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Les lipides membranaires

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1. Introduction

1.1. Les lipides membranaires

Les lipides regroupent une large variété de composés qui se distinguent des autres composants de la matière vivante (sucres, protéines et acides nucléiques) par leur insolubilité dans l’eau.

Cette propriété physicochimique particulière fait que l’on parle d’un milieu hétérogène quand on décrit la présence de lipides dans un milieu aqueux. Par opposition aux composés hydrophiles et solubles dans l’eau, les lipides sont des composés de nature hydrophobes et solubles dans les solvants organiques (éther, chloroforme ou benzène).

Les lipides ont quatre grandes fonctions dans le vivant :

- Les lipides servent au stockage de l’énergie principalement sous forme d’esters de glycérol (monoacylglycérol, diacylglycérol et triacylglycérol) ou de stérols dans les gouttelettes lipidiques. Ces réservoirs sont aussi de véritables ressources de lipides pour la biogenèse des membranes.

- Les membranes cellulaires sont composées de lipides amphiphiles qui combinent une portion hydrophobe et une portion hydrophile. La portion hydrophobe est susceptible de s’associer à d’autres groupements hydrophobes, il en est de même avec les groupements hydrophiles. Ainsi, les lipides vont former spontanément une bicouche lipidique.

- Les lipides peuvent servir de seconds messagers cellulaires. En effet ils se situent à la frontière entre l’extérieur et l’intérieur d’une cellule et peuvent donc participer à la transduction du signal à travers la membrane cellulaire. Leur dégradation peut mener les groupements polaires, solubles dans le cytosol, à se propager dans la cellule.

- Les lipides sont organisés au sein de la bicouche lipidique et forment des domaines spécifiques en termes de propriétés de surface, de charge et d’encombrement stérique permettant l’interaction avec des protéines ou des composés extracellulaires (Van Meer et al., 2008).

Au regard de la nomenclature internationale (Fahy et al., 2005), les lipides sont classés en huit catégories :

- les glycérophospholipides ; - les glycérolipides ;

- les sphingolipides ; - les stérols ;

32 éléments relatifs aux travaux décrits dans cette thèse.

Tous les lipides décrits sont représentés en Figure 1.

1.1.1. Les glycérolipides

Les glycérolipides comprennent tous les lipides contant du glycérol. Ainsi, on distingue trois classes de glycérolipides : les acylglycérols, les glycéroglycolipides et les glycérophospholipides. Ces derniers sont souvent considérés comme une classe de lipide à part entière en raison de leur abondance et de leur importance dans la constitution des membranes, le métabolisme et la signalisation moléculaire.

Les acylglycérols sont des molécules de glycérols mono-, di- ou tri-substitués par l’estérification d’un acide gras (Figure 1).

Les glycéroglycolipides (ou glycolipides voire encore galactolipides) sont composés d’un sn-1,2-diacylglycérol (DG) lié en position sn-3 via une liaison osidique à un ou deux galactoses formant ainsi un monogalactosyl-DG (MGDG) ou digalactosyl-DG (DGDG) (Figure 1). Les glycolipides sont principalement retrouvés dans les membranes des thylakoïdes et sont donc particulièrement abondant chez les végétaux comme les algues (Weatherby and Carter, 2013).

1.1.2. Les glycérophospholipides

Les glycérophospholipides ou phospholipides sont les composants majeurs des membranes biologiques. Ce sont des espèces amphiphiles qui comprennent une portion hydrophobe formée par deux acides gras saturés ou insaturés et de longueur de chaîne variable estérifiés sur les fonctions alcools des carbones sn-1 et sn-2 du glycérol. Ils sont caractérisés par la présence d’un groupement phosphate estérifié sur la fonction alcool du carbone sn-3 du glycérol. Les phospholipides sont aussi composés d’une portion hydrophile formée par un groupement ou tête polaire variable estérifiée sur le groupement phosphate. Le groupement phosphate réalise ainsi une liaison qualifiée de phosphodiester entre le carbone sn-3 du glycérol et le groupement polaire (choline, éthanolamine, glycérol, sérine ou inositol) (Figure 1).

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Les glycérophospholipides sont nommés par rapport à la nature du groupement polaire : phosphatidylcholine (PC), phosphatidyléthanolamine (PE), phosphatidylglycérol (PG), phosphatidylsérine (PS) ou phosphatidylinositol (PI). De son côté, l’acide phosphatidique (PA) est un phospholipide sans tête polaire. Dans les membranes eucaryotes la PC est le phospholipide majoritaire à plus de 50 %.

La cardiolipine (CL) est un diphosphatidyl glycérol, soit une molécule de glycérol estérifiée sur les fonctions alcools primaires du glycérol par deux groupements PA (Figure 1) et qui est principalement situées dans la membrane interne des mitochondries.

1.1.3. Les sphingolipides

Les sphingolipides constituent une autre classe de lipides membranaires composés d’une molécule de sphingosine, un alcool aminé à longue chaine insaturée. Le groupement amine de la sphingosine peut être lié à un acide gras par une liaison amide formant ainsi le céramide (N-acyl-sphingosine). Le représentant majoritaire de cette classe est la sphingomyéline (SM) qui correspond à un céramide sur lequel est estérifié un groupement phosphocholine (Figure 1).

