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CHAPITRE IV: L’APPRENANCE PROFESSIONNELLE MOTEUR DE CHANGEMENT

4.2. L’apprentissage organisationnel

4.2.3. Les niveaux de l’apprentissage organisationnel

Selon Argyris et Schön (1978) l’apprentissage correspond à une acquisition des connaissances et une modification du système de règles et croyances et d’interprétation. Le véritable apprentissage se situe dans une démarche active, volontariste et structurée (Leroy, 2000, p.63). Trois niveaux d’apprentissage sont retenus: apprentissage en simple boucle, l’apprentissage en double boucle et enfin le deutéro-apprentissage.

a. L’apprentissage en simple boucle

Ce type d’apprentissage se produit quand une organisation perçoit un écart entre les résultats obtenus et les objectifs fixés. Elle réagit en envisageant une autre action, sans interroger et mettre en question le cadre de l’action (logique, valeurs et choix qui sous-tendent son action). C’est une simple adaptation dans le cadre des routines. Cet apprentissage est qualifié par March et Simon (1958) d’«apprentissage de niveau 1 », par Argyris d’« apprentissage en simple boucle » et par Huysman (2000) de « conservatisme

dynamique » (cités par Metzger 2002, p.11), Argyris et Schon le décrivent par

« l’apprentissage opérationnel qui modifie les stratégies d’actions ou les paradigmes qui

sous-tendent les stratégies mais ne modifie pas les valeurs de la théorie d’action » (Argyris

& Schon, 2002, p.4). Il se limite uniquement à la résolution des problèmes de façon à maintenir le travail dans les limites établies par les normes et les valeurs organisationnelles. Cet apprentissage est opérationnel parce qu’il vise l’atteinte des objectifs.

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L’apprentissage en simple boucle augmente la stabilité de l’organisation tout en réduisant la variabilité des comportements. En ce sens, il n’est pas créatif et novateur. Il consiste en une simple adaptation à un contexte donné. Il peut ajouter des connaissances nouvelles à celles existantes mais transforme très peu la nature de l’organisation. Pour Kim (1993), ce type d’apprentissage porte sur des méthodes, des procédures et s’applique à des objets bien limités (e.g. comment améliorer les performances du département de mathématiques). On procède surtout par essais et erreurs. L’apprentissage individuel est dans cette perspective, une condition indispensable à l’apprentissage organisationnel.

b. L’apprentissage en double boucle

L’apprentissage en double boucle ou de niveau 2 exige une volonté chez les acteurs et notamment les dirigeants ????. Il conduit à une restructuration des stratégies mais aussi des valeurs et des théories d’usage de l’organisation (Argyris & Schön, 2002, p.44). Ingham (1994) le dépeint comme « un processus cognitif qui implique une démarche heuristique de

critique imaginative et entraine de modifications dans les schémas de connaissances et de réponses ou la production de nouveaux schémas » (cité par Guilhon & Oubrich, p.9). Face à

une situation-problème, les acteurs entament un processus de réflexion en interrogeant les valeurs, les représentations sociales, les stratégies et les paradigmes qui sous-tendent leur action. Ceci conduit à un changement dans la perception collective de la situation et l’adoption de nouvelles stratégies. « L’apprentissage en double boucle -par la réflexion en

action- renvoie à cette capacité de les questionner et au besoin de les modifier. Cette réflexion en action autorise, grâce aux savoirs mobilisables qu’elle produit, l’acquisition d’une capacité à confronter, systématiquement, l’écart entre la théorie professée et la théorie effective » (Gather Thurler, 2000, p.190).

L’apprentissage en double boucle est individuel lorsque l’investigation aboutit à un changement des valeurs et des routines qui sont à la base des stratégies d’action de la personne. Il est organisationnel quand l’investigation est faite au nom de l’organisation. Les individus ont alors le pouvoir d’entreprendre une enquête organisationnelle (processus d’apprentissage) qui induit à une modification des éléments culturels et des théories d’action organisationnelles (résultats d’apprentissage). Selon Argyris et Schön « cette rétroaction lie

la détection de l’erreur, non seulement aux stratégies et aux hommes pour obtenir la performance, mais aussi aux normes qui définissent la performance. […] il y a modification

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du nombre d’alternatives considérées, élargissement de l’ensemble des réponses, modification du cadre dans lequel interviennent ces réponses » (cité par Oudet, 2006, p76).

