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CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE

1.1 L’Éducation pour tous, une politique globale en faveur de l’égalité des sexes

À Jomtien (Thaïlande), du 5 au 9 mars 1990, sous la houlette de l’UNESCO, se sont réunies 155 délégations de pays, et près de 150 représentants d’organisations gouvernementales et non gouvernementales, des bailleurs de fonds, etc., autour du thème répondre aux besoins

éducatifs fondamentaux (Henaff, 2003; UNESCO, 2000). Rappelant les termes de la Déclaration

universelle des droits de l’homme selon lesquels «toute personne a droit à l’éducation», ils lancent le mouvement «Éducation pour tous/EPT» qui, à cette date, s’est donné pour but de rendre accessible à tous l’enseignement primaire et de réduire massivement l’analphabétisme au cours de la décennie (Henaff, 2003). Dans le préambule de la déclaration de Jomtien, les deux premiers points mentionnent que : «plus de 100 millions d’enfants, dont au moins 60 millions de filles, n’ont pas accès à l’enseignement primaire» ; plus de 960 millions d’adultes, dont deux tiers de femmes, sont analphabètes (Henaff, 2003; MEN, 2003a). Ces deux points placent la question de l’égalité entre les sexes au cœur de la problématique de l’EPT.

Le programme de l’Éducation pour tous est alors décliné à travers les six orientations suivantes : 1) réaliser l’accès universel à l’éducation ; 2) mettre l’accent sur l’équité ; 3) mettre l’accent sur les résultats d’apprentissage ; 4) élargir les moyens et la portée de l’éducation de base ; 5) améliorer l’environnement d’apprentissage ; et 6) renforcer les partenariats pour l’an 2000. À l’occasion de la rencontre du cadre régional1 de l’EPT de l’Afrique subsaharienne, à Johannesburg en Afrique du Sud le six décembre 1999, le président Thabo Mbeki reconnaissait qu’«aucun pays au monde n’a jamais atteint le développement durable sans un système éducatif efficace, sans un enseignement primaire solide et universel, sans un enseignement supérieur et une recherche efficiente, sans l’égalité des chances en matière d’éducation» (UNESCO, 2000, p. 25).

En 2000, à Dakar au Sénégal, tenir nos engagements collectifs était le thème du Forum mondial sur l’EPT. À l’occasion, le niveau de réalisation des objectifs de Jomtien 1990 est jugé insatisfaisant, notamment en matière de correction des disparités entre les sexes :

1Les cadres régionaux de l’EPT : celui d’Afrique subsaharienne ; des Amériques ; des États arabes ; de l’Asie et

Le Bilan mondial de l’éducation pour tous (EPT) à l’an 2000 montre que des progrès importants ont été accomplis dans beaucoup de pays. Cependant, il est inacceptable, en l’an 2000, que (…) la discrimination sexuelle continue de sévir dans les systèmes éducatifs et que la qualité de l’apprentissage et l’acquisition de valeurs humaines et de compétences soient loin de répondre aux aspirations et aux besoins des individus et des sociétés (UNESCO, 2000, p. 8).

Ce Bilan de l’EPT 2000 a suggéré des propositions pour permettre aux autorités éducatives de mieux répondre aux besoins des élèves, à travers des «programmes d’action positive en faveur des filles, pour tenter de supprimer les obstacles à leur scolarisation» (UNESCO, 2000, p. 36). Ainsi, l’objectif 3 du Cadre d’action de Dakar (2000) visait à : «Éliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire d’ici à 2005». Quant à l’objectif 5, il avait pour visée d’«instaurer l’égalité dans le domaine de l’éducation en 2015, en veillant notamment à assurer aux filles un accès équitable et sans restriction à une éducation de base de qualité avec les mêmes chances de réussite» que les garçons (UNESCO, 2000, p. 16). En effet, le constat est fait que :

La discrimination entre les sexes demeure l’un des obstacles les plus insurmontables à l’exercice du droit à l’éducation. Les objectifs de l’EPT ne pourront être atteints que si cet obstacle est vaincu. Les filles constituent la majorité des enfants et des jeunes non scolarisés, même si dans un nombre croissant de pays, les garçons sont désavantagés. Bien que l’éducation des filles et des femmes ait des retombées positives considérables qui se transmettent de génération en génération et qu’elle soit un facteur déterminant de développement social et d’autonomisation des femmes, ce sont des progrès limités qui ont été enregistrés en ce qui concerne la participation des filles à l’éducation de base (UNESCO, 2000, p. 16).

Le consensus international sur la nécessité d’éliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire en 2005 impliquait la nécessité d’imprégner les systèmes éducatifs du souci d’équité, avec l’appui de ressources adéquates et d’une volonté politique ferme (UNESCO, 2000). Ainsi, l’un des principaux instruments internationaux proposés par le forum de l’EPT en 1990 et adoptés par 184 États a été l’instauration d’une politique de scolarisation obligatoire, avec la détermination d’un âge minimum de fin de scolarité. En 2000, le cadre d’action de Dakar avait mis l’accent sur l’obligation des États au respect de cet engagement. Le rapport d’évaluation sur cet engagement, publié par le Bureau international d’éducation (BIE/UNESCO) révèle qu’une quarantaine de pays a manqué à son respect.

L’Afrique subsaharienne rassemble, d’après cette liste, près de la moitié de ces pays. Selon Wilson, la première obligation faite aux États a été de rendre les ressources éducatives disponibles. La disponibilité désignerait l’existence de ressources éducatives suffisantes et requerrait d’être accompagnée du critère d’accessibilité qui consiste en «la suppression à la fois des obstacles discriminatoires à l’admission des enfants d’un sexe donné à tous les niveaux et dans tous les types d’éducation», de même que la suppression «des coûts, qui peuvent avoir une incidence indirecte sur l’égalité entre les sexes» (Wilson, 2004, p. 3). En effet, Wilson fait remarquer que, lorsque pour des raisons de prise en charge de la scolarité, les parents sont dans l’obligation de choisir, c’est généralement la fille qui est désavantagée. Ces exigences posent des problèmes d’ordre économique parfois insurmontables pour les pays en voie de développement.

C’est pourquoi la politique de l’EPT est articulée à un nouveau cadre de développement du partenariat, à l’échelle globale, bilatérale, comme multilatérale, avec la mise en place par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, d’un dispositif d’intervention économique, à travers l’élaboration dans chaque pays d’un Document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP). Pour conduire cette dynamique dans une perspective de croissance économique durable sur de longues années et du fait de l’urgence d’agir face aux défis de la mondialisation, le Sénégal a également mis sur pied la Stratégie de Croissance accélérée (SCA). Depuis 2014, celle-ci est renouvelée et redynamisée dans le cadre du Plan Sénégal émergent (PSE), qui vise à rendre opérationnel l’axe de création de richesse né du DSRP, à travers un environnement des affaires de classe internationale (Depover et Jonnaert, 2014; République du Sénégal, 2014). Parallèlement, il est noté dans le domaine de l’éducation que, pour atteindre les OMD à l’horizon 2015, des ruptures devaient être opérées dans les trois composantes stratégiques du Programme décennal de l’éducation et de la formation (PDEF, 2001-2011) à savoir : l’accès, la qualité et la gestion, avec un ciblage plus accru des régions les plus défavorisées avec le Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence (PAQUET). Il est constaté à travers les statistiques de la base de données du Ministère de l’Éducation, une décroissance des résultats du système éducatif avec le niveau de défavorisation des régions (MEN, 2013). En effet, Establet (2003) cité par Duru-Bellat (2004) suggère une carte des inégalités en éducation selon le niveau de développement économique.