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Souffrance identitaire de métier : des conseillères et des conseillers d'orientation s'interrogent sur le présent et l'avenir de leur profession en milieu scolaire

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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SOUFFRANCE IDENTITAIRE DE MÉTIER

Des conseillères et des conseillers d’orientation s’interrogent

sur le présent et l’avenir de leur profession en milieu scolaire

Thèse

Simon Viviers

Doctorat en sciences de l’orientation

Philosophiæ doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Simon Viviers, 2014

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Résumé

Cinquante ans après son institutionnalisation au sein du système professionnel au Québec et après que l’État lui ait fait une place centrale au fondement de l’école québécoise, la profession de conseiller d’orientation (c.o.) est toujours en lutte pour une reconnaissance de sa pertinence au sein de la société. Tout se passe comme si la professionnalisation, entendue comme un processus permettant à un métier de se faire reconnaître une identité propre liée à l’exercice de responsabilités nécessitant des qualifications élevées, était toujours en question. Au rythme où s’enchaînent les réformes dans le monde scolaire, la reconfiguration constante des pratiques rend difficile la revendication d’une identité professionnelle de métier claire. Les c.o. ont été touchés au cœur de leur métier par les transformations institutionnelles ces dernières années. C’est du moins ce que propose d’explorer cette thèse qui appréhende une dynamique de souffrance identitaire de métier.

Fondée sur le savoir théorique et méthodologique de la clinique de l’activité (Clot, 1999; Oddone, Re & Briante, 1981) et de la psychodynamique du travail (Dejours, 2008), cette thèse vise à analyser les tensions entre les pratiques prescrites par le système scolaire et la profession, celles désirées par les c.o. et les pratiques effectives qui s’incarnent dans le travail au quotidien. Il s’agit d’éclairer la dynamique entre le plaisir, la souffrance au travail et les stratégies de défense, à la lumière des règles de métier issues du « genre professionnel » et du collectif de travail.

Conduite auprès de deux groupes de c.o. (n=10 et 11) rencontrés à quatre reprises au cours de séances de trois heures chacune, la recherche révèle des axes de souffrance identitaire de métier : une désincarnation du cœur de métier; une déprofessionnalisation du travail; une déconsidération professionnelle; et un déficit de collégialité. Pour faire face à une souffrance liée à une dégradation de l’importance de leur profession dans les écoles, des c.o. mettent en place des stratégies inscrites dans un « désir du métier », tout en participant à le redéfinir. Il apparaît que cette voie d’entrée de la souffrance identitaire de métier et sa mise en discussion au sein de collectifs de c.o. peuvent être une voie de réappropriation et de développement de la profession au sein de la société.

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Abstract

Fifty years after it has been institutionalized within the professional system in Quebec province and after it has been given a key function within the provincial education system, the profession of vocational guidance counselor (v.g.c.) is still struggling for the recognition of its social relevance. It is as if the professionalization, which is understood as a process that allows a trade to be recognized with its own identity linked to the exercise of responsibilities requiring high qualifications, was still being questioned. As the education system is frequently being reformed, the constant reconfiguration of practices makes the claim of a clear occupational identity difficult. The v.g.c have been affected deep into their professional core by the institutional transformations of the recent years. At least that is what this thesis wants to explore by apprehending a dynamic of occupational identity suffering.

Based on the theoretical and methodological framework of the clinic of the activity (Clot, 1999; Oddone, Re & Briante, 1981) and of the psychodynamics of work (Dejours, 2008), this dissertation aims to analyze the tensions between the practices prescribed by the education system and the profession, those desired by the v.g.c. and the actual practices which are embodied in the daily work. It is to enlighten the dynamics between pleasure, suffering at work and defensive strategies, in the light of the professional rules derived from the occupational “genre” and the work collective.

Conducted with two groups of v.g.c. (n=10 and 11) encountered each on four occasions, the research reveals these main lines of occupational identity suffering: a disembodiment of the professional core; a deprofessionalization of work; a professional disrepute; and a deficit of collegiality. To protect from this suffering, the v.g.c. use strategies derived from their “trade desire” that participate in its redefinition. It appears that this way to understand the occupational identity suffering and its discussion within collective of v.g.c. can lead to a reappropriation and a development of the profession in the society.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Remerciements ... xv

Introduction ... 1

PARTIE 1 Problématique et cadre théorique ... 11

Chapitre 1 – Conseiller d’orientation en milieu scolaire au Québec : une profession en souffrance? ... 15

1.1. Conseiller d’orientation : un métier professionnalisé? ... 16

1.1.1. La professionnalisation : entre métier et profession ... 17

1.1.2. Qu’en est-il maintenant de la profession de conseiller d’orientation? ... 22

1.2. Une histoire de métier marquée par les changements du système scolaire ... 24

1.3. La réforme des années 2000 : le « nouvel esprit » du système scolaire québécois ... 29

1.4. Le renouveau pédagogique : une vision renouvelée de l’orientation? ... 34

1.4.1. Les nouveaux ancrages formels de l’orientation dans l’organisation du travail à l’école ... 34

1.4.2. L’approche orientante : l’actualisation, en orientation, des principes de la Réforme ... 39

1.4.3. Vers de nouvelles pratiques en orientation en milieu scolaire? ... 43

1.5. État de la pratique de l’orientation dans les écoles aujourd’hui : l’Ordre professionnel est préoccupé ... 44

1.5.1. Quelle est la tâche des c.o. en milieu scolaire selon la classification officielle? ... 44

1.5.2. Un aperçu du réel : l’Ordre professionnel constate des ratés de la réorganisation du travail d’orientation issue du Renouveau pédagogique ... 46

1.5.2. Comment l’Ordre professionnel a-t-il tenté de réorienter la pratique? ... 50

1.6. Synthèse : entre les prescriptions institutionnelles et le réel du travail, une profession en souffrance? ... 53

Chapitre 2 – Examen critique des approches explicatives de la souffrance au travail des conseillers d’orientation en milieu scolaire ... 57

2.1. Portait statistique des manifestations de souffrance au travail chez les c.o. ... 58

2.2. Les approches psychologiques-individuelles ... 60

(8)

2.2.2. Stratégies de coping ... 63

2.2.3. Culture du bien-être ... 67

2.3. Les approches psychosociales ... 72

2.3.1. Soutien social et articulation travail-famille ... 73

2.3.2. Estime de soi collectif et reconnaissance ... 75

2.3.3. Ambiguïté et conflits de rôles ... 79

2.4. Approches axées sur le travail ... 84

2.4.1. Nature du travail ... 85

2.4.2. Environnement de travail, organisation du travail et pratiques de gestion ... 88

2.4.3. Analyse psychodynamique des situations de travail en milieu scolaire : des pistes de compréhension du travail vécu par les conseillers d’orientation ... 91

2.6. Synthèse de l’examen critique de la recension des écrits ... 96

Chapitre 3 – Dynamique de la souffrance identitaire de métier dans le travail des conseillers d’orientation ... 99

3.1. Qu’est-ce que l’« identité professionnelle de métier »? ... 100

3.1.1. Positionnement théorique de l’identité professionnelle de métier ... 100

3.1.2. Exploration des écrits sur l’identité professionnelle des conseillers d’orientation ... 105

3.2. Qu’est-ce que la « pratique professionnelle »? ... 111

3.3. La clinique du travail : une posture pour « soigner le travail » ... 114

3.3.1. La théorie de la psychodynamique du travail ... 116

3.3.2. La théorie de l’activité dirigée ... 126

3.4. Modèle conceptuel : dynamique de souffrance identitaire de métier ... 132

3.5. Synthèse de la position de problème : vers une compréhension de la souffrance identitaire de métier ... 136

3.6. Question et objectifs de recherche ... 137

PARTIE 2 Cadre méthodologique ... 139

Chapitre 4 – Examen des méthodes possibles pour l’investigation... 141

4.1. Une praxéologie socio-constructiviste ... 142

4.2. L’analyse groupale des pratiques professionnelles ... 144

4.2.1. L’analyse groupale des pratiques professionnelles d’orientation Balint ... 145

4.2.2. L’analyse groupale des pratiques professionnelles d’orientation psychosociologique ... 147

4.2.3. De l’utilité des dispositifs d’analyse des pratiques professionnelles ... 148

4.2.4. De l’analyse des pratiques à l’analyse du travail en situation? ... 150

(9)