Selon Kim (1993) l’apprentissage en double boucle est plus orienté vers le « pourquoi » que sur le « comment » (Leroy, 2000, p.64). Il vise la compréhension, la prévention et l’anticipation plus que la correction. Il contribue à une ouverture à l’environnement, à une flexibilité, à la mise en place de nouvelles règles et stratégies et à la création de nouveaux systèmes de gestion et d’évaluation. Ce type d’apprentissage est fortement influencé par le climat, le contexte organisationnel et le système d’apprentissage propre à l’organisation: les structures (canaux de communication, système d’information, cadre spatial, système de récompense, etc.) et la dimension comportementale (qualités humaines, interprétations,

perceptions des individus, etc.). Ils peuvent, dépendamment du cas, stimuler et encourager ou

inhiber et interdire l’apprentissage.

L’apprentissage en double boucle conduit à une codification des savoirs produits et une production des connaissances communes qui seront diffusées à toute l’organisation. Nonaka (1994) et Senge (1990) le décrivent comme une démarche de création de connaissances qui fait distinguer l’OA de ses concurrents (cités par Leroy, 2000, p.64). Il est donc créatif puisqu’il permet l’émergence de nouveaux objectifs et de nouvelles théories de l’action et l’accroissement des variabilités de comportements.

Notons que cet apprentissage est difficile à mettre en place parce qu’il crée de l’instabilité et des résistances au partage des savoirs entre les individus et des conflits d’intérêts entre les individus. En effet, confirment Brown et Starkey (2000), tout changement remet en question l’image de soi (individuelle et collective) et touche à l’identité professionnelle (cité par Metzger 2002, p.11). C’est pourquoi, les institutions et les organisations ont plus recours à l’apprentissage à simple boucle.

c. L’apprentissage en troisième boucle ou « Deutero Learning »

C’est le summum de l’apprentissage. Il se base sur le processus ??? et vise « la

conceptualisation de l’action et la production de savoirs théoriques » (Oudet, 2006, p.77).

L’apprentissage à triple boucle vise la réflexion sur le processus lui-même: comment « apprendre à apprendre ». Il s’agit donc d’ « apprendre à apprendre » autrement dit réfléchir

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et analyser le processus d’apprentissage pour l’améliorer. L’organisation fait un travail de remise en question de tout ce qui entrave le processus d’apprentissage en réexaminant et en redéfinissant les valeurs fondamentales pour redéfinir le sens donné à l’action (recadrage) (Pesqueux, 2004, p.22) Le but est le développement durable de l’organisation. Gather Thurler récapitule l’essentiel des trois modes d’apprentissage dans le tableau qui suit (Gather Thurler, 2000, p.191) (voir tableau nº 9).

Tableau nº 9

Modes d’apprentissage organisationnel

Boucle

d’apprentissage

Domaine

d’apprentissage Catégorie d’apprentissage Effet d’apprentissage

Simple Règles Devoir, pouvoir, avoir le droit de… Amélioration

Double Prises de conscience Savoir comprendre Innovation ponctuelle

Triple Principes Oser, vouloir et être Développement durable

Après avoir évoqué les types d’AO, les approches qui ont essayé de l’expliquer, ainsi que les niveaux d’apprentissage, reste à parler de l’objet d’apprentissage. Rappelons que certaines références considèrent l’apprentissage sous l’angle des résultats autrement dit des connaissances et des compétences. Ces dernières qu’elles soient individuelles ou collectives, appartiennent au processus d’AO et constituent l’objet d’apprentissage.

4.2.4. L’objet de l’apprentissage organisationnel: les connaissances et les