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Les groupements fonciers agricoles familiaux

Dans le document Demain, le territoire (Page 185-189)

– Les GFA : le traditionnel schéma de portage familial. –En 1970 (498), les GFA ont été réinventés pour éviter le démantèlement des exploitations et permettre une décorrélation entre la détention du foncier et l’exploitation agricole (499).

Les GFA sont des sociétés civiles. Deux modèles coexistent :

– les GFA exploitants, dans lesquels les immeubles détenus sont exploités en direct ; – les GFA non exploitants, dans lesquels les immeubles détenus sont loués.

Les GFA familiaux sont constitués entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré. Ils permettent d’organiser la gestion d’un patrimoine foncier familial et d’en préserver l’unité. Ils ont vocation à en assurer la transmission intergénérationnelle (500). S’agissant des GFA exploitant en faire-valoir direct, ils sont impérativement constitués entre personnes phy- siques. Les personnes morales ne sont pas admises (C. rur. pêche marit., art. L. 322-1), ce qui limite les possibilités d’investissement du groupe familial à long terme.

Les particularités des GFA familiaux

Les GFA familiaux sont obligatoirement constitués par des apports en propriété d’immeubles à destination agricole, y compris les bâtiments d’habitation nécessaires à l’exploitant (501) et les immeubles par destination tels que les animaux placés sur le fonds à titre d’accessoires néces- saires à l’exploitation par exemple (502) (C. rur. pêche marit., art. L. 322-8).

(496) JCl. Liquidations-Partages, Vo Attribution préférentielle, fasc. 50.

(497) D. Martin, La réforme du partage des successions agricoles : RD rur. 1981, p. 194.

(498) L. no 70-1299, 31 déc. 1970 : JO 1erjanv. 1971, p. 7. – Les GFA ont succédé aux groupements agricoles

fonciers (GAF) créés par la loi no 60-808 du 5 août 1960 (JO 7 août 1960).

(499) F. Delorme, Le groupement foncier agricole : bientôt quarante ans d’existence ! : Defrénois 2009, no 21, 39038.

(500) F. Delorme, Comparaison des groupements forestiers et des groupements fonciers ruraux : Defrénois 2013, no 2, 111. (501) V., à propos du droit de reprise et des précautions à prendre : F. Delorme et J.-J. Barbièri, L’importance des choix lors de la constitution d’un GFA et de la mise en place d’un bail rural à long terme : Defrénois 2012, no 23, 111a6.

(502) G. Chesné et E.-N. Martine, Les apports de biens immobiliers à destination agricole : D. 1971, législ. p. 248.

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Les apports en numéraire sont également autorisés.

Des règles spécifiques ont été mises en place afin de favoriser ce portage familial, notamment : – la limitation des apports en numéraire à 30 % du capital social (C. rur. pêche marit.,

art. L. 322-11) n’est pas applicable au GFA familial (503) ;

– le droit de préemption de la SAFER n’a pas vocation à s’appliquer aux apports immobiliers, ni aux apports effectués par un propriétaire exploitant (C. rur. pêche marit., art. L. 322-8, in fine).

– Le couple GFA familiaux/bail à long terme (504). –Le couple GFA familiaux/bail à long terme est une association capital/travail à faible coût financier pour l’exploitant, gom- mant l’inconvénient majeur de l’attribution préférentielle lié au financement de la soulte à verser aux cohéritiers. Pour permettre une stabilité juridique à l’exploitant, les terres de l’entreprise agricole familiale sont apportées à un GFA constitué entre les membres de la famille, le plus souvent sous l’autorité des père et mère, à charge pour le GFA de conclure un bail généralement à long terme à l’enfant reprenant l’exploitation, lui-même associé du groupement. Ce montage, séduisant sur le principe, présente néanmoins des inconvénients économiques pour les membres de la famille du repreneur. D’une part, il s’agit d’un patrimoine non liquide dont la valeur de vente est incertaine. D’autre part, le faible rende- ment économique découlant d’un fermage encadré ne leur est pas profitable. Parfois, il n’existe même aucun rendement, l’usufruit des parts étant détenu par les parents. Enfin, le passage de génération entraîne un changement de comportement des porteurs de parts, éloignés de la dynamique initiale de conservation du patrimoine familial dont ils se sentent prisonniers.

