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2. Activation superélectrophile d’aminonitriles

2.2. Étude mécanistique

2.2.2. Étude des sites de protonation par RMN in situ

Afin de confirmer l’hypothèse initiale et de montrer le mécanisme réactionnel de cette réaction de cyclisation, le suivi de la réaction de cyclisation de l’aminonitrile 2.1a a été réalisé par RMN in situ à basse température. Les analyses RMN à basse température in situ de la N-méthylaminoacétonitrile et du 3-(méthylamino)propionitrile en milieu HF/SbF5ont été également réalisées dans le but d’observer

les sites de protonation et l’éventuelle diprotonation des substrats.

Klumpp qui s’était intéressé à l’arylation intermoléculaire d’aminonitriles en présence d’acide trifluorométhanesulfonique, a également étudié la protonation de substrats aminonitriles simples dans ces conditions par des expériences de RMN in situ. Les composés 2-(diméthylamino)acétonitrile et 3-(diméthylamino)propanenitrile ont été étudiés dans des solutions d'acidité croissante (Tableau 15). Les deux composés montrent des résultats similaires d’après les spectres RMN 13C. Dans l’acide

trifluoroacétique (H0 = -2,7), les aminonitriles étudiés présentent des blindages significatifs pour les

groupements méthyles et les carbones des fonctions nitriles. Ceci est une conséquence de la protonation de la fonction amine par l’acide. Lorsque les composés sont dissous dans de l’acide trifluorométhanesulfonique (H0 = -14,1), les déplacements chimiques des carbones des fonctions

nitriles subissent un blindage plus prononcé. Ce décalage des signaux des carbones est supposé comme étant dû à la protonation de la fonction nitrile et à la formation de l'ion nitrilium. De façon intéressante, le composé 3-(diméthylamino)propanenitrile montre un blindage pour le carbone du nitrile de 3,0 ppm dans CF3SO3H par rapport à CF3CO2H, tandis que le composé 2-(diméthylamino)acétonitrile montre

une variation de seulement 1,2 ppm pour le carbone de la fonction nitrile. Cela peut suggérer un équilibre de protonation favorisé pour le β-aminonitrile dans le milieu superacide comparé au composé α-aminonitrile.

Tableau 15 : Résultats des études RMN in situ de Klumpp en 2011

Substrat Solvant Signaux RMN

13C CH3 CH2 CH2 CN CDCl3 (25°C) 44,0 47,3 - 114,5 CF3CO2H (25°C) 43,1 44,3 - 108,4 CF3SO3H (-20°C) 43,7 44,5 - 107,2 CDCl3 (25°C) 16,2 45,0 54,5 118,7 CF3CO2H (25°C) 12,5 42,8 52,4 113,8 CF3SO3H (-20°C) 12,6 43,0 51,4 110,8

Les spectres RMN obtenus avec le N-méthylaminoacétonitrile 2.5 dans HF/SbF5 sont en accord avec la

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Figure 58 : Spectres RMN 1H et 13C de l’espèce A

1 dans HF/SbF5 (22 mol% de SbF5) à -20 °C

En RMN 1H, on observe :

- un signal d’intensité 2 à 5,50 ppm correspondant au NH2 caractéristique de la protonation de l’amine.

- un signal large d’intensité 1 à 11,53 ppm correspondant au NH, confirmant la protonation de l’atome d’azote de la fonction nitrile.

- un signal d’intensité 3 à 1,81 ppm sous forme de triplet correspondant au méthyle porté par l’atome d’azote. Le détriplement de ce signal confirme la protonation de la fonction amine. En RMN 13C, on observe :

- un signal à 98,0 ppm correspondant au carbone C3de l’ion nitrilium A1. Comparativement, le

déplacement chimique du même carbone dans l’aminonitrile 2.5 dans l’acétone-d6 comme solvant est de 118,8 ppm.

Ensuite, le β-aminonitrile 2.6 a été testé de façon analogue dans les mêmes conditions à -20 °C. Les spectres RMN 1H et 13C suivants ont été obtenus (Figure 59).

A1

A1

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Figure 59 : Spectres RMN 1H et 13C de l’espèce A

2 dans HF/SbF5 (22 mol% de SbF5) à -20 °C

En RMN 1H, on observe :

- un signal d’intensité 2 à 4,71 ppm correspondant au NH2 caractéristique de la protonation de l’amine.

- un signal d’intensité 1 à 10,06 ppm correspondant au NH, confirmant la protonation de l’azote de la fonction nitrile.

