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L’enjeu du deuil chez la personne âgée à travers la détresse psychologique

2.3.  Les facteurs de risque et les conséquences sur la santé de l’endeuillé

3.1.3.  L’enjeu du deuil chez la personne âgée à travers la détresse psychologique

3.1.3.1. Les particularités du  deuil chez la personne âgée 

Force est de constater que la plupart des gens considèrent le deuil comme un 

phénomène normal pour la personne âgée. La fatigue, la confusion, la solitude et le retrait 

social sont des réactions souvent considérées comme normales chez celle‐ci. Raphael et 

Martinek (1997) souligne que le type de lien (fratrie, époux, enfants, parents) entretenu avec 

décès le plus fréquemment rencontré chez la personne âgée, concernant un membre de la 

famille, est celui d’un frère ou d’une sœur. Hays (1997) met en avant que l’état fonctionnel 

et les capacités cognitives des personnes âgées, enclines à ce type de deuil, ne diffèrent pas 

de celles ayant perdu un époux. Alors qu’il est plus naturel de vivre la perte d’un parent, 

celle d’un enfant demeure difficile à accepter. La plupart des recherches,  qui  se sont 

intéressées à l’impact des décès familiaux sur les survivants au cours de leur existence, ont 

démontré que la mort d’un enfant adulte provoquait plus de réactions intenses comme le 

désespoir, la somatisation, la colère, la culpabilité par rapport aux autres décès (Hays et al.

1997). D’autres d’études se sont intéressées aux enfants morts à la guerre, ou, encore, dans 

un contexte de suicide ou d’accident. Il en ressort que les parents âgés, enclins au deuil de 

leur enfant, ressentaient une tristesse intense et persistante, la culpabilité d’avoir survécu, 

un alanguissement et des préoccupations centrées sur le décès (Rubin, 1992). D’autre part, 

la perte d’un époux correspond, chez la personne âgée, à la perte d’une autre figure 

d’attachement (Lopata, 1996). Durant les années de mariage, se forme un système de rôles, 

de traditions, d’interdépendance qui définit, peu à peu, une identité partagée par le couple. 

Un nombre important de rôles définissent ce que nous sommes – le deuil marque la rupture 

avec ces identités liées aux rôles d’époux ou d’épouse (Moss & Moss, 1996). Le veuvage est 

un évènement de vie bien singulier durant lequel une grande variété de facteurs influence 

l’adaptation des personnes âgées. De plus, les personnes veuves ont souvent le sentiment 

de ne pas être à leur place ou comme elles le soulignent parfois «  d’être de trop » lorsque 

leurs amis sont en couple. Elles se coupent, ainsi, peu à peu de leur réseau social. La vie 

sociale est difficile après un veuvage surtout quand la personne retrouve un nouveau 

compagnon  ou  une  nouvelle  compagne.  Cette  nouvelle  relation  pose  généralement 

problème aux membres de la famille (O’Bryant & Hansson, 1995).  

La perte d’un être cher à cette période de la vie nécessite une capacité d’ajustement 

plus  importante  alors  que  la  personne  âgée  ne  dispose  pas  toujours  de  ressources 

psychologiques suffisantes pour les déployer. Dès lors, la survenue d’un état dépressif 

majeur, de troubles de l’ajustement dont l’anxiété et l’impulsivité peuvent en être des 

expressions qui se  rencontrent principalement, et, de manière prépondérante,  chez la 

personne âgée lors du deuil (Maercker, Forstmeier, Enzler et al., 2008). Le deuil semble jouer 

un rôle plus important dans l’étiologique de la dépression et du suicide chez la personne 

3.1.3.2. La dépression et le suicide la personne âgée  

  Quels que soient la nature de la dépression, l’influence et l’impact des facteurs 

biographiques, situationnels, sociaux et psychologiques, ces derniers auraient un impact plus 

lourd concernant la survenue de troubles dépressifs chez le sujet âgé et son passage à l’acte 

suicidaire possible. A la lumière d’études épidémiologiques, certains facteurs de risque sont 

prépondérants comme la solitude et l’isolement social (conséquences de la retraite, des 

conflits  interpersonnels  et  des  pertes  répétées),  entraînant  le  sujet  âgé  dans  une 

« dépression réactionnelle ». A tous ces facteurs s’ajoute la perte d’autonomie qu’elle soit 

physique, psychique ou économique. Le veuvage constitue un facteur de risque prédominant 

dans le passage à l’acte suicidaire, en particulier, pour le 3

ème

 âge (Ouango & Léger, 2001). 

