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L’attribution préférentielle en propriété

Dans le document Demain, le territoire (Page 183-185)

– La nature de l’attribution préférentielle. – L’attribution préférentielle en propriété instaurée en 1938 permet de maintenir l’unité de l’exploitation en évitant son morcelle- ment (482). À la frontière du droit successoral et du droit rural, elle constitue une opéra- tion de partage (483). Le déséquilibre économique créé par l’attribution préférentielle est compensé par le paiement d’une soulte.

L’attribution préférentielle est accordée de façon hiérarchique : 1. en propriété (C. civ., art. 831 et 831-1) ;

2. en vue de constituer un groupement foncier agricole (C. civ., art. 832-1) (484) ou de consentir un bail rural à long terme (C. civ., art. 832-2) (485).

– Les conditions à remplir. –L’attributaire n’est propriétaire exclusif qu’au jour du partage définitif. Toutefois, en cas d’attribution en vue de créer un GFA, le partage ne devient parfait que lors de la signature de l’acte constitutif du groupement foncier agricole et de la conclusion du bail à long terme entre le groupement et l’attributaire (C. civ., art. 832-1).

Pour prétendre à l’attribution préférentielle, les conditions suivantes sont exigées :

– l’attributaire est tenu d’exploiter les parcelles objet de la demande d’attribution ou les avoir exploitées ;

– il doit avoir la qualité de conjoint survivant copartageant ou d’héritier du propriétaire défunt, à l’exception toutefois de celle d’héritier ayant une vocation universelle ou à titre universel institué par voie testamentaire (486). L’article 515-6, alinéa 1er du Code civil

l’étend également au partenaire du pacte civil de solidarité lors de sa dissolution, sous- entendu par décès, lorsque les biens ont été acquis en indivision conformément à l’article 515-5-1 du même code.

– Les biens concernés par l’attribution préférentielle. – L’attribution préférentielle concerne uniquement les biens agricoles par nature (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1), détenus en indivision et faisant l’objet d’une exploitation agricole au jour du décès (487). Ces biens doivent au surplus constituer tout ou partie d’une entreprise agricole, entendue comme unité économique composée de tous les biens immobiliers et mobiliers nécessaires à la réalisation d’une activité agricole. Les parts sociales d’une société d’exploitation agricole sont également susceptibles de faire l’objet d’une attribution préférentielle.

(480) S. Crevel, Le droit de préemption du preneur : plus fort que les effets d’optique et autres troubles de l’indivision (fraude au droit de préemption du preneur) : RD rur. 2016, no 442, comm. 97.

(481) Cass. 3eciv., 28 oct. 2009, no 08.17.019 : JurisData no 2009-050055.

(482) M. Grimaldi, Droit civil, Successions, LexisNexis, 7eéd. 2017, nos989 et s.

(483) S. Crevel, Le nouveau régime de l’attribution préférentielle des biens agricoles : RD rur. 2007, étude 18. (484) Le GFA est constitué entre les membres de l’indivision. Il est regrettable toutefois qu’aucune participation à

l’exploitation ne soit exigée du demandeur. (485) JCl. Notarial Formulaire, Vo Partage, fasc. 60.

(486) L. no 2006-728, 23 juin 2006 : JO 24 juin 2006, p. 9513.

(487) Cass. 1reciv., 28 janv. 1997, no 95-15.003 : JurisData no 1997-000305.

GRP : congres JOB : mp2018 DIV : 08_mp_comm1 p. 109 folio : 111 --- 28/2/018 --- 8H21

L’appropriation du territoire agricole

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– L’évaluation des biens objet de l’attribution préférentielle. – Les parcelles faisant l’objet d’une attribution préférentielle sont évaluées en tenant compte d’une valeur vénale libre lorsque l’héritier titulaire du bail obtient cette attribution (488). Lorsque ces mêmes terres sont attribuées à un membre de l’indivision non titulaire du bail, une décote est en général appliquée.

