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1.3.1. Travaux de Bowen : ions non substitués

En 1991, Bowen a étudié la formation d’un ion oxocarbénium, ainsi que sa conformation à partir d’un modèle de type méthoxy-tétrahydropyrane.101 Cette étude s’est portée sur des calculs ab initio (6-

31G*). Afin de réduire le nombre de conformations à étudier, deux règles ont été mises en place. La première consiste à débuter les calculs à partir d’une conformation 4C

1 et la seconde à prendre en

considération les interactions stériques possibles.

Six intermédiaires conformationnels sont mis en avant après ces premiers calculs. Afin de les optimiser, la longueur de liaison C1-OHMe est augmentée de 1,6 à 2,1 Å, ce qui permet de mettre en avant trois

nouveaux modèles d’état de transition. La dernière étape d’optimisation consiste à éliminer le méthanol afin de calculer les conformations pour l’ion carboxonium donnant alors deux états de transition possibles (Figure 13). Les deux conformations 4E et 4H

3de l’ion oxocarbénium sont alors

proposées pour expliquer la stéréosélectivité observée lors de l’hydrolyse.

Figure 13 : Modélisation d'ions carboxonium non substitués par calculs théoriques

100Olah, G. A.; Calin, Mihai.; O’Brien, D. H. J. Am. Chem. Soc. 1967, 89 (14), 3586–3590. 101 Andrews, C. W.; Fraser-Reid, B.; Bowen, J. P. J. Am. Chem. Soc. 1991, 113 (22), 8293–8298.

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46 D’autres travaux ont été également réalisés pour calculer les conformations possibles de l’ion oxocarbénium avec la présence de groupements hydroxyles sur les carbones C3 et C4 en utilisant les calculs par mécanique moléculaire MM2.102 Cette méthode prend en compte les interactions stériques

et électrostatiques. Ainsi contrairement aux groupements méthyles, les substituants hydroxyles adoptent préférentiellement une configuration axiale dans la conformation demi-chaise 3H

4 (Figure

14). Cette préférence est attribuée à l’attraction électrostatique stabilisante entre la charge partiellement négative de l’atome d’oxygène du groupement hydroxyle et le carbocation proche.

Figure 14 : Configuration privilégiée de substituants méthyles ou hydroxyles en conformation 3H 4

1.3.2. Travaux de Woerpel : ions polysubstitués

1.3.2.1. Étude d’ions carboxonium

Woerpel a également étudié la conformation d’ions oxocarbénium portant des substituants en position C3 et C4 de tétrahydropyranes.103L’objectif était de comparer la stéréosélectivité de la

réaction de substitution nucléophile du groupement acétate anomérique par de l’allylsilane, selon que le substituant soit de type alkyle ou alkoxyle.

L’ion oxocarbénium de type tétrahydropyrane adopte préférentiellement une conformation de type demi-chaise.104 La présence de substituants sur le cycle induit des effets stéréoélectroniques

privilégiant certaines conformations. Cette étude permet de mettre en évidence des conformations de type demi-chaise de l’ion carboxonium avec le substituant OBn en position pseudoaxiale, tandis que le substituant méthyle va adopter une position pseudo-équatoriale (Figure 15). L’approche pseudoaxiale du nucléophile (recouvrement idéal de l’orbitale vide de l’ion carboxonium) se fait préférentiellement. Ainsi, pour ces ions carboxonium substitués en position C3 ou C4 par des substituants électronégatifs (alkoxy), l’orientation pseudoaxiale du substituant est favorisée et entraîne respectivement la formation du composé 1,3-cis et 1,4-trans. Dans le cas de substituants alkyles, l’approche axiale conduit aux composés 1,3-trans et 1,4-cis.

102 Woods, R. J.; Andrews, C. W.; Bowen, J. P. J. Am. Chem. Soc. 1992, 114 (3), 859–864. 103 Romero, J. A. C.; Tabacco, S. A.; Woerpel, K. A. J. Am. Chem. Soc. 2000, 122 (1), 168–169. 104 Deslongchamps, P. Stereoelectronic Effects in Organic Chemistry; Pergamon Press, 1983.

Chapitre 1 47 X cis : trans Rdt (%) Me 1 : 99 69 OBn 89 : 11 94 X cis : trans Rdt (%) Me 94 : 6 74 OBn 1 : 99 75 CH2Bn 93 : 7 77

Figure 15 : Influence des substituants en C3 et C4 sur le tétrahydropyrane

En revanche, la présence d’un substituant électronégatif en position C2 induit l’orientation pseudo- équatoriale de ce substituant du fait de la stabilisation du carbocation par hyperconjugaison de la liaison C2-H conduisant alors à des dérivés 1,2-cis (Figure 16).

