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Afin de comprendre vos préférences temporelles, nous vous demandons dans cette expérience de dire pour chaque alternative quelle option vous préférez

V. Application du modèle d'escompte séquentiel à l'épargne pour la retraite

V.6. Un nouveau modèle

V.6.1. Les hypothèses du modèle

V.6.1.1. Maximisation intertemporelle et préférences quasi- hyperboliques

Avant que l'année ne commence, l'individu (ou le ménage) planifie sa consommation de façon à maximiser son utilité intertemporelle sur l'ensemble de sa vie (dont le terme est connu avec certitude) en utilisant des préférences temporelles de type quasi-hyperbolique

(

β δ qui sont la conséquence de l'effet de primauté révélé au chapitre III. En raison de la ',

)

contrainte de budget, la somme actualisée des consommations de l'individu ne peut dépasser sa richesse. Conformément à l'hypothèse du cycle de vie, cette richesse est une richesse intertemporelle composée de la richesse présente (investie en actifs liquides) et des revenus futurs actualisés.

V.6.1.2. Erreurs d'anticipation

L'expérience n°2 présentée au chapitre III a mis en évidence une plus grande impulsivité dans les choix impactant le présent par rapport aux choix invitant l'individu à sélectionner une option parmi deux options futures. En d'autres termes, le bêta est ressorti inférieur pour les choix impliquant le présent que pour les choix entre options strictement futures. Une explication pour cette impulsivité particulière au présent a été donnée au chapitre IV avec l'incorporation des facteurs viscéraux au sein du modèle d'escompte séquentiel. D'autres éléments peuvent entraîner des comportements attestant d'une plus grande impulsivité au présent, par exemple si l'individu perçoit des signaux de consommation qui lui "ordonnent" de consommer immédiatement (Bernheim et Rangel, 2005).

Ainsi, au moment de consommer, l'individu adopte un comportement qui diverge de celui commandé par sa préférence normative d'une manière plus drastique que ce qu'il avait planifié jusque-là. L'individu avait anticipé que ses consommations futures reflèteraient des préférences temporelles

(

β δa,

)

qui tiennent compte de la préférence myope induite par l'effet de primauté. Au moment de consommer, les nouvelles informations perçues (influences viscérales ou signaux de consommation) accentuent encore davantage sa préférence pour la consommation immédiate aux dépens des consommations futures. Et son comportement de refléter des préférences temporelles

(

β δ marquées par une surpondération supplémentaire ,

)

Dans le modèle présenté ici, l'individu planifie donc sa consommation future en anticipant une préférence pour l'immédiateté dans le futur mais avec un bêta supérieur à la réalité (βa > ). Ce faisant, chaque année il observe un excès de consommation par rapport β au plan dressé antérieurement (à la fin de l'année précédente).

V.6.1.3. Recours aux actifs illiquides

Dans le modèle, l'individu peut investir dans un actif liquide ou dans un actif illiquide, lesquels offrent le même taux d'intérêt brut R. La différence pour l'épargnant-consommateur entre les deux actifs est que la propension marginale à consommer la richesse investie en actifs illiquides est supposée nulle (en raison d'une faible liquidité, de coûts de transaction élevés, etc.) contrairement à celle investie dans l'actif liquide. L'actif illiquide peut donc servir de réserve de richesse contre les accès de consommation.

En raison d'une sous-estimation constante de son impulsivité, l'individu consomme chaque année plus que ce qu'il avait planifié à la fin de l'année précédente. L'individu peut alors placer en actif illiquide tout ou partie de ce surcroît de consommation réalisé par rapport à son plan (tel qu'il l'a anticipé, avec βa) de manière à contraindre ses consommations ultérieures et à s'assurer, par exemple, que son capital consommable lors de la retraite ne sera pas trop diminué. Comme la propension marginale à consommer cette richesse investie en actifs illiquides est nulle, en plaçant dans l'actif illiquide l'individu réduit de facto sa richesse intertemporelle consommable.

La part du surcroît de consommation, lequel résulte de la sous-évaluation de l'impulsivité (surévaluation du bêta), qui est placée en épargne illiquide correspond à la part que l'individu attribue (à raison) à une sous-évaluation chronique dans ses anticipations de sa tendance à surpondérer le présent au détriment des périodes futures. Le reste de l'excès de consommation par rapport au plan est considéré (à tort) comme exceptionnel et ne fait pas l'objet d'un placement dans l'actif illiquide.

L'hypothèse que les actifs illiquides sont utilisés comme un mécanisme de préengagement afin de contraindre les consommations futures a été suggérée par Laibson (1997) qui révèle que plus des deux tiers de la richesse détenue par les ménages américains en 1994 était constituée d'actifs illiquides (fonds de pension, assurance-vie, immobilier, investissement non coté, biens durables, etc.). Différentes études empiriques confirment que les ménages démontrent une propension marginale quasi nulle à consommer certains actifs comme les biens immobiliers ou les valeurs mobilières. Dans une étude internationale pour le

département économique de l'OCDE, Catte et al. (2004) estiment que la propension marginale de long terme à consommer la richesse financière est inférieure ou égale à 0,02 en Italie, France, Allemagne et Espagne. La propension marginale de long terme à consommer la richesse immobilière est, elle, inférieure ou égale à 0,02 en Italie, en Espagne, au Japon, en France et en Allemagne. Pour la France et l'Allemagne, elle n'est pas significativement différente de zéro.

Tableau 20: Impact des évolutions de la richesse financière et immobilière

Propension marginale à consommer la richesse

Court terme Long terme Richesse immobilière Richesse financière Richesse immobilière Richesse financière Allemagne … 0,01 … 0,02 Espagne 0,01 … 0,02 0,02 France ... ... ... 0,02 Italie ... 0,01 0,01 0,01 Pays-Bas 0,02 ... 0,08 0,06 Australie 0,02 ... 0,07 0,03 Canada 0,03 0,03 0,06 0,04 Etats-Unis ... 0,02 0,05 0,03 Japon 0,01 ... 0,01 0,07 Source: OCDE V.6.1.4. Contraintes de liquidité

Chaque année, l'agent doit rembourser une fraction c de ses dettes liquides. Il a par ailleurs la possibilité d'emprunter en actifs liquides jusqu'à la même fraction de son revenu, sous la contrainte que son niveau total d'endettement ne dépasse pas cette fraction.

Lors de la retraite, ces contraintes demeurent mais leur impact sur la consommation réalisée est minoré par le déblocage possible du capital investi en actifs illiquides. La propension à consommer ce capital reste toutefois nulle à la retraite. Cela signifie que le consommateur retraité continue de ne pas prendre en compte sa richesse illiquide dans le calcul de sa richesse intertemporelle consommable. En revanche, il peut amputer cette

richesse illiquide (au lieu de s'endetter) pour financer sa consommation si son revenu courant est insuffisant.