Une portion des sphingolipides appartient à la classe des glycolipides (sphingoglycolipides).

Au lieu de porter un groupement phosphocholine sur un céramide ceux-ci portent une chaîne sucrée de mono-, di- ou oligosaccharides via une liaison osidique avec le C1 de l’ose formant ainsi le glucosylcéramide, galactosylcéramide (Figure 1) ou l’oligoglycosylcéramide.

On trouve aussi dans cette sous-classe les sphingoglycolipides sulfates pour lesquels un acide sulfonique est fixé sur le C3 d’un galactopyranosyl porté par un céramide comme le mono sulfo galactosylcéramide (Figure 1).

Les lipides sont des molécules susceptibles de subir des modifications de la part des enzymes lipolytiques formant ainsi des sous-produits lipidiques réactifs. Le clivage d’un phospholipide permet la libération d’un acide gras et d’un groupement lyso-phosphatidyl comme le lyso-PA, le lyso-PC, le sphingosylphosphorylcholine ou encore la sphingosine qui peut être phosphorylée en sphingosine-1-phosphate. Ces molécules vont notamment participer à la signalisation à travers des récepteurs membranaires. Un second type de clivage permet la libération du groupement polaire estérifié sur le phosphate, ou du groupement polaire phosphorylé estérifié sur la fonction alcool du carbone sn-3 du glycérol. Ceci génère du PA, du DG, du céramide-1-phosphate ou du céramide dont la fonction est alors de recruter des protéines cytosoliques à la membrane. Par ailleurs, certains lipides peuvent subir des

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modifications chimiques comme le PI qui peut être phosphorylé à plusieurs reprises pour former du PI-4,5-bisphosphate (PI-4,5-P2) ou PI-3,4,5-trisphosphate (PI-3,4,5-P3), deux espèces hautement réactives qui régulent l’activité de nombreuses protéines (Van Meer et al., 2008).

1.1.4. Les stérols

Les stérols sont des lipides très apolaires composés d’un groupement alkyl sur un noyau stérane (molécule composée de trois cycles à six atomes et un cycle à cinq atomes) hydroxylé sur lequel il est possible d’estérifier un acide gras. Le cholestérol est le stérol majoritaire chez les mammifères tandis que l’on trouve principalement l’ergostérol chez les levures et le sitostérol, le campestérol et le stigmastérol chez les végétaux (Figure 1).

Comme tous les lipides le cholestérol est partie prenante de la structure des membranes cellulaires. Cependant, sa biochimie est très particulière et très différente des autres lipides puisque son groupement polaire est extrêmement réduit : il ne s’agit que d’un groupement hydroxyle, comparé au groupement apolaire plus important (Fahy et al., 2005).

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Figure 1 : Les différents lipides constituants des membranes cellulaires.

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1.1.5. Géométrie des lipides

L’encombrement stérique des phospholipides membranaires permet de déterminer une géométrie globale selon la taille respective des parties hydrophiles et hydrophobes. Les principaux phospholipides comme la PC et le PG ont une forme cylindrique. Il en est de même pour le DGDG, la PS et le PI. D’autres lipides ont une forme plutôt conique. Il s’agit de la PE, du PA et du MGDG. Ceci s’explique par l’encombrement stérique de leur groupement polaire qui est moins important que la PC dans le cas du PE et du MGDG ou absent dans le cas du PA.

La SM a elle aussi une forme conique mais en cône inversé (comme la lyso-PC en Figure 2) (Peetla et al., 2013).

Figure 2 : Différentes géométries des lipides.

La géométrie des lipides (Figure 2) et des lipides modifiés est d’autant plus importante lorsqu’elle bouleverse la structure membranaire. Ainsi, le PA, conique comme le cholestérol et les lysophospholipides en cône inversé, sont des lipides affectant la structure globale de la membrane. De fait, la courbure dans la membrane a tendance à faciliter le bourgeonnement de celle-ci à des fins d’exo- ou d’endocytose (Peetla et al., 2013).

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1.1.6. La compartimentation du vivant

L’abiogenèse est la science qui étudie l’apparition de la vie et les débuts de sa formation. Elle pose la question : comment, dans l’environnement prébiotique, est apparu le vivant. Ou comment sont apparus, à partir de molécules simples, des molécules complexes susceptibles de se multiplier de croître et de se diviser. Par constatation de l’état actuel du vivant, l’abiogenèse stipule que la toute première étape a été la compartimentation. Le vivant est compartimenté afin de rapprocher et contenir entre elles les molécules de base nécessaires à la vie et à son développement.

