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CHAPITRE 3 : Optimisation de la synthèse des monolithes de silice à porosité hiérarchique

3.1 Les monolithes de silice à porosité hiérarchique

Les monolithes de silice à porosité hiérarchique macro- et mésoporeux ont été mis au point et développés par le Professeur Nakanishi en 199648. La première application de ces monolithes a été la réalisation de colonnes pour la Chromatographie Liquide à Haute Performance (HPLC) à grande vitesse.

Le groupe Merck® a développé cette application et vend depuis 8 ans ces monolithes comme colonnes de chromatographie92. La valeur ajoutée par Merck® par rapport au groupe du Pr. Nakanishi est le gainage des monolithes réalisé en PEEK (poly-ether-ether-ketone) permettant ainsi l’intégration directe de ces monolithes dans le circuit HPLC. Ces colonnes sont vendues sous le nom de Chromolith® et présentent des tailles de macropores et de squelette de 2 µm et des tailles de mésopores de 10 nm.

Au sein de l’équipe MACS, la synthèse et l’utilisation des monolithes constituent un axe de travail important. Des études successives ont permis l’amélioration de la synthèse pour obtenir des macropores de 5 µm afin de minimiser les pertes de charge. Ces monolithes ont été utilisés avec succès pour la catalyse hétérogène en flux, comme le montrent les travaux menés sur plusieurs réactions (Knoevenagel, Diels-Alder)23, 24 en continu avec des monolithes de silice greffés par des fonctions organiques (silanes)23 ou inorganiques (alumine)24.

Comme l’a montré Nakanishi48, les monolithes sont obtenus grâce à la combinaison de deux phénomènes : un procédé sol-gel et une séparation de phase entre un mélange binaire (silice/polymère) et (polymère/eau) appelée décomposition spinodale. C’est ce que nous allons voir plus en détails par la suite.

- 90 - 3.1.1 Le procédé Sol-Gel

Le procédé sol-gel se décompose en deux grandes étapes. La première étape est une hydrolyse d’alcoxysilane Si(OR)n conduisant à la réalisation d’un sol de silice (suspension colloïdale) tandis que la deuxième consiste en une condensation et une polymérisation donnant lieu à la formation de polysilanes (figure 3.1).

Hydrolyse :

Si(OR)4 + nH2O Si(OH)n(OR)4-n + nROH ( n compris entre 1 et 4)

Polycondensation :

≡Si(OR) + HO ̶ Si≡ ≡Si ̶ O ̶ Si ≡ + ROH ≡Si-OH + HO ̶ Si≡ ≡Si ̶ O ̶ Si ≡ + H2O

Figure 3.1. Réactions d’hydrolyse et de polycondensation des alkoxysilanes

Dans la plupart des cas, l’hydrolyse est initiée par un mélange d’eau et d’alcoxide en présence ou non d’un alcool comme co-solvant et d’un catalyseur (acide généralement). L’hydrolyse des Si-OR conduit à la formation d’alcool et de groupements Si-OH qui se condensent ensuite avec d’autres groupements silanols pour produire un réseau composé d’espèces polycondensées reliées par des liaisons Si-O-Si et d’eau. Des condensations successives conduisent au développement d’oligomères de siloxanes qui, par la suite, sont reliés ensemble pour former le gel.

Les alcoxysilanes les plus utilisés pour ce type de réaction sont le tétraéthylorthosilicate (TEOS) et le tétraméthylorthosilicate (TMOS). Les cinétiques de polycondensation de ces alcoxydes de silicium sont extrêmement lentes comparées aux cinétiques d’autres alcoxydes de métaux tels que le titane et l’aluminium qui conduisent la plupart du temps à des agrégats d’oxydes sous forme de poudre contenant une grande quantité d’eau. L’hydrolyse des alcoxydes de silicium en revanche est beaucoup plus simple à contrôler. Selon la cinétique de la réaction, les oligomères de silice peuvent s’agglomérer de façons différentes, conduisant ainsi à la formation de divers structures siliciques (particules, fibres, films ou bien, comme on le souhaite, des monolithes) (figure 3.2).

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Figure 3.2. Les différentes structures obtenues par voie sol-gel93

Lors d’une réaction sol-gel, plusieurs paramètres doivent être pris en compte afin d’avoir un contrôle sur le résultat souhaité. Les données essentielles sont la quantité d'eau, le pH du milieu réactionnel, la température, l'ajout de complexant organique et la durée.

