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Les jeux sportifs dans le patrimoine public

SPORTIVES YEMENITES

1. Les jeux sportifs dans le patrimoine public

Malgré les déclarations politiques et les textes législatifs en prévoyant le développement du sport pour tous, du sport de masse, les responsables n’ont pas perçu, à l’heure actuelle, que le sport de performance, né en Occident, contribuait à la disparition progressive d’une grande partie des jeux traditionnels. Les activités physiques traditionnelles n’ont jamais fait l’objet d’une priorité évidente. Cependant la création d’un festival a permis la sauvegarde de certains jeux traditionnels.

Les sports traditionnels contribuent à maintenir l’identité de la nation et à renforcer les valeurs culturelles. Ces jeux anciens sont considérés comme le symbole individuel et le symbole de la société.

Le jeu peut-être considéré comme une forme ancestrale du sport. Le jeu est l’une des formes les plus anciennes de l’activité humaine. Certains auteurs comme Roger Caillois1 refuse l’idée d’une rupture historique entre le jeu et le sport, il n’y aurait eu, en réalité, qu’une codification des rituels : rationalisation des règles et quantification par la recherche de records (avec la découverte du chronomètre en 1845).

M. Weber2, J-M. Bröhm3, défendant l’idée d’une rupture, indiquent que le sport ne

s’inscrit pas dans la continuité du jeu, car il résulte d’une logique de compétition initiée par le système capitaliste.

En 2006, selon l’ancien Ministre de la Jeunesse et des Sports4 AbdulRahman

Al-Akwaa (de 2001 à 2007), les principaux points de la culture sportive du patrimoine yéménite sont issus du livre Réalisations et chiffres de huit années de 1996 à 2004, du M.J.S.5 :

Au sein de la société primaire, l’objectif de « l’éducation sportive » était le

développement des capacités et aptitudes du corps ;

1 R. CAILLOIS, (1958). Les jeux et les hommes : le masque et le vertige. Paris, Gallimard, 306 p.

2

M. WEBER, (1981). L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme 1 : suivi d’un autre essai. Paris, Plon, Collection Recherches en Sciences Humaines, 340 p.

3 J-M. BROHM, (1976). Sociologie politique du sport. Paris, Delarge, 357 p.

4 Entretien avec Monsieur AbdelRahman Al-Akwaa, Ministre de la Jeunesse et des Sports (bureau du Ministre au M.J.S., Sana’a, janvier 2006).

5

Al-Jumouriah Al-Yemenia, Wazara Al-Shebab wa Riyada, (2005). Rakaek wa Argam fi tamania ayam

1996 ila 2004, [Traduction : République du Yémen, Ministère de la Jeunesse et des Sports, Réalisations et chiffres de huit années de 1996 à 2004], 408p., p. 15.

Livre édité sous la responsabilité du Ministre de la Jeunesse et des Sports Monsieur AbdelRahman Al-Akwaa.

Le renforcement de l’âme de l’individu et sa participation au sein de la tribu ;

L’existence d’activités pour le temps libre.

La présentation du Ministre de la Jeunesse et des Sports de 2001 à 2007, AbdelRahman Al-Akwaa est nécessaire, car sous sa direction, plusieurs avancées dans le domaine sportif se sont établies (souhait d’une transparence à travers l’édition de plusieurs livres relatifs au domaine sportif - ancien Ministre de la Communication et des Médias, instauration officielle du sport féminin…) :

AbdelRahman Al-Akwaa (Ministre de la Jeunesse et des Sports de 2001 à 2007) est né en 1954 à Al-Sawda et est titulaire d’une Licence de commerce (Faculté de commerce, Université de Sana’a).

Secrétaire spécial du Président de la République Saleh ;

Vice-Ministre des Médias et de la Culture en 1978 ;

Vice-Ministre de la Jeunesse et des Sports en 1988 (Yémen du Nord) ;

Ministre adjoint du Ministre des médias en 1990 ;

Membre de l’Assemblée yéménite en avril 1993 ;

Ministre de la Communication et des Médias le 13 juin 1995 ;

Membre élu pour le comité général du Congrès Populaire Général en 1995 ;

Vice-Président du Comité National Olympique (pas de date) ;

Vice-Président pour l’organisation des scouts femmes et hommes (pas de date) ;

Membre du comité présidentiel de l’Assemblée de la paix et de la solidarité (pas

de date) ;

Membre élu pour la deuxième fois à l’Assemblée yéménite en 1997 ;