Concernant le 4

ème

 âge (plus de 90 ans), il s’agira plutôt de la perte d’autonomie comme 

potentiel morbide.  

La dépression de la personne âgée s’exprime souvent par une tristesse pathologique, 

une inhibition psychomotrice, des troubles motivationnelles et une anxiété massive. Lors du 

vieillissement, l’individu peut présenter des altérations de ces capacités d’adaptation aux 

pertes rencontrées. La dépression est l’une des issues malheureuses signant la souffrance et 

le déséquilibre psychique dans lesquels il s’est enlisé. Une autre issue, celle‐ci plus fatale car 

souvent « réussie », est, comme énoncée précédemment, celle du suicide. Passage à l’acte 

bien souvent sous‐estimé chez le sujet âgé en proie à la dépression. Comme le soulignent 

Lôo et Gallarda (2000), le taux de suicide est supérieur à 100 pour 100 000 habitants chez le 

sujet de plus de 75 ans. Les hommes se suicident trois fois plus que les femmes. Le rapport 

des suicides accomplis aux tentatives de suicides est de 1/5 à 1/10 chez les plus de 65 ans 

(alors qu’il est de 1/10 à 1/20 dans la population générale). Les modes de suicides sont, en 

majorité, violents et radicaux : pendaison, noyade, défenestration, suffocation, etc. Les 

principaux facteurs de risque du passage à l’acte suicidaire sont le sexe masculin, un milieu 

rural, un niveau socio‐économique bas, l’isolement et la solitude (facteurs prépondérants 

chez les  veuves et les  veufs).  A  l’origine du  passage  à  l’acte  suicidaire sont  souvent 

responsables les syndromes dépressifs rencontrés par le sujet âgé. 

  Outre  le passage à l’acte  comme issue dramatique à  la  pathologie  dépressive, 

beaucoup de chercheurs et de cliniciens s’accordent à penser qu’il existe des liens entre 

deuil, dépression et démence, bien que ces relations soient difficiles à établir. La démence 

3.1.3.3.   Dépression et démence chez la personne âgée  

  Les liens qu’entretiennent dépression et démence chez la personne âgée ont suscité 

une abondante littérature ces vingt dernières années. Ces deux pathologies sont les deux 

affections mentales les  plus fréquentes  chez nos  aînés. Elles  peuvent coexister ou  se 

succéder. Leurs symptomatologies se recoupent partiellement. De ce fait, elles posent 

problème quant à leur diagnostic ; l’approche différentielle est alors requise. Sur le plan 

théorique, deux conceptions opposées s’affrontent : 

1) l’une,  soulignant  l’existence de perturbations biologiques communes  aux 

deux symptômes, y voit un argument supplémentaire à l’origine biologique de 

la dépression,  

2) l’autre trouve des arguments pour considérer la démence comme un refuge 

ultime contre la dépression.  

Cependant, beaucoup s’accordent à souligner le rôle de la dépression dans l’induction des 

troubles démentiels (Forette, Seux & Staessen,, 1998 ; Petersen, 2000). Un vécu de perte 

coïncide souvent avec les premières apparitions de symptômes démentiels, ou, marque un 

virage décisif dans la dégradation de la personne âgée (Feteanu, 2002). Le suicide serait le 

passage  à  l’acte  signifiant  la  prise  de  conscience  par  l’individu  de  son  délabrement 

irrémédiable ; il se produirait essentiellement au début des premiers signes de démence 

(Monfort,  2000).  Certains  grands  déments se  laisseraient mourir  de faim  en  refusant 

systématiquement soins et nourriture. Outre les conduites régressives qu’impliquent les 

troubles démentiels, certains chercheurs se posent la question de savoir si le la personne 

âgée n’en voit pas un moyen d’attendre la mort, jugée comme inéluctable à court terme.  

La vulnérabilité de la personne âgée connaissant la dépression et/ou la démence 

interroge quant aux mécanismes du travail de deuil et les défauts qu’ils engendreraient lors 

de  l’élaboration  de  la  perte  d’une  personne  chère.  Attachons‐nous,  dès  à présent,  à 

comprendre la dynamique psychique du deuil chez la personne âgée à la lumière des stades