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CHAPITRE V : LE COMMERCE ET LA TRANSFORMATION DE LAIT À N’DJAMENA

5.3 L ES MICRO - ENTREPRISES DE TRANSFORMATION LAITIÈRE

5.3.2 Les fromageries

On en dénombre une dizaine qui fabrique du fromage de manière artisanale (Tableau 56). Certaines sont implantées dans les quartiers périphériques de N’Djamena (Goudji, Farcha) tandis que d’autres sont installées dans des villages à la périphérie proche de la capitale. Les fromageries se divisent en trois groupes en fonction du type de fromages produit :

- Celles qui fabriquent du fromage tressé. Elles forment le groupe le plus important. Ce sont : Zina, Al Wahid, Al Houda, Fatimé Sossal, Batoul Sossal. Les personnes fabriquant les fromages de ce type sont issues de la même famille. Le savoir-faire est jalousement gardé à l’intérieur de la famille. Les mêmes techniques et les gestes de fabrication du fromage torsadé sont donc les mêmes. Seules varient les stratégies commerciales ;

- La fromagerie de M. David Durand. Elle a la particularité de proposer des fromages nouveaux, d’utiliser la présure chimique et de valoriser le lait de chèvre. Les produits sont destinés à une clientèle composée des hôtels, des restaurants de luxe et des particuliers expatriés ;

- Enfin, le dernier groupe est constitué de fromagers nouvellement arrivés dans la profession. Ils fabriquent du fromage frais à partir du lait de vache. Les

fromageries appartenant à ce groupe fonctionnent de manière saisonnière. Leur stratégie est de valoriser le surplus de lait en saison pluvieuse. La fromagerie des religieuses de Bakara en fait partie.

Parmi ces entreprises, trois paraissent particulièrement intéressantes en raison de leur régularité dans la production. Ce sont la fromagerie Zina, la fromagerie Al Wahid et la fromagerie de M. David Durand.

a)

La fromagerie Zina

Elle est installée depuis 30 ans à Pont-Bélilé, village situé à environ 15 km de N’Djamena sur la route goudronnée menant vers le Nord. Elle a été créée par une famille tchadienne dont le père (M. Rahmat Ab El Bagui) était un ancien employé de commerçants libano-syriens résidant à Abéché. Ces commerçants avaient importé un savoir-faire du bassin méditerranéen et fabriquaient du fromage torsadé (en arabe Gibna matfula) que l’on trouve aujourd’hui encore en Syrie, dans certains pays du proche Orient, et même jusqu’au Kazakhstan. C’est un fromage de couleur blanche, à pâte semi-cuite filandreuse, de texture semi-dure, étirée puis torsadée. Il se conserve jusqu’à 12 mois en saumure saturée et nécessite parfois un dessalage préalable avant sa consommation.

Le caillage est réalisé grâce à une enzyme végétale issue d’une plante de la famille des Solanacées : Solanum dubium frescens L. (Jibbên en arabe local). C’est une plante bien connue des pasteurs, notamment ceux de l’Est du Tchad qui utilisent depuis des générations, ses fruits pour cailler le lait et tanner les peaux. La plante est entretenue par les fromagers dans la concession et ce sont ses fruits séchés, pilés, macérés et filtrés qui sont utilisés pour le caillage du lait. Les dosages font partie du savoir-faire du fromager.

Depuis 30 ans, le fromage torsadé a acquis une réputation si bien qu’il est appelé « fromage de Pont Bélilé » par les consommateurs de la capitale. Il est utilisé en sandwich, en salade, ou en accompagnement des ragoûts. Il est vendu à 5000 francs CFA/kg. La fromagerie Zina dispose de quatre kiosques de vente de fromages en ville. Elle est actuellement gérée par

Figure 9 : Evolution mensuelle du rendement fromager et du prix d'achat du litre de lait

0 2 4 6 8 10 12 14 j f m a m j j a s o n d mois re n d e m e n t 0 50 100 150 200 250 300 p ri x

rendem ent prix du litre de lait

Tableau 57 : Marges brutes par saison

Saison l/kg de fromage Prix d’achat du

lait

Prix de vente du kg de fromage

Marge brute/ litre de lait transformé

fraîche 10,7 2524 5000 248

chaude 8,7 2173 5000 283

pluvieuse 10,9 2483 5000 252

Total 10,1 2393 5000 261

Mme Kadidja Fodoul. Il est difficile d’obtenir des informations sur cette entreprise qui semble peu encline à communiquer sur ses activités. Aucune suite n’a été donnée à nos multiples demandes de rendez-vous.

