• Aucun résultat trouvé

Religions catholiques (34,7%)

CARACTERISTIQUES D’UNE PERLE

D’après cette définition, une perle revêt trois caractéristiques : ses dimensions, son percement et son usage. La perle doit être de petite taille : elle doit tenir dans la paume d'une main et mesure habituellement de quelques millimètres à quelques centimètres de diamètre et de longueur. Elle doit être percée de part en part : on appelle le trou formé, une lumière. Il existe différents calibres de lumière. Une perforation peut être naturelle mais est souvent issue d’une action anthropique. Une perle peut être perforée selon un ou plusieurs axes, traversant ou non le centre de gravité de la masse. L’usage est primordial dans la détermination de la perle. Elle sert d’ornement et est destinée à être enfilée. L’enfilage peut servir à fixer une perle sur un tissu (broderie de perles), à porter sur le corps une perle (en parure de tête, pendant de cou…) ou tout simplement à relier des perles entre elles. L’usage est parfois la seule caractéristique qui différencie deux objets similaires. Par exemple, une fusaïole n’est pas destinée à l’ornement ni à être enfilée. Elle n’est donc pas une perle, malgré sa grande ressemblance morphologique puisqu'elle est petite et percée de part en part.

De cette définition, on en conclut que la perle peut couvrir une grande variété de formes, de matériaux et de décors, mais également qu’il sera parfois difficile d’attribuer cette qualification pour un objet archéologique dont le contexte est flou, en particulier lorsque l’esthétique de l’objet percé est discutable. En effet, il est parfois ardu de connaître l’usage d’un objet ancien. Nous tenterons, au cours de cette thèse, de donner des pistes permettant de déterminer si un petit objet percé est bien une perle.

68  Lexique et méthode d’analyse d’une perle

Du fait de sa grande variété, l’évocation du lemme « perle » est insuffisante pour caractériser un objet. Pour pouvoir se figurer un type de perle, il est nécessaire de recourir à un vocabulaire spécifique.

Horace Beck, archéologue anglais du début du XX e siècle, fut le premier à définir une

terminologie dans sa conférence de 1926 « Classification and Nomenclature of Beads and Pendants », publiée en 1927 dans Archaeologia. Cet article d’une centaine de pages fut publié à de nombreuses reprises dans les pays anglo-saxons, qui le considèrent comme l’ouvrage de référence concernant l’étude des perles28. En France, les travaux de cet archéologue sont

largement méconnus puisqu’il n’existe qu’un exemplaire dans toutes les bibliothèques publiques de France : il se trouve à l’INHA sous une côte non répertoriée dans le catalogue interne de la bibliothèque29. Pourtant, il donne une méthode rigoureuse pour identifier

chaque type de perle.

Selon Horace C. Beck, une perle peut être décrite par sa forme, son type de perforation, sa couleur, son matériau et son éventuelle décoration. Or, pour chacun de ces aspects, il régnait un flou lexical. Il n’existait aucune nomenclature et l’emploi des termes pour décrire les perles étaient à géométrie variable, subjectifs. Une partie de la démarche d’Horace Beck fut de clarifier les vocables utilisés en les soumettant à des critères objectifs, identifiables par tous.

Une perle étant un objet en trois dimensions, la majorité des termes servant à décrire la morphologie d’une perle est empruntée à la géométrie dans l’espace. On utilisera donc les termes d’axe, de sections transversale et longitudinale, de profil, d’apex, d’extrémité, de radius majeur, de rayon, diamètre… Mais d’autres termes sont spécifiques au sujet traité. Les paragraphes suivants définissent ces qualificatifs correspondant à des caractéristiques particulières des perles.

28 Les ouvrages spécialisés font tous référence à la nomenclature de H. C. Beck. Néanmoins, sa classification,

pensée pour les rapports de fouilles, n’est pas utilisée par les archéologues.

29 Constat réalisé en 2011. L’institut national d’histoire de l’art conserve l’intégralité des revues archaeologia

mais le personnel de la bibliothèque n’en avait pas connaissance, du fait de son absence dans le répertoire interne.

69  Le rapport longueur / largeur : détermination des perles longues, courtes et

standard

Les perles n’ont pas toutes le même rapport longueur/largeur. On distingue à partir de ce rapport quatre types de perles : les perles longues qui ont une longueur strictement supérieure à onze dixième de la largeur ; les perles standards dont la longueur est comprise entre neuf et onze dixièmes de la largeur maximale de l’objet ; les perles courtes dont la longueur est supérieure à un tiers de la largeur mais strictement inférieure à neuf dixièmes et enfin les perles discales aussi appelées disques, qui ont une longueur strictement inférieure à un tiers de la largeur. La longueur est définie par l’étendue maximale d’une extrémité à une autre dans une coupe longitudinale de l’objet. La coupe longitudinale est la section qui suit l’axe (axis) incluant le radian majeur (major radius). L’axe d’une perle est la droite (imaginaire) passant par le centre de la perforation. La largeur est définie par l’étendue maximale d’une extrémité à une autre dans une coupe transversale de l’objet. La coupe transversale est la section perpendiculaire à l’axe. La Figure 20 schématise les étapes d'analyse pour déterminer le rapport d'une perle précédemment décrites.

