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Expression des protéines mutées

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3. Résultats & discussion

3.1. Chapitre 1 : Analyse théorique et expérimentale de la relation structure-fonction des

3.1.1. Mutagenèse dirigée de la PLD d’Arabidopsis thaliana

3.1.1.4. Expression des protéines mutées

Nous avons mesuré l’activité catalytique de chaque mutant et pour la majorité d’entre eux la mutation est fatale à l’activité enzymatique. Nous nous devons alors de vérifier si l’absence d’activité est due à une protéine non fonctionnelle mais structurellement stable et présente in vivo, ou à l’absence de protéine recombinante car celle-ci serait non exprimée ou dégradée. En effet, il est possible que la mutation que nous avons effectuée perturbe la structure de l’enzyme qui serait ainsi dégradée à la suite de sa synthèse. Il est aussi possible que la recombinaison du plasmide n’ait pas lieu au niveau du promoteur pGAP mais de façon accidentelle ailleurs au sein du génome, un phénomène commun chez P. pastoris. Auquel cas il est possible que cela limite la synthèse d’ARNm si la zone du génome est peu exprimée (Schwarzhans et al., 2016).

Nous testons donc par immunoempreinte la présence ou l’absence de la protéine mutée dans un

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extrait cellulaire brut. Nous testerons ensuite la présence de l’ARNm dans les cellules pour les mutants dont la protéine est absente, afin de vérifier nos hypothèses exposées ci-dessus.

Dans chaque triplicat, un seul extrait brut de protéine soluble est testé par immunoempreinte avec un anticorps dirigé contre le domaine C2 de l’AtPLDα (cf. 2.2.6. Transfert des protéines sur membrane et révélation par immunoempreinte). Sur la Figure 26B on observe que la protéine sauvage est détectée autour de 90 kDa alors qu’avec les cellules contenant le plasmide vide on ne détecte aucune bande protéique de cette taille. Ainsi, qualitativement 88 % (36/41) des mutants testés sont exprimés.

Il existe cinq mutants (12 %) dont on ne détecte pas d’expression : D669A, D689A, P771A, G778A et G798A (Figure 26B). Le mutant D669A correspond au doublet d’aspartyl dans le motif HKD C-terminal dont le premier (D668) est décrit comme essentiel pour la catalyse. Le mutant D689A est un aspartyl dont on suppose qu’il interagit potentiellement pour stabiliser l’histidyl catalytique du motif HKD C-terminal (voir précédemment en 1.1.2).

Enfin, les trois derniers mutants sont localisés en fin de séquence P771A, G778A et G798A.

Ces mutants sont parfaitement conservés chez les PLD végétales aussi bien que dans les PLD 1 et 2 humaines. Dans notre cas, on ne détecte pas d’activité PLD chez ces mutants (Figure 26B) et on ne détecte pas d’expression, bien que le transgène soit présent dans le génome. Deux hypothèses existent alors :

- La recombinaison ne s’est pas effectuée au bon endroit dans le génome ce qui modifie le niveau d’expression de l’ARNm et altère donc la synthèse de la protéine.

- La mutation altère la structure 3D de la protéine qui est dégradée et ainsi non détectable par immunoempreinte. Dans ce second cas l’ARNm devrait être détectable.

Avant de tester la présence de l’ARNm correspondant à la transcription du transgène, nous avons testé l’expression dans les deux autres clones du triplicat pour s’assurer que nous ne subissions pas l’influence du niveau d’expression variable entre les clones (Figure 27).

Figure 27 : Révelation par immunoempreinte après SDS-PAGE (10 %) des mutants de PLD des clones n°2 et 3 exprimés dans dans P. pastoris.

wt : extrait brut soluble de P. pastoris exprimant l’AtPLD de type sauvage. pGAP : extrait brut soluble de P. pastoris transformé par le vecteur vide. MM : marqueur de masse moléculaire.

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Dans le cas des mutants D669A et P771A, on observe des bandes protéiques au niveau de la taille attendue (90 kDa) avec un très faible niveau d’expression comparé au type sauvage (Figure 27).

