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Le financement de la SAFER

Dans le document Demain, le territoire (Page 136-147)

Historique du financement de la SAFER

En 1960, des subventions de fonctionnement ont été versées à la SAFER pour rémunérer ses missions de service public. Des crédits ont également été affectés aux opérations d’aménagement

(245) Y. Sencebe, La SAFER, de l’outil de modernisation agricole à l’agent polyvalent du foncier : hybridation et fragmentation d’une institution : Terrains & travaux 2012/1, no 20, p. 105-120.

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foncier (246). En 1983, des crédits supplémentaires ont été mis en place, mais les subventions ont commencé à diminuer.

Elles représentaient : – 12,4 millions d’euros en 1985 ; – 9,8 millions d’euros en 1987 ; – 8 millions d’euros en 1988 ; – 4,5 millions d’euros en 2010 ; – 3,3 millions d’euros en 2016 (247).

– La suppression des subventions publiques. –Jusqu’alors, la SAFER fonctionnait avec des subventions de l’État, des prêts à moyen terme à caractéristiques spéciales (MTCS) octroyés par la Caisse nationale de crédit agricole, et des prêts bonifiés de l’État. En 2017, les subventions publiques ont été supprimées, à l’exception de celles accordées aux SAFER de Corse, Martinique, Guadeloupe et La Réunion, en difficultés financières (248). Cette suppression doit être compensée par diverses mesures financières et fiscales dont la teneur n’a pas encore été révélée.

– Les ressources tirées des conventions avec les régions. – En moyenne, les régions participent à hauteur de 10 % au capital social des SAFER, pour un montant total de trente-cinq millions d’euros (249). Par ailleurs, la FNSAFER a mis en place pour le compte des SAFER des partenariats avec les collectivités sous forme de conventions échappant au cadre des marchés publics et au principe de mise en concurrence obligatoire (CMP, art. 3, 3o). En effet, la mise en concurrence est inapplicable aux accords-cadres et aux marchés de services ayant pour objet l’acquisition de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immobiliers. Ces conventions sont également un moyen indirect d’accéder aux crédits européens, le conseil régional étant l’autorité de gestion en la matière. Ils sélectionnent leurs projets territoriaux et par conséquent les projets initiés par les SAFER (250).

La mission d’observation foncière de la SAFER est également financée par des conventions avec les collectivités locales, aucune aide financière de l’État n’étant prévue à ce titre.

– Le financement grâce aux excédents nets réalisés. – La SAFER facture des commis- sions dans le cadre de certaines opérations. Le montant de ces gains non fiscalisés (251) est compris entre 6 et 12 % de la valeur du bien concerné (252). Elle facture également des services divers. Les excédents nets réalisés sur un exercice ne peuvent servir qu’à la consti- tution de réserves destinées au financement d’opérations conformes à l’objet de la SAFER, après imputation des charges (C. rur. pêche marit., art. L. 141-7, al. 2).

(246) L. no 60-808, 5 août 1960, art. 16, al. 2.

(247) Instr. techn. DGPE/SDPE/2016-583, 13 juill. 2016.

(248) Projet de loi de finances pour 2017, Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. – Rép. min. no 249 : JO Sénat Q 22 juin 2017, p. 2020.

(249) www.safer.fr.

(250) Pour la période 2014-2020, le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen (FSE), également appelés fonds structurels, représentent 15,5 milliards d’euros. Le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) représente 11,4 milliards d’euros. Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) représente 588 millions d’euros : Fonds européens 2014-2020. Stratégie Europe 2020 et fonds européens : www.europe-en-france.gouv.fr.

(251) Par ailleurs, la SAFER n’est pas soumise à la cotisation foncière des entreprises : CAA Nancy, 20 févr. 1992 : JurisData no 1992-040941.

(252) Combien coûte l’achat via la SAFER ? : www.terresdeurope.net.

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– La rémunération de la réponse expresse et rapide aux notifications SAFER. –Compte tenu de la complexité et de l’articulation des multiples droits de préemption, les praticiens demandent souvent une réponse rapide à la SAFER. Sa facturation est justifiée par le surcoût administratif d’une étude rapide du dossier. Interrogé sur la légalité de cette pratique, le gouvernement a précisé qu’elle s’apparente à une prestation de services pure- ment optionnelle. Ainsi, elle n’est ni illégale ni abusive. Chaque SAFER possède sa propre grille de facturation (253).

– Les redevances perçues en contrepartie des conventions d’occupation. – Les rede- vances perçues en contrepartie des conventions d’occupation consenties à des exploitants dans l’attente du déstockage par transfert de propriété constituent également des ressources internes.