Ministre de la Communication et des Médias pour la deuxième fois en mai

1997 ;

Renommé Ministre de la Communication et des Médias pour la troisième fois

en juin 1998 ;

Elu Président de la branche du Congrès Populaire Général de la municipalité de

Sana’a en 1994 ;

Président du comité de la protection des consommateurs en 1997 ;

Ministre de la jeunesse et des sports le 5 avril 2001 ;

Membre élu à l’Assemblée yéménite le 27 avril 2003 ;

Renommé Président pour l’organisation des scouts femmes et hommes (pas de

date) ;

Elu Président du Comité National Olympique du Yémen le 12 avril 2006 ;

Nommé gouverneur de la municipalité de Sana’a le 5 avril 2007.

Plusieurs éléments de son parcours font de lui une personne importante dans le domaine de la jeunesse et des sports :

Une implication près proche avec le Président de la République Saleh depuis les

années 1970 ;

Implication dans le Ministère de la Jeunesse et des Sports (Vice-Ministre en 1988 au Yémen du Nord, avant la réunification, et Ministre de 2001 à 2007), après une instauration progressive du M.J.S. en 1990, période où le Ministère semble le plus actif ;

Implication dans le mouvement olympique (dans les années 1990

Vice-président du C.N.O.Y. et depuis 2006 Président du C.NO.Y.) ;

Implication dans le mouvement scout (hommes et femmes) depuis les années

1990 (Vice-Président et Président dans les années 2000).

Le mouvement sportif, olympique et scout permet le contrôle de la jeunesse. Fort du soutien présidentiel, et du cumul de responsabilités assure à ce personnage central du sport au Yémen, le pouvoir de conduire la politique de la jeunesse et des sports. Ainsi, les orientations du pays et du Gouvernement se trouvent directement impliqués au niveau de la jeunesse, dont cette personne clé peut mettre en œuvre les actions nécessaires à la réunification, aux changements de « mentalités » vis-à-vis du domaine sportif, l’instauration du sport féminin dans les années 2000…

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Retour aux jeux sportifs dans le patrimoine public.

Les capacités du corps de l’homme étaient constamment évaluées, toujours en quête de découverte des capacités limites du corps. Le corps était également le moyen d’affronter les difficultés de l’existence. L’homme actuel ne compte pas sur son corps, mais sur les machines. L’homme devait marcher, courir, sauter, escalader, chasser… Ainsi, toutes ces activités renforçaient de façon naturelle le corps de l’Homme.

Selon plusieurs dirigeants du M.J.S.1, la philosophie du sport yéménite s’axe

autour des points suivants :

Donner la force avec le mouvement du corps saint ;

Etablir la différence entre les personnes ;

Accepter la victoire comme la défaite ;

Pouvoir se contrôler soi-même ;

Diffuser les notions d’amour et de paix ;

Construire la jeunesse et apprendre à travailler en groupe.

1 Entretien avec Monsieur AbdelRahman Al-Akwaa, Ministre de la Jeunesse et des Sports, Monsieur Abdu Al-Saedi, Vice-Ministre chargé des Sports, Monsieur Khaled Salah, Directeur des activités sportives (M.J.S., Sana’a, janvier 2006).

L’équitation, la chasse, la natation, le tir, les courses (la course « lente » s’appelant « Al- Arazfat », la course rapide s’appelant « Al-Hadouah », la course de dromadaires s’appelant « Al-Hagen », les courses de haies ou d’obstacles, avec les dromadaires), le handball (une sorte de variante de handball, connu sous le nom d’« Al-Zaka »), le « hockey » (connu sous le nom « Al-Kahach » ; le ballon se compose de tissu, de tabac et d’épis de blé, le tout recouvert de cuir) représentent l’héritage sportif

du Yémen et les facettes de la société yéménite. La participation aux pratiques

corporelles traditionnelles est facile, son coût est abordable, sa signification sociale est liée à l’origine culturelle. Elles portent la marque de la culture locale, constituée d’un style de vie, du cadre social, des croyances, des habitudes. L’un des plus anciens festivals, encore célébré, est le festival de Husseiniah (situé dans la Tihama).