En effet, les propriétés du gel changent avec la teneur en eau, en particulier dans la région où le rapport eau/alcoxyde est entre 2 et 4. Dans le cas où ce rapport est égal ou inférieur à 2, un gel avec moins de liaisons est formé. Si le rapport eau/alcoxyde est égal ou supérieur à 4 des gels avec beaucoup de liaisons sont formés et sont donc plus denses.

Le pH a également une influence sur la réaction. Une catalyse acide favorise l’hydrolyse et conduit à la formation de fibres longitudinales. A l’inverse, une catalyse basique va augmenter la vitesse de condensation et mène alors à des agrégats de particules de silice de forme sphérique. En milieu acide, le pH va également agir sur le temps de formation du gel. Le temps de gélification est long pour des pH entre 2 et 3, ce qui correspond au point isoélectrique de la silice. La vitesse de gélification augmente pour des pH > 3 et pH < 1.

3.1.2 La décomposition spinodale

La décomposition spinodale est un procédé par lequel un mélange de deux constituants (ou plus) peut se séparer en régions distinctes94. Dans le cas des monolithes mis au point par l’équipe de Nakanishi, cette séparation de phase est induite par des agents organiques, comme les tensio-actifs (comme le P123 EO20PO70EO20), le formamide ou des polymères48. Dans

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notre cas, nous utiliserons un polymère, le Polyéthylène glycol (PEG) de masse molaire 20 kDa.

En début de réaction, nous avons un mélange homogène entre le polymère et l’alcoxyde de silicium. Au cours de la gélification, l’énergie libre du système, définie par la formule de Flory-Huggins, augmente95.

∆G = -RT∆S൅ο

En effet, durant la synthèse, la silice polymérise. Ceci a pour effet de diminuer la valeur de la contribution entropique, qui résulte de l’incompatibilité des composants du mélange. En même temps, la valeur de l’enthalpie du système augmente, ce qui représente une hausse de l’interaction répulsive entre les deux phases. Lorsque l’énergie libre du système devient positive, on a l’apparition d’une force motrice de séparation de phase. La solution devient alors de moins en moins stable, nous avons ainsi une décomposition spinodale et donc une séparation du mélange en deux phases96.

Ce phénomène peut également s’expliquer par le fait qu’au départ des particules colloïdales de silice sont formées, et celles-ci vont s’entourer de polymère. Ces particules deviennent alors hydrophobes, et vont se séparer du mélange eau/polymère.

Dans le cas de la synthèse des monolithes de silice à porosité hiérarchique, il est nécessaire que la transition sol-gel et la décomposition spinodale aient lieu simultanément (Figure 3.3.c). Un contrôle cinétique de la réaction est donc absolument indispensable. Si la transition sol-gel a lieu après la décomposition spinodale, le phénomène qui apparaît est la nucléation de particules et la séparation en deux phases macroscopiques (Figure 3.3.a). En revanche, si la gélification est trop rapide, la décomposition spinodale ne peut pas avoir lieu. Un gel micro et mésoporeux est alors obtenu48 (figure 3.3.b).

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Figure 3.3. Cinétique de la séparation de phases lors de la synthèse de monolithes96

Comme l'a montré le Pr. Nakanishi48, il faut un contrôle très précis des concentrations des espèces présentes afin d’éviter la nucléation de particules. Une variation infinitésimale des quantités de réactifs peut engendrer l’échec de la synthèse. Par conséquent, pour obtenir une décomposition spinodale, il est nécessaire de trouver les bons rapports molaires de façon très précise pour la synthèse, et de mettre au point un protocole expérimental optimal pour la réussite de ces matériaux.

Après plusieurs années de recherche dans notre laboratoire, les rapports molaires optimaux pour la synthèse des monolithes ont été trouvés (1 Si / 0,60 EO / 0,26 HNO3 / 14,21 H2O). Le protocole défini, une solution contenant de l’eau, l’acide nitrique et le PEG est d'abord effectuée, puis le TEOS est ajouté en dernier en le pesant dans un bécher96. L’inconvénient de cette méthode est que tout le TEOS pesé n’est pas ajouté, car étant liquide il en reste toujours sur les parois du récipient, ce qui induit une erreur au niveau de la masse et donc des rapports molaires effectifs. Cette erreur était jusqu’à présent compensée en rajoutant une quantité de TEOS supplémentaire estimée équivalente à celle restée sur le contenant utilisé, mais cette pratique manque de précision.

L’objectif est donc de mettre au point une technique permettant de peser avec précision le TEOS que l’on ajoute au milieu réactionnel.

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