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4. Conclusion

1.1. Les ions nitrilium N-alkylés et N-protonés

1.1.4. Les ions nitrilium obtenus par protonation

En 1959, Janz et Danyluk ont étudié la protonation de l’acétonitrile en contact avec de l’acide chlorhydrique anhydre par mesures électrochimiques.172,173,174 Au même moment, il a été montré par

le groupe de Klages que les sels de l’ion [HCNH]+ ne peuvent pas être obtenus dans ces conditions mais

ils ont isolé le sel de l’acétonitrile [CH3CNH][SbCl6] dans le milieu HCl/SbCl5.175La présence de l’ion 165 Meerwein, H.; Bodenbenner, K.; Borner, P.; Kunert, Fr.; Müller, K. W.; Sasse, H. J.; Schrodt, H.; Spille, J. Angew.

Chem. 1955, 67 (14–15), 374–380.

166 Kabuß, S. Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 1966, 5 (7), 675–676.

167 Copson, A. J.; Heaney, H.; Logun, A. A.; Sharma, R. P. J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1972, 315–316. 168 Booth, B. L.; Jibodu, K. O.; Proença, M. F. J. R. P. J. Chem. Soc., Perkin Trans. 1 1983, 1067–1073.

169 Ahmed, M. G.; Alder, R. W.; James, G. H.; Sinnott, M. L.; Whiting, M. C. Chem. Commun. (London) 1968, 1533

1534.

170 Keese, R.; Berdat, F.; Macchi, P. J. Org. Chem. 2013, 78 (5), 1965–1970. 171 Henninger, J.; Polborn, K.; Mayr, H. J. Org. Chem. 2000, 65 (11), 3569–3570. 172 Janz, G. J.; Danyluk, S. S. J. Am. Chem. Soc. 1959, 81 (15), 3846–3850. 173 Janz, G. J.; Danyluk, S. S. J. Am. Chem. Soc. 1959, 81 (15), 3850–3854. 174 Janz, G. J.; Danyluk, S. S. J. Am. Chem. Soc. 1959, 81 (15), 3854–3858.

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104 [RCNH]+ dans une solution de HCl-nitrile a été mise en évidence sur la base de mesures

conductimétriques.176

En 1963, Arnett déclare que la basicité des nitriles était la moins connue parmi les groupes fonctionnels communs en chimie organique. Ainsi, en 1966, Deno a étudié la protonation de l’acétonitrile, du propionitrile et du benzonitrile dans l’acide sulfurique et l’oléum par spectroscopie RMN.147 Dans les

conditions utilisées (T = 35 °C), l’échange rapide entre la forme protonée et non-protonée ne permet pas d’obtenir des spectres analysables. De plus, la présence d’eau dans l’acide sulfurique hydrolyse l’ion nitrilium en amide, et la protonation de l’amide conduit à l’ion acylium RCO+ correspondant.

En 1968, Olah177 a étudié la protonation de nitriles (HCN, RCN, di-nitriles et nitriles bifonctionnalisés)

en conditions superacides FSO3H et FSO3H/SbF5/SO2à l’aide d’expériences RMN (1H, 13C et 15N) à -60 °C.

Dans l’acide fluorosulfonique anhydre à -78 °C, les spectres RMN ne permettent pas d’observer les espèces protonées, indiquant un échange rapide dans ce système. Dans le milieu FSO3H/SbF5/SO2, les

nitriles protonés et les ions N-alkylnitrilium sont observés et semblent avoir des configurations linéaires impliquant la liaison -C≡N+-H (Tableau 12). Un seul isomère est observé dans tous les cas

étudiés.