Les yéménites ont toujours eut une pratique sportive, car souvent les tribus étaient en guerre. Le Yéménite devait être fort, afin qu’il puisse combattre. Les activités physiques dites militaires de préparation à la guerre n’étaient pas considérées comme un divertissement ou un loisir mais une obligation dans le sens ou un bon musulman devait être un bon guerrier. Certaines pratiques ont connus un développement au sein de la population arabo-musulmane, comme les courses de chevaux, le tir à l’arc, la natation, la lutte, l’escrime… Le sport en tant que jeu, loisir ou spectacle n’avait pas ou très peu d’importance, mais le sport en tant que devoir, utile à la préparation aux combats et à la guerre devient une obligation et retient l’attention de tout musulman. Il savait courir, tirer, chasser… Cette pratique sportive s’inscrit dans les

habitudes et traditions yéménites, et voici deux exemples1 :

1). Lors d’un mariage, le futur époux et sa tribu devait aller chercher sa future épouse. La famille de la future épouse mettait à l’épreuve le futur époux, notamment par les épreuves de tir. S’il réussissait, il gagnait la confiance de ses pairs et confirmait qu’il pouvait protéger sa tribu et sa future épouse.

2). Il s’agit de la pérennisation du festival traditionnel de Husseiniah, regroupant plusieurs disciplines sportives (comme la course, le saut, le tir…) et disciplines culturelles (comme la poésie, la danse, le chant…).

1 Entretien avec Monsieur Nabil Al-Hubaishi, Directeur de la Maison des Jeunes de Hodeidah (Maison des Jeunes, Hodeidah, mars 2006).

1.1. Présentation des pratiques traditionnelles : le festival de Husseiniah

Les jeux sportifs dans l’héritage folklorique sont un aspect important de l’histoire de la nation, que les générations sont fières. Ces jeux anciens sont considérés comme le symbole individuel et le symbole de la société. Ils sont conservés à travers les âges. Au Yémen, les courses de chevaux et de chameaux, la chasse, la course et le tir représentent les facettes de la société yéménite. Le plus ancien festival qui célèbre

ces jeux est le festival de Husseiniah1. En 1984, le Gouverneur de Hodeidah, le Cheikh

AbdulRahman Ali Othman visita le village d’Al-Husseiniah2. Il fut accueilli par la tribu

Al-Zaraniq3 considérée comme une tribu guerrière. La population locale présenta leurs

activités traditionnelles. Le Cheikh décida qu’un festival serait l’événement annuel montrant aux yéménites les talents de cette population locale à travers les pratiques sportives traditionnelles. L’objectif de ce festival est de conserver en mémoire ces sports traditionnels : course de dromadaires et/ou de chevaux (courte ou longue distance), saut au-dessus d’une rangée de dromadaires.

Lors d’une visite au festival d’Al-Husseiniah4, un des membres de cette tribu

évoque les caractéristiques des membres de sa tribu : « Ils possèdent une morphologie petite et svelte, des capacités de déplacements rapides. Ils chassent régulièrement, cours auprès des gazelles, ils peuvent courir quatre heures sans s’arrêter. Ils sont habitués à la soif. Le remède utilisé contre la soif : ils mettent un caillou sous la langue afin de l’oublier ».

1.2. La course de dromadaires

Pour les Arabes, le dromadaire est un symbole de force, il traverse tous les difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans le désert. Le dromadaire peut traverser de grandes distances à travers du désert. Pour les bédouins, c’est un moyen de transport. La course d’Al-Hagen (« Al-Hagen » signifie les dromadaires) est une course historique, une longue tradition des pays de la péninsule arabique, et notamment au

1 Situé près du village de Bait Al-Faqih, le village se situe dans la Tihama (région côtière la mer Rouge, près de la ville de Hodeidah (ou encore le festival d’Al-Tuhaite situé près du village de Zabid).

2 Z. AL-ALAYA’A, (2008). “The Al-Husseiniah festival: sporting tradition, Al-Zaraneeq style”, Yemen

Observer, 5th April, Issue 28, Vol. XI, p. 10.

3 Cette tribu est connue au sein de l’histoire yéménite. Elle se révolta contre l’imam Yahya dans les années 1950. La tribu ne possède pas d’armes, elle se défend avec ses propres moyens.

4 Visite de la ville d’Hodeidah lors d’une mission durant la période du festival d’Al-Husseiniah : discussions avec les membres de la tribu d’Al-Zaraniq (mars 2006).

Yémen1. Cette pratique s’effectue principalement en bordure de côtes et au sein de la partie désertique du Yémen.

La course de dromadaires est une discipline très populaire dans les pays du Golfe. Une chaîne télévisée, « Dubaï Racing Channel », est totalement dédiée aux courses de dromadaires en direct.

