2.3. Les facteurs de risque et les conséquences sur la santé de l’endeuillé
2.3.3. Le développement de pathologies mentales et physiques liées au TDP lors de la faillite
la faillite des fonctions adaptatives
Lorsqu’il existe une conjoncture à risque endogène et/ou exogène, il est à craindre
des effets sur la santé tant mentale que physique pour l’endeuillé. Le deuil revêt alors des
expressions morbides parfois fatales.
2.3.3.1. TDP et SSPT
Le deuil, dans toutes ses formes possibles, est source de remaniement psychologique
à tel point que peuvent advenir des dysfonctionnements entrainant le développement de
pathologies mentales. Dans ce sens, il existe une coexistence des complications au deuil avec
d’autres pathologies psychiatriques (Simon, Shear, Thompson et al., 2007).
Dans une étude préliminaire, Shear et ses collaborateurs (2001) ont mis en exergue
que des personnes présentant des complications au deuil pouvaient arborer un état
dépressif majeur, un SSPT ou d’autres troubles psychiatriques. Simon et ses collaborateurs
(2007) abondent dans ce sens et soulignent qu'un deuil compliqué ou persistant peut être
associé, entre autre, à des troubles de l’humeur et à des troubles d’anxiété. S'ajoute que
plus le deuil compliqué est sévère, plus les personnes présentent des troubles psychiatriques
importants (Simon et al., 2007). Le TDP constituerait, ainsi, un facteur de risque dans le
développement de troubles psychiatriques, notamment dans celui du SSPT. Zisook,
Chenstova‐Dutton et Shuchter (1998) soulignent que, parmi les veuves pour lesquelles
l'époux est décédé d'une mort naturelle, 10% d'entre elles ont présenté un SSPT. Et constat
surprenant, plus du tiers des veuves pour lesquelles l'époux est décédé des suites d'un
suicide ou d’un accident ont présenté ces mêmes caractéristiques psychopathologiques. En
revanche, dans une étude de Kaltman et Bonanno (2003), les personnes ayant perdu leur
conjoint suite à une mort violente (suicide, accident, meurtre) développaient davantage de
SSPT et de dépression chronique, durant les vingt‐cinq mois après la perte, que les
personnes ayant perdu leur époux suite à une mort naturelle. Bien que l'étude de Kaltman et
(1998), de nombreuses études viennent affirmer que la perte d’un être cher due à une mort
violente peut être un des facteurs de risque dans la survenue de complications au deuil,
notamment, dans la survenue d'un SSPT (Boelen, 2009 ; Boelen et al., 2008 ; Prigerson,
Maciejewski, Reynolds III et al., 1995 ; Silverman, Johnson & Prigerson, 2001 ; Simon et al.,
2007). Le SSPT n’est pas le seul trouble psychiatrique à être impliqué dans les complications
au deuil. L’expérience du deuil amorce souvent l'émergence de symptômes dépressifs.
2.3.3.2. TDP et troubles dépressifs
Le deuil entraine souvent, pour ne pas dire toujours, un effondrement dépressif dont
les issues sont bien différentes d'un vécu de perte à l'autre, d'un individu à l'autre. Un type
de dépression souvent considéré lors de complications au deuil est celui de l'épisode
dépressif majeur. Ce type de dépression, Hensley (2006) le nomme dépression liée au deuil
et le considère comme étant une réaction normale suite à une perte. Par ailleurs, le deuil
compliqué ou persistant est bien distinct de la dépression liée au deuil (Hensley, 2006). Le
TDP n'est pas un état dépressif majeur car ces deux troubles ont chacun une
symptomatologie propre (Horowitz et al., 1997 ; Enright & Marwit, 2002 ; Prigerson &
Jacobs, 2001), cependant, ils peuvent coexister chez une personne en deuil (Hensley, 2006 ;
Prigerson, Frank et al., 1995). Prigerson et ses collaborateurs (1995) ont démontré que
seulement deux caractéristiques symptomatologiques étaient présentes à la fois dans le TDP
et dans un Etat Dépressif Majeur : le sentiment de solitude et l’incapacité d’accepter la
réalité de la perte. De plus, Horowitz et ses collaborateurs (1997) précisent que les
symptômes de l’état dépressif majeur sont différents de ceux du TDP. En effet, ces auteurs
ont distingué des caractéristiques de personnalité comme l’intrusion, l’évitement et
l’incapacité d’adaptation comme étant particuliers au TDP et bien différents de l’épisode
dépressif majeur. Ils ont également ajouté que les symptômes du TDP et de l’épisode
dépressif majeur ne se superposent généralement pas. Néanmoins, une personne peut
présenter en même temps un TDP et un état dépressif majeur. Certains auteurs (Simon,
Shear, Thompson et al., 2007) énoncent l’hypothèse selon laquelle un TDP pourrait
permettre l’apparition d’un état dépressif majeur. Cette dernière relève d’une catégorie plus
générale, nommée trouble de l’humeur (DSM IV). En effet, des chercheurs comme Boelen,
Van den Bout et Van den Hout (2006) ont démontré empiriquement que l’apparition de ces
chez les personnes enclines aux complications du deuil. Pour eux, le TDP est un syndrome
relié à la perte. Il est présent lorsque les personnes endeuillées présentent des symptômes
liés à une souffrance de séparation (alanguissement, recherche) et à une souffrance
traumatique (incrédulité, incapacité d’accepter la réalité de la perte, amertume) 6 mois
après la perte jusqu’au point de développer un handicap fonctionnel. Les personnes
présentant un TDP seraient toujours en lien avec la perte mais elles continueraient malgré
tout à considérer cet évènement comme étant non réel (Boelen, Van den Bout & Van des
Hout, 2006). Ainsi, ces endeuillés se rappellent régulièrement la personne décédée et toute
leur vie semble reliée à cette perte. Chez ces personnes, des comportements comme
chercher la personne décédée ou reproduire certaines de ses habitudes peuvent être
observés (Prigerson, 1995). Dans ce contexte, la mort ne revêt pas un caractère irréversible
chez ces mêmes personnes.
