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Chapitre IV : Présentation et analyse des résultats

2. Résultats à propos des reproductions selon les scénarios

2.5. Les constructions dans le scénario 3

2.5.1. L’élaboration des programmes de construction

Comme nous l’avons mentionné au début de ce chapitre, c’est dans le scénario 3 où tous les élèves ont rencontré plus de difficultés pour la construction des figures en suivant un programme de construction. Une majorité d’entre eux n’étaient pas familiers avec les programmes de construction (textes injonctifs) et la compréhension de ces textes a été laborieuse. Plusieurs élèves ont été découragés parce qu’ils n’ont pas réussi à comprendre une ou plusieurs étapes du programme de construction. Ils ont donc demandé du soutien à l’expérimentatrice pour la lecture du texte.

Comme nous l’avions anticipé, nous savions que ce scénario allait être problématique pour les élèves. Mais la rédaction des programmes de construction a aussi été un défi pour la chercheuse. Comme les élèves ne maîtrisent pas encore la désignation des points des figures par les lettres, il a été difficile de rédiger les relations spatiales entre les figures élémentaires en utilisant du

vocabulaire géométrique et des structures de phrases accessibles pour des élèves de 4e année.

Nous n’avons pas pu éviter l’utilisation de structures grammaticales complexes et d’un vocabulaire avec lesquels les élèves n’étaient pas toujours très familiers pour indiquer la position d’une figure par rapport à une autre. Des termes comme « dans le prolongement de l’un de l’autre », « prolonge une largeur », « repère les points milieux », « diagonale sera le côté d’un nouveau carré » et l’utilisation de pronoms comme « dont » ont rendu la lecture des programmes de construction plus ardue pour les élèves. Pour limiter les difficultés liées au vocabulaire, lorsque cela a été possible, nous avons employé du vocabulaire plus accessible pour les élèves. Cependant, cela a eu comme conséquence le recours à du vocabulaire issu du langage naturel, comme « collé au côté », « à l’extérieur du triangle », ce qui a pu laisser place à des ambiguïtés dans l’interprétation du programme de construction et aboutir à des erreurs de construction. Comme nous pouvons le voir dans le tableau ci-dessous (Tableau XVIII), la réussite des constructions de figures témoigne de la difficulté de l’entrée dans la compréhension d’un programme de construction. Seule la construction de la figure F a été bien réussie par les élèves : 8 constructions sur 9. La deuxième figure la mieux réussie a été la figure A, soit 4 constructions sur 8. La figure C a été celle qui a été la moins bien réussie avec seulement 1 construction réussie sur 8.

Tableau XVIII : Les résultats liés au scénario 3

Figure

A B C D E F

Réussie 4 3 1 3 3 8

Non-Réussie 4 5 7 5 6 1

Total 8 8 8 8 9 9

Le cas de la figure C illustre bien les difficultés que nous avons-nous même vécues en rédigeant les programmes de construction. Le texte que nous avons proposé aux élèves était le suivant :

- Construis un carré de 7 cm de côté.

- Sur chaque côté du carré, marque 4 points à 2 cm de chaque sommet, en tournant toujours dans le même sens.

- Relie ces 4 points entre eux pour former un nouveau carré.

Le nouveau carré à l’intérieur du grand carré a des côtés qui mesurent environ 5,4 cm.

En fait, rédigée ainsi, la 2e phrase de ce texte contient une redondance qui nous a échappée : « sur chaque côté du carré, marque 4 points… ». Comment placer 4 points sur chaque côté du carré?

C’est ainsi que 6 élèves sur 8 ont tenté de dessiner exactement 4 points à 2 cm de chaque sommet et donc de tracer au final 16 points (Figure 38 et Figure 39). Les élèves ont été perturbés par cette indication qui portait à confusion. Une phrase correcte aurait été : « Sur chaque côté du carré, marque un point à 2 cm du sommet… ».

Figure 38 : Scénario 3, figure C, Jean Figure 39 : Scénario 3, figure C, Kevin Malgré cette erreur, une élève a construit la figure attendue (Figure 40). Ceci nous montre que le programme de construction pouvait être réussi par quelques élèves capables d’interpréter les implicites du texte, ou faire fi de ses redondances.