Pour tester la présence ou non de l’ARNm codant ces protéines, nous avons extrait les ARNm totaux des trois membres de chaque triplicat et amplifié par PCR quantitative (qPCR) un gène témoin ARG4 et une portion du gène codant la PLD (cf. 1.3.6.3 2.1.3.6.3. qPCR).

Figure 28 : Expression relative des ARNm codant la PLD dans les constructions où la protéine n’est pas détectée par immunoempreinte.

A) La quantité relative d’ARNm de trois clones indépendants exprimant la PLD sauvage (wt), le vecteur vide comme contrôle (Ct) et les mutants de la PLD est déterminée par RT-qPCR et calculé avec la méthode de quantification 2-∆∆Ct. L’ARNm du gène ARG4 est utilisé comme référence interne. Chaque mesure est réalisée deux fois. B) Vérification que le transgène est bien inséré dans le génome des clones recombinants. Après extraction de l’ADN, une PCR est effectuée avec l’amorce sens 29 située sur le promoteur pGAP et l’amorce antisens 102 située 300 pb en aval du promoteur. C) Révélation par immunoempreinte avec un anticorps anti domaine C2 après migration par SDS-PAGE (10 %) des extraits bruts des mêmes clones.

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Tout d’abord, nous confirmons que le gène est présent au sein du génome par PCR avec des amorces situées sur le promoteur pGAP et une amorce interne située à 617 pb du codon start.

À l’inverse, il n’y a aucune amplification par PCR sur le génome quand les cellules sont transformées par le vecteur vide pGAPZB (Ct) (Figure 28B). De même, nous détectons la présence des ARNm uniquement dans les cellules transformées par un vecteur contenant le gène AtPLD indiquant ici que l’insertion du transgène dans le génome ne nuit pas à la production de l’ARNm. Il semble donc que la protéine mutée produite soit mal repliée et donc dégradée (Figure 28A).

Les données de révélation par immunoempreinte sont plus difficiles à analyser puisque dans certains cas on observe bel et bien l’expression de la PLD mutée. Ce que l’on n’observait pas précédemment. Pour le mutant D669A l’expression protéique est de fait plus faible que le type sauvage (Figure 28C) pour des niveaux d’expression d’ARNm du même ordre de grandeur pour les clones 1 et 3 (Figure 28A). Pour le D689A le niveau d’expression protéique est encore plus faible et se trouve être du niveau du témoin négatif (cellules transformées par le vecteur vide) (Figure 28C). Dans ce cas-ci, seul le clone 2 possède un niveau de transcription du même ordre que le type sauvage (Figure 28A).

La protéine mutée P771A est clairement exprimée (Figure 28C) et on observe des niveaux d’expression d’ARNm de l’ordre du type sauvage pour les trois clones (Figure 28A).

La protéine mutée G778A a trois niveaux d’expression différents (Figure 28C) avec des niveaux d’ARNm de l’ordre du type sauvage (Figure 28A). Enfin la protéine mutée G798A n’est clairement pas exprimée (Figure 28C). Le clone 1 présente une expression très faible d’ARNm mais les clones 2 et 3 présentent un niveau comparable à celui du type sauvage (Figure 28A).

Ces résultats indiquent que :

- Les mutants sont correctement transformés dans la levure P. pastoris (Figure 28C) ; - Les ARNm sont exprimés (Figure 28A) ;

- Cependant, on note un problème au niveau de l’accumulation de la protéine mutée recombinante (Figure 28B).

La première conclusion de ces résultats est que l’on ne peut pas corréler le niveau d’expression des ARNm avec la présence ou non de la protéine dans l’extrait brut soluble des cellules de P.

pastoris. Ensuite, nous avons des niveaux d’expression et de transcription différents, mais des conclusions enzymatiques similaires puisqu’aucune activité PLD n’est détectée (Figure 26). On

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est donc ici en présence de protéines mutées dont la mutation affecterait la stabilité, ce qui expliquerait notre difficulté à prouver leur présence par révélation par immunoempreinte.