CHAPITRE II

Le portage familial

L’interdépendance de la propriété agricole et de l’exploitation est étroitement liée à la mentalité de nos agriculteurs (489). Cette conception familiale de l’agriculture s’oppose à la vision capitalistique des investisseurs extérieurs. Elle est encore très présente sur le territoire national, contrairement à l’évolution constatée outre-Manche par exemple (490). L’attribu- tion préférentielle en jouissance mise en place par la loi du 4 juillet 1980 (491) constitue un outil singulier, révélateur de la volonté du législateur de favoriser le portage fami- lial (Section I). Mais l’appropriation familiale du patrimoine foncier s’exprime surtout à travers l’utilisation des groupements fonciers agricoles (Section II).

Section I L’attribution préférentielle en jouissance

– L’attribution préférentielle en jouissance : un bail forcé (492). – La loi du 4 juillet 1980 a instauré différentes variétés d’attribution préférentielle en jouissance. Alors que l’attribution préférentielle en propriété consiste à soustraire un bien aux règles ordinaires du partage pour l’attribuer à un indivisaire, ces formes d’attribution dissocient la propriété et la jouissance. L’attribution préférentielle en jouissance peut s’effectuer avec ou sans constitution d’un GFA (C. civ., art. 832-1 et 831-1). À l’extrême, le bail peut même être forcé, imposé par le tribunal aux cohéritiers (C. civ., art. 832-2) (493). Cette dissociation du droit d’exploitation et du droit de propriété assure à l’agriculteur copartageant désireux de poursuivre l’exploitation la conservation du bien et la réduction des charges financières. Il bénéficie de son droit de préemption en cas de vente du bien (C. rur. pêche marit., art. L. 412-14, al. 1).

– Les conditions à remplir pour en bénéficier. – L’attribution préférentielle en jouis- sance est une solution résiduelle, le prérequis étant l’absence d’attribution préférentielle en propriété (494).

Elle porte sur tout ou partie d’une exploitation agricole constituant une unité économique. Les conditions pour en bénéficier sont les suivantes :

– être conjoint survivant ou cohéritier en pleine propriété ou en nue-propriété (495) ;

(488) Cass. 1reciv., 6 nov. 2013, no 12-27.074, non publié au bulletin.

(489) C. Bessière, C. de Paoli, B. Gouraud et M. Roger, Les agriculteurs et leur patrimoine : des indépendants comme les autres : Économie et statistiques 2011, nos444-445.

(490) J. Hudault, Le statut des unités agro-industrielles en droit français : RID comp. 1990, vol. 42, no 2, p. 637 à 664.

(491) L. no 80-502, d’orientation agricole, 4 juill. 1980 : JO 5 juill. 1980, p. 1670. (492) JCl. Rural, Vo Successions agricoles, fasc. 30.

(493) Dans les conditions fixées aux articles L. 412-14 et L. 412-15 du Code rural et de la pêche maritime. (494) JCl. Notarial Formulaire, Vo Attribution préférentielle, fasc. 50.

(495) M. Vion, Les bénéficiaires de l’attribution préférentielle après la loi no 70-1265 du 23 décembre 1970 et la loi no 72-3 du 3 janvier 1972 : Defrénois 1972, art. 30214, p. 1425 et s.

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– avoir participé à l’exploitation agricole. Cette condition est également remplie par le conjoint du demandeur ou ses descendants (496) ;

– ne pas exploiter sous forme sociétaire.

À titre complémentaire, le demandeur reçoit en principe par priorité dans son lot la pro- priété des bâtiments d’exploitation et d’habitation.

Il s’agit d’une solution de portage de dernier recours, ne rencontrant guère de succès. En pratique, elle est souvent invoquée comme moyen de pression. Par ailleurs, n’étant pas d’ordre public, un testament peut l’écarter au détriment d’un ou plusieurs héritiers.

Les effets pratiques de l’attribution préférentielle en jouissance

Le partage des biens est subordonné à la conclusion d’un bail à long terme au profit du demandeur à l’attribution en jouissance (C. civ., art. 832-2, al. 1). Autrement dit, la conclusion du bail est un élément consubstantiel au partage (497). Ainsi, il convient de régulariser les deux actes concomitamment.

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