Figure 40 : Scénario 3, figure C, Ophélie

Ainsi, un seul mot dans un programme de construction peut en changer la signification et par le fait même avoir un impact sur la réussite de la construction. Si nous avions réalisé une institutionnalisation de l’activité, nous aurions sans doute eu l’occasion de revenir sur cette ambiguïté et peut-être proposer l’introduction des lettres pour la désignation des points.

2.5.2. Les erreurs réalisées dans les constructions

Malgré les faibles réussites, nous avons voulu voir à quels endroits les élèves avaient rencontré le plus de difficultés. Nous nous sommes donc intéressée à trois éléments : la nature des figures, la dimension des figures et les relations spatiales. Par « nature des figures », nous avons voulu voir si les élèves ont été en mesure de construire les figures élémentaires mentionnées dans le programme de construction. Par « dimension des figures », nous avons voulu voir si les élèves ont construit les figures élémentaires selon les bonnes dimensions et finalement, par « relation spatiale », si les élèves ont réussi à bien organiser les figures élémentaires entre elles.

Tableau XIX : Scénario 3, les erreurs de construction

Nature des figures Dimension des figures Relation spatiale Quad. Blanc Total Quad. Blanc Total Quad. Blanc Total

Réussie 23 20 43 15 16 31 9 14 23

Non-réussie 2 5 7 10 9 19 16 11 27

Comme nous pouvons l’observer dans le tableau précédent (Tableau XIX), dans 43 constructions sur 50, soit 86% de l’effectif, les élèves ont réussi la construction des figures élémentaires. Dans 31 constructions sur 50, soit 62% de l’effectif, les élèves ont aussi respecté les dimensions. Finalement, c’est le respect des relations spatiales entre les figures élémentaires qui a été le plus difficile pour les élèves : dans 23 constructions sur 50, soit moins de la moitié de l’effectif, les figures élémentaires sont bien orientées et bien associées entre elles. Ceci nous montre que dans l’application d’un programme de construction l’expression utilisée pour décrire les relations spatiales entre les figures élémentaires semble avoir une grande influence sur la réussite des constructions. De fait, l’utilisation d’un langage qui n’est ni géométrique ni clairement formalisé pour décrire ces relations spatiales semble être un défi autant pour la chercheuse que pour les élèves.

Figure 41: Scénario 3, figure A, Luc Figure 42: Scénario 3, figure A, Yannis

Figure 43: Scénario 3, figure A, Pamela Figure 44: Scénario 3, figure A, Martine Voici quatre constructions de la figure A pour expliciter nos propos. Comme nous pouvons le voir les quatre élèves ont construit les bonnes figures élémentaires : un carré et un triangle rectangle. Mais, trois d’entre eux, Yannis, Pamela et Martine, ont construit les figures de bonnes

dimensions sans toujours respecter la relation spatiale et deux autres (Luc et Martine) respectent la relation spatiale sans toujours respecter les dimensions des figures élémentaires.

2.5.3. Les limites du scénario 3

Pour toutes ces raisons, nous considérons que le scénario 3 a ses limites. En effet, dans les scénarios 1 et 2, nous attendions des élèves qu’ils utilisent du vocabulaire géométrique correct et qu’ils décrivent les relations spatiales entre les figures élémentaires précisément. Cependant, le scénario 3, nous montre bien que cette tâche est très difficile pour l’enseignante et pour les élèves, mais pour des raisons différentes : l’enseignante doit proposer un texte injonctif que les élèves comprendront et dans lequel il n’y aura qu’un minimum d’ambiguïtés, l’élève doit produire un texte descriptif alors qu’il ne maîtrise pas nécessairement tous les mots de vocabulaire ni la syntaxe adéquate (Pierrard, 2004). Nous pensons que cette activité serait plus profitable pour les élèves s’ils maîtrisaient la désignation des points à l’aide des lettres. Cela limiterait l’utilisation de vocabulaire complexe et approximatif et des structures de phrase élaborées pour décrire les relations spatiales entre les figures. C’est là une limite que nous rencontrons à notre expérimentation et qui mériterait d’être davantage investiguée.