Chapitre 5 – Choix d’une méthode combinée d’analyse clinique du travail ... 155

5.1. Une clinique de l’activité : l’instruction au sosie ... 155

5.1.1. Constitution du groupe de conseillers d’orientation : démarches de recrutement ... 158

5.1.2. Le déroulement du dispositif ... 160

5.1.3. Démarche d’analyse des données ... 166

5.1.4. Restitution / validation ... 169

5.2. L’enquête de psychodynamique du travail ... 169

5.2.1. Constitution du groupe d’enquête : démarches de recrutement ... 171

5.2.2. La pré-enquête et l’analyse de la demande ... 173

5.2.3. Le déroulement de l’enquête ... 174

5.2.4. Démarche d’analyse de psychodynamique du travail ... 175

5.2.5. Rencontre de restitution/ validation ... 178

5.3. Stratégie de triangulation des résultats des deux méthodes ... 179

5.4. Critères scientifiques et éthiques dans une telle recherche ... 180

PARTIE 3 Résultats et analyse ... 183

Chapitre 6 – L’expérience du travail de conseiller d’orientation en milieu scolaire : à la recherche d’un chœur de métier ... 185

6.1. Présentation des participants ... 186

6.1.1. Instructrice #1 : Maryse ... 187

6.1.2. Instructrice #2 : Geneviève ... 188

6.1.3. Instructeur #3 : Pierre ... 190

6.2. Description des pratiques effectives ... 192

6.2.1. Admissions / Inscriptions ... 193

6.2.2. Choix de cours... 196

6.2.3. Répondre aux besoins généraux d’information et d’orientation scolaire et professionnelle ... 199

6.2.4. Rencontres individuelles ... 204

6.2.5. Rôle-conseil et approche orientante ... 209

6.2.6. Synthèse des pratiques effectives ... 212

6.3. L’expérience du travail de conseillers d’orientation ... 214

6.3.1. Le rapport à la tâche ... 215

6.3.2. Le rapport aux élèves ... 219

6.3.3. Le rapport aux pairs ... 222

6.3.4. Le rapport aux parents ... 225

6.3.5. Le rapport à la hiérarchie ... 227

6.3.6. Le rapport aux organisations formelles et informelles du monde du travail ... 230

6.3.7. Synthèse de l’expérience du travail des trois instructeurs ... 235

6.4. Les stratégies pour faire face au réel et à la souffrance au travail : entre genre et style professionnels ... 237

(10)

6.4.1. Maryse : le recadrage de l’importance de son emploi ... 239

6.4.2. Geneviève : le « prendre soin » des relations interpersonnelles ... 240

6.4.3. Pierre : la résistance diplomatique ... 242

6.4.4. Synthèse des stratégies employées par les trois instructeurs ... 245

6.5. Le chœur de métier face à l’organisation du travail ... 245

6.5.1. Le « réel de l’activité » des c.o. : l’investigation des pratiques désirées à la recherche d’un cœur de métier ... 246

6.5.2. Les contraintes d’organisation du travail des c.o. : comprendre les sources de souffrance identitaire de métier ... 249

6.5.3. Les stratégies de protection : entre adaptation et résistance, entre protection de soi et protection du métier ... 257

6.6. Conclusion de la démarche de clinique de l’activité ... 263

Chapitre 7 – Psychodynamique du travail de conseillers d’orientation en milieu scolaire ... 265

7.1. Présentation des participants ... 266

7.2. Quelle est la place du conseiller d’orientation dans le travail effectif à l’école? ... 267

7.2.1. Composer avec les directions d’école ... 268

7.2.2. Assurer une « clientèle » suffisante aux centres de formation professionnelle ... 270

7.2.3. Administrer adéquatement le cheminement scolaire des élèves ... 272

7.2.4. Compenser l’impensé organisationnel ... 274

7.3. Comment se traduit la dynamique souffrance / plaisir dans le travail? ... 277

7.3.1. Accompagner les jeunes dans leur démarche d’orientation scolaire et professionnelle : encore possible en milieu scolaire? ... 278

7.3.2. Rencontrer des jeunes dans le cadre de son travail de c.o. : est-ce encore possible en milieu scolaire? ... 282

7.3.3. Être reconnu comme professionnel spécialiste de la relation individu-travail-formation : est-ce possible en milieu scolaire? ... 283

7.3.4. Garder sa place de professionnels dans le contexte scolaire actuel : est-ce possible? ... 287

7.3.5. Souffrir de sa profession : une identité professionnelle de métier menacée par une déqualification opérationnelle et statutaire ... 290

7.4. Comment les conseillers et conseillères d’orientation font-ils face à ces situations de travail? ... 292

7.4.1. Des stratégies d’adaptation : de la normalité vers la défense proprement dite ... 293

7.4.2. Adhérer au modèle du c.o. « entrepreneur de soi » ... 296

7.4.3. Apprendre à aimer son travail ... 301

7.4.4. Une culture professionnelle marquée par l’adaptation : à la source des règles défensives ... 305

7.4.5. De l’adaptation à la transformation? ... 307

(11)

7.6. Épilogue ... 310

PARTIE 4 Clinique du travail et souffrance identitaire de métier : une discussion synthèse ... 313

Chapitre 8 – Vers une compréhension intégrée de la souffrance identitaire de métier des conseillers d’orientation en milieu scolaire ... 315

8.1. La désincarnation du cœur de métier : une mise à mal du sens de l’orientation en milieu scolaire ... 316

8.1.1. La relation d’aide et l’accompagnement personnalisé : des activités empêchées ... 316

8.1.2. Le travail direct avec les élèves menacé ... 318

8.2.3. Le développement vocationnel des jeunes non systématisé ... 319

8.2. La déprofessionnalisation du travail : l’expertise professionnelle déniée ... 323

8.3. La déconsidération professionnelle : entre reconnaissance sociale et banalisation du travail d’orientation à l’école ... 328

8.4. Le déficit collégial : entre convivialité et isolement professionnel ... 332

8.5. Synthèse de la compréhension de la souffrance identitaire de métier ... 335

Chapitre 9 – Des stratégies pour faire face à la souffrance identitaire de métier ... 341

9.1. Les stratégies d’« adaptation » défensive ... 343

9.1.1. Les stratégies de retrait et de repli ... 344

9.1.2. Les stratégies de déplacement du désir de métier ... 346

9.2. La stratégie de résistance à la dérive du cœur de métier ... 350

9.3. Synthèse des stratégies pour faire face au réel et à la souffrance ... 352

9.4. Discussion des forces et limites de cette méthodologie combinée de clinique du travail ... 354

9.4.1. La clinique de l’activité par instruction au sosie en groupe ... 354

9.4.2. L’enquête de psychodynamique du travail ... 357

9.4.3. La combinaison des deux dispositifs et sa contribution à la clinique du travail ... 358

9.4.4. Retour sur les critères scientifiques de la recherche ... 359

Conclusion ... 363 Bibliographie ... 381 Annexes ... 397 Annexe 1 ... 399 Annexe 2 ... 401 Annexe 4 ... 405

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Annexe 5 ... 411 Annexe 6 ... 417 Annexe 7 ... 419

(13)

À ma famille, qui constitue pour moi une source d’inspiration, d’appartenance, de soutien, de reconnaissance et d’amour.

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Remerciements

Comment remercier et surtout reconnaitre avec justesse et justice l’apport de ceux et celles qui ont contribué à leur manière à la réalisation de cette thèse? Difficile de trouver les mots. Pour l’essentiel, sachez que je n’aurais pu achever cet ouvrage sans le travail, la confiance, le soutien, voire l’existence même de plusieurs d’entre vous. J’aimerais partager quelques mots pour mettre en visibilité votre apport à ce travail colossal.