CHAPITRE II

Les outils à la disposition de la SAFER

La SAFER dispose d’outils facilitant la conception et la réalisation des projets d’aménage- ment du territoire, intégrant enjeux économiques et enjeux environnementaux. Elle est devenue incontournable en milieu rural. Ses interventions sur le marché foncier résultent soit d’une démarche amiable (Section I), soit d’une utilisation de ses prérogatives de puissance publique(Section II).

Section I L’intervention amiable de la SAFER

Les interventions amiables de la SAFER sont effectuées dans le cadre d’acquisitions/ rétrocessions (Sous-section I) ou par le biais du mécanisme de la substitution

(Sous-section II). Elle réalise également des opérations d’entremise locative

(Sous-section III).

Sous-section I Les acquisitions amiables en vue de rétrocéder

L’une des activités de la SAFER est l’acquisition amiable de biens dans le but de les rétrocéder. À ce titre, elle a la possibilité de prospecter sur l’ensemble du territoire rural(§ I). La rétrocession des biens acquis suit une procédure encadrée(§ II), susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux (§ III).

§ I

Les acquisitions amiables

– L’élargissement du champ d’action amiable de la SAFER au territoire rural. –Pour la réalisation de ses missions, la SAFER a la possibilité d’acquérir amiablement des biens ruraux, et non plus exclusivement des biens agricoles (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1, II, 1o). En effet, contrairement aux acquisitions par préemption, son champ d’action amiable s’étend à tout le territoire rural, par opposition aux zones urbaines (254). Le plus souvent, ces acquisitions amiables sont réalisées de gré à gré. Néanmoins, il s’agit parfois d’adjudications.

(253) Rép. min. no 1007 : JOAN Q 13 juin 2017, p. 3768.

(254) Circ. DEPSE/SDEA/C2002-7022, 3 mai 2002 : RD rur. 2002, p. 395.

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Le champ d’application des acquisitions amiables par la SAFER

Le champ d’application des acquisitions amiables par la SAFER est large. Il concerne :

– les biens bâtis ou non bâtis ; – les exploitations agricoles ;

– les biens mobiliers tels que les cheptels mort ou vif, les stocks nécessaires à l’exploitation, ou tout autre élément ou investissement réalisé en vue d’améliorer le fonds ou de diversifier et de commercialiser la production, attachés aux biens immobiliers (C. rur. pêche marit., art. R. 143-2, 3o) (255) ;

– les parts de sociétés civiles à objet agricole donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance de biens agricoles ;

– les parts ou actions de toute société dont l’objet principal est l’exploitation ou la propriété agricole (256).

– La possibilité de prospecter. –La SAFER a la possibilité de prospecter afin de réaliser ses opérations amiables. Elle dispose à ce titre de diverses sources d’information : les élus locaux, le monde agricole, les notaires, les sites internet et journaux d’annonces, les pro- priétaires et les candidats à l’acquisition eux-mêmes.

Pour parvenir à l’opération amiable, la SAFER bénéficie d’arguments solides :

– la sécurité des transactions, en s’assurant de la solvabilité des candidats et en assumant la gestion des aspects administratifs ;

– son réseau de candidats et son portefeuille d’apporteurs de capitaux (257).

Le respect de la purge des droits de priorité

Préalablement à toute acquisition amiable réalisée par la SAFER, la purge des éventuels droits de préemption prioritaires s’impose (C. rur. pêche marit., art. L. 143-8).

Ainsi, il convient de purger :

1. le droit de préemption de l’indivisaire ;

2. le droit de préemption des personnes publiques ;

3. le droit de préemption du locataire (258) ou du preneur rural (259).

En outre, en cas d’acquisition amiable de parts de sociétés, le droit de préférence des associés éventuellement contenu dans les statuts s’applique également par priorité.

– L’accord des commissaires du gouvernement. – L’accord des commissaires du gouvernement est requis préalablement aux opérations dont le montant excède 75 000 O (260). Ils ont néanmoins la possibilité de décider à tout moment de soumettre certaines acquisitions inférieures à ce montant à leur approbation (C. rur. pêche marit., art. R. 141-10).

(255) JCl. Notarial Formulaire, Vo Baux ruraux, fasc. 170.

(256) JCl. Notarial Formulaire, Vo Exploitation agricole, fasc. 60. – www.safer-aura.fr. (257) www.inpact-paca.org.

(258) Rép. min. no 4234 : JOAN Q 26 oct. 2004, p. 8490.

(259) Cass. 3eciv., 7 janv. 2009 : JCP N 2010, 1280, note F. Roussel.

