• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL

2.3 Les inégalités scolaires

2.3.2 Les facteurs des inégalités scolaires entre les filles et les garçons

2.3.2.1 Le contexte social

2.3.2.1.2 Les facteurs liés au contexte familial des élèves

Le niveau de développement économique général du pays peut déterminer la capacité des États à mettre à la disposition de la population des ressources éducatives suffisantes pour couvrir la demande d’éducation (ISU/UNESCO, 2016; MMINEDAF, 1982; Shwille et Dembélé, 2007; UNESCO, 2000, 2016; Wilson, 2004). Cela amène l’État à recourir à la contribution des ménages (MEN, 2015; Tawil et Cougoureux, 2013, 2013). Ce faisant, il peut se poser au sein de la famille le problème de l’accès au service scolaire, ce qui peut compromettre l’égalité des chances dans l'accès à l'éducation (Depover et Jonnaert, 2014;

MMINEDAF, 1982; UNESCO, 2016; Wilson, 2004). Selon De Lange et ses collègues (2012, p. 504), « the inequality is visible and begins at home » (De Lange et al., 2012, p. 504). En effet, lorsqu’il y a insuffisance des moyens au niveau familial, affirme Wilson (2004), les filles sont souvent désavantagées.

Le niveau social de la famille correspondrait à la richesse matérielle et culturelle de celle-ci (Mapto-Kengne, 2011; OCDE, 2015; SPIRLS et TIMSS, 2011; Tremblay, 2015). Il apparait à travers les résultats de la recherche, l’existence d’un lien entre la richesse matérielle, la richesse culturelle des familles et les scores des élèves (Davis-Kean, 2005; Duru-Bellat, 2004; Mapto- Kengne, 2011; MMINEDAF, 1982; OCDE, 2012; OCDE et Banque mondiale, 2014; SPIRLS et TIMSS, 2011; Woessmann, 2004). Dans son étude réalisée en 2009 portant sur « Factors influencing the academic achievement of the Turkish urban poor » et qui avait pour but d'examiner l'importance relative des facteurs familiaux, individuels et scolaires dans les résultats des élèves, Engin-Demir a travaillé avec 719 participants, des élèves de sixième, septième et huitième année du primaire provenant de 23 écoles situées dans les quartiers défavorisés et des banlieues pauvres d’Ankara et de la seconde grande ville de la Turquie. Il a mené des analyses de régression multiples pour examiner « how well each set of variables family, students and school characteristics predicted academic achievement over and above the other sets » (Engin- Demir, 2009, p. 21). Les résultats lui ont permis d’affirmer que « family background characteristics and school quality indicators were also found to be significantly related to academic achievement » (Engin-Demir, 2009, p. 17). En effet, les résultats de cette étude ont montré que l’influence des facteurs familiaux expliquait 5,4% des variations totales du rendement scolaire chez les élèves pauvres des milieux urbains, ce qui, de son point de vue, représentait une corrélation significative même si ce taux n’est pas élevé : « family background characteristics were found to be significantly related to academic achievement » (Engin-Demir, 2009, p. 17). De nombreuses recherches (Davis-Kean, 2005; De Lange et al., 2012; Duru-Bellat, 2004; Duru-Bellat et Jarousse, 1996; Feyfant, 2011; Woessmann, 2004) ont confirmé que les caractéristiques familiales, telles que le statut socioéconomique (SSE), mesurées selon le niveau de scolarité des parents, la profession des parents et le revenu familial ont une influence sur les résultats scolaires. Parmi les variables du contexte familial souvent examinées dans cette catégorie, on note le niveau de scolarité des parents.

Le niveau d’instruction général des parents

Les parents peuvent apporter à leurs enfants, indépendamment de leur sexe, le même niveau de soutien et dans tous les domaines, lorsqu’ils ont un certain niveau de formation (OCDE, 2015). Les données du PIRLS (2011) montrent que le niveau des enfants en lecture globale est plus faible, quel que soit le sexe, chez les enfants de mère non scolarisée. En revanche plus la mère est susceptible d’occuper un travail à l’extérieur, moins les résultats de ceux-ci sont bons en lecture globale. D'autre part, Engin-Demir (2009) affirme que « students whose fathers have at least secondary or higher level of education tend to have higher academic achievement » (Engin-Demir, 2009, p. 24). De même, l’absence ou le faible niveau d’instruction des parents, notamment des mères, en milieu rural renforcerait la vulnérabilité des filles face aux violences de genre et les désavantagerait au niveau scolaire (Alissoutin, 2008a; Lange, 1998). Plusieurs auteurs (Alissoutin, 2008a; Huet-Gueye et de Léonadis, 2007; Niang, 2014; Wouango, 2017) affirment que, comparativement au milieu urbain, le milieu rural est en général culturellement moins loti.

D’autre part, les résultats de la recherche montrent que le soutien, l’encouragement et l’encadrement des parents sont des facteurs susceptibles d’influer sur les résultats des élèves, quelles que soient la matière concernée ou les aspirations pour l’avenir (De Lange et al., 2012; Engin-Demir, 2009; Fortin et al., 2004; Janosz, LeBlanc, Boulerice et Tremblay, 1997; OCDE, 2015). Le revenu familial mesuré par l'accession à la propriété et les biens des ménages aurait un effet sur le rendement scolaire, notamment chez les garçons (Janosz et al., 1997; Portelli, Shields et Vibert, 2007; Woessmann, 2004), tandis que chez les filles, c’est le climat familial qui serait le plus déterminant (OCDE, 2015). Lorsqu’il y a un manque de cohésion et d’organisation au sein de la famille, de la déviance ou des troubles mentaux chez les parents, les filles seraient plus susceptibles que les garçons d’avoir de mauvais résultats scolaires (Fortin et al., 2004).