D’abord, cette recherche de terrain a impliqué une participation engagée et engageante de la part de plusieurs conseillers et conseillères d’orientation. J’aimerais donc adresser un remerciement spécial à celles et ceux qui ont accepté de partager leur expérience du travail au sein des collectifs de recherche. Un merci particulier aux personnes qui m’ont aidé à mettre en place cette recherche sur le plan logistique. Sans vous tous et toutes, cette recherche doctorale n’aurait pu être tenue. J’espère par ailleurs que cette démarche aura contribué à une meilleure compréhension individuelle et collective de votre expérience du travail de conseillers d’orientation en milieu scolaire.

Cette thèse de doctorat est le fruit d’un travail de longue haleine soutenu par une équipe de direction sans laquelle je n’aurais pu arriver au bout. Merci à ma directrice, Marie-France Maranda, de m’avoir offert ces occasions de développement de mon esprit de chercheur. Votre authenticité dans votre posture de chercheure, notamment au regard de votre engagement avec les milieux, est admirable. Vous êtes devenue qui vous étiez, une intellectuelle, et vous m’avez transmis votre épistémophilie. Merci enfin pour l’encadrement à la fois souple et structurant dont vous avez fait preuve pour m’aider à réaliser cette thèse. Jacques Rhéaume, l’air frais que vous apportiez lors de nos rencontres arrivait toujours à point. Votre culture immense et cette humilité qui vous traverse sont inspirantes. Ce fut un plaisir et un honneur pour moi que vous vous engagiez dans la codirection de mon doctorat. Je souhaite également remercier les professeurs et professeures qui se sont impliqués dans mon projet de doctorat. Jonas Masdonati pour la prélecture rigoureuse et pédagogique et pour sa participation au comité d’accompagnement et au jury de thèse. Liette Goyer pour avoir cru en moi comme chercheur pouvant contribuer au champ de l’orientation et pour sa participation au comité d’accompagnement et au jury de thèse aussi. Marcelle Gingras pour avoir si généreusement accepté d’évaluer ma thèse, avec la grande rigueur et la bonne humeur qui lui sont caractéristiques.

En plus d’un encadrement académique de grande qualité, j’ai eu l’occasion de recevoir des appuis de plusieurs organismes, appuis fort structurants à différents niveaux. Merci à la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation (FPPE-CSQ), qui a montré de l’intérêt pour ma recherche dès ses premiers balbutiements et m’a été de bon secours lors du recrutement. Merci aussi aux syndicats affiliés pour avoir relayé mes appels à participer

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à la recherche. Merci à l’Ordre professionnel des conseillères et des conseillers d’orientation (OCCOQ) pour avoir soutenu ma recherche à des moments particulièrement importants. Je suis profondément reconnaissant envers le Conseil de recherche du Canada en sciences humaines (CRSH) pour le financement accordé, pendant trois ans via, la bourse Joseph-Armand Bombardier. En espérant que vous continuiez de soutenir la recherche étudiante dans le plus grand respect de la liberté académique et le développement des savoirs désintéressés. Ont aussi contribué au soutien financier de cette thèse : l’OCCOQ, la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, le Centre recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail (CRIEVAT), le Fonds Desjardins, le Groupe de recherche sur l’insertion et l’intégration en emploi, et Marie-France Maranda avec de nombreux contrats de recherche. Au cours de la réalisation de cette thèse, j’ai eu l’occasion d’être affilié au CRIEVAT, à titre de membre étudiant. La structure intellectuelle et matérielle offerte par le CRIEVAT a favorisé le développement de mes compétences de chercheur étudiant. Chercheures et chercheurs du CRIEVAT, ce fut et c’est encore un honneur de vous côtoyer. Merci aussi à tous mes collègues étudiants du CRIEVAT qui ont passé au cours des années. Salutations particulières à Jean-Simon, Christine, Anne, Annie, Mathieu, Michael, Christian, Mariève, Manon, Isabelle et Karine. Nous avons fait de beaux efforts pour maintenir une vie étudiante stimulante intellectuellement au sein de notre centre de recherche. J’en profite aussi pour remercier mes collègues des associations étudiantes (ACCESE et AEEScO) et plus particulièrement Matthias, Rosalie et Marie-Pierre.

Cette thèse s’inscrit dans un questionnement issu à la fois de mon expérience de recherche et de ma pratique de conseiller d’orientation. J’aimerais remercier tous ceux et celles qui se sont impliqués dans le cadre de la recherche-action en psychodynamique du travail que nous avons mené au cours des dernières années et de laquelle cette thèse a pris naissance. J’ai été réjoui de travailler avec vous. Votre dévouement est noble. Vous m’avez inspiré. Merci aussi à Lucie Héon, avec qui j’ai eu du plaisir à travailler sur cette recherche. Dans le monde de l’intervention, merci aux conseillères et conseillers d’orientation qui m’ont inspiré au fil de mon parcours. Je pense particulièrement à Suzanne LaVallée, Yvon Pépin à l’Université Laval, mais aussi à mes collègues Érick Beaulieu, Eddy Supeno, Patricia Dionne et Louis Cournoyer avec qui j’ai pu discuter de la fonction politique de la profession. Salutations aussi à mes collègues du Cégep Ste-Foy, qui ont vu naitre le projet de cette thèse.

J’aimerais, en terminant, exprimer toute ma gratitude envers ma famille. Mes parents, pour leur soutien indéfectible, pour m’avoir légué les gènes de l’orientation, Jules pour nos discussions inspirantes, et Nicole pour son travail de révision méticuleux. Salutations à mon grand-père Gérard, aussi conseiller d’orientation, et ma grand-mère Thérèse, épistémophile, s’il en est. Mon frère Alex pour m’avoir épaulé dans la trame axiologique qui traverse ma posture de chercheur. Merci à mes amis « mapiens », ma confrérie; il y a un peu de vous aussi dans cette thèse. Merci à mes grandes filles, Coralie, Emmanuelle et Lili-Maude d’avoir

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compris que leur père travaillait même s’il était étudiant (Antoine, trop petit pour comprendre!)… Enfin, un merci spécial à la femme de ma vie, Catherine, pour t’être occupée des enfants durant le temps où j’étais plongé dans ma thèse, pour m’avoir écouté dans les bons comme dans les moins bons moments, pour t’être efforcée de comprendre les exigences de la culture universitaire, bref, merci d’avoir accepté d’intégrer ce projet personnel et professionnel dans notre projet familial.

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Introduction

Cinquante ans après son institutionnalisation au sein du système professionnel au Québec et après que l’État lui ait fait une place centrale au fondement de l’école québécoise, la profession de conseiller d’orientation (c.o.) est toujours en lutte pour une reconnaissance de sa pertinence au sein de la société. Tout se passe comme si la professionnalisation, entendue comme un processus permettant à un métier de se faire reconnaître une identité propre liée à l’exercice de responsabilités nécessitant des qualifications élevées, était toujours en question. Au rythme où s’enchaînent les réformes dans le monde scolaire, la reconfiguration constante des pratiques rend difficile la revendication d’une identité professionnelle de métier claire. Les c.o. ont été touchés au cœur de leur métier par les transformations institutionnelles ces dernières années. C’est du moins ce que propose d’explorer cette thèse qui appréhende une dynamique de souffrance identitaire de métier.

En effet, à l’heure actuelle où le travail prend une place si importante dans la vie des gens – que ce soit pour ceux et celles qui ont un emploi ou ceux qui n’en ont pas – (Davoine & Méda, 2008), l’identité professionnelle apparaît comme un enjeu capital sur le plan de la vie sociale et psychique étant donné son caractère structurant pour le sentiment d’appartenance et pour la reconnaissance sociale liée au fait de jouer un rôle important dans la société. Or, ceux-là mêmes qui ont pour objet d’aider les jeunes à choisir la place qu’ils désirent occuper dans la société, les conseillers d’orientation (c.o.) en milieu scolaire, expriment un malaise sur le plan de l’identité professionnelle.