- un signal d’intensité 3 à 1,59 ppm sous forme de triplet correspondant au méthyle porté par l’atome d’azote. Le détriplement de ce signal confirme la protonation de la fonction amine. En RMN 13C, on observe :

- un signal à 104,2 ppm correspondant au carbone C3de l’ion nitrilium A2. Comparativement, le déplacement chimique de ce même carbone dans l’aminonitrile 2.6 dans l’acétone-d6 comme solvant est de 120,0 ppm.

Dans les deux cas, la diprotonation des substrats est observée sur la fonction amine et nitrile. Cependant, on peut voir que le signal du proton de l’ion nitrilium est plus impacté (signal large) dans le cas de α-aminonitrile. Cela est certainement dû à un équilibre rapide de protonation/déprotonation à la limite de détection RMN. L’équilibre entre la forme dicationique et monocationique de l’α- aminonitrile est plus rapide du fait de la répulsion des charges ce qui induit une diminution de

A2

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l’intensité du signal de protonation dans les conditions d’acquisition utilisées (fréquence du champ : 400 MHz, T= 253 K, temps de relaxation : 1 sec, largeur de pulse : 12,2 sec).

De plus, il peut être constaté que les carbones des deux ions nitrilium possèdent un déplacement chimique inférieur à celui de la forme neutre (entre 5 et 6 ppm de différence). Intuitivement, le résultat serait une augmentation du déplacement chimique dû à la diprotonation de la molécule. Mais cela est dû à un effet de blindage du carbone lorsqu’il est protoné. Ce phénomène a été observé par Klumpp dans son étude sur les aminonitriles en conditions acides. L’explication donnée est l’influence de l’ion ammonium proche sur la densité électronique du carbone de l’ion nitrilium.

Le substrat modèle 2.1a a ensuite été soumis aux conditions HF/SbF5 avec 4 mol% de SbF5et l’analyse

RMN a été effectuée à -20 °C. Dans ces conditions, la formation du dérivé fluoré A3F est observée

(Figure 60).

Figure 60 : Spectre RMN 1H et 13C de l’espèce A

3F dans HF/SbF5 (4 mol% de SbF5) à -20 °C

En RMN 1H, on observe :

- un signal d’intensité 1 à 6,95 ppm correspondant au NH caractéristique de la protonation de l’amine.

- un signal d’intensité 3 à 0,80 ppm sous la forme d’un doublet dédoublé avec des constantes de couplage 3J = 25,3 Hz et 6,3 Hz correspondant aux hydrogènes CH

3, caractéristique de la

présence d’un atome de fluor en position α.

A3F

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128 En RMN 13C, on observe :

- un signal à 98,3 ppm correspondant au carbone de l’ion nitrilium A3F.

- un doublet 84,8 ppm de 167,0 Hz correspondant au carbone CHF.

Grace à ces observations, la formation de l’intermédiaire A3F est confirmée. De plus, on peut remarquer

que la plupart des signaux sont dédoublés dans les deux spectres dû à la présence de deux diastéréomères. En effet, sous l’effet de la protonation de l’amine, l’atome d’azote devient chiral et la fluoration génère un deuxième centre asymétrique. Un léger excès diastéréomérique est observé d’après le spectre RMN 13C. Puisque le produit fluoré est en équilibre avec l’alcène de départ issu du

cation, il est possible de postuler que la fluoration stéréosélective du cation est contrôlée par l’ion ammonium chiral voisin. Comme dans le cas des aminoesters, une autre hypothèse raisonnable serait que l’équilibre protonation/déprotonation de la fonction amine conduise progressivement à la formation de l’espèce thermodynamiquement la plus stable, en accord avec les études de la littérature sur les interactions dipolaires C-F/N+-H.

Par la suite, l’aminonitrile 2.1a a été soumis au mélange HF/SbF5 avec 22 mol% de SbF5 à -20 °C et le

mélange a été analysé par RMN in situ à divers temps de réaction. La température du milieu a ensuite été augmentée jusqu’à 0 °C (Figure 61).

Figure 61 : Spectres RMN 1H in situ après réaction de l’aminonitrile 2.1a en milieu HF/SbF

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Le spectre RMN 1H à -20 °C et temps de réaction court, montre la formation d’un ion fluoré A 3F

(correspondant à la forme diprotonée du produit fluoré 2.2a) avec la présence du doublet de doublet (J = 26 Hz et 8 Hz) à 0,03 ppm correspondant aux protons du CH3 terminal en α du groupement -CHF.

