'amazonite est une variété de microline de couleur turquoise à bleu ciel. Comme la calcite, ce minéral a été souvent copié par les industries verrières. Cette variété a une dureté de 6 à 6,5 c'est-à-dire comprise entre la calcite et la cornaline. Elle a un éclat vitreux, comme les deux précédentes. Comme la calcite, l'amazonite est souvent taillée de manière ronde et n'est pas utilisée pour les perles d'espacement. Cette matière est travaillée depuis le Néolithique dans les régions sahariennes et sahéliennes. Les gros gisements d'amazonite africains se situent en Egypte, en Ethiopie, au Mozambique, en Namibie et à Madagascar. Au Cameroun, son succès est mitigé; néanmoins, ces perles en amazonite se vendent aisément dans les marchés. En effet, les Kapsiki et les Massa, deux peuples établis au nord du Cameroun apprécient les perles de ces couleurs, qui sont souvent utilisées pour les "perlages traditionnels". Des contrefaçons de ces perles en matières synthétiques ont été trouvées sur le site archéologique de Dolu Koptu, au Nord Cameroun.

 Sodalite & lapis-lazuli

Les fouilles des sites Sao ont mis au jour des perles bleues, dont la majorité est en verre, mais quelques unes en pierre comme l'illustre la Figure 46. Elles sont de type I, tubulaires, longues, et mesurent environ 3 mm de large.

Figure 46 : perles en pierre bleues (71.1950.71.1956)

Le cartel du musée du quai Branly présente les perles en pierre n° 71.1950.71.1956 comme du lapis-lazuli, roche métamorphique endémique d'Afghanistan qui a fait l'objet d'un

135 commerce international depuis l'Antiquité. Le lapis-lazuli est caractérisé par son bleu profond dû au minéral lazurite, ses veinures dorées dues à l'inclusion de pyrite et son opacité.

La sodalite, contrairement à la roche métamorphique, n'est pas opaque. Des gisements de sodalite ont été trouvés en Afrique, notamment au mont Cameroun et sur une météorite située le long de la rivière Bali en République centrafricaine pour les sites les plus proches. Mais il en existe aussi au Sahara, plus particulièrement à Anzerouf dans la région de Kidal au Nord du Mali et dans le désert Libyque, à proximité de la frontière entre l'Egypte, la Libye et le Soudan. Ces deux zones sont certes plus éloignées géographiquement des sites Sao, mais comme nous l'avons évoqué dans le premier chapitre de cette thèse, les abords du lac Tchad étaient en contacts étroits avec le Nord de l'Afrique, ce qui rend leur origine plausible. Une analyse des terres rares par spectrométrie de masse à fluorescence X permettrait de connaître quelle est l'origine précise du gisement.

Par conséquent, les pierres azur trouvées en contexte archéologique sont du lapis lazuli ou de la sodalite. Les deux variétés ont une même tonalité de bleu soutenu et contiennent toutes deux des veinures mais sont différentes par leur composition et leur provenance. La sodalite est translucide contrairement au lapis-lazuli opaque et diffère aussi par les veines blanches et non dorées ce qui est le cas dans le lapis lazuli.