(260) Ce montant est fixé par arrêté concerté du ministre de l’Agriculture et du ministre des Finances : A. no AGRF0600872A, 26 avr. 2006, relatif aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, art. 1er: JO 16 mai 2006, p. 7179.

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§ II

Les rétrocessions suite aux acquisitions amiables

– La justification de l’opération. – Les opérations de rétrocession sont obligatoirement motivées à l’aune des objectifs définis par les articles L. 141-1 et R. 141-1 du Code rural et de la pêche maritime. En pratique, l’étendue de cette définition rend la justification des opérations aisée.

– La liberté de diviser ou de rétrocéder en bloc. –La SAFER a la faculté de revendre les biens acquis en bloc ou après division. Elle a également la possibilité de rétrocéder des biens issus de plusieurs acquisitions à un même acquéreur, ou de dissocier les biens acquis pour répondre à des besoins en cohérence avec les politiques locales (261).

– L’appel à candidature. –Les décisions d’attribution sont obligatoirement précédées de la publication d’un appel à candidatures. Il s’effectue par voie d’affichage à la mairie de la commune où est situé le bien pendant un délai minimum de quinze jours. Si l’opération excède 75 000 O, cet avis est publié dans un journal diffusé dans le département concerné, ainsi que sur le site internet de la SAFER (C. rur. pêche marit., art. R. 142-3). À l’exception de deux hypothèses (262), le non-respect des formalités de publicité entraîne la nullité de la rétroces- sion. Cette nullité n’est pas subordonnée à la preuve d’un quelconque grief (263). La SAFER choisit librement les bénéficiaires de la rétrocession parmi les candidats dont le projet s’inscrit dans une perspective d’aménagement rural. Il ne s’agit pas nécessairement d’agriculteurs. Ainsi, elle a la possibilité de préférer un investisseur disposé à consentir un bail à un exploitant ou toute personne dont le projet s’inscrit dans une perspective d’aménagement rural.

– La consultation du comité technique départemental. –Le comité technique départe- mental de la SAFER donne un avis simplement consultatif sur les projets. L’avis conforme du directeur régional de l’agriculture et de la forêt est en revanche requis (264). Il emporte autorisation administrative d’exploiter (C. rur. pêche marit., art. L. 331-2) (265). Le silence conservé par le commissaire du gouvernement pendant un moins vaut autorisation implicite (C. rur. pêche marit., art. R. 331-14).

– Le prix de rétrocession. – Le prix est fixé librement par la SAFER. En pratique, elle répercute les frais d’acquisition et le coût de gestion engendrés par la conservation tempo- raire des biens.

– L’obligation d’information des candidats écartés. – Lorsqu’une SAFER attribue un bien acquis à l’amiable, elle procède à l’affichage d’un avis décrivant l’opération au plus tard dans le mois suivant la signature de l’acte authentique. En outre, elle est tenue d’informer le ou les candidats non retenus des motifs ayant déterminé son choix (C. rur. pêche marit., art. R. 142-4). Elle dispose d’un délai d’un mois à ce titre (266).

§ III

Le recours contre les décisions de rétrocession amiable

– Le point de départ de l’action contre la décision de rétrocession. – L’affichage en mairie constitue le point de départ du délai de recours (six mois) contre la décision de

(261) Besoins agricoles, de développement local, de développement économique, ou de mise en place d’infrastructures. (262) Attribution résultant d’un d’échange rural multilatéral et attribution visant à la réalisation de grands

ouvrages publics ou de projets d’intérêt général en faveur d’une collectivité territoriale.

(263) Cass. 3eciv., 29 sept. 2004, no 03-12.927 : Bull. civ. 2004, III, no 161 ; JurisData no 2004-024954. – Cass.

3eciv., 3 oct. 2007, no 06-16.083 : JurisData no 2007-040629.

(264) Il s’agit du commissaire du gouvernement représentant le ministère de l’Agriculture. (265) M.-O. Gain, Le contrôle des structures dans la LAAAF : RD rur. 2015, 430, dossier 4. (266) D. no 2018-77, 7 févr. 2018 : JO 9 févr. 2018. 1239 1240 1241 1242 1243 1244 1245 68

rétrocession (C. rur. pêche marit., art. L. 143-14). Tout candidat à la rétrocession non retenu est en droit d’exercer un recours contre la décision d’une SAFER devant les tribunaux de l’ordre judiciaire (267). Il faut entendre par candidat toute personne ayant déposé une candidature et formulé une offre de prix identique à celle retenue par la SAFER (268). En réalité, l’affichage en mairie de la décision de rétrocession ne constitue pas à lui seul le point de départ du délai de six mois pour exercer le recours. En effet, le candidat évincé a droit à un recours effectif au juge (269). Dans cette hypothèse, le délai court à compter de la notification reçue personnellement de la SAFER (270). Autrement dit, tant que la SAFER n’a pas notifié aux candidats non retenus les motifs de leur éviction, l’action est toujours ouverte.