X cis : trans Rdt (%)

Me 52 : 48 57

OBn 83 : 17 85

Figure 16 : Influence des substituants en C2

1.3.2.2. Étude d’ions dioxocarbénium

Les conformations des intermédiaires dans ces réactions ne peuvent être supposées que sur l'analyse des produits obtenus et les calculs de modélisation permettent de mieux comprendre leur structure et d’expliquer les sélectivités obtenues. Il n’existe aucune preuve expérimentale de l’existence de ces intermédiaires. Par conséquent, les sélectivités observées peuvent refléter les réactivités relatives des conformères en solution et non leurs énergies relatives à l'état fondamental. Pour résoudre cette difficulté, le groupe de Woerpel a cherché des preuves expérimentales des préférences conformationnelles de ces intermédiaires dans leur état fondamental. Les ions dioxocarbénium étant

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48 plus stables que les ions oxocarbénium105,106 dont la durée de vie dans les conditions utilisées en

synthèse organique est extrêmement courte (environ 10-12 s)3,107,108, ont donc été étudiés. L’étude de

ces ions pourrait fournir des informations essentielles sur les préférences conformationnelles de leurs analogues oxocarbénium à condition qu’ils soient structurellement similaires.

Ainsi, des cristaux d’ions dioxocarbénium ont été obtenus par le groupe de Woerpel à partir de tétrahydropyranones et d’hexachloroantimonate de triéthyloxonium (Schéma 42).109 Des études

théoriques des ions dioxocarbénium substitués par un groupement alkyle ou alkoxyle en C4 ont révélé qu'ils présentaient des préférences conformationnelles similaires à celles des cations décrits par Bowen. En conséquence, les sels d’ions dioxocarbénium 112 et 113 ont été préparés (Figure 17).

Schéma 42 : Formation de l’ion dioxocarbénium 112

Figure 17 : Structures cristallographiques des ions 112 et 113

Ils montrent ainsi des preuves structurelles qu'un substituant alkoxyle en position C4 possède une orientation pseudoaxiale dans l'ion dioxocarbénium 112, illustrant la préférence conformationnelle supposée dans les travaux antérieurs. La structure la plus basse en énergie pour l’ion 112 prédite par la théorie est la principale conformation observée en solution et à l'état solide. L'analyse spectroscopique RMN du 1H de 112 révèle un sextuplet à 4,28 ppm dans le CD

2Cl2 correspondant à

l’hydrogène du carbone 4. Cette multiplicité ne peut exister que lorsque le substituant C4 est

105 Pindur, U.; Müller, J.; Flo, C.; Witzel, H. Chem. Soc. Rev. 1987, 16 (0), 75–87. 106 McClelland, R. A.; Steenken, Steen. J. Am. Chem. Soc. 1988, 110 (17), 5860–5866.

107 Suga, S.; Suzuki, S.; Yamamoto, A.; Yoshida, J. J. Am. Chem. Soc. 2000, 122 (41), 10244–10245. 108 Amyes, T. L.; Jencks, W. P. J. Am. Chem. Soc. 1989, 111 (20), 7888–7900.

109 Chamberland, S.; Ziller, J. W.; Woerpel, K. A. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127 (15), 5322–5323.

112 113

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pseudoaxial. Grâce à l’analyse DRX, la structure cristalline de l'ion 112 prouve sans ambiguïté l'orientation pseudoaxiale du substituant alkoxyle en position 4 (Figure 18).

Figure 18 : Structure DRX de l’ion 112

Ensuite, des tentatives de cristallisation du cation 113 ont été ménées. L’observation du cation 115 par DRX n’a pas pu être possible, un produit de décomposition de cet ion dioxocarbénium a été observé (Schéma 43). Il s’agit de l'ion dioxocarbénium 113 résultant de la décomposition de 115 pendant le temps nécessaire à la croissance des cristaux. Mécanistiquement, le cation dioxocarbénium obtenu provient le plus probablement d'une addition nucléophile sur l’ion 115 sur le carbone C5 par la lactone. La vulnérabilité du carbone 5 aux attaques de nucléophiles tels que les ions iodure a été observée dans des sels d'ions dioxocarbénium similaires.110,111 L’analyse DRX a prouvé que la structure de ce nouvel

ion dioxocarbénium 113 est similaire à 115 et possède également un substituant méthyle pseudo- équatorial en C4 (Figure 19).

Schéma 43 : Formation de l’ion dioxocarbénium 113

110 Childs, R. F.; Kostyk, M. D.; Lock, C. J. L.; Mahendran, M. Can. J. Chem. 1991, 69 (12), 2024–2032. 111 Beaulieu, N.; Deslongchamps, P. Can. J. Chem. 1980, 58 (2), 164–167.

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Figure 19 : Structure DRX de l’ion dioxocarbénium 113

Des ions dioxocarbénium ont également été étudiés comme modèles d’ions oxocarbénium à l’aide de calculs théoriques.112 Dans cette étude, les données spectroscopiques obtenues par RMN, ainsi que les

études théoriques permettent de déterminer les conformations préférentielles des ions polysubstitués. A nouveau, l’orientation pseudoaxiale du substituant alcoxyle en position C3 est confirmée avec une espèce adoptant une conformation de type 3H

4 (Schéma 44).

Schéma 44 : Influence du substituant en position C3 d’un ion dioxocarbénium

Ainsi, l’ensemble de ces travaux met clairement en évidence l’impact des substituants sur la préférence conformationnelle d’ions carboxonium cycliques en solution. Des effets stéréoélectroniques, en particulier dans le cas de substituants électroattracteurs semblent prépondérants sur la stabilisation de conformations privilégiées et donc sur le piégeage stéréosélectif de tels cations.