– La difficulté apparente de retrait des associés des GFA familiaux. – Les GFA familiaux ou successoraux sont souvent présentés comme un carcan juridique (505) en raison de la difficulté d’en sortir. En effet, à défaut d’aménagements statutaires, le retrait d’un associé est soumis à l’accord unanime des autres (C. rur. pêche marit., art. L. 322- 23) (506). Cette difficulté peut néanmoins être anticipée dans les statuts au moyen de clauses spécifiques. Jusqu’en 2017 (507), par dérogation au droit commun des sociétés civiles (C. civ., art. 1869), tout retrait judiciaire était impossible (C. rur. pêche marit., art. L. 322-23). Sur le fondement de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation a opéré un revirement en rendant désormais possible la demande de retrait judiciaire (508). Cette faculté assouplit le fonctionnement du GFA. Il convient toutefois de remarquer que :

– d’une part, la possibilité de retrait judiciaire est laissée à la libre appréciation des juges du fond et n’est ainsi pas acquise ;

– d’autre part, l’article L. 322-23 du Code rural et de la pêche maritime n’a jamais empêché la programmation d’un retrait dans les statuts à des conditions plus souples que l’unani- mité des associés.

(503) Les GFA hors cadre familial sont obligés de donner à bail l’ensemble du foncier au-delà de cette limite. (504) Le GFA et le bail à long terme sont nés le même jour par l’adoption de deux lois du 31 décembre 1970

(no 70-1298 pour le bail à long terme et no 70-1299 pour le GFA : JO 1erjanv. 1971).

(505) IGF, Rapp. no 2012-M-090-02. – CGAAER, Rapp. no 12119, Les outils financiers de portage des terres agricoles pour favoriser la transmission et l’installation dans la perspective de la transposition de la directive AIFM. (506) L’esprit de la loi de 1995 étant d’obliger les associés du GFA à la cohésion familiale : L. no 95-95, 1erfévr.

1995, de modernisation de l’agriculture, art. 52-1 : JO 2 févr. 1995, p. 1742. (507) Cass. 1reciv., 3 juin 2010, no 09-65.995 : JurisData no 2010-007944.

(508) Cass. 1reciv., 1ermars 2017, no 15-20.817 : JurisData no 2017-003382. – H. Bosse-Platière et S. Besson, La

demande de remise en liberté d’une personne placée dans un GFA : JCP N 2017, no 18, p. 33. – B. Peignot, Le juge autorise le retrait du GFA : Rev. loyers 2017, no 977. – B. Peignot, Le blason du GFA redoré : Rev. Agriculteurs de France 2017, no 230.

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– Une structure adaptée au portage du foncier, pouvant être améliorée. –Le GFA est une structure adaptée pour détenir un patrimoine agricole. L’attractivité fiscale adossée au montage GFA/bail à long terme est une motivation importante (509). Il constitue un outil de portage intéressant lorsque les relations entre associés sont minutieusement organisées dans les statuts. La libéralisation du montant du fermage permettrait d’offrir une rentabilité raisonnable aux associés non exploitants, sans pour autant engendrer une spéculation outrancière sur les terres agricoles.

Le GFA est une société de portage dédiée à l’agriculture. L’ouverture du capital social des GFA exploitant en faire-valoir direct aux personnes morales permettrait d’attirer des inves- tisseurs extérieurs au monde agricole, plutôt que de recourir à la société civile immobi- lière (SCI). À ce titre, la prise de participation transitoire dans le capital des GFA est déjà admise pour la SAFER (510). Limitée à 30 % du capital jusqu’en 2017, elle est aujourd’hui susceptible d’atteindre 100 % (511).

Les SCPI et les sociétés d’assurance y sont également admises (512). Dans les massifs de montagne (513), les coopératives agricoles et les sociétés d’intérêt collectif sont autorisées à faire partie du groupement (C. rur. pêche marit., art. L. 322-3).

Dans toutes ces hypothèses, la prise de participation par des personnes morales oblige les GFA à donner à bail les terres dont ils sont propriétaires et un droit de préférence est accordé à l’exploitant lors de la cession des parts (C. rur. pêche marit., art. L. 322-4). Il serait judicieux de laisser une plus grande liberté aux investisseurs, tout en imposant une exploitation agricole durable.

SOUS-TITRE II

Du portage familial aux nouvelles formes

de portage collectif

Le schéma traditionnel de l’agriculture familiale évolue vers un modèle collectif, s’expri- mant à travers le portage désintéressé (Chapitre I), mais également le portage intéressé

(Chapitre II).

CHAPITRE I

Le portage désintéressé

Depuis 1960, la SAFER est habilitée à effectuer des opérations de portage(Section I). Par ailleurs, la finance solidaire a également fait son apparition dans le portage agricole. Ainsi, des structures telles que Terre de Liens mènent des actions de maîtrise foncière en utilisant la mobilisation de fonds privés pour acquérir des terres agricoles(Section II).

(509) V. 4ecommission, no 4049.

(510) Pendant cinq ans : L. no 74-638, 12 juill. 1974 : JO 13 juill. 1974, p. 7307.

