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L’intervention forcée de la SAFER

Dans le document Demain, le territoire (Page 147-183)

Pour la réalisation de ses missions, la SAFER bénéficie d’un droit de préemption sur son territoire(Sous-section I). Elle rétrocède ensuite les biens ainsi préemptés selon une pro- cédure encadrée (Sous-section II). Enfin, le droit de préemption exercé au mépris des dispositions légales est susceptible d’être contesté(Sous-section III).

Sous-section I Le droit de préemption de la SAFER

Le droit de préemption accordé à la SAFER est une prérogative de puissance publique conforme à la Constitution (298). Initialement conçu comme une mesure d’exception, il constitue aujourd’hui un élément incontournable des mutations foncières en milieu rural(§ I). La SAFER a en effet la faculté de préempter la plupart des biens situés sur son territoire (§ II). L’exercice effectif du droit de préemption est toutefois limité à certaines mutations (§ III). Par ailleurs, la préemption est nécessairement motivée au regard des objectifs assignés à la SAFER par la loi(§ IV). Enfin, la loi prévoit des cas d’exemption(§ V).

§ I

L’existence du droit de préemption de la SAFER

Il convient en premier lieu d’appréhender l’obligation d’information généralisée des opéra- tions en milieu rural(A), avant d’examiner les conditions d’existence du droit de préemp- tion de la SAFER(B).

A/ L’obligation d’information généralisée des opérations en milieu rural

– Les auteurs de la notification d’information généralisée. – Pour l’exercice de ses missions, la SAFER est préalablement informée des cessions portant sur les biens ruraux, terres, exploitations agricoles ou forestières situés dans son ressort, ainsi que sur des actions ou parts de sociétés ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1-1).

(295) Le processus d’attribution en jouissance donne lieu à la consultation du comité technique départemental et des commissaires du gouvernement.

(296) Cass. 3eciv., 27 avr. 2017, no 15-29.139 : JurisData no 2017-007825. – S. de Los Angeles et H. Bosse-Platière,

Entremise locative de la SAFER : le conditionnel se conjugue à l’impératif : JCP N 2017, nos43-44, 1302.

(297) L. no 2013-428, 27 mai 2013, modernisant le régime des sections de commune : JO 28 mai 2013, p. 8729. (298) Cass. 3eciv., 3 avr. 2014, no 14-40.006, [QPC] : Bull. civ. 2014, III, no 46 ; RD rur. 2014, no 427, comm. 222.

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La notification d’information généralisée incombe au notaire, ainsi que toute modification ou annulation ultérieure. À ce titre, le notaire est investi d’un mandat légal (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1-1 et R. 141-2-1). Une notification signée uniquement par le vendeur est irrecevable. À défaut de réquisition d’instrumenter ou de promesse de vente, la cosignature de la notification par le vendeur est une précaution a minima. La notification est ensuite adressée à la SAFER compétente par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par voie dématérialisée (299).

Dans le cadre des cessions de parts ou actions sans intervention d’un notaire, cette obliga- tion incombe au cédant.

La SAFER fait le tri entre les notifications ouvrant son droit de préemption et celles constituant une simple information préalable. Elle exerce son droit de préemption unique- ment sur la base de cette information. Dans l’hypothèse où la SAFER dispose d’un droit de préemption, la notification constitue une offre de vente ferme (300). Dès lors, pour que la notification adressée à la SAFER soit valablement effectuée, il est impératif qu’elle dispose de toutes les informations la mettant en mesure d’exercer utilement son droit de préemp- tion. À défaut, le point de départ du délai de deux mois imparti à la SAFER pour faire connaître sa décision est retardé jusqu’à l’obtention d’une information complète régulière. La Cour de cassation a récemment consacré un devoir général de loyauté dû par le notaire chargé de l’information à la SAFER (301).

– Les indications figurant obligatoirement dans la notification. – Les renseignements à fournir à la SAFER sont nombreux. Cela témoigne de la volonté de l’État de connaître l’évolution des prix et l’ampleur des changements de destination des terres agricoles sur le territoire.

