• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE V : LE COMMERCE ET LA TRANSFORMATION DE LAIT À N’DJAMENA

5.3 L ES MICRO - ENTREPRISES DE TRANSFORMATION LAITIÈRE

5.3.1 Les bars laitiers :

Ce sont des commerces très diversifiés dans leurs activités. Ils transforment et commercialisent du lait réfrigéré et du lait entier fermenté appelé localement rayeb. Trois types de commerce ont été identifiés sur la base de leur taille et de leurs activités parallèles :

- Les boutiques (64 %) sont des commerces de petite taille dont 35 % sont implantées sur des rues secondaires, 22 % sur les avenues, et 7 % en face d’un rond point. L’espace réservé à la consommation sur place est en général réduit : il comprend en moyenne une table. Les boutiques commercialisent parfois plusieurs articles autres que des boissons comme par exemple des produits cosmétiques, alimentaires importés ou même pétroliers.

- Les alimentations (16 %) sont des commerces de taille plus grande dont 9 % se trouvent sur les grandes avenues. L’espace réservé à la consommation sur place peut comprendre 4 à 5 tables. Ces commerces proposent des boissons mais aussi parfois d’autres produits alimentaires comme le pain ou des produits alimentaires importés.

- Les restaurants (20 %) sont des commerces dont l’activité principale est la vente de plats préparés. Ils sont dans leur quasi-totalité situés sur les grandes avenues. Ils comprennent tout un espace cuisine. En général, ils ne commercialisent pas d’autres articles que les plats préparés et les boissons.

Figure 8 : Evolution des catégories de bars laitiers entre 2002-2007 0 15 30 45 60 75 2002 2003 2007 p .1 0 0 Boutique Alim entation Res taurant Autres

Les boutiques spécialisées dans la vente de boissons fraîches, disposent dans leur totalité d’un congélateur (17 %) ou d’un réfrigérateur (47 %) en état de marche. Les alimentations

sont elles aussi relativement bien équipées (14 %), même si la part ayant recours à la conservation en glacière est de 2 %. En revanche, les restaurants dont la vente de boissons fraîches n'est qu'une activité secondaire, sont moins bien équipés : seulement 8 % d'entre eux possèdent un appareil réfrigérant. Le reste utilise la glace.

5.3.1.1 La répartition spatiale

Elle est très inégale. Mais d’une manière globale les bars laitiers sont plus concentrés au nord d’un axe que l’on peut assimiler à l’avenue Charles de Gaulle qu’au sud. Cette répartition est liée au fait que les populations traditionnellement consommatrices de lait sont concentrées au nord de l’avenue Charles de Gaulle (Carte 4). Le 8ème arrondissement concentrent à lui seul près du 1/3 des bars laitiers de la capitale dont 95 % dans le quartier Diguel. Suivent par ordre d’importance le 2ème et le 1er arrondissement. Les 3ème, 6ème, 7ème, et 9ème situés au sud de l’avenue Charles de Gaulle rassemblent 16 % des points de vente soit l’équivalent du seul 2ème arrondissement. Ils sont peuplés en majorité par les ressortissants de la zone soudanienne qui eux ne possèdent pas de tradition de consommation de lait à l’exception des populations originaires du sud-ouest agropastoral.

5.3.1.2 La dynamique des bars laitiers

L’effectif des bars laitiers s’est accru considérablement entre 1999 et 2003. En effet, un premier recensement réalisé en 1999 dans le cadre de l'Observatoire de la filière lait mis en place dans le cadre du PRASAC, a fait état de 141 boutiques en activité. Un second entrepris dans le même cadre en a dénombré 318 en 2002. En 2003, le PLN a compté 405 bars laitiers et autres dans la ville. En avril 2007, nous en avons compté 407 dont 360 en activité. La progression sur 5 ans a été de 28 %. La dynamique constatée est en train de s’inverser. La principale cause est à rechercher dans la crise énergétique qui prive la capitale tchadienne d’électricité depuis plus de 17 ans.

La répartition des bars laitiers suivant les différentes catégories de commerce (boutique, alimentation, restaurant) évolue avec le temps (Figure 8). Entre 2002 et 2007, la proportion des boutiques a considérablement augmenté en raison de l’entrée de nouvelles boutiques dans le commerce du lait. L’augmentation du nombre de boutiques se fait simplement par ajout du lait et/ou du rayeb à la gamme des produits déjà commercialisés. Cet accroissement correspond vraisemblablement à une évolution de la demande en lait. Les boutiques sont plus diffuses dans les quartiers que les restaurants ou les alimentations situés généralement le long des grandes avenues. Elles répondent mieux à la demande en rendant disponible le lait.