Tableau 12 : Données RMN pour des nitriles (en solution dans SO2) et nitriles protonés (dans FSO3H/SbF5/SO2)177

Composé δ nitrile δ nitrile protoné

CH3 CH2 CH CH3 CH2 H HCN -3,78 (s) -7,50 (d) JH-H = 8,5 Hz HC13N -3,78 (d) -7,50 (q) JC13-H = 320 Hz HCN15 -11,33 (q) JN15-H = 134 Hz CH3CN -1,77 (s) -3,25 (d) CH3C13N -1,77 (d) -3,20 (q) CH3CN15 -1,80 (d) -3,20 (q) -10,58 (q) JN15-H = 136 Hz JH-H = 2,0 Hz CH2CHCN -5,88 (q) -5,99 (q) -5,38 (q) -7,36 (d) -7,49 (d) -6,46 (o) NCCH2CN -3,56 (s) -5,47 (sl) CH3O(CH2)2CN -3,10 (s) -2,42 (t) -3,42 (t) -4,64 (d) -4,10 (t) -5,17 (t) OH + -10,66 (sl)

176 Peach, M. E.; Waddington, T. C. J. Chem. Soc. 1962, 600–605.

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Par la suite, le groupe de Dunkelberg a étudié le comportement de l’acétonitrile dans l’acide fluorhydrique anhydre et l’acide hypofluoreux.178 Ils ont décrit la structure cristallographique de

l’adduit CH3CN-HF mais avec une molécule de HF non-dissociée, à la place de l’espèce ionique postulée

[CH3CNH]+F- (Figure 51).

Figure 51 : Structure cristallographique de CH3CN-HF

Enfin en 2015, le groupe de Christe décrit la synthèse de sels d'alkylammonium α-fluorés par l'addition de HF sur la triple liaison CN de différents nitriles.179 Les réactions de HCN, CF

3CN, HCF2CN, (CN)2, BrCN

et ClCN en présence d’acide fluorhydrique anhydre ont conduit à la formation exclusive des ions α- fluoroalkylammonium correspondants [HCF2NH3]+, [CF3CF2NH3]+, [HCF2CF2NH3]+, [H3NCF2CF2NH3]2+, et

[CF3NH3]+ respectivement. Cependant, les nitriles CH3CN, C2H5CN et CF3CH2CN en présence d’acide

fluorhydrique anhydre forment un mélange des ions nitrilium, iminium et ammonium correspondants déterminés par spectroscopie RMN 14N couplé au proton (Figure 52). Les nitriles sont initialement

protonés dans l’acide fluorhydrique anhydre et forment le cation nitrilium. Ensuite, l'addition de HF se déroule plus lentement et entraîne la formation d'équilibres entre les cations nitrilium, iminium et ammonium.

Figure 52 : Spectre RMN 14N de 0,2 mol% CH

3CN dans HF après 7 jours à température ambiante

De plus, des sels d’ions α-fluoroalkylammonium ont été isolés par addition d’un acide de Lewis tel que AsF5 ou SbF5 sur l’acide cyanhydrique et caractérisés par des expériences RMN. Les composés

[HCF2NH3][AsF6] et [CF3NH3][Sb2F11] ont pu être cristallisés pour déterminer leur structure par

diffraction des rayons X. Dans le cas du sel d’antimoine, la structure contient des cations isolés

178 Dunkelberg, O.; Haas, A.; Klapdor, M. F.; Mootz, D.; Poll, W.; Appelman, E. H. Chem. Ber. 1994, 127 (10), 1871

1875.

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106 [CF3NH3]+ et des anions [Sb2F11]- qui sont associés par une liaison hydrogène entre les atomes

d’hydrogène du cation et les atomes de fluor de l’anion avec une distance de 2,754 Å (Figure 53).

Figure 53 : Structure cristallographique du composé [CF3NH3][Sb2F11]

Dû à l’addition des ions fluorure, les solutions d’acide cyanhydrique dans l’acide fluorhydrique sont instables à température ambiante et conduisent au complexe [HCF2NH3][HF2]. Mais à basse

température et grâce à l’addition d'un acide de Lewis comme le trifluorure de bore (BF3) ou le

pentafluorure d’arsenic (AsF5), les cations [HCNH]+ peuvent être observés par spectroscopie

RMN.180,181

Ainsi, en 2016, Kornath a montré la protonation de HCN dans les milieux HF/AsF5 et HF/SbF5.182 Le

cation [HCNH]+ a été préparé sous forme de sel de [AsF

6]- et [SbF6]-. Les sels de [HCNH]+MF6- obtenus

ont été caractérisés par spectroscopie vibrationnelle et dans le cas de [DCND]+[AsF

