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2.4.1 Généralités

Bien que notre organisme ait mis en place des systèmes de régulation ingénieux et complexes pour maintenir un équilibre stable entre apport et dépense énergétique, plusieurs facteurs (génétiques, environnementaux) peuvent engendrer une dérégulation durable de l’équilibre du système se traduisant par des troubles alimentaires. L’équilibre de cette balance peut se déplacer soit en faveur d’un apport supérieur à la dépense qui peut être à l’origine du surpoids pouvant évoluer en obésité. Dans le cas où la dépense est supérieure à l’apport, un état de jeûne prolongé s’installe et l’organisme peut atteindre une maigreur extrême. L’augmentation exponentielle des cas de surpoids et d’obésité dans le monde ne cesse d’alerter les politiques sur les conséquences personnelles, sociétales et économiques de ce problème de santé publique (Hedley et al., 2004). L’obésité et le surpoids sont des facteurs de risques importants propices au développement de maladies cardio-vasculaires, du diabète de type 2 et de mort prématurée. Le diabète de type 2 est une maladie multifactorielle se caractérisant par une glycémie dérégulée (production de glucose hépatique excessive et réduction du captage de glucose) liée à une diminution de l’insulinosécrétion et de l’insulinosensibilité des cellules pancréatiques β. Le maintien d’un état hyperglycémique engendre des perturbations à long terme au niveau du pancréas mais aussi du foie, du cerveau et du tissu adipeux (Guillausseau et al., 2008). En 2014, cette maladie concernait 422 millions d’individus dans le monde et a engendré 1,5 millions de décès (WHO, 2016). Bien que l’obésité puisse être traitée avec une modification des habitudes alimentaires et de l’activité physique, cette stratégie perdure rarement sur le long terme chez les individus concernés (Field et al., 2012). De plus, l’origine de ce déséquilibre métabolique ne réside probablement pas uniquement dans quelques défaillances ponctuelles de notre organisme mais peut-être également dans le fait que notre

système de régulation est incapable de faire face à un mode de vie sédentaire couplé à une alimentation quotidienne riche en calories (Murphy and Bloom, 2006). Si les problèmes concernant l’anorexie touchent un nombre plus restreint de personnes, la perte d’appétit et de poids chez les personnes âgées ou les patients en chimiothérapie est devenue un problème récurrent auquel de nouvelles stratégies de traitement cherchent à apporter une réponse. Ainsi, il est apparu nécessaire pour la communauté scientifique de comprendre les mécanismes de régulation de l’appétit et plus globalement, de l’homéostasie énergétique. Les hormones intestinales sont entre autres devenues une des nouvelles cibles thérapeutiques pour lutter contre l’obésité et le diabète de type 2.

2.4.2 Les hormones intestinales : nouvelle cible thérapeutique

Le rôle clé des hormones intestinales dans la régulation de l’homéostasie énergétique a été mis en avant suite aux résultats prometteurs de la chirurgie bariatrique sur des patients atteints d’obésité morbide. Cette technique consistait initialement à réduire l’absorption de calories en modifiant l’anatomie du tractus GI. Le Roux-en-Y gastric bypass est une technique opératoire visant à court-circuiter l’estomac en amenant le bol alimentaire directement en contact avec l’intestin grêle. Si la baisse de poids et d’appétit durable observée était initialement attribuée à la restriction du volume gastrique et à la malabsorption des nutriments, de nombreuses études ont éclairci le rôle central joué par les hormones intestinales et par conséquent, leur potentiel thérapeutique (Neary and Batterham, 2009; Batterham and Cummings, 2016).

Une des approches les plus courantes consiste à administrer des analogues de ces récepteurs des hormones intestinales. Cependant, ces molécules pharmacologiques sont souvent sensibles à l’activité protéolytique des enzymes circulantes et peuvent générer des effets secondaires. Ainsi, un analogue des CCK a été conçu afin d’améliorer sa résistance à la dégradation enzymatique tout en conservant ses propriétés satiétogènes. Issu d’une modification en N-terminal, le (pGlu-Gln)-CCK-8, est actuellement en phase de développement et a montré des résultats encourageants comme molécule anti-obésité : aucun phénomène d’accoutumance, des effets bénéfiques durables sur la réduction de la prise alimentaire et un possible effet protecteur des cellules pancréatiques β (Irwin et al., 2012). Des analogues pharmacologiques des incrétines, et plus principalement du GLP-1, ont déjà fait l’objet de développement dans le cadre du diabète de type 2 et plus récemment, de l’obésité. En effet, l’action insulinotropique du GLP-1 est préservée chez les sujets atteints de diabète de type 2 (contrairement au GIP) et plusieurs expériences ont montré l’implication du