b)

La fromagerie Al Wahid

Elle a été crée en 2004 à Koundoul par El hadj Ahmat Adoum en brouille avec sa tante Kadidja Foudoul propriétaire de la fromagerie Zina. Selon El hadj Ahmat, son installation dans village de Koundoul situé au sud de N’Djamena a été motivée par le souci de ne pas entrer en concurrence directe avec sa tante. Il bénéficia pour son installation d’un appui financier de l’AFD à travers le PLN. Sa clientèle est composée de N’Djamenois qui passent

leur week-end dans cette localité et des voyageurs se rendant vers le Sud du pays. Il produit son fromage deux fois par mois. Sa particularité est de mettre sur le marché du fromage tressé en morceaux de 250 g à 1000 francs CFA. La fromagerie Al Wahid est approvisionnée en lait par les éleveurs résidant à Koundoul et par des collecteurs de la zone de Kournari. Le paiement s’effectue au comptant ou en léger différé selon sa trésorerie. Mr. El hadj Ahamat qui sait lire et écrire en français possède un registre dans lequel sont inscrites toutes les données concernant les achats mensuels de lait (quantité, prix d’achat) et les ventes mensuelles de fromages (nombre de morceaux, prix de vente). Il a bien voulu mettre à notre disposition ce registre et nous l’avons exploité et voici quelques résultats.

- le rendement fromager

C’est le nombre de litres de lait nécessaire à la fabrication de 1 kg de fromage. La figure 9 rend compte de la variation du rendement au cours de l’année. En moyenne, il faut 10,13 ± 1,70 l de lait pour produire 1 kg de fromage. Mais cela dépend de la saison de l’année : les meilleurs rendements sont obtenus en saison sèche chaude (8,7 ± 0,7 l/ kg de fromages contre 10,9 ± 1,5 et 10,7 ± 1,9 l de lait/kg respectivement pendant les saisons pluvieuse et fraîche). Ce résultat est à mettre en relation avec la variation saisonnière de la teneur en matières sèches du lait.

- les prix et les marges

La fromagerie Al Wahid a traité au cours de l’année 2007 6162 l de lait pour un montant de 1 389 725 francs CFA. Elle a produit durant la même année 612,15 kg de fromage tressé pour une valeur de 3 060 750 francs CFA. Le prix de vente d’un kilogramme de fromage est fixé à 5000 francs CFA. Contrairement au prix d’achat du lait, il ne connaît pas de variation saisonnière. Le tableau 57 donne la marge brute par litre de lait transformé. Elle dépend du rendement fromager.

La fabrication de fromages est une activité rentable au regard des résultats présentés dans le tableau 57. Cependant cette rentabilité dépend de la régularité de l’approvisionnement et de la qualité du lait. Le délai de vente est également à prendre en compte. Selon le fromager lui-même, le pic de vente se situe vers la fin du mois. Il correspond à la paye des agents de l’Etat qui constituent le gros de sa clientèle. Un lot de fromages peut être commercialisé en une journée tout comme en deux semaines. Cela dépend de l’affluence des clients.

c) La fromagerie Durand

Elle est localisée dans le quartier périphérique de Farcha. Cette entreprise produit un grand nombre de types différents de fromages de chèvre : bûche fraîche nature, affinée, en sec, poivrée, aux fines herbes, etc. L’entreprise cherche aussi à diversifier son offre en proposant

fromage en farine, ou en spaghettis, etc. L’entreprise utilise pour le caillage du lait de la présure industrielle importée et dispose d’une chambre froide pour la maturation des fromages. Les revenus de l’entreprise sont bons. Le lait est acheté 300 francs CFA/l en mars 2007 et environ 200 francs CFA pendant la saison des pluies.

Le fromage est vendu 4000 à 5000 francs CFA/kg, soit un revenu d’environ 500 francs CFA par litre de lait transformé. L’entreprise a aussi pu bénéficier d’aide et de formation de la part du projet laitier de N’Djamena (PLN).

5.3.3 Les yaourteries