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Chapitre 1 – Conseiller d’orientation en milieu scolaire au Québec : une profession

1.4. Le renouveau pédagogique : une vision renouvelée de l’orientation?

1.4.1. Les nouveaux ancrages formels de l’orientation dans l’organisation

Globalement, les choix ministériels qui se sont traduits dans ce Renouveau pédagogique réitéraient la place centrale que devait occuper l’orientation dans le système scolaire, notamment pour favoriser la réussite et la persévérance scolaire pour tous, objectif ultime de ce Renouveau (passer de l’« accès pour tous » au « succès pour tous »). Cela s’est traduit d’abord par l’inclusion, dans la mission même de l’école québécoise, d’une finalité de « qualification » des élèves aux côtés de celle d’« instruction » et de « socialisation » (MEQ, 2001). Dans l’énoncé de politique éducative à la base de cette réforme, la description de la mission « qualifier » s’écrivait comme suit :

QUALIFIER, selon des voies diverses : L’école a le devoir de rendre tous les élèves aptes à entreprendre et à réussir un parcours scolaire ou à s’intégrer à la société par la maîtrise de compétences professionnelles. Pour qu’elle remplisse cette mission, l’État doit définir le curriculum national de base, et les

10 Le Renouveau pédagogique a été implanté de manière progressive à partir de 2000, en commençant par les

établissements doivent offrir des cheminements scolaires différenciés selon les intérêts et aptitudes de chaque élève, particulièrement au-delà de l’éducation de base. Il est temps d’accorder une attention plus soutenue à l’orientation des élèves et de réhabiliter la formation professionnelle comme voie normale de scolarisation. (MEQ, 1997, p. 9)

Cette mission a été renforcée par un nouveau régime pédagogique de l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire, qui définissait les services qui devaient être mis en œuvre par les commissions scolaires (MEQ, 2002a). Ce régime pédagogique est toujours en vigueur. D’une part, on y stipule la nécessité, pour les services d’enseignement au secondaire, de « faciliter l’orientation personnelle et professionnelle [de l’élève] » (Article 2)11. D’autre part, on y oblige les commissions scolaires à se doter d’un

programme pour chacun des services complémentaires, dont un service « d’aide à l’élève qui vise à l’accompagner dans son cheminement scolaire et dans son orientation scolaire et professionnelle ainsi que dans la recherche de solutions aux difficultés qu’il rencontre » (Article 4), programme qui doit inclure obligatoirement des services « d’information et d’orientation scolaires et professionnelles » (Article 5).

Au niveau des écoles, le Renouveau préconisait l’intégration de l’orientation dans le Projet éducatif dont doit désormais se doter chacune d’entre elles. Ayant pour objectif de tenir compte des spécificités locales dans la mise en œuvre des programmes ministériels, ce projet éducatif est « élaboré, réalisé et évalué périodiquement avec la participation des élèves, des parents, du directeur de l’école, des enseignants, des autres membres du personnel de l’école, des représentants de la communauté et de la commission scolaire » (Loi sur l’instruction publique, Art. 36). À ce Projet éducatif se greffe un « Plan de réussite » qui doit déterminer 1) « des objectifs de réussite clairs et mesurables » relativement à l’ensemble des aspects de la vie scolaire, 2) définir les « moyens concrets » que l’équipe-école doit mettre en œuvre pour les atteindre, et 3) prévoir des manières « de mesurer périodiquement les résultats obtenus […] tant sur le plan quantitatif que qualitatif ». Ce Projet éducatif et ce Plan de

11 Le Régime pédagogique peut être consulté sur le site des Publications du Gouvernement du Québec :

http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=//I_13_3/I13_3R 8.htm

réussite sont élaborés par l’équipe-école, en collaboration avec le Conseil d’établissement, auquel siègent plusieurs parents d’élèves (MEQ, 2002a).

On voit bien, déjà, la volonté du MELS d’intégrer l’orientation dans l’ensemble des efforts des écoles afin d’en faire une préoccupation transversale. Au-delà de la suppression des cours du programme d’ECC du cursus obligatoire, cette volonté de décloisonner l’aide à l’orientation des élèves s’est également traduite par l’inclusion, dans le programme même de l’école québécoise, de plusieurs ancrages visant à développer, chez les élèves, des compétences liées spécifiquement à leur orientation scolaire et professionnelle. Ces ancrages sont répartis dans les trois éléments constitutifs du Programme de formation de l’école

québécoise (MELS, 2007) : 1) les domaines d’apprentissage, qui regroupent les disciplines

du savoir et de la culture ayant des affinités communes, disciplines à la source des connaissances sur lesquelles reposent les compétences12 à développer par les élèves; 2) les

domaines généraux de formation, qui regroupent les « grandes problématiques que les

jeunes doivent affronter » (MELS, 2007, chapitre 2, p. 1) et au sein desquels ils doivent exercer leurs compétences; et 3) les compétences transversales, qui constituent des compétences qui traversent les frontières disciplinaires et peuvent s’actualiser dans différentes situations de la vie courante.

D’une part, parmi les six domaines d’apprentissages identifiés par le Programme de

formation de l’école québécoise du deuxième cycle du secondaire, l’un concerne le

« développement professionnel »13. Ce domaine regroupe des programmes qui ont pour

objectif commun de « préparer les jeunes à leur insertion socioprofessionnelle […] les aider à entrevoir les possibilités qui s’ouvrent à eux et à anticiper ce que pourrait être leur vie de travailleurs et de citoyens, dans un futur immédiat ou plus lointain » (MELS, 2007, chapitre 4, p. 16). Ces programmes sont divisés selon deux types de parcours :

12 La compétence y est définie comme : « un savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un

ensemble de ressources » (MELS, 2006, p. 5).