Ainsi, les informations suivantes sont communiquées à la SAFER (C. rur. pêche marit., art. R. 141-2-1) :

– la nature et la consistance du bien ou du droit mobilier ou immobilier cédé ;

– l’existence d’un des obstacles à la préemption prévus aux articles L. 143-4 et L. 143-6 du Code rural et de la pêche maritime. Le notaire a toujours la responsabilité d’indiquer les cas d’exemption en fournissant, le cas échéant, les justificatifs nécessaires. Par ailleurs, il est nécessaire de s’assurer de l’existence de toute réserve avant l’envoi de la notification, telle qu’une interdiction d’aliéner, une autorisation du juge des tutelles, un bail à ferme, etc. ;

– le prix des biens objet de la transmission. Lorsque le prix est fixé contrat en main, une ventilation est nécessairement opérée entre le prix proprement dit et les frais et droits (302). D’autre part, à l’occasion des cessions à titre gratuit, la valeur vénale des biens donnés n’a pas à figurer dans la notification ;

– les modalités de l’aliénation projetée ; – la désignation cadastrale des biens cédés ; – leur localisation ;

(299) D. no 2012-363, 14 mars 2012 : JO 16 mars 2012, no 0065, p. 4866, texte no 49. – CNIL, délib. no 2015-117, 2 avr. 2015, Convention de généralisation du traitement dématérialisé des déclarations d’intention d’aliéner entre notaires et SAFER du 22 septembre 2015 : Defrénois 15 nov. 2015, no 21, p. 1153.

(300) Cass. 3eciv., 5 nov. 2015, no 14-21.854 : JurisData no 2015-024517 ; JCP N 2015, no 46, act. 108. – H. Bosse-

Platière, Un abracadabrant droit de rétractation du vendeur après une préemption « inopinée » de la SAFER : RD rur. 2016, no 440, étude 6.

(301) Cass. 3e civ., 16 mars 2017, no 15-22.397 : JurisData no 2017-004530. – F. Collard, L’obligation d’une

information loyale s’immisce dans le droit de préemption de la SAFER : RD rur. 2017, 454, comm. 164. (302) Cass. 3eciv., 28 juin 1977 : Bull. civ. 1977, III, no 284.

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– la mention de leur classification dans un document d’urbanisme ; – l’existence d’un mode de production biologique ;

– les nom, prénoms, date de naissance, domicile et profession des parties à l’acte de cession.

Ainsi, la notification susceptible de faire courir le délai de deux mois offert à la SAFER pour préempter comporte l’ensemble de ces indications (303).

Par ailleurs, il convient de fournir à la SAFER une information complète et loyale sur les conditions de l’opération projetée (304). Ainsi, d’autres précisions non prévues pas les textes s’imposent, sans qu’il soit possible d’en établir une liste exhaustive. La prudence commande notamment de faire figurer dans la notification :

– le montant de la commission de l’intermédiaire éventuellement due par l’acqué- reur (305) ;

– l’état des locations, même hors cas d’exemption au droit de préemption.

En revanche, à titre d’exemple, la SAFER n’a pas la possibilité d’exiger la justification de la légalité des constructions édifiées sur un terrain (306).

– Les indications supplémentaires lors de mutations de droits démembrés. –Lorsque la mutation porte sur des droits démembrés, des informations supplémentaires sont requises (C. rur. pêche marit., art. R. 141-2-1). En effet, outre les informations générales, la notification mentionne la consistance et la valeur des droits démembrés, la durée de l’usu- fruit, son mode d’exploitation, ainsi que les pouvoirs du titulaire des droits.

– Le contenu des notifications lors de la mutation de parts de sociétés. –Les rensei- gnements à fournir à l’occasion de la mutation de parts sociales sont également nombreux. Il convient en effet de porter à la connaissance de la SAFER :

– les statuts mis à jour ;

– le bilan et le compte de résultat des trois derniers exercices ; – l’avant-contrat de cession ;

– l’ensemble des contrats en cours ;

– les conventions de garantie d’actif et de passif ;

– tout engagement faisant peser sur la société dont les parts ou actions sont cédées une incidence financière ;

– tout élément relatif à sa situation contentieuse ;

– ainsi que tous éléments d’information complémentaire nécessaires à l’appréciation des conditions de transmission des parts ou actions.

Des difficultés apparaissent lorsque la promesse de vente est assortie d’une faculté de substitution. L’exemple le plus fréquent est le suivant : au vu d’une notification adressée sur la base d’une promesse de vente consentie au profit d’une personne physique, la SAFER fait connaître sa décision de ne pas préempter. Entre la promesse et la vente, l’acquéreur se substitue une société. Une nouvelle notification ouvrant un nouveau délai de deux mois est exigée, l’identité de l’acquéreur ayant changé (307).