70 Il peut être utile de préciser dans une description la valeur absolue de la largeur de la perle. En effet, bien que les perles soient par nature de petite taille, il existe une variation entre les perles mesurant moins d’un millimètre d’épaisseur et celles ayant le gabarit d’un œuf de poule. Les perles mesurant plus de trois centimètres de largeur sont rares en fouilles archéologiques, mais très appréciées en Afrique. La majorité des perles font entre un millimètre et un centimètre de large. Aucune taxonomie n’a été mise en place pour traiter de ce critère. Les lemmes « gros », « petit » et « minuscule » sont donc à défaut de définition, laissés à l’appréciation de chaque auteur et relatifs aux normes de chaque culture.

 Vocable associé à la (ou les) lumière(s)

Une perle peut avoir une ou plusieurs lumières, c’est-à-dire un ou plusieurs trou(s) traversant la masse. Dans le cas où l’objet possède plusieurs lumières, il s’agit d’une « perle

d’espacement », allusion à sa vocation d’ordonner dans l’espace les fils de perles. En effet, les

percements ont avant tout une finalité pratique : ils permettent d’enfiler la perle. La présence de plusieurs lumières peut s’expliquer par une volonté de monter la perle selon un assemblage complexe (Figure 21) qui nécessite plusieurs fils ou un fil passé plusieurs fois sur une même perle avec des axes différents. Pour les perles discales, si l’on souhaite orienter la face visible sur la largeur plutôt que la longueur, il faut réaliser plusieurs lumières, comme on le voit sur la coiffe ntumu (Figure 21 droite). Les boutons sont donc des perles discales d'espacement.

Figure 21 : exemples de perles d’espacement : perles parallélépipèdes saumon à gauche, boutons à droite Par opposition aux perles d’espacement, les perles n’ayant qu’une lumière sont appelées

perles simples.

Les perforations ne sont pas forcément droites. Elles peuvent former un angle dans la perle (Tableau 3, types VIII et IX). Quel que soit le type de perforation, si la lumière passe en dehors du centre de gravité de la masse, il s’agit d’un pendant (syn. pendeloque, pendentif).

71 En revanche, si la lumière traverse le centre de gravité de la perle, il s’agit d’une perle qui peut être régulière ou irrégulière.

La forme des perforations est due à l’outil employé pour former la lumière et à la technique utilisée. Les perforations de type cylindriques sont dues à des percussions ou un enfoncement dans la masse tandis que les trous de forme conique ou biconique montrent une technique abrasive par mouvements circulaires giratoires. Cette dernière méthode est plus longue que la première mais présente moins d’échecs. En effet, le percement de la perle est un moment délicat car la lumière fragilise la masse. Il n’est pas rare qu'avec la technique de la percussion, la perle se casse. L’analyse des vestiges archéologiques des ateliers de confection de perles atteste du péril de l’opération (cf. l’article de J. P. Duhard (2002) et ceux de H. Lhote (1942 ; 1978)). La perforation biconique témoigne d’un travail sur les deux faces de l’objet à percer. Il s’agit de deux forages par pointe rotative qui se joignent formant ainsi une lumière plus étroite à la jointure des deux forages. La perforation conique atteste en revanche d’un travail à partir d’une seule face, la partie travaillée étant celle présentant la partie la plus large de la lumière. Pour que l’outil servant au forage ne dérape pas, on prépare généralement la surface à percer par des piquetages. Cette étape est parfois encore visible dans l’objet fini.

Le Tableau 3 reprend les différentes techniques de perforation visibles sur les perles. La numérotation des percements est celle figurant dans l'article d’Horace Beck. Selon l’auteur, il existe onze types de perforations, neuf concernant les perles simples, et deux spécifiques aux perles d'espacement.

72 Tableau 3 : les perforations d'une perle

Dans certains cas, la lumière peut être réalisée sans perforation de la masse. C’est le cas pour les perles moulées mais également des perles métalliques travaillées par enroulement d’une plaque ou d’un fil. La Figure 22 montre des perles issues de fouilles

73 archéologiques. A gauche, la perle en or provient d'une tombe campaniforme datant du IIIe

millénaire avant J. C. (2400 ± 100 B. C.). A droite, les perles en fritte proviennent du site de K2, en Afrique du Sud datées de 980-1200 A. D30. Dans le cas de ces dernières, la lumière a été

obtenue en plaçant une tige végétale du calibre désiré au centre à l’intérieur du moule rempli de poudre de verre. Lors de la chauffe du moule, la poudre fond et devient une pâte visqueuse occupant les espaces vacants du moule, tandis que la tige sous l'action de la chaleur se carbonise. Le tout est alors retiré du four pour être refroidi, puis l’on brise le moule et on dégage les cendres à l'intérieur de la tige, libérant ainsi la perle.

