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2. Formation de dications ammonium-carboxonium

2.3. Réactivité de dérivés α-aminocarbonylés insaturés

2.3.2. Études mécanistique et conformationnelle

2.3.2.1. Expériences RMN in situ

Pour vérifier les hypothèses émises, une étude mécanistique a été effectuée par des expériences RMN

in situ et par l’analyse RX de cristaux obtenus. Le substrat modèle 1.2a a été introduit dans un mélange

HF/SbF5 (22 mol% SbF5) et le milieu a été analysé par RMN à -20 °C. Sur le spectre RMN 1H (Figure 34),

on observe les signaux caractéristiques de l’intermédiaire ammonium-carboxonium hydrofluoré diprotoné D2 :

- Le proton de protonation de l’ester à 12,69 ppm

- À 5,74 ppm, le signal correspondant au proton de protonation de l’amine

- À 1,90 ppm, le signal du N-Me qui est présent sous la forme d’un doublet, confirmant la protonation de l’azote

- Et les signaux caractéristiques d’un composé hydrofluoré avec un doublet de multiplet (JH-F =

48 Hz) à 3,78 ppm (CHF) et un doublet de doublets (JH-F = 25,5 Hz, JH-H = 6,0 Hz) à 0,06 ppm

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Figure 34 : Spectres RMN 1H et 13C (400 MHz) obtenus après réaction de l’ester de méthyle de N-

allylméthylglycine 1.2a dans HF/SbF5 (22 mol% SbF5) à -20 °C

L’analyse du spectre RMN 13C confirme la structure du dication D

2, avec le déblindage du carbone de

la fonction ester et le signal à 85,1 ppm sous la forme d’un doublet (JC-F = 162 Hz) correspondant au

carbone CHF. De façon intéressante, on peut voir que tous les signaux sont dédoublés. Ceci est dû à l’observation des deux diastéréomères dans le milieu, puisque deux centres asymétriques sont formés : l’atome d’azote après protonation et le carbone fluoré. Sans explication évidente, il apparait que la proportion des deux diastéréomères soit différente (2:1). Deux hypothèses peuvent être formulées : a) la fluoration se fait de façon diastéréosélective sous l’influence de l’ion ammonium chiral

C2; b) après fluoration de l’ion C2 (Schéma 59), un équilibre déprotonation/protonation de l’azote de

l’ion D2 conduit à l’enrichissement d’un des diastéréomères sous l’influence d’interactions dipôle-

dipôle (voir partie 3.1.2 de l’introduction).

De plus, on peut observer la présence d’un autre composé sur le spectre RMN 13C. Il s’agit de

l’intermédiaire cyclique C2. Pour une observation plus distincte de ce dication, le substrat 1.2a a été

soumis aux conditions superacides (HF/SbF5, 22 mol% SbF5) pendant 3 h à 0 °C, puis une partie du

mélange réactionnel est prélevée pour réaliser les expériences RMN in situ. Les analyses 1H et 13C du

milieu ont été effectuées à -20 °C (Figure 35).

D2

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Figure 35 : Spectres RMN 1H et 13C (400 MHz) obtenus après réaction de l’ester de méthyle de N-

allylméthylglycine 1.2a en solution dans HF/SbF5 (22 mol% SbF5) 3 h à 0 °C (analyse à -20 °C)

Sur le spectre 1H, on peut voir la formation exclusive du dication ammonium-carboxonium cyclique C 2 :

- Le singulet large à 5,70 ppm correspond au proton de protonation de l’amine.

- Le signal à 4,32 ppm sous la forme d’un multiplet correspond à l’hydrogène signalé en vert. - Le signal du groupement méthyle sur l’atome d’azote à 1,92 ppm est sous la forme d’un

doublet confirmant la protonation de l’amine

- Le signal à 0,47 ppm (doublet) ayant pour intégration 3 hydrogènes correspond au méthyle exocyclique.