(303) B. Grimonprez : JCl. Droit rural, Vo SAFER, fasc. 30.

(304) Cass. 3eciv., 23 mai 2012, no 10-20.170 : Bull. civ. 2012, III, no 79. – Cass. 3eciv., 24 juin 2015, no 14-

18.684 : Bull. civ. 2015, III, no 64. – Cass. 3eciv., 16 mars 2017, no 15-22.397 : D. 2017, p. 1640, comm.

F. Roussel.

(305) Cass. 3e civ., 24 juin 2015, no 14-18.684. – S. Crevel, En matière de préemption, loyauté fait aussi loi :

RD rur. 2016, comm. 2.

(306) Cridon Lyon, consultation no 644912, 2017.

(307) Cass. 3eciv., 3 mai 2012, no 11-10.788 : Bull. civ. 2012, III, no 65.

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– Le délai accordé à la SAFER. –Le délai accordé à la SAFER pour répondre est de deux mois. Il se calcule de quantième à quantième (CPC, art. 641, al. 2). Si, au cours du délai de réponse, l’offre adressée par le notaire est modifiée quant à son prix ou son paiement, le délai accordé à la SAFER pour répondre est prolongé de quinze jours. En revanche, si la modification porte sur le retrait d’un bien ou son ajout, un nouveau délai de deux mois est ouvert.

Toute modification intervenant plus de deux mois après l’expiration du délai initial ouvre un nouveau délai de deux mois à la SAFER pour répondre. Tant que la réponse n’est pas parvenue au notaire ou au cédant, l’offre est rétractable à tout moment, ce retrait supposant en amont un accord entre le vendeur et l’acquéreur. Dans ce cas, le retrait est nécessaire- ment notifié à la SAFER avant que l’acceptation de l’offre ne parvienne au notaire chargé de la notification.

Le notaire est-il tenu d’attendre deux mois entre le moment où il a informé la SAFER et le moment où il régularise une cession non soumise au droit de préemption ?

Deux obligations distinctes pèsent sur les épaules du notaire.

L’une concerne l’obligation d’information stricto sensu (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1-1, I). L’autre concerne l’obligation d’informer la SAFER « deux mois avant la date envisagée pour la cession » (C. rur. pêche marit., art. R. 141-2-1, al. 1). La violation de la première obligation est sanctionnée par une amende administrative égale au moins à 1 500 O et au plus à 2 % du montant de la transaction concernée lorsque l’aliénation irrégulière porte sur un bien sur lequel la SAFER ne dispose pas du droit de préemption (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1-1, III). La sanction applicable en cas de non-respect de la seconde est discutée en doctrine. Selon une première opinion, la SAFER pourrait agir sur le fondement du droit commun (C. civ., art. 1240) et obtenir éventuellement des dommages et intérêts, pour autant que les éléments de recevabilité se trouvent réunis (308). Selon une seconde opinion, le non-respect du délai de deux mois pourrait constituer une « méconnaissance de l’obligation d’information mentionnée au I » de l’article L. 141-1-1 du Code rural et de la pêche maritime, dans la mesure où ce dernier texte renvoie aux conditions fixées par décret en Conseil d’État, soit au décret no 2015-954 du 31 juillet 2015 (C. rur. pêche marit., art. R. 141-2-1) (309). Dans l’attente d’une hypothétique clarification jurisprudentielle, la prudence est de mise et le notaire sera bien avisé d’informer la SAFER dès le stade de l’avant-contrat, afin de faire courir le plus tôt possible le délai de deux mois, que l’opération soit soumise ou non au droit de préemption.

B/ Les conditions d’existence du droit de préemption de la SAFER

Le droit de préemption de chaque SAFER est conditionné par un décret d’habilitation(I). Cette prérogative de puissance publique est exercée soit pour son propre compte (II), soit pour le compte d’autrui(III).

I/ La faculté d’acquisition préférentielle de la SAFER soumise à habilitation

– La nécessité d’une habilitation réglementaire. –Le droit de préemption de la SAFER est subordonné à un agrément contenant la délimitation de sa zone d’action, outre la publication du décret lui conférant cette prérogative (C. rur. pêche marit., art. L. 143-7).

