3.3. La dynamique psychologique de la personne âgée et les processus psychiques à l’œuvre lors
5.1.3. Les mesures des situations spécifiques du deuil
Selon l’approche qu’envisage le chercheur à propos du deuil, il construit des outils
plus ou moins spécifiques à la situation de deuil ; qu’il s’agisse d’un deuil brutal, d’un deuil
relatif à la maternité, d’un deuil relatif au veuvage, d’un deuil traumatique ou encore des
conséquences d’un deuil sur un comportement d’addiction. Ces situations envisagées à
travers la mesure du deuil ne sont, malheureusement, pas encore toutes opérationnalisées.
Cependant, nous tenterons d’apprécier, à la lumière des connaissances actuelles, les
particularités et les qualités de ces instruments de mesure.
5.1.3.1. Le Grief Experience Questionnaire (GEQ)
Ce questionnaire d’expérience du deuil (Grief Experience Questionnaire (GEQ),
Barrett & Scott, 1989) tente d’appréhender les réactions à une perte violente. Cet
instrument mesure les aspects divers de ce type de deuil tels que les réactions physiques, les
réactions générales au deuil, la recherche d’explication, la perte du support social, la
stigmatisation, la culpabilité, la honte, la responsabilité, le rejet, le comportement
d’autodestruction ainsi que les réactions spécifiques à la catégorie de la mort. Ce
questionnaire se compose de cinquante cinq items (ex. : « Evitez‐vous de parler de la mort
de votre époux(se) ? ») représentant donc onze dimensions du deuil (précédemment citées).
Il est un outil d’auto‐évaluation dont le format de réponse est de type échelle de likert en
cinq point de réponses de 1 « jamais » à 5 « presque toujours ». La consistance interne
constance générale de l’instrument de .97. Cet instrument dévoile un potentiel qui permet
de distinguer les réactions au deuil selon diverses expériences telles que le suicide, une mort
accidentelle, une mort imprévue et une mort naturelle prévue. Cependant, il connaît de
grandes limites concernant ses qualités psychométriques (il manque, entre autres, les
données relatives à la fidélité en test‐retest et à la validité factorielle de cet instrument).
5.1.3.2. Les mesures du deuil relatives à la maternité
Trois instruments mesurant les réponses au deuil lors de la maternité ont été,
indépendamment, développés : L’Echelle de Deuil Périnatal (Perinatal Grief Scale (PGS),
Toedter et al., 1988), même traduction pour la Perinatal Bereavement Scale (PBS, Theut et
al., 1989) et la Perinatal Bereavement Grief Scale (PBGS, Ritsher & Neugebauer, 2002). Ces
instruments ont chacun leur spécificité dans l’appréhension du deuil lors de la maternité (au
sens large). Nous développerons, à titre d’illustration, uniquement la PGS. Cette échelle
mesure davantage l’intensité affective de la symptomatologie rencontrée lors de la perte
d’un nourrisson. Sa version courte (trente trois items, PGS‐S) a été développée par Potvin et
ses collaborateurs (1989). Cet instrument permet de percevoir des caractéristiques telles
que la perte périnatale, l’avortement, la grossesse extra‐utérine, la mort fœtale, la mort
néonatale, en incluant la période complète de grossesse jusqu’au post‐partum. Cette échelle
se compose de trois sous‐échelles :
1. celle du « deuil actif » (active grief), mesure la douleur causée par la perte,
2. celle des difficultés d’adaptation (difficulty coping) à cette perte, permet
d’appréhender la nature adaptative du comportement,
3. celle du désespoir.
Le format de réponse est de type échelle de likert en cinq points. La validité de cette échelle
est encore discutée de nos jours (la constance interne varie de .89 à .95 mais certains
éléments de validation manquent cruellement).
5.1.3.3. L’Anticipatory Grief Scale (AGS)
L’Echelle de l’Anticipation du Deuil (Anticipatory Grief Scale (AGS), Theut et al., 1991)
s’applique à évaluer certains deuils rencontrés antérieurement à la perte, distincts du deuil
qui s’est passé après cette même perte. En d’autres termes, comme souligné dans une étude
concernant le soin des épouses apporté à leur mari atteint de démence (Theut et al., 1991),
potentiel d’une personne proche. Cette échelle se constitue de vingt‐sept items sous forme
de phrases affirmatives (ex. : « je suis en colère depuis que je pense que mon parent a une
démence »), les réponses s’échelonnent sur une échelle de type likert en cinq point de 1
« fortement en désaccord » à 5 « fortement en accord ». Les auteurs ont souligné des
corrélations positives entre leur instrument et des dimensions telles que la dépression,
l’anxiété et l’hostilité du SCL‐90‐R (Symptom Checklist‐90‐Revised, Derogatis, 1977). La
consistance interne de l’échelle est de .84. Les dimensions abordées par l’Echelle de
l’Anticipation du Deuil sont la colère, la culpabilité, l’irritabilité, la tristesse, le sentiment de
perte et la faiblesse des habilités du fonctionnement général.