5.3.1.3 Le profil des commerçants

Les commerces enquêtés étaient tenus à 100 % par des hommes. Au Tchad, le commerce du lait est traditionnellement l’affaire des femmes. Pourtant, la croissance du marché urbain, qui a donné naissance à des nouveaux circuits d’approvisionnement en lait frais, a conduit à l’entrée des hommes dans ce commerce.

Les tenanciers des bars laitiers sont assez diversifiés d'un point de vue ethnique, même s’ils sont tous originaires du nord et du centre du pays. Les ressortissants du Ouaddaï géographique24 (Maba, Mimi, Tama et Zagawa) sont les plus importants. Ils représentent 80 % des commerçants interrogés et détiennent 30 % des restaurants, 27 % des boutiques et 13 % des alimentations. Les goranes forment le 2ème groupe avec 17 % de l'échantillon. Suivent les Arabes (7 %), les Kanembous (3 %) et les Toundjours (3 %).

5.3.1.4 L’origine du savoir-faire

Dans 74 % des cas, l’origine du savoir faire est le village. Ceci s'explique par le fait que les commerçants de lait et de rayeb sont originaires de zones rurales où l'on pratique l'élevage laitier de manière traditionnelle. Il faut signaler que le rayeb constitue l’aliment traditionnel des jeunes bergers au pâturage. Par contre 13 % d’entre eux ont acquis leurs compétences techniques auprès de leurs anciens employeurs. Une faible proportion (2 %) a appris de leurs parents. Enfin, 11 % des commerces enquêtés ont bénéficié d'un apprentissage auprès de connaissances ou amis. Ceci montre que les grandes agglomérations sont les lieux de brassages socio-économiques.

A la réception, le lait destiné à être vendu en lait frais après réfrigération, est filtré à l’aide d’un tamis, refroidi. Il est ensuite conditionné dans des bouteilles de récupération de contenance 33 cl ou de 150 cl puis conservé frais dans le frigo. La fabrication du rayeb obéit à une technique. Le lait est versé dans un récipient propre, recouvert d’un tissu et laissé à la température ambiante pendant 2 à 3 heures pour qu'il fermente naturellement. Parfois on y ajouté un peu du lait fermenté de la veille pour accélérer la fermentation. Le produit ainsi obtenu est mis au frais. On ajoute du sucre lorsque le lait ou le rayeb sont servis pour la consommation. Toutefois des précautions sont à prendre pour la réussite de sa fabrication :

- la nature du lait : le lait de vache est le mieux indiqué ; - la pasteurisation : il doit avoir été chauffé ;

- l'hygiène et les précautions d'usage : il ne doit pas contenir de saletés visibles à l’œil nu et il ne doit pas être agité pendant la fermentation.

Photo 11 : Différentes enseignes utilisées sur la devanture des boutiques

Tableau 54 : Moyenne des quantités de lait reçues par commerce

Saison sèche froide (Shité) Saison sèche chaude (Séf) Saison des pluies (Kharif) 12,5 ± 2,5 litres par jour 25 ± 5 litres par jour 17,5 ± 2,5 litres par jour

Pour évaluer la qualité du lait livré, les commerçants ont recours à des techniques traditionnelles :

- l’odeur : chaque espèce laisse son odeur à son lait ; - le goût : les laits diffèrent suivant l'espèce ;

- la couleur : le lait de la vache est de couleur plus sombre que celui de la chèvre ;

- le colostrum : le lait contenant le colostrum est de couleur verdâtre ;

- le mouillage : une goutte de lait mouillé déposé sur l’ongle du pouce ne laisse pas de trace.

La majorité des bars laitiers (80 %) commercialisent un seul produit : le rayeb. Le reste commercialise le lait frais sucré et le rayeb.