(511) L. no 2017-348, 20 mars 2017, relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au dévelop- pement du biocontrôle, dite « loi Potier » : JO 21 mars 2017, no 0068, texte no 3.

(512) Mémento Francis Lefebvre Agriculture 2017-2018, nos78800 et s.

(513) L. no 85-30, 9 janv. 1985, relative au développement et à la protection de la montagne : JO 10 janv. 1985, p. 320.

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Section I Le portage public : le rôle de la SAFER

– Le schéma de portage par la SAFER. – Utilisées à bon escient, les prérogatives de la SAFER permettent l’installation pérenne d’agriculteurs. En effet, dans les schémas de portage, la SAFER achète les terres au prix du marché à la place du candidat à l’instal- lation grâce à une ligne de crédit mise en place par un établissement financier, princi- palement le Crédit agricole (514), apportant en outre à la SAFER une garantie de bonne fin en cas de défaillance de l’exploitant (515). Les terres sont mises à disposition de l’exploitant au moyen d’une convention d’occupation précaire pour une durée initiale de cinq ans, renouvelable annuellement sans toutefois pouvoir excéder dix ans. Au cours de cette période, l’exploitant a la possibilité d’acheter les terres en une ou plu- sieurs fois. Dans ce cas, une partie des fermages est déduite du prix de vente. La vente se réalise au prix d’achat initial majoré des frais d’acquisition ainsi que des intérêts d’emprunts, de la taxe foncière et des frais de gestion de la SAFER. L’intérêt pour l’agri- culteur est d’espérer se constituer suffisamment de trésorerie en focalisant ses inves- tissements sur le développement de l’exploitation, pour acheter les terres exploitées à terme.

La SAFER a la faculté de créer des partenariats avec les collectivités publiques. Dans le cadre de ces conventions, l’ensemble des frais de portage est pris en charge par la collectivité publique concernée. D’autres conventions peuvent être mises en place avec des établisse- ments publics fonciers ou des interlocuteurs privés tels que les coopératives, l’intérêt étant de mutualiser le coût de l’investissement. Lorsque le candidat désigné ne souhaite pas ou ne peut pas acquérir le fonds, les terres sont stockées par la SAFER dans l’attente d’une nouvelle affectation.

Les exemples de partenariats conclus avec la SAFER (516)

– Les conventions EPF/SAFER : la loi ALUR (517) prévoit que les établissements publics fonciers d’État sont habilités à agir sur le terrain de l’agriculture et de l’environnement si une convention est signée avec la SAFER. Ces conventions ont pour objet de préciser les conditions générales d’intervention de la SAFER cosignataire et notamment : la prestation de négociation foncière et de recueil de promesse de vente pour le compte de l’EPF, l’acquisition et le portage de réserves foncières pour le compte de l’EPF, la mise en gestion de biens agricoles portés par l’EPF, ainsi que les conditions de rémunération correspondantes (518). Chacun s’oblige à une information réciproque et constante de tout élément ou toute démarche verbale et/ou écrite de la part de l’une ou l’autre des parties ou d’un tiers, et ayant un rapport avec les opérations définies dans la convention.

– Les conventions Banques/SAFER : avec l’aide de la SAFER, le Crédit mutuel achète des terres en utilisant sa filiale « Terre Agri Océan ». Les terres sont mises temporairement à la disposition de l’exploitant ou louées par bail à long terme de vingt-cinq ans à un jeune agriculteur. Les

(514) En général l’enveloppe accordée est de 250 000 O.

(515) La garantie donnée par le Crédit agricole consiste à prendre à sa charge la dépréciation du bien lors de la revente. Une caution bancaire palliant le défaut de paiement du fermage est également mise en place pendant deux ans.

(516) Ph. de Ségonzac et S. de Los Angeles, Le rôle des SAFER dans le portage du foncier, AFDR Mâcon, déc. 2017 : RD rur., à paraître.

(517) L. no 2014-366, 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové : JO 26 mars 2014, p. 5809, texte no 1.

(518) À titre d’exemple, la convention de négociation foncière conclue entre la SAFER et l’EPF de Poitou- Charentes le 3 mars 2010 fixe la rémunération de la SAFER entre 3,5 et 6,5 % selon le montant des transactions.

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exploitants ont la possibilité de racheter les terres moyennant un prix communiqué par la SAFER, auquel une décote est appliquée les quinze premières années (519).

– Les conventions Bailleurs privés/SAFER : la SAFER Bourgogne-Franche-Comté projette de mettre en place un système de garantie pour inciter les bailleurs à donner à bail des terres libres à de jeunes agriculteurs.

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