Figure 22 : perles archéologiques dont les lumières sont réalisées sans forage

Lorsque le diamètre du trou est plus large que les parois de la perle, on parle soit de perle annulaire quand la perle est discale, courte ou standard, soit de perle tubulaire lorsque la perle est longue. La lumière peut aussi être très fine comme le montrent les vestiges de l’atelier de confection de perles néolithiques fouillé par Pierre Duhard près de Tichitt en Mauritanie. La grosseur de la lumière dépend majoritairement de l’épaisseur du fil que l’on veut passer et du montage que l’on souhaite réaliser.

Hormis les lumières et les dimensions, il est nécessaire de caractériser la forme globale de la perle.

 Morphologies de la perle

Horace Beck fait une distinction entre les perles régulières et les perles irrégulières. Les perles

régulières sont celles qui peuvent être définies par un schéma d’une coupe latérale et d’une

coupe longitudinale passant par le centre de gravité de la perle incluant le radian majeur. Au contraire, les perles irrégulières sont celles dont la forme ne peut pas être devinée

74 uniquement par ces deux dessins. Les pendants, du fait de leur lumière déviée du centre de gravité, sont des perles irrégulières. De même, les perles d’espacement sont également une catégorie spécifique de perles irrégulières.

Les perles régulières peuvent être définies par le lexique géométrique. Ainsi, une perle ayant une coupe longitudinale rectangulaire et une coupe transversale circulaire, la perle sera

cylindrique. Des termes moins scientifiques sont parfois employés pour décrire les formes des

perles. Les termes employés sont des synecdoques : les perles en baril pour des perles en forme de petit tonneau, les olives pour les perles ayant une forme ovale ou encore les perles

en melon pour le type de perles à cannelures en relief (godrons) réparties de la même manière

que les marques de la cosse d’un melon comme l'illustre la Figure 23 détaillant un chapelet tibétain en cornaline.

Figure 23 : perles en melon « melon beads »

 Les décors des perles

Plus que la forme, les perles sont souvent décrites par leur décor. Citons les perles les plus célèbres. Les perles ocellées ou eye bead sont des perles à motifs de pois rappelant les yeux. Les millefiori sont des perles où sont figurées de nombreuses fleurs et sont une spécialité des manufactures européennes, notamment de Murano en Vénétie, Italie. Enfin, les grosses

perles à chevrons sont une variété de décors en faveur aussi bien dans l’Egypte pharaonique

qu’au XIXe siècle. La Figure 24 illustre ces trois catégories de décors particulièrement

répandus, pouvant se retrouver dans de nombreuses formes de perles, et réalisées avec différentes techniques selon la matière employée pour constituer la perle.

75 Figure 24: de gauche à droite : une perle ocellée, des millefiori et des perles à chevrons

Les techniques pour réaliser les décors des perles varient en fonction des matériaux. Les ornementations peuvent être peintes, ciselées, gravées, tamponnées, réalisées à partir d’émaux… Le décor le plus simple est la teinte unie qui peut se faire soit en colorant la masse, soit en appliquant une couche sur la surface de la perle par engobe ou peinture. Pour les perles en métal, on peut utiliser aussi le filigrane et le repoussé pour faire apparaître les motifs en relief. Par conséquent, de nombreuses techniques sont employées pour l’ornementation des perles. Il en va de même pour la confection des perles.

 La technique de fabrication des perles : perles moulées, étirées, taillées, enroulées et soufflées

Il existe de nombreuses techniques pour réaliser des perles quel que soit le matériau choisi. Par exemple, les perles en argile pourront être modelées ou moulées tandis que les perles en verre pourront être soufflées, étirées ou moulées.

Les perles moulées recouvrent différentes techniques ayant pour point commun d’utiliser un moule et une matière malléable, liquide ou molle, qui se durcit. Les matériaux utilisés pour cette technique peuvent être un métal en fusion, pur ou en alliage, du verre fondu, du plastique ou bien une pâte composée de particules fines liées par de l’eau comme du plâtre ou de l'argile. Dans les premiers cas, la matière durcira par l’action du refroidissement de la matière, la rendant à nouveau solide. Dans le dernier cas, c’est l’évaporation de l'eau qui consolidera la matière et qui lui accordera la rigidité nécessaire à son emploi en tant que perle. Le moule utilisé peut être à usage unique ou bien réutilisable. La Figure 22 présente à droite un moule à usage unique puisqu'il doit être détruit pour libérer l'objet de cette gangue. En revanche, les moules de la Figure 25 sont réutilisables.