13 Les autres domaines d’apprentissages sont : le domaine des langues; le domaine de la mathématique, de la

science et de la technologie; le domaine de l’univers social; le domaine des arts; et le développement de la personne.

1) Parcours de formation générale et de formation générale appliquée :  Exploration de la formation professionnelle;

 Projet personnel d’orientation;  Sensibilisation à l’entrepreneuriat. 2) Parcours de formation axée sur l’emploi :

 Formation préparatoire au travail (Préparation au marché du travail, Sensibilisation au monde du travail, Insertion professionnelle);

 Formation menant à l’exercice d’un métier semi-spécialisé (Préparation au marché du travail, Préparation à l’exercice d’un métier semi-spécialisé). Dans les parcours de formation axée sur l’emploi, qui s’adressent spécialement aux élèves qui éprouvent des difficultés scolaires, les programmes relatifs au « développement professionnel » font partie des matières obligatoires. Par contre, dans les parcours de formation générale et générale appliquée, suivis par la majorité des élèves du niveau secondaire, les programmes relatifs à ce domaine d’apprentissage ne font pas partie des matières obligatoires, à une exception près14. Ainsi, malgré l’existence de plusieurs ancrages

de l’orientation scolaire et professionnelle dans ce domaine d’apprentissages du Programme

de formation de l’école québécoise au deuxième cycle du secondaire, on peut penser qu’une

faible proportion seulement des élèves du secondaire sont effectivement exposés aux programmes qui leur permettraient de faire ces apprentissages.

D’autre part, parmi les cinq domaines généraux de formation dans lesquels doivent s’actualiser les compétences des élèves selon le nouveau programme, on y retrouve celui qui s’intitule « Orientation et entrepreneuriat »15. Ce domaine de formation a pour

objectif d’« offrir à l’élève des situations éducatives lui permettant d’entreprendre et de mener à terme des projets orientés vers la réalisation de soi et l’insertion dans la société » (MEQ, 2001, p. 45). Plus spécifiquement, ce domaine doit amener l’élève à développer des

14 Pour les élèves qui suivent le parcours de formation générale appliquée, le programme Projet personnel

d’orientation est obligatoire.

15 Les autres domaines généraux de formation sont : Santé et bien-être; Environnement et consommation;

savoirs relatifs à trois axes de développement : 1) Conscience de soi, de son potentiel et de ses modes d’actualisation; 2) Appropriation des stratégies liées à un projet; et 3) Connaissance du monde du travail, des rôles sociaux, des métiers et des professions (MEQ, 2001, p. 45). S’inscrivant dans un domaine général de formation, ces axes de développement peuvent faire l’objet de situations d’apprentissage dans l’ensemble des cours dispensés et des activités parascolaires réalisées. Ainsi s’agit-il, pour l’ensemble des acteurs de l’école, autant les enseignants que les professionnels des services complémentaires, de contribuer au développement des compétences des jeunes pour s’orienter et mener des projets à terme. Enfin, si les neuf compétences transversales initialement identifiées16 par le programme de

formation de l’école québécoise17 constituent des compétences pouvant contribuer à la

capacité des jeunes à s’orienter, l’une d’entre elles concerne directement l’orientation, i.e. celle qui s’intitule « Actualiser son potentiel ». Plus spécifiquement, cette compétence transversale doit s’actualiser par le développement de savoirs autour des trois composantes suivantes : 1) Reconnaître ses caractéristiques personnelles; 2) Prendre sa place parmi les autres; et 3) Mettre à profit ses ressources personnelles. Ici encore, ces compétences peuvent faire l’objet de situations d’apprentissages dans l’ensemble des cours dispensés et des activités parascolaires, tous les acteurs de l’école ayant la responsabilité de contribuer au développement de la capacité des jeunes à structurer leur identité.

Sans discuter ici de la pertinence de ces ancrages ou de leur mise en œuvre, on peut constater que le MELS avait effectivement pour objectif de faire en sorte que l’ensemble des acteurs de l’école contribue à aider les élèves à développer leur compétence à s’orienter. Selon ces transformations institutionnelles, la responsabilité d’aider les jeunes à s’orienter ne relèverait

16 L’introduction de compétences transversales dans le programme de l’école québécoise a fait l’objet de

nombreuses contestations, notamment au regard de leur évaluation. La référence à ces compétences transversales aurait été éliminée du régime pédagogique en 2011. Sans vouloir faire le point sur cette situation, il s’agit ici de montrer l’intention de départ du MELS d’ancrer l’orientation dans les différentes composantes du Programme des programmes, y compris au sein des compétences transversales.

17 Les compétences transversales sont : exploiter l’information; résoudre des problèmes; exercer son jugement

critique; mettre en oeuvre sa pensée créatrice; se donner des méthodes de travail efficaces; exploiter les technologies de l’information et de la communication; actualiser son potentiel; coopérer; et communiquer de façon appropriée.

donc plus, désormais, seulement des conseillers d’orientation ou des enseignants du programme d’ECC, mais de l’école dans son ensemble. Il s’agit là de l’expression d’une nouvelle manière d’organiser le travail dans les écoles, qui vise à ce que l’ensemble du personnel – l’« équipe-école » – contribue, en collaboration avec les parents et les acteurs de la communauté, au développement des compétences des élèves en matière d’orientation (MEQ, 2001). Ainsi, comme le spécifie le Cadre de référence des services complémentaires (MEQ, 2002a), les services d’orientation, comme l’ensemble des services professionnels complémentaires, doivent maintenant contribuer en étroite collaboration avec les services d’enseignement à la mise en œuvre du programme de l’école québécoise.

1.4.2. L’approche orientante : l’actualisation, en orientation, des principes de la