2.3.3.3. TDP et risque suicidaire
Une des conséquences les plus tragiques des complications au deuil est le passage à
l’acte suicidaire dont les prémisses auront été les idéations suicidaires (Stroebe & Stroebe,
1993). Dans une recherche de Szanto, Prigerson, Houck, Ehrenpreis et Reynolds (1997), la
majorité des personnes enclines aux complications du deuil présentaient un haut niveau
d’idéations suicidaires. De plus, ces idéations suicidaires étaient en lien avec les symptômes
de la dépression et des troubles de l’anxiété. Szanto et ses collaborateurs (1997) ont conclu
que la présence conjointe d’un haut niveau de symptômes relatifs au TDP et de symptômes
relatifs à la dépression serait un facteur de risque important dans le passage à l’acte
suicidaire puisqu’il y a une importante vulnérabilité présente ces personnes qui développent
des idéations suicidaires. Ce constat a été conforté par Latham et Prigerson (2004). En effet,
la présence d’un TDP multiplie par six la probabilité de présenter des idéations suicidaires et
par onze le risque de passage à l’acte suicidaire, 6 mois et 18 mois après la perte. Ainsi, le
TDP serait un facteur important et singulier dans le risque de passage à l’acte suicidaire
(Latham & Prigerson, 2004). Le développement de ces pathologies mentales comporte
également des risques pour la santé physique de l’endeuillé.
2.3.3.4. TDP et troubles somatiques
Le deuil compliqué peut être responsable de l’apparition de dysfonctionnements 18
1995). En effet, il existerait un défaut de symbolisation chez l’endeuillé, c’est‐à‐dire, que la
représentation interne du défunt ne serait pas efficiente, ne permettant pas la liaison entre
la réalité de la perte et la représentation ancienne de ce dernier. S’ajoute une constellation
de troubles tels que l’humeur dépressive, une moins bonne qualité de sommeil et une faible
estime de soi qui permettent au le corps, le soma, de devienir le siège des expressions
pathologiques aux complications du deuil. Prigerson et ses collaborateurs (1997) ont
rapporté que des complications au deuil 6 mois après la perte prédisent des changements
négatifs sur la santé entre 13 mois et 25 mois après la perte chez des personnes veufs et
veuves, âgées entre 50 ans et 70 ans. Les symptômes du TDP sont associés à une
hypertension, à des troubles cardio‐vasculaires, au développement de cancers, à des
changements dans les habitudes alimentaires, à la prise de tabac ainsi qu’aux troubles du
sommeil, toujours, entre 13 mois et 25 mois après la perte. De plus, les endeuillés enclins au
TDP ont significativement plus de troubles cardiaques, de cancer, de migraines et de grippes
autour de la date d’anniversaire du décès comparativement à ceux ne souffrant pas de ce
trouble. Chen, Bierhals, Prigerson, Kasl, Mazure et Jacobs (1999) ont reporté une différence
de genre dans la survenue de problèmes physiques chez les veufs et les veuves. Les premiers
présentant des complications au deuil, à 13 mois, seraient davantage sujets à une
hospitalisation pour un problème physique ou suite à un accident. Vingt cinq mois après la
perte, ils rencontreraient davantage des problèmes d’hypertension. Concernant les veuves
enclines au TDP, se sont surtout des perturbations du sommeil qui prédomineraient autour
de la date d’anniversaire de la mort, 13 mois après la perte, ainsi que des troubles
cardiaques, des problèmes physiques et des changements du régime alimentaire, 25 mois
après la perte. Cette étude suggère que les symptômes sont à considérer comme reliés au
TDP lors de la détermination de l’impact du deuil sur la santé mentale et physique de
l’endeuillé.
A la lumière de ces deux premiers chapitres durant lesquels, tour à tour, nous nous
sommes exercés à définir les deuils, à attirer l’attention sur le trouble du deuil persistant et à
peser les enjeux de l’adaptabilité concernant l’endeuillé, il est primordial, dès à présent, de
comprendre, in fine, le travail du deuil et les difficultés qu’il suscite, les processus psychiques
en jeu et, ce, d’autant plus, lorsque le survivant est à un stade de la vie durant lequel se
jouent bon nombre de remaniements psychiques et d’où jaillissent vulnérabilité et fragilité
Chapitre 3. Le Trouble de Deuil Persistant à travers une approche
psychodynamique de la personne âgée
Le trouble du deuil persistant favorise le développement de fragilités tant psychiques
que somatiques chez les endeuillés qui le développent. A la lumière des connaissances
psychopathologies de ce trouble, nous pensons qu’il est important de le comprendre auprès
d’une population bien singulière qui est celle de la personne âgée. Après avoir détaillé
quelques caractéristiques pertinentes relatives à nos aînés, il nous semble primordial de
comprendre les particularités de sa dynamique psychique afin de les mettre en perspective
dans l’enjeu du développement de pathologies liées au deuil.
3.1. La personne âgée
Dans le document
Le Trouble du Deuil Persistant chez la Personne Âgée : évaluation et Étude des Effets de la Personnalité
(Page 65-69)