C2

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76 Les groupements CH2 intracycliques sont diastéréotopiques et sont caractérisés par la présence de

signaux intégrant pour 1 hydrogène entre 2 et 4 ppm. Grace à l’analyse des spectres 2D NOESY 1H-1H

et HSQC 1H-13C, chaque signal a pu être attribué de la façon suivante :

- Ha : 4,31 ppm, multiplet, Haxial

- Hb : 2,15 ppm, doublet de doublet dédoublé (JHb-Ha,Hc = 11,3 Hz, JHb-

Hb’ = 14,0 Hz), Haxial

- Hb’ : doublet (JHb-Hb’ = 14,1 Hz) à 2,76 ppm, Héquatorial

- Hc : 5,70 ppm, singulet large, Haxial

- Hd : 2,95 ppm, doublet dédoublé (JHd-Hd’ = 19,2 Hz, JHd-Hc = 9,6 Hz),

Haxial

- Hd’ : 3,55 ppm, doublet dédoublé (JHd-Hd’ = 19,6 Hz, JHd-Hc = 3,5 Hz),

Héquatorial

Compte-tenu des constantes de couplage et des déplacements chimiques observés, ainsi que les données de la littérature (ions pipéridinium140), la conformation privilégiée de l’ion C

2 en solution est

celle où les méthyles (porté par l’azote et exocyclique) pointent en position équatoriale. L’analyse RMN 13C est en accord avec la structure du dication C

2 puisque le signal du carbonyle est

déblindé à 179,4 ppm indiquant une charge formelle positive et le fort déblindage du carbone en vert. L’observation d’un seul produit (pas de dédoublement de signaux, contrairement à l’ion D2) indique la

formation d’un couple d’énantiomères et une conformation unique de ce dication ammonium- carboxonium cyclique.

2.3.2.2. Calculs théoriques

Pour confirmer cette hypothèse, des calculs de modélisation ont été réalisés en collaboration avec le groupe de Chimie Théorique de l’IC2MP.

Plusieurs conformères peuvent être proposés pour le dication cyclique C2 (Figure 36). En faisant

l’hypothèse que l’intermédiaire adopte une conformation chaise (plus stable), le groupement méthyle sur l’atome d’azote et le méthyle terminal peuvent être en position équatoriale ou axiale. Après calcul et optimisation, quatre conformères sont obtenus (en fixant la forme du cycle) : (R),(S) ; (S),(S) ; (R),(R) et (R),(S) (configuration absolue de l’atome d’azote et de l’atome du carbone asymétrique). Les calculs ont été menés avec et sans solvant implicite (PCM) (voir partie expérimentale). Le calcul des énergies relatives entre les conformères indique que le dication (S),(R) est le plus stable. Ce résultat semble raisonnable puisque les groupements méthyles exocycliques sont en position équatoriale. Ces résultats sont également en accord avec l’hypothèse formulée après analyses RMN.

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0,0 kcal/mol +1,9 kcal/mol +2,0 kcal/mol +6,1 kcal/mol

Figure 36 : 4 stéréoismères possibles du dication C2 et leur énergie relative (B3LYP/cc-pVDZ, PCM ε = 83,6)

Comme on peut le constater, les déplacements chimiques 13C calculés pour cette espèce corrèlent

parfaitement avec les déplacements chimiques expérimentaux, ce qui confirme la structure observée par RMN in situ (Figure 37).

Figure 37 : Déplacements chimiques RMN 13C expérimentaux et calculés (B3LYP/cc-pVTZ) du dication C

2

2.3.2.3. Analyses DRX

Ainsi, pour tenter de confirmer l’ensemble de ces résultats, nous avons essayé de cristalliser ce dication afin d’obtenir une structure cristallographique. Après réaction de l’aminoester 1.2a dans le milieu HF/SbF5 (10 équivalents de SbF5) à 0 °C pendant 12 h, le milieu a été refroidi à -40 °C favorisant

l’évaporation lente de l’acide fluorhydrique. Ainsi, un mono-cristal a pu être obtenu, la structure est représentée dans la Figure 38.

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Figure 38 : Structure cristallographique de C2

Les longueurs de liaison CN et les longueurs de liaison CC se situent dans la gamme normale d'une liaison CN et d'une liaison CC simple, respectivement. La distance entre C4 et O1 est de 1,514(6) Å dans le système cyclique, elle s'avère plus longue qu'une simple liaison CO normale (1,43 Å). Les longueurs de liaison C1-O1 (d = 1,275(6) Å) et C1-O2 (d = 1,262 (6) Å) ne diffèrent pas de manière significative, ce qui indique une distribution isoélectronique sur les deux liaisons (voir partie expérimentale). De plus, le cycle adopte une conformation de type chaise (avec la partie COOMe planaire) avec les hydrogènes (NH et CH) en position axiale et les groupements méthyles en position équatoriale, comme prédit par la modélisation moléculaire et observé par analyse RMN en solution superacide.

L’ensemble de ces résultats confirme le mécanisme proposé avec l’observation des intermédiaires dicationiques, en particulier la formation d’un dication ammonium-carboxonium cyclique adoptant une conformation préférentielle en solution et à l’état solide.