GLP-1 dans une perte de poids. Ainsi, des analogues de GLP-1 et des inhibiteurs de la DPP- IV sont actuellement administrés dans le cadre du traitement du diabète de type 2. Début 2015, 5 analogues du GLP-1 étaient légalement commercialisables selon les institutions de santé publique américaines et européennes : exénatide, lixisénatide, liraglutide, dulaglutide et albiglutide (Finan et al., 2015). En effet, comme précédemment décrite, l’action de la DPP-IV module fortement l’action du GLP-1 d’où la conception d’inhibiteurs de la DPP-IV ont été conçus dans le cadre du traitement du diabète de type 2. Les molécules les plus connues appartiennent à la famille des gliptines comme la vildaglipitine ou la sitagliptine. Les inhibiteurs de la DPP-IV provoquent moins d’effets secondaires que les analogues du GLP-1 (nausée) mais ces derniers ont un effet plus significatif sur la perte de poids (Drucker and Nauck, 2006). D’autres hormones intestinales comme le peptide YY ou l’amyline sont considérées comme de nouvelles cibles prometteuses mais aucune molécule analogue n’a été à l’heure actuelle testée en phase clinique. Enfin, une nouvelle approche visant à combiner les effets de plusieurs hormones GI émerge progressivement. Des injections simultanées de plusieurs hormones ont démontré une action synergique sur la perte de poids : c’est notamment le cas du peptide YY et de l’oxyntomoduline qui, administrés centralement, ont montré une baisse de prise alimentaire non constatée lors de l’administration séparée de chacune d’entre elles (Troke et al., 2014). Plusieurs combinaisons alliant des agonistes de GLP-1R avec les récepteurs de l’amyline, le GIP, l’oxyntomoduline voire des triples combinaisons telles que GLP-1/GIP/glucagon ont démontré une réelle efficacité sur le contrôle du poids et le diabète de type 2 (Finan et al., 2015). Dans la même optique, des polyagonistes sont en cours de développement se fondant sur la similitude structurale de plusieurs récepteurs comme les récepteurs du glucagon, du GIP et du GLP-1 (Tschöp et al., 2016).

Plus récemment encore, une nouvelle cible thérapeutique dans le cadre de la régulation de l’homéostasie énergétique vise les récepteurs sensoriels du tractus GI (Reimann and Gribble, 2015). Il est désormais admis que le tractus GI est plus qu’un simple enchainement d’actions mécaniques et biochimiques servant à dégrader les aliments ingérés et à fournir à l’organisme de l’énergie sous forme de nutriments. L’intestin en particulier est équipé de récepteurs sensoriels qui activent quatre systèmes effecteurs principaux : le système entéroendocrine, le système nerveux, le système immunitaire intestinal et le système de défense non-immunitaire. Cet équipement lui permet d’apprécier le contenu alimentaire et nutritionnel du chyme ainsi que les potentiels contaminants. Ces récepteurs sensoriels sont localisés au niveau des CEE,

des neurones sensoriels, du microbiote intestinal et des mécanismes de défense non immunitaires (Furness et al., 2013). Les CEE sont équipées d’une multitude de récepteurs sensoriels leur permettant de détecter la présence de glucides, lipides et protides dans le lumen et, après activation, de sécréter les hormones intestinales. De récents travaux de recherche menés sur des lignées de CEE ont ainsi prouvé que la plupart de ces récepteurs appartenaient à la famille des RCPG incluant les récepteurs des goûts sucré, amer et umami ainsi que des récepteurs sensibles aux acides gras, aux acides aminés libres et aux hydrolysats protéiques (Raybould, 2010).

2.4.3 Implication du microbiote dans la régulation de l’homéostasie énergétique Le microbiote intestinal joue certainement plus d’un rôle métabolique au sein de notre organisme. Influencé par une diversité de facteurs comme l’usage d’antibiotiques, la génétique interindividuelle ou des facteurs immunologiques, le microbiote peut également être modulé par l’alimentation et participe activement à la régulation de l’homéostasie énergétique. Les fibres alimentaires sont la principale source d’énergie pour la population microbienne peuplant le côlon. Dégradées par fermentation, elles génèrent une grande variété d’acides gras à chaine courte dont les trois majoritaires sont le butyrate, l’acétate et le propionate utilisés comme nutriments au niveau du côlon distal mais qui peuvent également influencer l’homéostasie énergétique et les mécanismes de stockage énergétique (Guillon and Champ, 2000). Il existe une très forte relation entre le régime alimentaire et le microbiote intestinal, pouvant avoir des conséquences sur la santé de l’hôte. Ainsi, une dérégulation du microbiote intestinal ou dysbiose serait impliquée dans de nombreuses pathologies dont l’obésité (Turnbaugh et al., 2006; Scarpellini et al., 2010; Guinane and Cotter, 2013). Toutefois, une récente étude menée par Reijnders et al. démontre qu’une perturbation du microbiote sur le court terme (utilisation d’antibiotiques) n’est pas suffisante pour modifier son intégrité et avoir des conséquences notables sur la régulation de l’homéostasie énergétique (Reijnders et al., 2016).

2.5 Conclusion

L’homéostasie énergétique est un système intégré de signaux hormonaux, nerveux et environnementaux qui, en réponse au statut nutritionnel de notre organisme, vise à assurer le maintien d’une masse corporelle stable sur le long terme. Les défaillances de ce système touchent actuellement un nombre croissant de personnes à travers le monde, aussi bien dans les pays occidentaux que dans les pays en voie de développement, et peuvent conduire à de

nombreuses pathologies (diabète de type 2, maladies cardio-vasculaires, hypertension). Dans ce contexte, de nouvelles stratégies thérapeutiques ont été mises en œuvre, principalement centrées sur la lutte contre le surpoids et l’obésité, et ont permis d’acquérir de nouvelles connaissances sur les mécanismes régulant l’homéostasie énergétique et tout particulièrement, la régulation de la prise alimentaire. Les hormones intestinales sont devenues une des cibles principales, grâce à leur rôle anorexigène, dans la lutte contre l’obésité et les pathologies associées. Ainsi, plusieurs approches pharmacologiques sont actuellement en cours d’étude et l’une d’entre elles repose sur les récepteurs sensoriels des CEE qui, stimulés par la présence sélective de nutriments dans le lumen, initient les mécanismes conduisant à la sécrétion des hormones intestinales. La spécificité des interactions nutriment-récepteur et l’activation des voies de signalisation cellulaire restent encore partiellement établies, notamment pour les acides aminés libres et les oligopeptides. Enfin, le rôle indéniable du microbiote intestinal reste encore à explorer.

3 Peptides biactifs issus de de protéines alimentaires et régulation de l’homéostasie énergétique