Sous-section II Les promesses de vente avec faculté de substitution

Le mécanisme de la substitution en chiffres

Le mécanisme de la substitution représente 78 % de l’activité des SAFER (soit environ 61 000 opérations) contre 5 % en matière de préemption (soit un peu moins de 7 000) et 17 % en matière d’acquisitions amiables (271).

En 2011, la marge brute dégagée par l’activité de substitution représentait 49,2 % du total des ressources des SAFER. Elle atteignait 66 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur et 68 % en Aquitaine-Atlantique.

§ I

Le mécanisme des substitutions SAFER

– Le renforcement de la présence de la SAFER sur le marché rural. –Introduite par la loi d’orientation agricole de 1999 (272), la promesse avec faculté de substitution est une technique contractuelle amiable permettant à la SAFER de renforcer sa présence sur le marché foncier rural. Elle ne paye aucun prix de vente et perçoit une commission d’inter- médiaire à cette occasion (273).

– Description du mécanisme. –La SAFER a la possibilité de se substituer un ou plusieurs attributaires pour réaliser la cession de tout ou partie des droits conférés (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1). Dès la formation de la promesse unilatérale de vente, essentiel- lement utilisée en pratique, elle envisage de se substituer un tiers (274).

(267) T. confl., 15 juin 1970 : D. 1970, 619.

(268) Cass. 3eciv., 21 juin 1995, no 93-14.539 : Bull. civ. 1995, III, no 152 ; JurisData no 1995-001695 ; RD rur.

1995, p. 564. – Cass. 3eciv., 20 mai 2014, no 13-15.679 : JurisData no 2014-013505. – H. Bosse-Platière :

RD rur. 2014, comm. 425. – Cass. 3eciv., 8 oct. 2015, no 13-28.770 : JurisData no 2015-022405.

(269) Conv. EDH 4 nov. 1950, art. 6, § 1.

(270) Cass. 3eciv., 30 oct. 2013, no 12-19.870 : JurisData no 2013-000783 ; RTD imm. 2014, p. 82, note B. Tra-

vely. – H. Bosse-Platière, Point de départ de l’action en contestation d’une décision de rétrocession-SAFER : JCP G 2014, 445.

(271) Cour des comptes, Les dérives d’un outil de politique d’aménagement agricole et rural, rapport annuel 2014, p. 102. – E. Juen : RD rur. 2016, no 440, étude 5.

(272) L. no 99-574, 9 juill. 1999, d’orientation agricole : JO 10 juill. 1999, p. 10231.

(273) H. Bosse-Platière, Propos hétérodoxes sur les promesses conclues par les SAFER avec faculté de substitution : Defrénois 2014, nos15-16, p. 850 et s.

(274) E. Juen, La substitution opérée par les SAFER dans les promesses unilatérales de vente – Présentation d’une cession de contrat : RD rur. 2016, no 440, étude 5.

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– La nature juridique des promesses de vente avec faculté de substitution conclues par la SAFER (275). –Les promesses de vente avec faculté de substitution conclues par la SAFER sont régies par des dispositions singulières dérogeant au droit commun des contrats (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1, II). Il s’agit d’un mécanisme d’ordre public, spécifique au droit rural (276). En effet, l’exercice de la faculté de substitution n’est pas subordonné au consentement du promettant. La SAFER dispose d’un pouvoir unilatéral à ce titre. L’article L. 141-1 du Code rural et de la pêche maritime emploie l’expression de « cession de tout ou partie des droits conférés », laissant supposer une cession de contrat. Pourtant, la Cour de cassation a refusé à maintes reprises de qualifier la substitution de cession de contrat (277). La réforme du droit des contrats n’a pas modifié le droit positif (278).

– L’impossibilité pour la SAFER de revendiquer la qualité de propriétaire. – En utilisant la technique de la substitution, la SAFER n’est pas à même de revendiquer la qualité de propriétaire du bien. Dans l’hypothèse inverse, l’opération est qualifiée d’acquisition/rétrocession. N’ayant à aucun moment la qualité de propriétaire, elle est privée de la faculté de consentir une convention de mise à disposition ou un bail, ou de résilier le bail grevant le bien objet des promesses, en attendant l’aboutissement de l’opé- ration de substitution. En effet, le ou les attributaires deviennent seuls et rétroactivement propriétaires comme tenant dès l’origine exclusivement leurs droits du vendeur, à l’excep- tion de l’adhésion au cahier des charges imposé par la SAFER.