(308) En ce sens, S. Besson, H. Bosse-Platière et S. de Los Angeles, Nouveau droit de préemption de la SAFER : réponses pratiques : JCP N 2016, 1100, question 3, p. 59 et s., estimant que la preuve du préjudice sera délicate dans la mesure où étant informée, la SAFER est en mesure de réaliser sa mission statisticienne. (309) En ce sens, F. Roussel : Defrénois 2017, p. 20.

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À défaut, toute décision de préemption est illégale et encourt la nullité (310). L’habilitation est donnée de façon permanente. Toutefois, à l’occasion de la révision du programme pluriannuel d’activité (PPAS) de la SAFER (V. no 1210), sur demande des commissaires du gouvernement, le droit de préemption est susceptible de faire l’objet d’une suspension pour une durée maximum de trois ans en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 143-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime (C. rur. pêche marit., art. L. 143-1, al. 8).

II/ Le droit de préemption de la SAFER exercé pour son propre compte

– Une prérogative exercée pour son propre compte. –À titre principal, la SAFER exerce un droit de préemption pour son propre compte. Le champ d’application de ce droit est défini à l’article L. 143-1 du Code rural et de la pêche maritime. Pour son exercice, la loi fait référence au droit de préemption du preneur à bail (C. rur. pêche marit., art. L. 143-8), à l’exception des règles concernant le prix et les ventes par adjudication (C. rur. pêche marit., art. L. 143-10 et L. 143-11). Le droit de préemption est exercé après un accord de volonté du propriétaire et d’un candidat à l’acquisition (311). Lorsque le droit de préemption est exercé par la SAFER, le transfert de propriété s’opère sans rétroactivité à la date de la décision de préemption (312).

– Une prérogative finalisée. – Lorsqu’elle exerce son droit de préemption, la SAFER justifie nécessairement sa décision au regard des objectifs énumérés par l’article L. 143-2 du Code rural et de la pêche maritime. Ainsi, la justification de la décision par référence aux objectifs assignés est un élément déterminant de validité de la préemption. Avec l’élargis- sement de ses missions, la SAFER est aujourd’hui en mesure de préempter à des fins de protection de l’espace rural et de l’environnement.

III/ Une prérogative exercée pour le compte d’autrui

Depuis 2005 (313), la SAFER prête également son concours à certains acteurs locaux dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique de maîtrise foncière. À ce titre, elle intervient pour le compte des départements, de l’agence de l’eau et des organismes de jardins fami- liaux.

– L’exercice de la préemption pour le compte des départements. –La SAFER est en mesure d’exercer la préemption au nom et pour le compte des départements dans les zones agricoles et naturelles périurbaines (C. urb., art. L. 113-16), à l’exception des zones corres- pondant à des espaces naturels sensibles (314). Cette faculté a été mise en place en 2013 en vue de protéger et de mettre en valeur les espaces agricoles et naturels périurbains (315).

(310) F. Roussel, La pratique notariale du droit de préemption de la SAFER : Brochure Cridon Sud-Ouest 2016, no 7.

(311) C. Saint-Alary-Houin, Approche conceptuelle du droit de préemption : JCP N 2011, no 40. – H. Bosse- Platière et B. Travely, Les droits de préemption sont morts, vive le droit de priorité ! : Defrénois 23 nov. 2017, no 28, p. 19.

(312) Cass. 3e civ., 20 mai 2015, no 14-13.188 : JurisData no 2015-011884. – B. Grimonprez : RD rur. 2015,

no 436.

(313) L. no 2005-157, 23 févr. 2005, relative au développement des territoires ruraux : JO 24 févr. 2005, p. 3073. (314) B. Grimonprez : JCl. Notarial Formulaire, Vo Baux ruraux, fasc. 360.

(315) Cette faculté a été demandée par la FNSAFER en 2013 dans son livre blanc pour « éviter de créer, pour des immeubles de même ordre, des fourchettes de prix différentes selon que les transactions sont conclues par la SAFER ou pour le compte du département ou pour son propre compte, et de faire réaliser des économies pour les collectivités territoriales » : www.safer.fr.