6]- par une analyse

de structure par DRX. La structure cristalline présente de fortes liaisons hydrogène (N-H∙∙∙F et C-H∙∙∙F) entre le cation et les atomes de fluor des anions (Figure 54). Les fréquences théoriques calculées du cation libre [HCNH]+ en phase gaz ne corrèlent pas avec les résultats expérimentaux. L'approche

simplifiée de l'addition de deux molécules de HF au cation [HCNH]+ permet d’obtenir des résultats

cohérents avec les données spectroscopiques obtenues.

Figure 54 : Fragment de la structure cristalline de [DCND]+[AsF 6]-

Par la suite, la protonation de plusieurs nitriles en conditions superacides HF/MF5 (M = As, Sb) a été

étudiée par Kornath et Christe.183 Plusieurs ions nitrilium N-protonés [RCNH]+ (R = CH

3, C2H5, C3H7,

(CH3)2HNCH2+, C6H5, o-CH3C6H4, HNCC6H4+) ont été préparés avec des rendements quantitatifs par

180 Dove, M. F. A.; Hallett, J. G. J. Chem. Soc. A 1969, 2781–2787.

181 Gillespie, R. J.; Hulme, R. J. Chem. Soc., Dalton Trans. 1973, 1261–1267.

182 Goetz, N. R.; Axhausen, J. A. H.; Soltner, T.; Rotter, C.; Kornath, A. J. ChemistrySelect 2016, 1 (17), 5517–5520. 183 Haiges, R.; Baxter, A. F.; Goetz, N. R.; Axhausen, J. A.; Soltner, T.; Kornath, A.; Christe, K. O. Dalton Trans. 2016,

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protonation des alkyles et aryles nitriles dans HF/AsF5 et HF/SbF5. Ils ont été isolés sous forme de

solides cristallins incolores stables à température ambiante. Les composés ont été caractérisés par spectroscopie RMN, IR et Raman et leurs structures cristallines par diffraction des rayons X.

Dans un premier temps, l’étude a porté sur la protonation de l’acétonitrile dans les deux milieux superacides utilisés. Les deux structures comportent un cation [CH3CNH]+ et un anion [AsF6]- ou

[Sb2F11]-respectivement, associés par une liaison hydrogène entre l’hydrogène de l’azote protoné du

cation nitrilium et un atome de fluor de l'anion correspondant (Figure 55). Les distances N-F les plus courtes se trouvent à 2,656 Å pour le sel de [AsF6]- et à 2,701 Å pour le sel de [Sb2F11]-, révélant le

caractère peu coordinant du contre ion à base d’antimoine.

Figure 55 : Structure cristallographique de [CH3CNH][AsF6] et [CH3CNH][Sb2F11]

Pour la préparation des sels de [AsF6]-, de l’acide fluorhydrique anhydre et 1,1 équivalents de

pentafluorure d’arsenic ont été condensés sous vide sur le nitrile refroidi à -196 °C. Après retour à température ambiante, les sels de [RCNH][AsF6] ont été obtenus sous forme de solides incolores après

élimination des composés volatiles par vide dynamique. Pour la synthèse des sels de [SbF6]- et [Sb2F11]- ,

le milieu superacide a été préparé par l'addition d’une quantité stœchiométrique de SbF5 dans le HF

anhydre en excès. Cette solution a ensuite été refroidie à environ -50 °C et transférée dans un second réacteur contenant le substrat refroidi à -196 °C. Après retour à température ambiante, les sels de [RCNH][SbF6] ou [RCNH][Sb2F11] ont été obtenus sous la forme de solides incolores lorsque le HF a été

éliminé sous vide dynamique. Des monocristaux pour la détermination de la structure par DRX ont été développés par évaporation lente du solvant dans un vide dynamique entre -20 et -30 ° C. Les sels de nitrilium ont ainsi été obtenus sous la forme de solides incolores, mais sensibles à l'humidité et à l'air.

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