§ II

Un outil aux contours légalement définis

– Le délai de substitution. –La SAFER dispose d’un délai légal de six mois pour se substituer le tiers choisi. Ce délai court à compter du jour où la promesse a acquis date certaine.

– Les substitutions partielles, multiples ou groupées. – Les substitutions partielles, multiples ou groupées sont autorisées (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1, II, 2o). Pour la SAFER, la faculté de substitution partielle consiste à acquérir une partie de l’objet initial de la promesse et à se substituer un ou plusieurs autres acquéreurs pour le surplus. La subs- titution est multiple lorsqu’une SAFER se substitue plusieurs attributaires : la propriété initiale étant divisée, le promettant consent expressément à constituer plusieurs lots indivi- dualisés quant à leur consistance et leur prix. Le mécanisme de la substitution aboutit alors à des ventes partielles divises au profit de chacun des attributaires substitués dans les droits et obligations de la SAFER. La promesse synallagmatique valant vente (C. civ., art. 1589) ne se prête pas à une substitution au profit de plusieurs attributaires divis (279). Enfin, la SAFER a la possibilité de réaliser des substitutions groupées, c’est-à-dire se substituer un seul et même attributaire dans le bénéfice de plusieurs promesses consenties par différents propriétaires.

(275) B. Grimonprez, La substitution dans les promesses de vente par la SAFER : JCP N 2002, no 12, 1212. – Ch. Gijsberg, Faut-il « rebaptiser » les clauses de substitution ? : JCP N 2016, no 45, act. 1194.

(276) L. Boyer, Clause de substitution et promesse unilatérale de vente : JCP N 1988, I, p. 250. – E. Jeuland, Proposition de distinction entre la cession de contrat et la substitution de personne : D. 1998, doctr. p. 356. (277) Cass. 3eciv., 19 mars 1997, no 95-12.473 : D. 1997, somm. p. 341, obs. Ph. Brun ; Defrénois 1997, p. 1351,

note D. Mazeaud. – Cass. 3eciv., 2 juill. 1969 : D. 1970, p. 150, note J.-L. Aubert. – Cass. 3eciv., 17 avr.

1984 : Bull. civ. 1984, III, no 87 ; RTD civ. 1985, p. 1798.

(278) Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : JO 11 févr. 2016, texte no 26. – Ch. Gijsbers, Faut-il « rebaptiser » les clauses de substitution après la réforme du droit des obligations ?, préc. ; De l’opportunité douteuse de réécrire les clauses de substitution après l’ordonnance du 10 février 2016 : Bull. Cridon Paris 2016, nos19-20.

(279) Cass. 3eciv., 21 sept. 2005 : JurisData no 2005-029781 ; JCP N 2005, no 43, 1437, note J.-J. Gravillou.

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Les notifications au preneur en cas de substitutions multiples

Le notaire instrumentaire est tenu de notifier au preneur aux fins de purge de son droit de préemption l’intention des promettants de céder le bien exploité (C. rur. pêche marit., art. L. 412-8).

La notification comporte obligatoirement :

1. le prix, les charges, conditions et modalités de la promesse de vente consentie à la SAFER ;

2. mais également le prix, les charges, conditions et modalités des ventes partielles envisagées avec les acquéreurs substitués.

L’objectif est de permettre au preneur en place d’acquérir une partie seulement des biens objet d’une vente partielle (280).

– Un cahier des charges imposé à l’acquéreur. – Les cessions de biens par la SAFER sont généralement soumises à un cahier des charges. En matière de cession amiable, et par conséquent de substitution, il n’est pas obligatoire (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1, III, 1o). En revanche, si la SAFER l’impose, il comporte nécessairement l’engagement de maintenir l’usage agricole du bien pendant un délai minimal de dix ans. Cette disposition signifie que l’engagement ne peut concerner qu’un bien agricole dont l’usage serait main- tenu (281). Pendant ce même délai, toute opération de cession à titre onéreux en propriété ou en jouissance du bien attribué est soumise à l’accord préalable de la SAFER. En cas de non-respect, l’attributaire est tenu de délaisser le bien, sur sa demande, au prix fixé dans le cahier des charges. À défaut, il est fixé par le juge de l’expropriation.

La SAFER à l’épreuve de la théorie des clauses abusives

Parmi les innovations de l’ordonnance du 16 février 2016 réécrivant le droit commun des contrats, l’une des plus corrosives concerne l’introduction de la théorie des clauses abusives dans

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