• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE III : LES CONCEPTS ET LES MÉTHODES

3.1 L ES CONCEPTS

3.1.1 Les bases de la démarche d’étude des systèmes d’élevage

3.1.1.3 Les objets d’étude dans un système d’élevage

Partant de la définition que nous avons proposée, étudier le système d’élevage revient à étudier ses trois principaux pôles : l’éleveur, le troupeau et les ressources.

a) L’éleveur et ses pratiques

Le système d’élevage apparaît d’abord comme un ensemble piloté dans lequel le rôle principal est tenu par l’homme ou la communauté humaine. Ce dernier agit sur le processus de production par des stratégies, des tactiques et des pratiques élaborées dans la sphère décisionnelle.

Le recentrage sur l’homme, acteur central du système de production, et sur ses pratiques, permet non seulement d’intégrer les préoccupations des sciences sociales, mais aussi de privilégier la finalité de la recherche, à savoir participer au développement. Le fait que le développement soit l’affaire des hommes justifie de s’intéresser à leurs pratiques. Lhoste (2001) définit les pratiques comme « les façons de faire individuelles des éleveurs qui peuvent s’observer sur le terrain». Une différence est marquée volontairement par les agronomes et zootechniciens, entre la technique et les pratiques des éleveurs. Les techniques se définissent comme « un ensemble ordonné d’opérations ayant une finalité de production et pouvant être fondé soit sur des connaissances scientifiques, soit sur des connaissances empiriques, ou encore et c’est souvent le cas le plus fréquent en agriculture, sur un mélange des deux » (Teissier, 1979). Alors que les techniques peuvent être décrites indépendamment de l’éleveur qui les met en œuvre, il n’en est pas de même pour les pratiques qui évoquent le savoir-faire individuel des acteurs dans l’exécution d’une technique donnée. Les pratiques sont au cœur des recherches sur les systèmes d’élevage car elles révèlent les choix stratégiques des éleveurs qui évoluent. Elles sont en général l’objet d’échanges intéressants avec les éleveurs autour de leurs modalités, leur opportunité et leur efficience ou leur efficacité. Leur analyse peut être révélatrice du projet et des contraintes de l’éleveur. Dans le cas de l’élevage des herbivores, Landais et al. (1987) proposent une typologie des pratiques d’élevage dont le principal intérêt est d’ordre méthodologique. Ils distinguent : (i) les pratiques d’agrégation (troupeau de jour, troupeau de nuit) ; (ii) les pratiques d’exploitation (l’ensemble des opérations par lesquelles l’homme exerce un prélèvement sur le bétail qu’il entretient à cette fin ; (iii) les pratiques de conduite (ensemble des opérations techniques effectuées par l’homme sur les animaux en vue d’assurer leur entretien et de les mettre en condition de produire et de se reproduire conformément à ses objectifs ; (iv) les pratiques de renouvellement qui désignent toutes les opérations par lesquelles l’éleveur renouvelle la composition de son troupeau (réforme des reproducteurs âgés, sélection de jeunes animaux pour le remplacement ; (v) les pratiques de transformation ou de valorisation (cas des productions transformées sur place pour une consommation immédiate ou différée). Caron (1998) y rajoute les pratiques territoriales. L’analyse des pratiques constitue toujours un élément central de l’analyse du fonctionnement d’un système d’élevage. Elle vise non seulement à mieux connaître la diversité des pratiques des éleveurs, mais surtout à comprendre leurs déterminants et à évaluer leurs effets (performances zootechniques) ; l’approche des pratiques des acteurs présente alors un intérêt opérationnel pour le développement (Alary et Lhoste, 2002). Mais des difficultés existent, lorsqu’il s’agit de décrire et de caractériser l’ensemble des pratiques qu’un opérateur applique à une unité d’élevage dans un objectif donné, et notamment pour en

obtenir diverses productions. Landais et al. (1987) désignent sous le terme de «mode d’élevage» la combinaison des pratiques d’élevage mises en œuvre par un opérateur.

b) L’animal

L’animal domestique constitue l’élément central et caractéristique du système d’élevage. Il lui confère, dans une large mesure, son originalité. Les spécificités de l’animal tiennent d’abord aux grandes fonctions biologiques qui assurent la pérennité et la reproduction des individus. L’animal bouge, extériorise un comportement individuel et collectif, il est rarement seul mais en groupe plus ou moins important.