5.1.3.4. Beechem Unresolved Loss‐Grief Addiction Inventory (BULGAI)
L’Inventaire d’Addiction au Deuil‐Perte irrésolu de Beechem (Beechem Unresolved
Loss‐Grief Addiction Inventory (BULGAI), Beechem, 1996) sert à la fois d’évaluation et d’outil
au traitement des personnes présentant un deuil irrésolu qui serait en lien avec leur
comportement d’addiction. Afin de distinguer la survenue de l’addiction en rapport au deuil,
cet inventaire permet de rendre compte de :
1) une pré‐addiction aux pertes vécues,
2) les pertes sont associées à l’addiction,
3) les pertes sont associées à la prescription d’un traitement.
Le mode de réponse s’établit selon une échelle en cinq points de type likert.
5.1.3.5. Inventory of Complicated Grief Revised (ICG‐R) ou Inventory of Traumatic Grief
(ITG)
L’Inventaire du Deuil Compliqué Révisé (Inventory of Complicated Grief Revised,
Prigerson et al., 1995, 1997, 2001) évalue les symptômes de la détresse de séparation (la
nostalgie, l’impatience, l’altération du fonctionnement) et de la détresse traumatique
(l’absence de signification, l’amertume, l’évitement et des symptômes d’identification). Ces
auteurs ont pu mettre en évidence que le deuil compliqué ou traumatique est une forme de
trouble bien distinct de la dépression et de l’anxiété. L’ICG‐R se compose de dix‐neuf items
(une forme courte est disponible de dix‐sept items) représentant une phrase affirmative (ex.
« Les souvenirs de cette personne morte me perturbent… ») dont le format de réponse est
de type échelle de likert en cinq points de 0 « jamais » à 4 « toujours ». Les auteurs
α
test‐retest=. 80 (après six mois), une validité convergente avec le TRIG et une validité de
construit). L’évaluation s’élabore selon quatre critères diagnostics, constitués, chacun, d’un
ensemble d’éléments constitutifs d’un deuil compliqué ou d’un TDP.
5.1.3.6. Grief Cognitions Questionnaire (GCQ)
Le Questionnaire des Cognitions du Deuil (Grief Cognition Questionnaire (GCQ),
Lensvelt‐Mulders & Boelen, 2005) évalue les différentes catégories de la cognition, postulées
comme étant importante après une perte (i. e. les croyances négatives et l’interprétation qui
engendrent des désordres émotionnels). Ce questionnaire comporte trente‐huit items
(ex. : « Je suis partiellement responsable de la mort de X ») représentant neuf catégories de
la cognition altérée par le deuil (donc neuf sous‐échelles : les croyances négatives sur soi (6
items), le monde (4 items), la vie (4 items), le futur (4 items), l’auto‐accusation (5 items), les
autres (3 items), les réactions inappropriées au deuil (4 items), le deuil chéri (3 items), les
interprétations relatives au deuil (4 items). Les sujets répondent selon une échelle de type
likert en cinq points de réponse de 1 « fortement en désaccord » à 5 « fortement en
accord ». Les auteurs soulignent une constance interne de leur instrument de .96. Il existe de
nombreuses limites à cet instrument (mode d’administration du questionnaire et des
données manquantes pour la validité exhaustive de l’instrument).
5.1.3.7. Bereavement Dependency Scale (BDS)
L’Echelle de Dépendance au Deuil (Bereavement Dependency Scale (BDS), Prigerson
et al., 2006) est un instrument à six items (ex. : « Comment étiez‐vous dépendant(e) de X
émotionnellement ?») qui a été développé pour fournir une évaluation efficace et rapide de
la dépendance que révèlent certaines personnes endeuillées à l’égard du défunt, et ce à
travers une variété de domaines relationnels. Cette dépendance pourrait engendrer de
graves dysfonctionnements psychologiques (à caractère morbide) chez ces personnes. Le
format de réponse est de type échelle de likert en cinq points de 1 «pas dépendant(e)» à 5
«extrêmement dépendant(e)». Les auteurs rapportent une consistance interne de .75. Ils
mettent cependant en exergue les limitations de leur nouvel instrument : un échantillon non
représentatif et une validation incomplète (validité test‐retest, validité du construit,
Dans le document
Le Trouble du Deuil Persistant chez la Personne Âgée : évaluation et Étude des Effets de la Personnalité
(Page 108-112)