Les jeunes vivent à une époque où les choix d’orientation sont plus complexes qu’ils l’étaient autrefois. On n’a qu’à penser aux pressions sociales pour « exceller » dans l’ensemble des sphères de sa vie, à l’éclatement des repères identitaires ou à la multiplication de l’offre de programmes de formation portée par la compétition entre établissements scolaires désireux d’attirer une « clientèle ». La pression augmente lorsque l’on considère la dévolution de la responsabilité du développement de carrière de l’organisation vers les individus, la flexibilisation de la main-d’œuvre et la mouvance imprévisible du marché du travail (p. ex., le développement de nouvelles technologies, les délocalisations, les mouvements financiers générant des ouvertures et fermetures soudaines de secteurs d’emploi). Cette complexité rend les services spécialisés d’aide à l’orientation plus pertinents que jamais pour aider les jeunes

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à se retrouver et à se préparer à faire face à cette réalité. Pourtant, la profession de conseiller d’orientation connaît une difficulté à voir son expertise effectivement reconnue à la fois dans l’opinion publique et dans le système scolaire au Québec.

Porteurs d’une histoire professionnelle bigarrée, marquée tant par la religion (conseiller à la « vocation ») que par la psychologie différentielle (psychotechnicien), par l’éducation à la carrière que par la psychologie humaniste ou encore par les pratiques socioconstructivistes, les conseillers d’orientation peinent à définir et à faire reconnaître leur place dans le spectre des identités professionnelles dans le monde scolaire. Au Québec, la profession de c.o. a connu un certain « âge d’or » dans les années 1970 après qu’elle se soit vu attribuer une place centrale dans le système scolaire québécois. Au fil des années, toutefois, comme nous le verrons dans la revue de la littérature, cette place s’est étiolée de sorte que des conseillers d’orientation s’interrogent actuellement sur le présent et l’avenir de leur profession, en milieu scolaire du moins. Quelle est leur pertinence sociale dans ce monde où les professions se multiplient et plus spécifiquement dans le monde scolaire où les professionnels sont appelés à être plus diversifiés, dans une organisation du travail où semble exister une confusion des rôles au sein de l’« équipe-école », selon des recherches qui seront présentées ici? Qu’est-ce qui distingue les c.o. des autres professionnels de l’éducation, notamment des enseignants qui s’occupent des « cours » d’orientation? N’importe quel personnel scolaire peut-il faire de l’orientation? Est-il nécessaire d’être « conseiller d’orientation » patenté pour faire de l’orientation? Les conseillers d’orientation peuvent-ils s’entendre sur un ensemble de tâches, d’activités, qui définissent leur pratique professionnelle de manière distinctive au regard de celle d’autres professionnels? Autrement dit, les c.o. peuvent-ils définir plus spécifiquement leur contribution au travail en milieu scolaire? De même, les autres acteurs peuvent-ils définir et reconnaître cette contribution?

Bref, ce dont il est question en fin de compte, c’est de mieux comprendre le rapport au travail à travers l’exercice d’une profession, la pratique professionnelle. Comment les conseillers

d’orientation vivent-ils leur identité professionnelle de métier à travers leur travail en milieu scolaire?

Parallèlement au malaise identitaire décelé par plusieurs chercheurs et observateurs du milieu scolaire, cette thèse prend pour point de départ la multiplication de manifestations de

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problèmes de santé mentale révélant une souffrance au travail devenue pathogène : détresse psychologique, épuisement professionnel, consommation de substances psychoactives, réduction volontaire du temps de travail et absentéisme, décrochage professionnel même. Les conseillers d’orientation ne semblent pas y échapper. Est-ce à mettre en lien avec le malaise identitaire évoqué?

Si l’on se fie aux écrits scientifiques qui sont intéressés à la santé mentale au travail des conseillers d’orientation, le fait, pour un c.o., de pouvoir se construire une identité professionnelle claire et de sentir que son apport professionnel est utile compte pour beaucoup dans le maintien d’une bonne santé mentale au travail. Des résultats des recherches à propos de l’estime de soi collectif et de la reconnaissance posent, de fait, la question de la valeur de la contribution de la profession de conseiller d’orientation aux yeux des autres et aux yeux des conseillers d’orientation eux-mêmes. Mais pour estimer cette valeur, encore faut-il être en mesure de définir la contribution attendue du professionnel de l’orientation. Or, les écrits recensés montrent que les problèmes dans la définition, la détermination et la conjugaison des rôles des conseillers d’orientation en milieu scolaire sont liés à certaines manifestations de détérioration de la santé mentale (p. ex, épuisement professionnel). Bref, l’analyse de la littérature scientifique permet effectivement de poser l’hypothèse d’un malaise identitaire vécu par les c.o. du milieu scolaire québécois qui participe à une dynamique de souffrance au travail.

Cette thèse ne vise toutefois pas à « vérifier » cette hypothèse, mais plutôt à « comprendre » la dynamique de la souffrance identitaire de métier qui se joue dans l’expérience du travail de conseillers d’orientation en milieu scolaire. La pertinence scientifique de cette thèse prend toute sa portée dans le cadre théorique et méthodologique de la clinique du travail. Cette dernière s’inscrit dans un courant épistémologique « historico-herméneutique ». Elle se situe dans un paradigme compréhensif, tout en partageant des valeurs avec le paradigme critique. Sur le plan ontologique, cette position paradigmatique pose la réalité comme étant de l’ordre de la subjectivité et de l’intersubjectivité, étant construite socialement et historiquement. Aussi, ce qui est recherché ici, c’est une compréhension du sens des phénomènes humains et sociaux plutôt qu’une explication objective de ces phénomènes.

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La clinique du travail aborde la question de la souffrance au travail par la mise en discussion collective de l’activité, i.e. du travail effectif, vécu. Cette porte d’entrée par l’expérience subjective et intersubjective permet d’appréhender les aspects dynamique et collectif du phénomène qui n’ont pas été repérés jusqu’à ce jour dans la littérature scientifique. Cette articulation théorique et méthodologique est fondée sur une position clinique au sens d’« être au chevet de… ». Or, il ne s’agit pas ici d’être au chevet d’une personne malade, comme le serait un médecin dans une clinique médicale, mais plutôt au chevet du « travail » : d’un travail potentiellement malade. Il s’agit donc essentiellement de « soigner le travail » pour restaurer un pouvoir d’agir (Clot, 2010) et rétablir un rapport subjectif et intersubjectif que les personnes et les collectifs peuvent entretenir par la suite. La clinique du travail est donc à la fois une action de transformation et production de connaissances (Clot & Lhuilier, 2010) sur un double objet d’investigation dans le travail : la souffrance et les mécanismes pour y faire face ou pour y résister (Lhuilier, 2006).

La thèse s’appuie plus précisément sur un cadre théorique et méthodologique mobilisant les théories de la psychodynamique du travail (Dejours, 2008) et de l’activité dirigée (Clot, 1999). Sur le plan théorique, la souffrance identitaire de métier, concept central de cette thèse, est définie à partir d’une intégration des définitions de la « souffrance » issues de ces théories, mais aussi de la conceptualisation de l’identité professionnelle de métier inspirée également des travaux de Osty (2002, 2006, 2008). Suivant la théorie de l’activité dirigée (Clot, 1999), la souffrance au travail peut se définir comme une «amputation du pouvoir d’agir», l’empêchement d’un développement humanisant à travers le travail, «ressentie comme atteinte à l’intégrité de soi» (Lhuilier, 2008, p. 170). La théorie de la psychodynamique du travail traite de la souffrance comme un espace de lutte psychique entre le désir, ou une « attente par rapport à l’accomplissement de soi » (Dejours et Molinier, dans Molinier 2008, p. 60), et le réel qui fait obstacle. Dans le cadre de notre questionnement, nous avons fait appel à Osty (2002) pour traiter la question d’un désir non pas individuel, mais d’un « désir de métier » défini comme une « intense dynamique de construction d’une identité au travail dans l’entreprise [qui] s’inscrit dans une filiation ancestrale des gens de métier, cherchant à travers la production d’une œuvre, les voies d’un accomplissement de soi. » (Osty, 2002, p. 233). Suivant ces définitions, nous avons défini le concept de souffrance identitaire de métier comme un espace de lutte psychique entre un désir de métier ou d’accomplissement

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du soi professionnel, et le réel du travail qui fait obstacle. Elle est un vécu subjectif partagé traduisant un empêchement d’agir professionnel individuel et collectif, i.e. un empêchement de transformer le monde en continuité avec le cœur de son métier qui fait qu’on ne reconnaît plus sa profession dans ce que l’on fait.

