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CHAPITRE II : CADRE THÉORIQUE

4. Les fondements des Espaces de Travail Mathématique

Les Espaces de Travail Mathématique (ETM) sont issus des ETG : ils ont été créés dans le but de développer des espaces de travail pour tous les domaines mathématiques. Les ETM sont des espaces de travail pour un domaine mathématique déterminé. Grâce à eux, il est possible de développer des espaces de travail spécifiques. Comme pour les ETG, il y a différents types d’ETM : l’ETM référent, l’ETM idoine et l’ETM personnel.

4.1. Les plans épistémologique et cognitif

Comme les ETG (Kuzniak, 2011), les ETM s’articulent sur deux plans grâce à différentes genèses : l’un de nature épistémologique et l’autre de nature cognitive.

Figure 15 : L’ETM et ses genèses. (Kuzniak, Richard, 2014, p. 3)

4.1.1. Le plan épistémologique et ses composantes

Comme l’ETG (Kuzniak, 2011), l’ETM est composé des artefacts et du référentiel théorique. Cependant, on ne peut parler de la composante liée à l’espace et aux configurations géométriques, car elle ne peut être associée à tous les domaines mathématiques. Kuzniak (2011) introduit la notion de signe ou representamen au sens de Peirce pour étendre cette composante aux autres domaines mathématiques.

[L]e signe ou le representamen est une « chose » qui en représente une autre que ce soit son objet ou peut-être aussi lui-même. Suivant le domaine mathématique concerné, les signes pourront être des dessins géométriques, des symboles algébriques ou des graphiques, […] ou des photos […]. À la différence des signes de structure dyadique que ne retiennent que la relation de référence entre le signifiant et l’objet représenté, l’idée d’un signe qui est aussi sa propre représentation invite à revisiter le processus sémiotique lorsque le travail mathématique est en jeu. Ceci est notamment visible lorsqu’un dessin géométrique, qui est lui-même une forme, est à la fois representamen et modèle de représentation (Coutat, Laborde et Richard, 2013) (Kuzniak, Richard, 2014, p. 2).

Ainsi, en géométrie plane, le representamen pourrait être un dessin géométrique, un programme de construction, une description de figures, des maquettes, des photos, qui représentent un objet géométrique (figure), etc.

4.1.2. Le plan des processus cognitifs

À propos du plan cognitif de l’ETM, Kuzniak (2011) décrit trois processus : - un processus de visualisation;

- un processus de construction; - un processus discursif.

De fait, Kuzniak (2011) conserve les notions de preuve et de construction des ETG. Pour ce qui est du processus de visualisation, il le redéfinit pour le situer dans les ETM. La visualisation est associée à des schèmes et des opérations d’usage sur les signes. Elle est liée à l’intuition et aux schèmes opératoires sur les représentations et les signes.

4.2. Les genèses dans les ETM et plans verticaux

Figure 16 : Les genèses et les plans verticaux dans l’ETM (Kuzniak, Richard, 2014, p. 4)

4.2.1. Un ensemble de genèses

Tel que décrit par Kuzniak (2011), l’articulation entre les plans épistémologique et cognitif se fait par un ensemble de genèses interdépendantes.

- La genèse instrumentale qui permet de mettre en œuvre les artefacts dans le processus de construction;

- La genèse sémiotique permet d’assurer « aux objets tangibles de l’ETM leur statut d’objets mathématiques opératoires » (Kuzniak, 2011, p. 21) « Cette genèse sémiotique assure ainsi la mise en relation entre syntaxe, sémantique, fonction et structure des signes véhiculés » (Kuzniak, Richard, 2014, p. 4);

- La genèse discursive qui permet de donner un sens aux propriétés pour les utiliser lors de raisonnement mathématique dans un processus de preuve. Selon le domaine mathématique ou le paradigme de preuve, la genèse discursive peut être exprimée sous d’autres formes que le discours, comme la démarche de résolution d’une équation.