D’une façon générale, le contrôle quelquefois étroit exercé par l’homme sur l’animal passe d’abord par celui de la composition des troupeaux, ensuite par celui des déplacements des animaux. Les modalités de contrôle et d’exploitation par l’homme de la mobilité animale représentent donc une caractéristique importante des systèmes d’élevage. Il en résulte que le troupeau, « ensemble d’animaux élevés et nourris ensemble », qui se définit précisément comme unité de conduite, constituera un niveau d’observation privilégié pour le zootechnicien (Landais, 1987). Mais ce concept recèle un certain nombre d’ambiguïtés et de difficultés qu’il sera nécessaire d’explorer. Jusqu’à une époque très récente, du point de vue zootechnique, le troupeau était considéré comme un agrégat d’unités qui ne sont souvent que des «quasi-animaux» car simples supports de connaissances fragmentaires à l’échelle de l’individu et référées en général à des pas de temps trop courts et de surcroît hétérogènes (Bonnemaire et Osty, 2004). Des travaux récents (Moulin, 1993 ; Corniaux, 2004) ont montré que le troupeau est en effet une entité complexe avec une histoire et une perspective, faite d’individus différents en rapport entre eux et qui ont chacun une carrière. C’est une entité qui se construit, à travers un certain nombre de pratiques qui jouent sur le choix des animaux (pratiques d’alimentation, de conduite, de sélection et de reproduction, de réforme,…). Comme unité de gestion, il est inscrit dans un projet professionnel, dans divers écosystèmes, voire dans un patrimoine matériel et symbolique. Entité économique au sein des filières agroalimentaires, le troupeau est également concerné par les dispositifs de politiques publiques touchant à la nature (Landais et Bonnemaire, 1996 ; Bonnemaire et Osty, 2004). Il devient donc un objet de recherche en tant que tel.

c) Le territoire

-

les ressources

Les ressources que met en jeu un système d’élevage sont diverses mais en pratique, les zootechniciens s’intéressent plus particulièrement aux ressources directement consommées

et valorisées par l’animal. Il s’agit des ressources alimentaires y compris l’eau de boisson. Le pâturage, et plus spécialement le pâturage extensif caractérise la grande majorité des situations à propos desquelles fut développé le concept de système d’élevage. Devant l’impossibilité d’analyser séparément la production de la ressource et son utilisation, l’approche allait alors glisser de la ressource proprement dite (la production primaire) à la surface qu’elle met nécessairement en jeu (Landais, 1987). Le terme de territoire va, dans un certain nombre de travaux, prendre le statut d’un véritable « pôle » pour les systèmes d’élevage étudiés.

-

le concept de territoire

Le terme de territoire est chargé de connotations diverses selon la discipline qui l’utilise. Il n’y a de territoire que parce qu’il y a mobilité. Inversement, en raison de la mobilité, le territoire est un attribut fondamental de toute vie animale (Landais, 1987). En effet, les activités d’élevage sont inséparables de l’espace dans lequel elles s’inscrivent, dont les caractéristiques les contraignent et qu’elles contribuent en retour à façonner. En matière d’animaux domestiques, la mobilité est réglée en grande partie par les pratiques de conduite qui s’appliquent aux troupeaux.

Il en résulte que l’approche spatiale du zootechnicien découle principalement de l’analyse des déplacements des troupeaux. Landais (1987) définit le territoire d’un troupeau comme « un ensemble des lieux qu’il fréquente à un moment donné ». Ce territoire ne peut être connu qu’à partir de l’analyse des déplacements du troupeau. Il ne doit pas être assimilé aux surfaces fourragères exploitées, mais doit être perçu comme un milieu structuré, support contrasté dans l’espace et dans le temps de ressources et de contraintes (Landais et al., 1987).