3.1.1.5. Discussion

Le premier biais de cette expérience est le criblage effectué. En effet, nous avons ciblé des résidus parfaitement conservés au cours de l’évolution et certains sont conservés dans les PLD de mammifères, de végétaux et de bactérie comme le motif catalytique HKD. Il n’est donc pas étonnant de trouver beaucoup de résidus indispensables à l’activité. Nous sommes ici en présence d’une protéine remarquablement conservée au cours de l’évolution. Enfin, notons que la mutation de certains résidus modifie l’activité partiellement comme A289V unique aux PLD végétales. Dans ce cas-ci, la mutation augmente l’environnement hydrophobe sans pour autant porter atteinte drastiquement à l’activité catalytique. De même le Q522A dans lequel on ne retrouve pas l’activité au niveau du type sauvage est une modification à la fois de la charge et de l’encombrement stérique. Nos résultats montrent que, malgré sa remarquable conservation dans tout le vivant au sein de ce motif typique des PLD (Figure 9), sa mutation n’affecte pas l’activité catalytique de façon aussi importante que d’autres mutations. Ceci suggère que ce résidu possède un autre rôle comme l’intéraction avec un partenaire ou avec le substrat. La mutation S348A, qui est dans une insertion présente uniquement chez les PLD végétales (Figure 24B), ne modifie quant à elle en rien la capacité catalytique de l’enzyme.

Les motifs catalytiques sont décrits et nommés tels que "HXKX4D" depuis 1995 avec le clonage de la PLD humaine (Hammond et al., 1995). Compte tenu de nos résultats qui ciblent les résidus catalytiques et les résidus autour de ces motifs tout aussi bien conservés, nous choisissons de discuter l’étendue de ces motifs chez les végétaux. En effet pour le motif HKD N-terminal, nous montrons que la mutation H331A abolit l’activité, comme H332A qui correspond au H catalytique du motif HKD. Ainsi ce motif HXKX4D peut se décrire désormais HHXKX4D. Et ce d’autant plus que cette dyade de H existe chez les mammifères et les levures. Chez les bactéries cette dyade existe dans le motifs C-terminal sous la forme HHKX4D.

Pour le motif HKD C-terminal, le criblage réalisé dans ce travail est plus étendu et la version que nous proposons du motif catalytique des PLD végétales est plus complet : le motif

"HXKX4DX6GS/G" peut être reformulé comme "YXHXKX2IXDDX5GSANXNX2RSM".

Cette version est valable aussi pour les PLD humaines, à l’exception du résidu M terminal qui est un résidu L dans la PLD2 (YXHXKX2IXDDX5GSANXNX2RSM/L). Dans ce motif il est

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intéressant de noter la dyade de D dont le premier D est décrit comme catalytique. Leur mutation respective D668A et D669A ne produit pas le même effet. De fait, le D668A est inactif mais la protéine est facilement détectable par immunoempreinte alors que le D669A, tout aussi inactif, semble produire une protéine instable difficilement détectable. Notons que dans la littérature, une étude mute les deux aspartyls catalytiques D340E et D670E, les remplaçants par des résidus aux propriétés biochimiques proches (Lerchner et al., 2006). Cependant, si les auteurs montrent l’expression du D340E, ils ne montrent pas l’expression du D670E par immunoempreinte. Sung et al. (Sung, 1997), dans leur étude de mutagenèse dirigée sur la PLD humaine, ne montrent pas l’expression des mutants. Enfin, dans l’étude par mutagenèse dirigée de la PLD de Yersinia pestis par Rudolph et al. en 1999 (Rudolph et al., 1999), les auteurs indiquent que la mutation des D catalytiques des deux motifs HKD produit des protéine insolubles. La PLD de Y. pestis contient en effet deux fois le second motif "HXKX4DX6GS/G".

Il y a donc, compte tenu de nos résultats et des données de la littérature, un vrai point d’interrogation sur cette dyade d’aspartyl dont, rappelons-le, le rôle exact dans le mécanisme catalytique des PLD reste à déterminer. Ainsi, le fait d’étendre ces motifs ne justifie pas que tous ces résidus soient impliqués strictement dans la catalyse ; de fait dans le motif "HXKX4D", l’aspartyl n’est clairement pas impliqué dans la poche catalytique de l’enzyme comme le montrent toutes les structures et tous les modèles que nous possédons. Ces motifs étendus indiquent l’importance de l’environnement des résidus catalytiques. On sait que les deux motifs HKD forment une seule et unique poche catalytique et on possède des hypothèses quant à la position des résidus environnants. Cependant, l’absence de structure 3D rend plus complexe encore la compréhension du motif catalytique des PLD chez les organismes eucaryotes.