5.3.1.5 L’approvisionnement en lait

La livraison des commerces est assurée par les collecteurs à mobylette et les distributeurs. Le lait d’approvisionnement est d’origine bovine. Ceci explique que 60 % des boutiques possèdent une enseigne avec divers symboles sensée marquer le caractère fermier du lait local (Photo 11): dessin de vache (45 %), dessin de vache plus inscription « lait pur de vache » (9 %), « lait pur de vache » (5 %), « lait de vache » (1 %). En réalité la plupart des laits livrés sont un mélange de lait de vache avec du lait de chèvre, parfois de brebis : c’est ce qui entrave quelque fois la confiance entre le « quarantier » et le commerçant. Les contrats tacites de livraison du lait possèdent le plus souvent deux caractéristiques :

- approvisionnement régulier en quantité et en qualité du lait ; l'approvisionnement par un livreur unique concerne 98 % des commerces enquêtés.

- stabilité du prix d’achat du lait par le boutiquier. Cet engagement est plus ou moins respecté car le contrat du « quarantier » avec le producteur est variable selon les saisons tandis que les commerces du lait et du rayeb conservent le même prix de vente sur toute l’année.

Les variations saisonnières d’approvisionnement des commerces en lait de brousse sont données par le tableau 54. La période de grande consommation se situe en saison sèche chaude où les fortes températures génèrent une demande importante en boissons fraîches. A l'inverse, la demande est la plus faible en saison sèche froide. Ainsi, les variations saisonnières de la consommation en lait des boutiques sont en opposition avec les variations de l'offre. C'est lorsque le lait est le plus rare (saison sèche chaude) que la demande est la plus forte et la consommation diminue lorsque les quantités disponibles augmentent en saison des pluies. Cette tension entre l'offre et la demande explique les variations saisonnières du prix du lait au producteur.

Tableau 55 : Coût de commercialisation, marge et excédent bruts (FCFA).

Saison pluvieuse Saison sèche

Quantité de lait (litres) 10 18

Recettes 6 000 10 800

Charges 3 597 7 081

Marge brute/jour 2 403 3 719

Excédent brut/litre 240 207

Tableau 56 : Principales fromageries en activité à N’Djamena en 2008.

Fromagerie Année de création Type de fromage fabriqué

Durand 1997 Fromage de chèvre

Al Houda 1988 Fromage tressé

Zina 1964 Fromage tressé

Al Wahid 2004 Fromage tressé

Faki Ali 2004 Fromage égoutté

Fatimé sossal 1969 Fromage tressé

Batoul Sossal 2001 Fromage tressé

Mahamat Kourloukou 2001 Fromage de chèvre

Akaye Djimeze 2002 Fromage frais

Bakara - Fromage frais

5.3.1.6 Le mode de paiement

Le paiement se fait à chaque livraison soit au comptant (62 % de cas) soit à crédit (38 %). Au moment de la livraison, la majorité des transformateurs n’a pas d’assurance de qualité, puisque 62 % des transformateurs (tenanciers de commerces de lait et certaines revendeuses) déclarent faire confiance aux collecteurs. Cette confiance est basée sur le fait

quantité équivalente le lendemain qu’il ne paye pas. Le lait bouilli réfrigéré est vendu en général le jour même de l'achat. Par contre, le rayeb est vendu après un temps de fermentation de plusieurs heures. La vente du rayeb inclut donc un risque de "tournage" du lait, par exemple lorsque le lait est issu d'un mélange de lait de plusieurs espèces ou d’une espèce qui n’est pas indiquée pour la fabrication du rayeb (chamelle). Pour ces raisons, certains commerçants préfèrent payer le lait à crédit. Les risques de "ratage" du rayeb sont alors supportés par le collecteur.

5.3.1.7 Les prix et les marges

Les unités et les prix de vente du rayeb et du lait frais sont les mêmes : 300 francs CFA pour la grande chope et 150 francs CFA pour la petite chope. D’autres unités de vente plus grandes sont utilisées pour la vente du lait frais. Il s’agit des bouteilles de récupération d’eau minérale de 1,5 ou de coca-cola de 0,33 litre. Les prix de vente du rayeb et du lait frais au niveau des bars laitiers sont constants en dépit de la forte sensibilité du prix au collecteur aux variations saisonnières de la production.

Les activités de revente de lait sont donc très rémunératrices au vu des marges réalisées (Tableau 55). Les charges fixes des commerces peuvent encore être diminuées par d’autres activités qui n’ont pas été prises en compte ici (jus de fruits, pains beurrés, sandwichs, sucrerie,…).