76 L’archéologie a mis au jour de nombreux moules de perles qui sont conformes aux modèles encore employés de nos jours, ce qui atteste de la continuité des techniques de moulage de perles. La Figure 25 présente côte-à-côte un relevé d'un objet archéologique inventorié lors de la fouille de Tegdaoust en Mauritanie par Claudette Vanecker et un moule actuel provenant du Ghana, conservé au Pitt Rivers museum d'Oxford. Les perles moulées avec des moules réutilisables peuvent être produites en série. Il persiste souvent dans les objets moulés des marques que l’on tente d’atténuer en polissant l’artefact après sa sortie du moule.

Figure 25: des modèles similaires

Les perles étirées sont aussi produites en série. Elles nécessitent une infrastructure importante, ce qui explique que le procédé soit circonscrit aux manufactures. Ce sont les ateliers vénitiens qui mirent au point cette technique qui ne fonctionne que sur du verre. Elle consiste à créer des cannes de verre en étirant le matériau visqueux au maximum sans le rompre. Deux verriers munis de longues tiges en métal se placent à proximité l'un de l'autre et une petite quantité de verre visqueux est placé en jointure des deux cannes métalliques. Les verriers s’écartent lentement jusqu’à former un fil de verre long de plusieurs mètres. Ce fil en refroidissant devient une canne que l’on peut couper en plusieurs petits morceaux. Les perles ainsi obtenues peuvent être discales, courtes, standard ou longues mais elles ont toutes une section ronde. La tige de verre étant creuse, et le verre étant étiré au maximum, les perles sont obligatoirement annulaires ou tubulaires. De nos jours, le travail des verriers peut être remplacé par différentes machines qui permettront d’obtenir le même résultat. Parmi les

77 perles étirées, les perles de rocaille aussi nommées indifféremment charlottes sont les plus petites. Les margarites (syn. marguerites, margriettes) semblent être de calibre supérieur, de taille similaire aux petites concrétions marines d’où elles tirent leur nom. Les rosetta, perles étirées au décor de chevrons ont été spécifiquement développées pour le commerce africain. Le verre contient de multiples couches de couleurs différentes qui sont soudées entre elles, puis, après soufflage et étirement, les cannes sont coupées et égrisées sur les apex de la perle. Les perles étirées sont par l’utilisation de ce procédé très bon marché, ce qui a permis aux ateliers vénitiens d’inonder le marché mondial de ses productions dès le XVIe siècle. Les perles

de rocailles, de teinte unie et de forme sobre, sont utilisées pour les montages complexes comme la broderie ou le tissage.

Les perles peuvent aussi être taillées. Cette technique peut concerner toutes sortes de matières, notamment le bois, la corne, l’os ou les pierres. Toutes les formes peuvent être réalisées. Contrairement aux deux précédentes techniques, il est impossible de réaliser des perles en série.

Les perles enroulées sont les premières perles réalisées en verre avec les perles moulées. Sur une tige de fer enveloppée d’une barbotine d’argile, on dépose le verre rendu visqueux sous l’effet d’une flamme en faisant pivoter la tige afin de former une perle. Grâce à l’argile, on peut désolidariser la perle en verre de la partie métallique. On appelle cette technique l'enduction sur tige. De nos jours, les artisans utilisent le chalumeau pour travailler le verre, ce qui explique que ces perles sont aussi appelées « perles au chalumeau » ou perles « à la lampe ».

Les perles de métal fabriquées à partir d’une plaque de métal que l’on incurve jusqu’à former une perle tubulaire (comme la Figure 22 gauche) pourraient également être appelées perles enroulées mais il s’agit d’une méthode radicalement différente car la procédé est à froid et le métal, bien que malléable par sa finesse, est déjà solide.

Enfin les perles soufflées sont réalisées uniquement avec du verre. Comme pour les perles enroulées, seul un artisan est nécessaire et il doit posséder une canne de souffleur en métal. Les perles soufflées demandent du temps car elles sont réalisées une à une et peuvent être périlleuses, en particulier pour la technique de la perle creuse qui consiste à emprisonner de l’air dans deux disques sur tige de métal. Elles nécessitent aussi un véritable savoir-faire.

78 La Figure 26 montre les étapes de la création d’une perle soufflée reprenant l’idée du verre soufflé à la canne :

« On éclate l’extrémité de la boule et on borde ce trou. On colle un pontil à côté du trou et on le ré-axe pour tenir la perle par ce moyen désormais. On arrache