Aussi, corrélativement, nous ne pouvons associer tout discours à la genèse discursive, puisque tout discours n’est pas nécessairement un discours de preuve. À titre d’exemple, on peut considérer que les termes « je prends mon équerre » est un observable, une expression ou une trace écrite de genèse instrumentale. Nous considérerons comme une manifestation observable de l’activation de la genèse sémiotique, tout discours lié à la description d’une figure de géométrie, que ce discours soit pertinent, adapté ou pas, et sans autre intention que de mettre en mots la visualisation de la situation proposée à l’élève, en dehors de tout processus de preuve.

4.2.2. Les plans verticaux

Les trois genèses sont étroitement liées. Des plans verticaux vont être introduits afin de mettre en évidence les interactions qui existent dans les différentes phases du travail mathématique. On définit alors trois plans verticaux dans la conception d’un espace de travail mathématique : sémiotique-instrumental [SEM-INS], instrumental-discursif [INS-DIS] et sémiotique-discursif (SEM-DIS) (voir figure).

Un premier type d'interactions (Sem-Ins) privilégie l'identification et l'exploration des objets en s’appuyant sur les genèses sémiotique et instrumentale pour développer une compétence liée à la découverte de la solution de problèmes mathématiques. Un second type d’interactions (Ins-Dis) développe le raisonnement mathématique fondé sur la justification des découvertes en articulant les genèses instrumentale et discursive. Enfin, un dernier type (Sem-Dis) est orienté vers la communication mathématique des résultats et il s'appuiera essentiellement sur les genèses sémiotique et discursive. La définition exacte de ces plans d’interactions et la description de leurs interrelations dépend du domaine mathématique spécifique étudié. (Kuzniak, Richard, 2014, p. 4).

4.2.3. Synthèse

Les ETM sont des modèles dynamiques du travail d’un élève dans lesquels il est possible d’identifier des articulations des trois genèses, sémiotique, discursif et instrumental, à l’intérieur d’un modèle ou entre deux ETM. Les ETM sont des outils d’analyse, a priori et a posteriori, d’interprétation et de descriptions de tâches (Tanguay, Kuzniak, Gagatsis, 2014). Ils sont donc de bons outils pour analyser toutes les interdépendances qu’il y a entre les trois genèses (discursive, instrumentale et sémiotique) et les trois plans verticaux.

4.3. Quel lien peut-on établir entre les ETM

G

et la reproduction de figure

à l’école primaire ?

Dans le cadre de notre recherche, nous nous intéressons plus particulièrement aux liens qui existent entre la reconnaissance, la description et la reproduction de figures. Pour reconnaître et décrire une figure, l’élève utilise la genèse figurale (sémiotique) : il se donne une visualisation de la figure, mais il peut également utiliser des instruments de géométrie pour vérifier les propriétés de la figure. Il peut donc avoir recours à la genèse instrumentale. Pour produire ou construire une figure, l’élève, après s’être fait une image mentale de la figure, (genèse figurale/sémiotique), prend les artefacts dont il a besoin et fait une construction grâce à la genèse instrumentale. Ainsi, en termes d’ETG, on remarque qu’il y a une forte relation qui s’opère entre la genèse figurale (sémiotique) et la genèse instrumentale. Les instruments de géométrie permettent d’illustrer et de vérifier des propriétés des objets géométriques. La genèse instrumentale vient confronter le processus de visualisation : l’élève ne peut pas seulement se fier à sa perception et à son intuition pour résoudre des problèmes géométriques. On parle donc d’un plan sémiotique-instrumental [SEM-INS].

Ce plan met en évidence la manière dont les signes et les outils interagissent dans la phase de découverte et d’exploration. Ce plan est orienté selon deux sens : de la gauche vers la droite, privilégiant la construction des objets et respectant certaines conditions imposées par les signes mathématiques, et le sens inverse qui lui fait appel à l’exploitation visuelle et sémiotique des données (Nechache, A., 2014, p. 55).

Les interactions qui existent entre le representamen (qui représente l’objet géométrique), les artefacts, la visualisation (représentation mentale de la figure) et la construction (production ou

à l’articulation des genèses dans le plan sémiotique-instrumental [SEM-INS], afin de déterminer comment il est possible d’organiser une tâche pour qu’elle soit source d’apprentissage pour les élèves.