1.3. Le saut de dromadaires

Ce sport du saut de dromadaires2 est unique et est issu de la tradition de la tribu

Al-Zaraniq3. Certains énoncent que ce sport traditionnel est pratiqué par les ancêtres

depuis 2 000 ans.

« Jumping over seven camels is not an easy task » dit Bhaydar Qubaisi4, un

entraîneur et champion de sauts de dromadaires. Les compétitions s’organisent ainsi

pour les jeunes : compétition de saut sur 3 dromadaires. Le premier a le droit de continuer en alignant un dromadaire supplémentaire, soit 4. La compétition alignera 6 dromadaires. Il faut noter qu’un dromadaire a pour taille : 2,20 mètres de hauteur et leur selle de 50 à 70 centimètres. Sept dromadaires représentent une haie de 6,20 mètres. L’athlète possède une course caractéristique : il accélère sa course cinq mètres avant l’obstacle. Il possède quasiment la même technique que le saut en longueur.

« To train a person and prepare him to jump over camels, he has to take in the unique dances of Al-Zaraniq tribe, like the alhoto dance, where dancers continuously kick their legs up over their heads for almost an hour » énonce Bhaydar Qubaisi. Il existe également la danse « talla » qui consiste à sauter verticalement, le plus haut possible5.

1 Annexe 12 : “A race meeting at Aden”. The Graphic an illustrated weekly newspaper, Saturday, 19th June, 1880, Issue 551, Vol. XXL, p.483.

2 Annexe 13 : Photo d’un saut de dromadaires. (Source : Photo issue de la première page de la revue mensuelle Yemen Today, June 2008, Isuue 10, Vol. II), p.484.

3 Z. AL-ALAYA’A, (2008). “The Al-Husseiniah festival: sporting tradition, Al-Zaraneeq style”, Yemen

Observer, 5th April, Issue 28,Vol. XI, p. 10.

4 M. AL-KIBSI, (2008). “Leaping into legend”, Yemen Today, June 2008. Issue 10. pp.36-41.

5

1.4. Les chevaux arabes

Les chevaux yéménites ont été honoré lors d’une première exposition (peinture,

photo, sculpture, démonstration) réalisée au Yémen, à Sana’a1. L’originalité des

chevaux arabes est le symbole d’identité arabe. Cette exposition a pour but de protéger l’héritage.

La responsable de l’exposition énonce « malheureusement, les gens au Yémen ne réalisent pas l’importance de cette exposition, les chevaux sont importants car sont le principal symbole de notre identité arabe et yéménite ». « Le Yémen est un ancien pays aux grandes civilisations. Le titre de Cheikh est très ancien au Yémen, avant même l’émergence des pays du Golfe. Les femmes dans le passé étaient reine, « leaders », avaient une position meilleure que celle d’aujourd’hui », énonce le coordinateur de l’exposition et responsable de la presse. « Il faut rappeler que le premier cheval a été offert à Salomon par la Reine de Saba, Bilqis ». « L’origine du cheval c’est le Yémen, et particulièrement le gouvernorat d’Al-Jawf, le cheval au sein des déserts, au sein des tribus et des bédouins ». « Le manque de connaissances fait oublier que le cheval provient du Yémen, les pays du Golfe prennent soin de l’image du cheval au sein de leur pays ».

Le Gouvernement accorde une importance au développement des jeux traditionnels (en particulier les courses de chevaux et de dromadaires, les sauts de dromadaires). Ces disciplines avaient continué à être pratiquées durant la période coloniale ou sous le règne de l’imamat. Et à aucun moment les britanniques n’avait cherché à les faires disparaître. Au Yémen, l’importance accordée aux sports traditionnels tenait essentiellement aux cheikhs, au Gouvernement. Il s’agit de rassembler les Yéménites autour d’un passe commun, et donner, à la nation, des fondements historiques et culturels. Le Ministre de la Jeunesse et des Sports estimait que « les pratiques sportives traditionnelles, […] peuvent intégrer les différents aspects du développement et devenir un instrument d’accompagnement des changements sociaux2 ».

1 Z. AL-ALAYA’A, (2006). “Arabian Horses, Symbol of the Nation, Honoured in Yemen’s First Equestrian Festival”, Yemen Observer, 15th May 2006, Volume IX, n° 7.

2 Discours du Ministre de la Jeunesse et des Sports lors du lancement des activités du festival d’Al-Husseiniah (mars 2006).