L’environnement prébiotique est composé de molécules simples amphiphiles parmi lesquelles des hydrocarbures et des acides gras. Sous certaines conditions de pH, les acides gras forment spontanément des micelles qui sont des structures lipidiques sphériques formant une monocouche simple où les têtes hydrophiles sont dirigées vers l’extérieur de la sphère et où les chaines acyles hydrophobes pointent vers l’intérieur séparant ainsi un milieu aqueux d’un milieu hydrophobe (Figure 3). L’oléate en particulier a la faculté de former des vésicules spontanément à un pH élevé. Cette structure est probablement stabilisée par des liaisons hydrogènes entre les carboxylates ionisés des acides gras (Blöchliger et al., 1998).

Les vésicules sont des structures formées d’une bicouche lipidique qui sépare trois compartiments :

- un compartiment hydrophile à l’extérieur de la structure ; - un compartiment hydrophobe au sein de la bicouche lipidique ; - un compartiment hydrophile à l’intérieur de la vésicule.

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Figure 3 : Formation de structures lipidiques spontanées séparant une phase hydrophobe d’une phase hydrophile.

Ce type de structure assimilable à une proto-cellule (Figure 3) est probablement à l’origine de la compartimentation de la vie qui permit de rapprocher les molécules prébiotiques solubles dans l’eau et susceptibles d’interagir ensemble pour fabriquer, répliquer et multiplier les composants primitifs de la vie. Un tel compartiment fermé permet d’augmenter l’efficacité des réactions biochimiques et de restreindre la dissémination des produits de réaction (Szostak et al., 2001).

1.1.7. La membrane cellulaire, une mosaïque fluide ?

La membrane cellulaire est une bicouche lipidique formée de deux feuillets qui séparent une phase aqueuse externe d’une phase aqueuse interne.

L’effet de la compartimentation du vivant induit une limitation des échanges même si l’aspect perméable de la membrane demeure pour certaines molécules de faible taille. La barrière lipidique primitive doit donc être modifiée par des macromolécules et intégrer des partenaires permettant l’échange de nutriments, le rejet ou la sécrétion d’autres molécules.

Ainsi, les membranes sont composées d’une grande diversité de lipides mais aussi de protéines membranaires qui sont :

- ancrées sur une face de la membrane ; - transmembranaires ;

- en association transitoire avec les lipides.

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Le modèle de la mosaïque fluide développé par Singer et Nicolson (Singer and Nicolson, 1972) propose que les protéines associées à la membrane soient dispersées, à faible concentration et adaptent leur surface hydrophobe aux caractéristiques figées de la bicouche lipidique. Les lipides forment une « mer » dans laquelle les protéines principalement monomériques flottent sans encombrement et la surface membranaire est directement exposée à l’environnement aqueux (Engelman, 2005).

Cependant, on sait aujourd’hui que l’aspect généraliste du modèle de Singer et Nicolson n’est pas applicable à tout le vivant. En effet, les membranes sont composées de zones particulières où se concentrent certains types de lipides, les radeaux lipidiques, de même que certaines zones riches en protéines. C’est ce que défendaient Singer et Nicholson, en postulant que ces radeaux ou « rafts » ont une mobilité importante dans les membranes. Cette mobilité est néanmoins relative dans certains types membranaires contenant beaucoup de protéines de grande taille comme la membrane interne des mitochondries avec l’ATP synthase dont l’ectodomaine est quatre fois plus important en surface que la portion transmembranaire.

L’épaisseur de la membrane varie donc selon la composition lipidique et elle dépend des protéines qu’elle intègre. Or, le modèle de base propose une forme assez figée de la membrane dans son épaisseur, ce qui indique deux possibilités :

- ou bien les protéines adaptent leur surface hydrophobe et se tordent pour s’intégrer au mieux dans la bicouche ;

- ou bien la bicouche s’adapte aux protéines qu’elle intègre.

Or, il apparaîtrait aujourd’hui que la fluidité des lipides permette à ceux-ci d’adapter la protéine transmembranaire en son sein. Ainsi plus la quantité de protéine est important plus les dimensions de la bicouche vont varier.

Enfin, la surface de la membrane accessible à la phase aqueuse peut être très différente d’une membrane à l’autre, considérant le nombre de protéines et leur taille. Encore une fois l’exemple de l’ATP synthase est flagrant pour démontrer l’espace occupé sur la surface membranaire.

Ces constatations amènent donc certains auteurs à repenser le modèle de la mosaïque fluide, considérant que selon les cas la membrane cellulaire est quelque fois plus mosaïque que fluide (Engelman, 2005).

Les membranes cellulaires sont donc des interfaces complexes. Elles intègrent des lipides aux propriétés, charges et encombrements variés mais aussi des protéines de toute taille. C’est un

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espace dynamique qui cloisonne les réactions biochimiques tout en admettant une certaine perméabilité. C’est aussi un espace d’échange entre le milieu extracellulaire et intracellulaire.

En effet, des protéines permettent de faire passer des grosses molécules au sein de la membrane en formant des pores et certaines vont servir à transduire la signalisation extérieure vers l’intérieur de la cellule. La membrane est la première frontière dressée face à l’environnement extérieurs, c’est donc à travers elle que doivent passer les informations de modification de l’environnement. Ajoutons à cela que la division des organismes vivants passe par la division des membranes et donc leur réorganisation constante.

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