Après l’augmentation de la température à 0 °C, on peut voir la diminution de ce pic jusqu’à complète disparition au bout de 2 heures à 0 °C. Ceci confirme que la formation du composé cyclique 2.4a passe tout d’abord par la formation de l’intermédiaire fluoré. En effet, la liaison C-F peut être activée (certainement par protonation ou complexation) et cette espèce est en équilibre avec la forme carbénium dans ce milieu comme indiqué précédemment. L’alcène issu d’une réaction d’élimination est en équilibre avec la forme fluorée et piège l’ion nitrilium de façon irréversible. L’équilibre thermodynamique est donc déplacé vers la formation du produit cyclique.

Afin de vérifier cette hypothèse, le produit fluoré 2.2a a été synthétisé et soumis au mélange HF/SbF5

dans les conditions de cyclisation (22 mol% SbF5, 0 °C, 2 h). Le produit cyclique 2.4a a été obtenu avec

80% de rendement. De plus, ce produit a été soumis aux mêmes conditions superacides à 0 °C pendant 2 heures et demeure inerte dans le milieu confirmant ainsi la non réversibilité de la réaction de cyclisation (Schéma 92).

Schéma 92 : Preuves de l’équilibre thermodynamique

Le spectre RMN 13C obtenu à 0 °C après soumission du substrat 2.1a en conditions superacides (22

mol% SbF5) montre la formation de composés cycliques avec la présence de l’intermédiaire

ammonium-iminium E3 et du mélange des diastéréomères ammonium-iminium fluorés F3 composé de

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Figure 62 : Spectre RMN 13C après réaction de 2.1a dans HF/SbF

5 (22 mol% de SbF5) pendant 1h15 à 0 °C

En RMN 13C, on observe :

- deux signaux à 187,8 ppm correspondant au carbone C4de l’ion iminium F3(2 diastéréomères).

- un signal à 172,6 ppm correspondant au carbone C4de l’ion iminium E3.

- deux signaux à 153,0 et 119,4 correspondants respectivement aux carbones C2 et C3de l’alcène conjugué de E3.

- deux doublets à 81,4 et 80,8 ppm avec chacun une constante de couplage de 176 Hz caractéristique d’une liaison CF correspondants aux carbones C2 des diastéréomères F3.

- deux doublets à 54,2 ppm avec 2JC-F = 19 Hz et 53,8 ppm avec 2JC-F = 22 Hz correspondants aux carbones C1 des diastéréomères F3.

- deux signaux à 53,9 et 53,0 ppm correspondants aux carbones C1 et C5de l’espèce E3.

- deux signaux à 51,4 et 51,2 ppm correspondants aux carbones C5 des diastéréomères F3.

- un doublet à 44,6 ppm avec 4JC-F = 4 Hz correspondant au carbone C6 de l’un des couples d’énantiomères F3.

- un signal à 44,0 ppm correspondant au carbone C6de l’espèce E3.

- un signal à 43,1 ppm correspondant au carbone C6de l’autre couple d’énantiomères F3.

- deux doublets à 34,7 ppm avec 2JC-F = 23 Hz et 34,3 ppm avec 2JC-F = 24 Hz correspondants aux carbones C3 des diastéréomères F3.

A l’aide de ces études, le mécanisme suivant peut être proposé pour expliquer la formation du produit cyclique 2.4a (Schéma 93).

C4E C2D C3D C5 C1 C6 C4D C2E C3E 1 2 3 4 5 6 6 1 2 3 4 5 E3 F3

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Schéma 93 : Mécanisme de cyclisation en milieu HF/SbF5

Après protonation en milieu superacide, le dication ammonium-nitrilium A3 peut être formé. La double

liaison non protonée jouerait alors le rôle de nucléophile de façon intramoléculaire conduisant à la formation de l’intermédiaire B3. Après protonation de l’imine (formation de D3 non prouvée) ou non,

le carbocation peut être piégé par un ion fluorure du milieu (sous forme complexée) pour conduire au dication F3 ou l’élimination d’un proton favorisée par la formation d’un alcène conjugué permet

d’obtenir l’espèce E3. Le composé 2.4a est obtenu après hydrolyse des deux intermédiaires. Par

ailleurs, l’équilibre entre l’espèce fluorée A3F obtenue après hydrofluoration et l’espèce A3 a été

également confirmé.