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Les conditions de financement de telles opérations sont fixées par des conventions conclues entre les conseils départementaux et les SAFER concernées. L’utilisation de ces conventions hors du domaine des prestations de services leur permet de sortir du champ des marchés publics et de la mise en concurrence de l’article 3, 3o du Code des marchés publics. Elles s’appuient également sur les dispositions du Code rural et de la pêche maritime. L’article L. 141-5 précise en effet que la SAFER apporte son concours technique aux collec- tivités territoriales en formalisant soit des mandats, soit des conventions (C. rur. pêche marit., art. R. 141-2), dans le cadre général de la mise en œuvre du volet foncier de toutes les politiques publiques d’aménagement et de développement durable du territoire rural (316).

La préemption s’exerce quel que soit le zonage défini dans les décrets d’habilitation de la SAFER (C. rur. pêche marit., art. L. 143-7-1). Lorsqu’elle représente le département, les exemptions privant la SAFER de son droit de préemption tombent. Cela concerne notam- ment les cessions à titre onéreux de terrains destinés à la construction, aux aménagements industriels ou à l’extraction de substances minérales, de terrains visant à la constitution ou à la conservation de jardins familiaux, les cessions moyennant rente viagère. Ces aliénations sont obligatoirement notifiées à la SAFER. Dès réception de la notification, la SAFER informe le président du conseil départemental (C. rur. pêche marit., art. L. 143-7-1 et R. 143- 15). Il dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître à la SAFER concernée sa décision de préemption, son silence dans le délai imparti valant renonciation. Dans l’hypothèse d’une adjudication volontaire, le délai est de deux semaines à compter de la transmission de la dernière enchère (C. rur. pêche marit., art. R. 143-16). Lorsque le département n’use pas de ses prérogatives à l’intérieur de ces mêmes espaces, la SAFER retrouve son droit de préemption pour son propre compte (C. urb., art. L. 113-25, in fine).

– L’exercice de la préemption pour le compte des agences de l’eau. –Les six agences de l’eau françaises ont pour mission d’organiser la gestion de l’eau de différents bassins, la préservation, la restauration et l’entretien des zones humides (C. env., art. L. 213-8-2) (317). À ce titre, elles ont la faculté d’acquérir les terres situées dans des zones humides (C. env., art. L. 211-1) afin de lutter contre l’artificialisation des sols et de valoriser les terres, notam- ment agricoles. Dans ce cadre, elles sollicitent la SAFER afin d’utiliser son droit de préemp- tion pour leur compte. La SAFER agit en qualité de mandataire. En tant que tel, elle informe les agences des mutations et préempte à leur demande. Le transfert de propriété s’effectue directement au profit de l’agence de l’eau. L’appropriation des terres par les agences de l’eau se réalise dans le respect des contrats d’exploitation en cours, et en particulier des baux à ferme : les méthodes culturales concourent nécessairement à une utilisation agricole durable et contraignante de ces zones (318).

La cession des étangs

Quelques rappels sur les étangs :

Un étang est un plan d’eau artificiel conçu pour divers usages : production piscicole, gestion hydraulique, irrigation, loisirs, paysage. Tout plan d’eau est soumis à la loi sur l’eau (319) et fait

(316) H. Bosse-Platière, B. Grimonprez et D. Rochard, Ville et agriculture : radiographie libre des instruments du partage de l’espace, LGDJ-Lextenso éd., 2016, p. 207.

(317) L. no 2010-788, 12 juill. 2010, dite « Grenelle 2 de l’environnement » : JO 13 juill. 2010, p. 12905, texte no 1. (318) B. Grimonprez, Agriculture et zones humides : un droit entre deux eaux : RD rur. 2011, étude 5. (319) L. no 2006-1772, 30 déc. 2006, sur l’eau et les milieux aquatiques : JO 31 déc. 2006, p. 20285, texte

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l’objet d’une déclaration à la police de l’eau (C. env., art. R. 214-38 à R. 214-52) (320). Entre 1 000 mètres carrés et trois hectares, une simple déclaration d’existence suffit. En revanche, au-delà de trois hectares, une autorisation d’exploiter est nécessaire. Ces démarches visent à limiter les impacts éventuels des installations sur la qualité écologique des milieux aquatiques. L’entretien des étangs et de leurs rives, la nature de l’empoissonnement, la circulation des eaux, les barrages et les digues sont strictement réglementés. En outre, le propriétaire a l’obligation d’adhérer à une association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques (AAPPMA) et de détenir une carte de pêche. Il lui est loisible de régulariser un bail de pêche avec l’AAPPMA, déléguant ainsi son droit de pêche en échange d’un entretien régulier.

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