Au regard du corpus des écrits scientifiques ayant tenté d’expliquer les problèmes de santé mentale au travail chez les c.o. en milieu scolaire, le concept de souffrance identitaire de métier permet d’appréhender le phénomène sous un angle nouveau à plusieurs égards. D’une part, il a l’avantage de traduire l’aspect « dynamique » du phénomène de la souffrance, plutôt que de considérer celle-ci comme un état statique pouvant donner lieu à un diagnostic. D’autre part, le concept de souffrance identitaire de métier et la définition que nous proposons soutiennent la « centralité du travail » au regard de la santé mentale. Enfin, ce concept permet de « situer » le travail dans les trois ordres de contraintes faisant écho à la « triade vivante » de Yves Clot (1999) et aux trois types de rationalités du travail utilisées par Christophe Dejours (1995) : la rationalité subjective (Soi) ; la rationalité axiologique (Autrui) ; et la rationalité de production (Objet). En outre, ce concept ouvre la voie à une méthodologie abordant la complexité de l’expérience concrète du travail des conseillers d’orientation en tenant compte des contraintes professionnelles, culturelles, institutionnelles, structurelles. Au final, cette manière d’approcher le problème permettra, à titre d’objectif général, de comprendre la dynamique de la souffrance identitaire de métier des conseillers d’orientation en milieu scolaire en analysant les tensions entre des pratiques prescrites par le système scolaire et la profession, des pratiques professionnelles désirées par les c.o. participant à cette recherche et des pratiques effectives qui s’incarnent dans l’exercice du travail au quotidien. Nous tenterons d’éclairer la relation entre le plaisir, la souffrance au travail et les stratégies défensives, à la lumière de règles de métier issues du « genre professionnel » et du collectif de travail. Les objectifs spécifiques suivants sont ainsi poursuivis :

 Décrire et analyser les pratiques effectives des conseillers d’orientation au sein de l’organisation actuelle en milieu scolaire.

 Comprendre et décrire l’expérience du travail au regard du rapport à la tâche (pratiques prescrites) et aux destinataires de l’activité (élèves, pairs, hiérarchie, organisations professionnelles), les sources de souffrance et de plaisir au travail, et

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aussi les stratégies pour faire face au réel de l’organisation du travail et à la souffrance qu’il engendre.

 Comprendre la place de l’identité professionnelle de métier dans cette dynamique, notamment au regard des concepts de collectif de travail et de genre professionnel. Sur le plan de la méthodologie, le paradigme compréhensif, comme le paradigme critique, soutient un processus de recherche marqué par une interaction intense entre les chercheurs et les participants, idéalement dans un contexte se rapprochant de la vie quotidienne (Ponterotto, 2005). Ainsi cette recherche a-t-elle été conduite auprès de deux groupes de conseillers d’orientation en milieu scolaire, rencontrés chacun à quatre reprises (rencontres de 3 h, pour un total de 24 h d’entretiens enregistrés sur bande audio). Un premier groupe de dix c.o. d’une même commission scolaire a accepté de participer à une clinique de l’activité par instruction au sosie (Clot, 1999 ; Oddone, Re & Briante, 1981). Une enquête de psychodynamique du travail (Dejours, 2008) a quant à elle été tenue auprès d’un deuxième groupe, composé de onze c.o. provenant de deux commissions scolaires voisines.

La clinique du travail inhérente aux méthodes employées dans cette thèse comporte une visée émancipatoire puisqu’elle considère que la construction des savoirs est non seulement située socialement et historiquement, mais également fondée sur des relations de pouvoir. En conséquence, les résultats de cette thèse devraient ouvrir des perspectives pour une réappropriation de la profession par les conseillers d’orientation eux-mêmes afin qu’ils puissent interpeller les institutions qui contribuent à réguler l’exercice de leur métier. La mise en débat collectif de la pratique professionnelle à partir de l’expérience du travail réel pourrait éventuellement soutenir une amélioration des programmes de formation universitaire en orientation, une meilleure prise en compte du réel du travail par l’Ordre professionnel, une clarification du rôle des c.o. au sein des établissements scolaires, pour donner ces exemples.

Plan de la thèse

La thèse est présentée en quatre parties : 1) la problématique de recherche et le cadre théorique ; 2) le cadre méthodologique ; 3) les résultats de chacun des volets de la recherche ; 4) la discussion-synthèse des résultats.

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La première partie comprend trois chapitres. Le premier chapitre définit le contexte particulier dans lequel se situe la profession de conseiller d’orientation en milieu scolaire au Québec. D’une part, au Québec, la profession est encadrée par un Ordre professionnel dont la mission est de protéger le public en mettant en place des dispositions pour s’assurer de la compétence de ceux et celles qui portent le titre professionnel. Cette caractéristique propre au Québec permet de mettre en évidence les dimensions relatives au statut de la « profession » par rapport au « métier »1 ; le système professionnel québécois est fondé sur une conception

fonctionnaliste qui accorde un niveau de reconnaissance sociale formelle supplémentaire à la profession. Ce chapitre est d’ailleurs l’occasion de définir le champ légal d’exercice de la profession, de même que les activités « réservées » par la loi. D’autre part, l’histoire de la profession au Québec montre une multiplication des modèles de pratique qui a, selon certains chercheurs, mené la profession à une « crise identitaire » dans les années 1990 (Mellouki & Beauchemin, 1994a), crise qui a d’ailleurs mené à des États généraux de la profession en 2000 (Landry, 2000). Enfin, le système scolaire québécois a subi, au début des années 2000, une réforme articulant à la fois des principes pédagogiques issus d’une pédagogie socioconstructiviste et des principes gestionnaires issus de la Nouvelle Gestion Publique. Cette réforme proposait une réorganisation des services d’orientation fondée sur une approche « orientante » de l’école impliquant une collaboration de l’ensemble des acteurs de l’école pour favoriser l’orientation des jeunes. Malgré le potentiel de cette approche (OCDE, 2002), les résultats ne semblent malheureusement pas avoir été à la hauteur de ses ambitions, du moins si l’on se fie aux constats révélés par l’Ordre professionnel dans les dernières années (OCCOPPQ, 2010a, 2010b). L’état de la pratique actuelle des c.o. en milieu scolaire dressé en conclusion permet de croire que le travail des c.o., voire la profession elle-même, est « en souffrance ».

Le deuxième chapitre dresse un examen critique des écrits scientifiques qui se sont intéressés aux différentes manifestations d’une souffrance au travail. L’analyse du corpus d’écrits

1 Un rapport de l’OCDE (2004) sur la situation de l’orientation professionnelle dans plusieurs des pays membres

rapporte que : « Selon les critères habituellement utilisés pour évaluer une profession, l’orientation professionnelle est, dans la plupart des pays, peu professionnalisée. » (p.99).

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permet de classer les explications en trois types d’approches : psychologique-individuelles, psychosociales, et celles qui sont axées sur le travail. Cet examen critique montre les forces et les limites de chacune de ces approches. Au final, la réflexion permet de cibler les enjeux les plus importants à considérer dans l’investigation de la souffrance au travail des c.o. : l’identité professionnelle et la pratique professionnelle. Ce chapitre met en perspective la contribution de la thèse au regard de ce champ de connaissances scientifiques.