Toutefois, dans sa recherche collaborative portant sur « Collaboration école-famille : défis sociaux et scolaires », après avoir examiné les résultats de nombreuses études scientifiques sur l’impact des structures familiales et de l’implication des familles sur les performances des élèves, Deslandes (2006) arrive à la conclusion selon laquelle, ce n’est pas ce que sont nos familles qui importe le plus, mais ce que font nos familles (Deslandes, 2006). Or, ce que font

les familles ou les parents, exprime leur rapport à l’école par rapport à la scolarité de leurs garçons et de leurs filles, en termes de croyances, d’attentes et d’attitudes (Deslandes, 2003).

Les croyances et les attitudes des parents

Les croyances et les attitudes des parents dépendraient de leur rapport à l’école ou à l’éducation de leurs filles et de leurs garçons (Duru-Bellat, 2004; Felouzis, 2009; Fontanini, 2011; OCDE, 2015; Portelli et al., 2007; Woessmann, 2004). Les représentations de l’éducation amènent les parents à choisir pour leurs enfants différents types d’éducation, moderne, religieux ou des structures éducatives traditionnelles, plus fréquentes en milieu rural (Brugeilles et Cromer, 2008; Feyfant, 2011; Fortin et al., 2004; Huet-Gueye et de Léonadis, 2007; Lessard et al., 2007; Marcotte et al., 2001; Portelli et al., 2007; Tremblay, 2015).

Du point de vue du genre, Deslandes et ses collègues (1998), font remarquer que « males are encouraged to be independent, competitive, and adventurous, whereas females are encouraged to be warm and expressive » (Deslandes et al., 1998, p. 391). Cela expliquerait, que les systèmes scolaires occidentaux soient moins adaptés aux garçons. En effet, selon Delandes et ses collègues, « traditional masculinity attributes are incongruent with school norms that stress quiet behaviour and docility, which explains, at least partly, why males are more likely to be scolded and reprimanded in classrooms » (Deslandes et al., 1998, p. 391). Cependant, la détermination des rôles, comme masculins et féminins, aurait un effet important sur leurs attitudes à l'égard des matières scientifiques et des filières professionnelles (Avenel, 2011; Deslandes, 2006; Deslandes et al., 1998; Duru-Bellat, 2004; Felouzis, 2009; OCDE, 2015; Woessmann, 2004). Ce fait est confirmé par Duru-Bellat qui souligne que la division sexuelle des rôles entre les hommes et les femmes, entre les garçons et les filles, rarement remise en cause au niveau familial, a un effet sur les représentations au regard des matières. Ainsi, les formations scientifiques seraient perçues comme « masculines », parce que conduisant à des métiers plus physiques , alors que d’autres matières conduisant à des métiers faisant intervenir la sensibilité et les soins, seraient perçues comme «féminines» (Dantier, 2007; Descarries, 2008; Diallo, 2001; Dorlin, 2012; Duru-Bellat, 2004; Marquette, 2009; Messu, 2012; Toupin, 2003; Trudel, 2010; Van Enis, 2010).

Les attentes différenciées des parents selon le sexe de leurs enfants

Les attentes des parents seraient différentes selon le sexe de leur enfant, tant en matière de performance et de réussite scolaire, qu’en matière de choix de carrières. Dans son étude, Tiendemann a cherché à vérifier l’hypothétique influence des stéréotypes de genre des parents sur leurs impressions de la compétence de leurs enfants en mathématiques. Son échantillon comprenait des élèves, leurs parents et leurs enseignants : 240 garçons, 249 filles; 343 mères, 270 pères et 28 enseignants dans 28 écoles. Les données ont été recueillies auprès d'écoles de ville et de campagne allemandes choisies au hasard (dans les districts de Basse-Saxe et de Rhénanie-du-Nord-Westphalie). Les attentes des parents quant au succès futur de leur enfant en mathématiques ont été évaluées sur une échelle de Likert en 5 points. Parmi les hypothèses vérifiées par le questionnaire, il y a celle portant sur les stéréotypes de genre. Il est apparu dans la plupart des cas que les participants affirment que les garçons sont beaucoup plus doués en mathématiques que les filles. La notation de cet item aurait donc indiqué des stéréotypes en faveur des mâles (Tiedemann, 2000).

Les parents seraient aussi plus susceptibles d’espérer voir leur fils exercer une profession dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques que leur fille, même lorsque les deux présentent un niveau égal de performances en mathématiques (Duru- Bellat, 2004; OCDE, 2015; Wouango, 2017). Or, des attentes élevées de la part des mères favoriseraient une perception de soi plus positive chez les filles et des aspirations pour l’avenir plus ambitieuses (OCDE, 2015). Les filles étant plus susceptibles que les garçons à tenir compte des attentes de leur entourage (OCDE, 2015), ces différences d’attentes de la part des parents ont un effet négatif sur la perception de soi de celles-ci, notamment face aux mathématiques et aux sciences en général (Bandura, 2003; Dupriez et Dumay, 2004; Galand et Vanlede, 2004; Gaudet, Mujawamariya et Lapointe, 2008; Gaudet, Mujawamariya et Lapointe, 2017; Mujawamariya et Guilbert, 2002). Selon ces différentes considérations, les inégalités scolaires de genre tireraient leur genèse dans la socialisation au niveau familial où sont modulées les caractéristiques psychosociologiques des élèves, comme fille ou comme garçon, qui s’expriment à travers une division des rôles (Duru-Bellat, 2004). Les travaux de Tiedenmann (2000) appuient cette conclusion: « the effects of parental gender role stereotypes become established in the children's mathematical self-concepts » (Tiedemann, 2000, p. 149).