Dans cette étude, nous avons caractérisé un nouveau motif jamais décrit chez les PLD. Le motif

"PREPWHDIH" extensivement muté dans nos travaux semble essentiel dans son intégralité.

De même, comme décrit dans la littérature, le peptide C-terminal "PPILTT" spécifique de l’isoforme α des PLD végétales est essentiel dans son intégralité. Ceci renforce l’hypothèse dominante de sa position enfouie au sein de la structure 3D de la protéine (Lerchner et al., 2006). Enfin, nombre de résidus dont les mutants sont apparus de façon aléatoire au cours de nos PCR de mutagenèses dirigées affectent l’activité catalytique de l’enzyme. Ici encore, en l’absence de structure 3D, cette étude complexifie le mécanisme catalytique des PLD.

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3.1.1.6. Conclusions & perspectives

La mutagenèse dirigée est une méthode qui nous permet de muter de façon ponctuelle des résidus en les remplaçant par un résidu de notre choix. C’est ainsi, une façon de déterminer le rôle de ce résidu selon son importance dans la fonction catalytique ou la structure de l’enzyme.

Ici, nous proposons un criblage à l’alanine qui nous permet de tester l’importance des chaînes latérales, l’effet de perte de charge et de modification de l’encombrement stérique car l’alanyl est un résidu neutre non encombrant qui n’introduit pas de flexibilité dans la chaîne de carbone α.

Nous ciblons les résidus les plus conservés chez les PLD végétales déterminés grâce à l’alignement de 209 séquences de PLD végétales représentatives de la majeure partie des familles de ce règne. Nous portons une attention particulière pour ceux qui existent aussi dans la PLD humaine. Pour rappel, la PLD humaine est une véritable cible thérapeutique et la caractérisation des zones importantes pour la catalyse et la structure de cette enzyme va aider à la compréhension de son mécanisme d’action ainsi que la régulation de son activité catalytique, notamment par des inhibiteurs spécifiques. Un axe de recherche que nous explorerons au cours du chapitre 2 de ces résultats.

La très grande majorité des mutations que nous avons créées (93 %, 38/41) abolissent l’activité catalytique sans pour autant affecter la stabilité de l’enzyme. De ces mutants on peut donc conclure que le résidu ciblé participe ou bien à la catalyse ou bien à l’interaction avec le substrat ou bien encore à l’interaction avec le cofacteur, ici les ions Ca2+. Parmi ceux-ci, 80 % existent aussi dans la PLD humaine et 5 mutants (12 %, 5/41) sont inactifs et semblent avoir des difficultés à accumuler une protéine stable, ce qui pourrait signifier qu’ils altèrent d’une façon ou d’une autre la structure 3D de la protéine, entraînant de ce fait sa dégradation.

Notre système d’expression ne nous permet pas d’exprimer la protéine recombinante en quantité suffisante pour pouvoir purifier les mutants. Par ailleurs, la méthode de purification des PLD végétales possède un rendement trop faible pour envisager, dans notre étude, la purification de tous les mutants de la banque. Le développement de nouvelles méthodes spécifiques de purification des mutants par chromatographie d’immunoaffinité par exemple serait nécessaire, ce qui nous permettrait d’envisager de futures expériences quant à l’interaction de l’enzyme avec son substrat (technique des films monomoléculaires par exemple) selon les mutations effectuées. Nous pourrions aussi observer l’état du repliement des

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protéines mutées par dichroïsme circulaire et ainsi déterminer les mutations qui déstabilisent la structure.

La collection de mutants créée aux cours de ces travaux est transposable à d’autres PLD végétales. De fait, la remarquable conservation de séquence entre toutes les PLD végétales permet de transposer nos résultats à l’ensemble de ces enzymes chez les bactéries comme chez les mammifères.

3.1.2. Analyse structurale de la PLD de Vigna unguiculata

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