Le troisième chapitre clôt cette première partie de la thèse en détaillant le cadre théorique et analytique qui y est mis à profit. Après avoir exploré les notions d’identité professionnelle et de pratique professionnelle, un éclairage sera porté sur ces notions à partir des deux théories mises à profit dans le cadre de cette thèse : la théorie de la psychodynamique du travail (Dejours, 2008) et celle de l’activité dirigée (Clot, 1999). Cet exposé mène à la présentation du modèle conceptuel utilisé pour comprendre la dynamique de souffrance identitaire de métier. Le chapitre se termine sur la question de recherche et les objectifs de la thèse découlant de cette problématique et du cadre théorique.

La deuxième partie de la thèse comprend deux chapitres qui circonscrivent le cadre méthodologique de la thèse. Le chapitre 4 examine les méthodes possibles pour réaliser l’investigation. Plus précisément, ce chapitre explore les courants d’analyse des pratiques professionnelles souvent utilisés ces années-ci en éducation à la fois pour des fins de recherche et de formation. Ces dispositifs permettent aux praticiens une meilleure compréhension de ce qu’ils font, et de l’expérience qu’ils en font, et de mieux « saisir » ainsi leur identité professionnelle ancrée dans leurs pratiques et expériences (Barbier, 1996). Les différents courants d’analyse des pratiques professionnelles méritent donc d’être considérés à titre exploratoire pour investiguer la souffrance au travail à l’interface de l’identité professionnelle et des différentes dimensions de la pratique professionnelle. Nous retiendrons de cette exploration des critères justifiant la méthode retenue pour la thèse.

Le cinquième chapitre détaille la méthode combinée de la clinique du travail mise en place pour l’investigation, méthode comportant deux volets : une clinique de l’activité par instruction au sosie (Clot, 1999 ; Oddone, Re & Briante, 1981) et une enquête de psychodynamique du travail (Dejours, 2008), chacune des méthodes réalisée avec un groupe différent. Le chapitre décrit ensuite chacun de ces deux dispositifs de recherche. Le mode de

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recrutement et de constitution du groupe et les critères de participation, le déroulement des rencontres et la stratégie d’analyse y sont présentés. Nous traitons par la suite des modalités de restitution des résultats auprès des groupes participants, modalités importantes à considérer compte tenu l’ancrage épistémologique de ce type de recherche. Enfin, une discussion des critères éthiques poursuivis dans la réalisation de la recherche doctorale termine ce chapitre et l’ensemble de la partie « cadre méthodologique ».

La troisième partie de la thèse traite des résultats obtenus grâce aux deux méthodes d’investigation retenues. Grâce à la clinique de l’activité, les instructions au sosie ont permis de donner un aperçu de la pratique effective des c.o. en milieu scolaire en décrivant les activités poursuivies au quotidien. L’expérience du travail des instructeurs est ensuite analysée à partir des catégories issues de la théorie d’Oddone, Re et Briante (1981). Sont ensuite décrites les stratégies utilisées pour faire face au réel du travail et à l’expérience qui en découle. Les discussions tenues par le groupe sont mises à profit pour mettre ces résultats en perspective sur le plan collectif et recréer ainsi un « chœur de métier » de c.o. en milieu scolaire. Elles permettent de discuter de l’organisation du travail dans laquelle ils doivent œuvrer et la manière dont ils arrivent ou non à se protéger, se défendre ou résister aux situations difficiles vécues.

L’analyse issue de l’enquête de psychodynamique du travail est ensuite présentée au chapitre 7. Les résultats reprennent les thèmes habituellement retrouvés dans les rapports de psychodynamique du travail : un écart entre le travail prescrit et le travail réel ; la dynamique entre le plaisir et la souffrance au travail ; et les stratégies défensives mises en place pour se protéger de la souffrance. Ce chapitre donne lieu à un épilogue qui fait un retour sur la manière dont les participants souhaitent s’approprier, diffuser, donner suite à l’analyse réalisée dans cette enquête, dans une perspective de réduction de la souffrance pathogène au travail.

La quatrième et dernière partie de la thèse constitue un retour sur la combinaison des méthodes employées et une synthèse des résultats de la recherche au regard du modèle conceptuel élaboré dans le cadre théorique. Après avoir exposé les forces et les limites de la méthodologie utilisée, le chapitre 8 analyse les thèmes forts dégagés de la méthode combinée

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au regard des différentes dimensions du modèle conceptuel. Au final, ce chapitre vise une compréhension intégrée de la dynamique de souffrance identitaire de métier.

Le dernier chapitre (chapitre 9) fait une place particulière aux stratégies « défensives » pour faire face à la souffrance identitaire de métier. C’est ici que l’on saisit particulièrement la pleine portée d’une approche de clinique du travail. Ce chapitre montre de manière encore plus évidente le caractère dynamique et complexe du phénomène de souffrance identitaire de métier appréhendé à travers le travail effectif.

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PARTIE 1

Problématique et cadre théorique

Cinquante ans après s’être vu attribuer le statut de profession institutionnalisée et avoir obtenu une place centrale dans le système scolaire moderne par le Rapport Parent, dans quel état se trouve aujourd’hui la profession de conseiller d’orientation dans les écoles du Québec? L’histoire de la profession montre que sa place dans la société, de même que ses pratiques et règles de métier sont passablement perméables aux changements sociaux et politiques incarnés notamment par des réformes des systèmes éducatifs (Mellouki & Beauchemin, 1994a et 1994b). Ainsi, depuis les années 1970, la place de l’orientation dans les écoles au Québec s’est plutôt dégradée au fil des années si l’on en juge par les critiques sévères, exprimées dans les années 1990, à l’égard de l’insuffisance des services d’orientation dans les écoles (MEQ, 2000). Devant ce constat, la dernière réforme au début des années 2000 avait pour objectif explicite de redonner une place de choix à l’orientation : on voulait faire de l’école québécoise une école « orientante ». L’implantation d’une telle approche impliquait toutefois une réorganisation des rôles de tous les acteurs qui rendait chacun d’eux responsable de soutenir les jeunes dans leur orientation. Quelle place alors pour la pratique spécialisée des c.o.? Inspirés notamment par les principes de la Nouvelle Gestion Publique (Fortier, 2010a), les autorités scolaires ont voulu instaurer une plus grande polyvalence dans le travail des conseillers d’orientation en les amenant à exercer moins de leur « tâche spécifique » (counseling d’orientation avec les élèves) et plus de travail en concertation. Quelles incidences sur la professionnalité du métier? Comment la place occupée par les conseillers d’orientation dans les écoles a-t-elle affectée? Et leur manière d’exercer leur profession? Et leur identité professionnelle?

En contrepartie, l’Ordre professionnel milite depuis longtemps pour la reconnaissance de l’expertise des conseillers d’orientation en matière d’aide psychologique et de relation d’aide et régit la pratique en ce sens. L’application de la Loi modifiant le Code des professions et

d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines (appelée communément le « Projet de Loi 21 ») adoptée en 2009, qui réserve aux

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élèves dits « vulnérables », renforcera la responsabilité des conseillers d’orientation à cet égard. Comment les c.o. pourront-ils tenir compte de ces nouvelles obligations légales dans leur travail au jour le jour dans les écoles? Comment ces nouvelles applications influenceront-t-elles la place que les c.o. occuperont dans l’école, leur rôle et, plus largement, leur identité professionnelle?

Entre le « rôle-conseil » que les autorités scolaires veulent faire jouer aux c.o. et le rôle clinique que la loi leur attribue, ce sont sans doute les conseillers d’orientation qui, individuellement, doivent arbitrer les éventuelles contradictions dans le travail au quotidien… Comment y arrivent-ils? Et à quel prix, pour soi, pour la profession? Nombre de recherches montrent que de telles situations de tensions, de paradoxes et de contradictions, au cœur de la mise en œuvre des réformes éducatives, génèrent de la souffrance au travail. Peut-on penser que les conseillers d’orientation font partie, aux côtés des enseignants notamment, de ceux qui vivent de la souffrance au travail en milieu scolaire? Que dit la littérature scientifique à ce sujet?

Les écrits scientifiques abordant la situation spécifique des conseillers d’orientation traitent de plusieurs phénomènes symptomatiques d’une souffrance pathogène : de l’insatisfaction au travail, au stress et à la détresse psychologique, en passant par l’incapacité de travail (impairment), jusqu’à des troubles cliniques comme l’épuisement professionnel et la dépression. Les approches explicatives de ces effets de la souffrance pathogène abordent le problème principalement sous trois angles : psychologique/individuel, psychosocial, et sous l’angle du travail (nature du travail, environnement, organisation, etc.). Cette analyse de la littérature scientifique montre que l’absence de clarté, de cohérence et de reconnaissance des rôles et de l’identité professionnelle de conseiller d’orientation en milieu scolaire et son corollaire, la définition des pratiques professionnelles propres au métier, constituent des enjeux majeurs pour expliquer les manifestations de souffrance au travail au sein de cette profession.

Toutefois, aucune recherche, à notre connaissance, ne fournit une théorisation des liens entre la souffrance au travail, l’identité professionnelle et les pratiques professionnelles chez les conseillers d’orientation en milieu scolaire. Or, ces liens méritent d’être mieux éclairés pour comprendre comment sont vécus le travail au quotidien et l’avenir de la profession. Les c.o.

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se trouvent peut-être à un carrefour peut-être historique dans l’évolution de leur profession aux incidences à la fois sociologiques (l’avenir de la profession) et personnelles (le plaisir ou la souffrance et les incidences du côté de leur santé mentale au travail).

Nous proposons d’aborder le problème du rapport à la profession et au travail des conseillers d’orientation dans le monde scolaire sous l’angle de la souffrance identitaire de métier, avec une cadre théorique qui intègre deux théories issues du courant de la clinique du travail : la théorie de l’activité dirigée (Clot, 1999) et la psychodynamique du travail (Dejours, 2008). Le modèle conceptuel découlant de ce cadre théorique permet de poser des objectifs de recherche visant à mieux comprendre la dynamique de la souffrance identitaire de métier qui se joue dans l’expérience du travail des conseillers d’orientation en milieu scolaire.

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Chapitre 1 – Conseiller d’orientation en milieu scolaire au

Québec : une profession en souffrance?

Si l’on suit la distinction entre « métier » et « profession » issue de la sociologie fonctionnaliste (Bourdoncle, 1991), le métier de conseiller d’orientation aurait atteint le statut de profession légitimée avec son institutionnalisation en 1963. Depuis ce temps, le champ professionnel est défini dans la loi au Québec. Les savoirs liés à l’exercice du métier, tout comme les activités elles-mêmes, sont régulés par un Ordre professionnel qui accrédite les formations universitaires donnant accès au permis de pratique et au titre professionnel protégé. Cette institutionnalisation devrait permettre la protection d’une identité professionnelle fondée sur ces savoirs, et aussi la protection du statut lié à la condition de « professionnel » (p. ex., autonomie professionnelle, pratique individuelle basée sur un corpus de connaissances). Or, plusieurs travaux sur la professionnalisation montrent qu’il s’agit d’un processus dynamique, avec des avancées et des reculs (p. ex., une prolétarisation possible). Nous explorerons la situation des conseillers d’orientation à cet effet dans la première partie de ce chapitre.

Retracer l’histoire de la profession nous permettra ensuite de montrer comment les contextes sociaux et politiques ont contribué à façonner et à refaçonner le métier de conseiller d’orientation, notamment via les réformes des systèmes éducatifs. Ces changements ont contribué à une diversification des pratiques et des règles de métier qui génèrent des tensions au sein de la profession et rendent difficile le maintien de la revendication d’une identité professionnelle définie.

La dernière réforme de l’éducation au Québec a ajouté un jalon à cette histoire en instaurant une nouvelle organisation du travail ayant pour objectif de « décloisonner » les pratiques professionnelles. Appliqué aux services d’orientation, ce décloisonnement des pratiques professionnelles devait amener les conseillers d’orientation à occuper un nouveau rôle dans l’organisation; un rôle d’expert-conseil visant à soutenir l’ensemble des acteurs scolaires pour faire en sorte que tous puissent aider les élèves à s’orienter. Quel effet cette réorganisation a-t-elle eu sur les services d’orientation offerts aux jeunes à l’école?

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À la lumière des sources disponibles, nous dresserons un bilan de ce que nous savons sur la situation actuelle de l’orientation dans les écoles du Québec et de la pratique de conseillers d’orientation. Nous montrerons que l’Ordre professionnel, tout en considérant les nouvelles balises d’organisation du travail à l’école, milite pour l’utilisation de l’expertise des conseillers d’orientation en relation d’aide directe avec les élèves.

Compte tenu des pressions institutionnelles (l’école, la profession) possiblement divergentes sur la pratique de conseiller d’orientation en milieu scolaire, comment les c.o. arrivent-ils à exercer leur métier de manière « professionnelle »? À quel point leur est-il possible d’exercer leur profession selon leurs attentes et selon leur formation dans le contexte actuel en milieu scolaire? Considérant notre définition de la souffrance au travail, appuyée sur la psychodynamique du travail, c’est-à-dire un vécu subjectif qui découle de la confrontation du désir d’accomplissement de soi des travailleurs face au réel du travail qui y fait obstacle, peut-on penser que les conseillers d’orientation vivent une telle souffrance? Et si cette souffrance est liée à la profession, et non pas aux individus en soi, n’est-il pas pertinent de s’interroger sur l’historique des transformations de la pratique des c.o. et l’avenir de cette profession dans le secteur scolaire?

1.1. Conseiller d’orientation : un métier professionnalisé?

Au-delà de la définition minimale du terme comme « occupation dont on peut tirer ses moyens d’existence »2, le concept de profession a fait l’objet de multiples travaux

académiques dans le domaine de la sociologie des professions. Plusieurs de ces travaux ont été réalisés auprès de la profession enseignante (p. ex., Bourdoncle, 1991, Lessard, 2000). Ces travaux ont documenté la difficulté pour les enseignants de se voir reconnaître comme « profession », compte tenu des contraintes institutionnelles et organisationnelles issues du monde scolaire. Or, un bon nombre de ces contraintes du monde scolaire s’applique aussi à la profession de conseiller d’orientation. En ce sens, les nombreux travaux de recherche effectués auprès des enseignants permettront de mettre en perspective la situation actuelle

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des conseillers d’orientation en milieu scolaire au Québec au regard des différences et ressemblances que la profession de c.o. partage avec celle d’enseignant.

1.1.1. La professionnalisation : entre métier et profession

D’abord, comme le souligne Bourdoncle (1991), la distinction entre profession et métier est beaucoup moins franche en français qu’en anglais. Selon lui, dans le monde francophone, être « professionnel » fait référence principalement, dans le sens courant, au fait de se distinguer de l’« amateur ». Toutefois, en anglais, le « professionnal » bénéficie d’un prestige social qui, dans le monde francophone, faisait autrefois référence aux « professions libérales » : avocat, médecin, etc. C’est à ce dernier sens que nous nous attarderons ici, puisqu’il permet de rendre compte de la distinction qu’il peut y avoir sur le plan des attentes et des responsabilités liées à l’exercice d’une profession ou d’un métier, ainsi qu’à la légitimité de l’expertise.

S’appuyant sur Rey (2002), Adam (2012) retrace l’origine étymologique du mot « métier » au latin « ministerium », qui signifie fonction, serviteur, en référence notamment au service divin. Selon Adam (2012), il est probable que cette racine étymologique ait également croisé celle de « misterium », mystère, en référence à la perpétuation du mystère de Dieu. Le terme

profession, pour sa part, prendrait racine dans le mot latin « professio » qui réfère à une

déclaration publique à l’effet que l’on « se donne comme ». Nous suivrons Adam (2012) dans cette distinction comme piste d’exploration heuristique : « Le métier apparaît lié à une transcendance ou puissance tutélaire, mystérieuse, à ce qui à la fois s’impose à lui et le dépasse. La profession apparaît dans un autre registre, public, déclaratif, révélant l’univers de la forme et du formel, de l’état et de la condition. » (p. 19). Selon cette distinction réalisée par Adam (2012), le métier fait référence à une manière d’être, à une pratique, à l’exercice, à une expérience, à une activité répétée, alors que la profession fait référence à une déclaration publique de ses convictions, de ses idées, de son engagement, déclaration qui ne laisse que peu de place au « mystère » et qui relève davantage d’une certitude.

Cette déclaration publique, propre à la profession, s’actualise dans un contrat social formalisé entre le groupe de « professionnels » et la société. La société, via des instances étatiques, « mandate » (Hughes, 1958, dans Lessard, 2000) un groupe de gens disposant

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d’une expertise spécialisée et de haut niveau pour exercer et régir des activités professionnelles considérées « essentielles » pour la société ou qui posent des risques de préjudices (Lessard, 2000). Supposant que seuls les professionnels possédant ces savoirs spécialisés peuvent juger de la qualité des services rendus, l’État accorde à cette profession le « droit collectif de définir non seulement ce qu’est son exercice autorisé, mais aussi ce qui est bien et mal pour l’individu et la société dans sa sphère de compétence » (Bourdoncle, 1991, p. 79). Si les professionnels sont supposés être conduits par un idéal de service, par un goût de répondre à des besoins sociaux, et non par des intérêts égoïstes ou par l’appât financier (Lessard, 2000; Bourdoncle, 1991), ils doivent néanmoins mettre en place des mécanismes de régulation en prévoyant un code déontologique formalisé et des dispositifs légaux pour les rendre individuellement imputables de la qualité de leur pratique (p. ex., inspection, syndic, conseil de discipline) (Lessard, 2000; Beckers, 2007). Ce contrat garantit « au moins formellement, la protection de la société contre le charlatanisme, l’incompétence ou l’exploitation » (Lessard, 2000, p. 94), ce qui implique une clarification du titre et de l’acte professionnel. Ultimement, les professionnels qui répondent aux qualifications se voient accorder une « licence » (Hughes, 1958, dans Lessard, 2000), i.e. un permis pour exercer leur profession, permis exclusif délivré par une corporation professionnelle dont les pouvoirs sont délégués par l’État. Ce permis vient normalement avec une autonomie professionnelle qui devrait permettre aux professionnels d’exercer leurs activités professionnelles sans pressions visant à infléchir leur pratique (Bourdoncle, 1991).

Cette autonomie professionnelle est accordée sur la base d’une confiance relative à l’expertise développée par cette profession. Cette expertise est fondée sur des savoirs et

savoir-faire bien identifiés, contrôlés par la profession (Bourdoncle, 1991). L’exercice

d’une profession implique non seulement des savoirs spécialisés (comme pour un métier), mais des savoirs de « haut niveau », y ajoutant par là un certain prestige social et intellectuel (Bourdoncle, 1991). La qualification élevée des professionnels s’acquiert par une longue formation prodiguée dans un cadre universitaire. Bourdoncle (1991; 2000) rapporte d’ailleurs la distinction retrouvée chez certains sociologues américains entre le mode de transmission des savoirs des professions, l’étude (learning), et celui des métiers, l’apprentissage (training). La profession est fondée sur des savoirs savants, complexes, abstraits, rationnels, voire scientifiques, savoirs codifiés et « professés » dans les universités (Lessard, 2000;

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Bourdoncle, 2000). A contrario, le métier est fondé sur une transmission de l’expérience par imitation, par l’exemple, par pratique, en situation (Bourdoncle, 1991; 2000). On retrouve ici l’esprit de la distinction étymologique établie par Adam (2012), présentée ci-avant. En somme, plutôt que de former à appliquer des techniques, les programmes universitaires transmettent des savoirs qui ont pour objectif de permettre aux professionnels de porter un jugement éclairé sur les situations, jugement duquel relèvent leur « virtuosité », leurs innovations et une prise de risque qui implique une confiance importante dans les résultats de leur pratique et une volonté de formation continue (Beckers, 2007; Bourdoncle, 1991; Lessard, 2000).

Si l’on suit cette distinction, retrouvée surtout dans le monde anglo-saxon et dans la sociologie fonctionnaliste (Bourdoncle, 1991), la profession constitue un métier qui est parvenu à se faire reconnaître une identité propre et un certain prestige social lié, entre autres, à l’exercice de responsabilités nécessitant des qualifications élevées. La profession ne naîtrait donc pas de facto « profession », mais le deviendrait, via un processus appelé « professionnalisation ». Ce mouvement, la professionnalisation, peut se définir ainsi, selon Lessard (2000) :

[…] processus historique au cours duquel un groupe occupationnel se constitue et se mobilise dans le but de faire reconnaître l’activité à laquelle il se consacre, ainsi que lui-même en tant qu’expert, maître d’un savoir et d’un savoir-faire, et en tant que porteur des valeurs générales liées à cette activité. (p. 93)

Lui aussi dans une perspective socio-historique, Danvers (1994) définit la professionnalisation comme « un processus dynamique et dialectique de conquête et de conservation d’un territoire de savoirs et de pratiques en mettant en évidence les tensions et les évolutions » (p. 130). Ces deux définitions (Danvers, 1994; Lessard, 2000) permettent de montrer que la professionnalisation est une entreprise de persuasion du public, un jeu de pouvoir entre différentes instances de la société, jeu de pouvoir qui peut varier en fonction du contexte socio-historique. Ainsi, une profession peut répondre à certains critères définis par la sociologie fonctionnaliste à un moment donné dans l’histoire, dans un système donné, mais essuyer des reculs sur certains aspects dans un avenir rapproché. Comme le souligne Lessard (2000), la professionnalisation n’est donc pas univoque ni irréversible, et doit plutôt être considérée comme un mouvement avec des avancées et des reculs.

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D’ailleurs, plusieurs sociologues se sont intéressés au mouvement de déprofessionnalisation. Selon Lessard (2000), la déprofessionnalisation a été étudiée sous deux angles : la déqualification (« deskiling ») et la prolétarisation des professions. La déqualification est définie comme « une réorganisation du travail qui a pour effet de limiter la sphère d’activité traditionnellement reconnue au groupe et donc de réduire les exigences nécessaires à l’accomplissement d’une tâche ainsi moins sous le contrôle du groupe » (p. 97). À titre d’exemple, l’auteur avance que les enseignants ont, au fil des années, perdu le contrôle de la conception des programmes scolaires et se sont vus réduits à devenir des « applicateurs de programmes » développés par d’autres, perdant là certaines compétences qui leur étaient propres et réduisant ainsi leur champ d’activité professionnelle. Peut-on penser qu’il en est ainsi pour les conseillers d’orientation?

D’autres chercheurs (p. ex., Densmore, 1987 dans Lessard, 2000) se sont penchés sur la thèse de la prolétarisation pour rendre compte du processus de déprofessionnalisation. D’inspiration marxiste, cette thèse soutient que le développement du capitalisme tend à faire disparaître les métiers au profit d’une taylorisation des tâches qui, au final, peut conduire au remplacement des hommes par des machines ou des ordinateurs. Dans le domaine de l’éducation, cela se traduit par une division du travail dans laquelle il y a multiplication des exécutants soumis aux exigences d’une poignée de gens qui pensent le travail sans l’exécuter. Enfin, la prolétarisation se caractériserait également par une intensification du travail et une détérioration des conditions de travail (Hargreaves, 1992, dans Lessard, 2000).

Toute cette analyse fait dire à plusieurs chercheurs que la profession enseignante n’est pas parvenue au bout de son mouvement de professionnalisation, du moins au Québec (Tardif, 2013). Les enseignants ont certes une base commune de connaissances et de compétences3

qui s’acquiert à l’occasion d’une formation universitaire. Cependant, la profession enseignante n’est pas régie par un contrat social formalisé comme le sont les professions qui font partie prenante du « système professionnel québécois »4, via un Ordre professionnel.

3 Les enseignants québécois disposent depuis une dizaine d’années d’un référentiel de compétences, produit par

le Ministère de l’Éducation, réalisé en collaboration avec des chercheurs des Facultés d’éducation.

4 Issu du Code des professions du Québec (1973) et régi par celui-ci, le système professionnel québécois est

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