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La fonction principale de l’appareil digestif est de transformer les aliments ingérés en sources d’énergie utilisables par notre organisme sous forme de nutriments, mais également d’assurer leur transfert, accompagnés de l’eau et des électrolytes provenant de l’alimentation, vers le milieu intérieur. L’appareil digestif remplit quatre fonctions : la motilité liée à la contraction du muscle lisse du tube digestif et assurant la progression du bol alimentaire grâce à la propulsion et au brassage, la sécrétion des sucs digestifs par des glandes exocrines sous l’action de stimuli hormonaux ou nerveux, la digestion par hydrolyse enzymatique des aliments ingérés en nutriments absorbables et l’absorption des nutriments au niveau de l’intestin grêle. Les sécrétions digestives sont ajustées de manière à optimiser la digestion et l’absorption des aliments. Elles sont régulées par l’action des voies nerveuses (système nerveux entérique et innervation extrinsèque reliée au système nerveux central) qui innervent le muscle lisse, les glandes endocrines et exocrines permettant à la fois d’influencer la motilité et la sécrétion des sucs digestifs et de coordonner l’activité de différentes régions de l’appareil digestif. Le bol alimentaire va passer successivement dans trois compartiments caractérisés par leur équipement enzymatique et leurs conditions physico-chimiques.

1.2.1 La bouche

L’action mécanique de la mâchoire va permettre une première déstructuration de la matrice alimentaire couplée à l’action dénaturante de la salive. La salive est composée à 99 % d’eau, le 1 % restant contient un mélange d’ions, d’enzymes et d’autres protéines dont les plus importantes sont l’amylase, le mucus et le lysozyme. Les enzymes salivaires commencent la digestion des glucides (amylase) et des lipides (lipase) mais ont également une activité anti- microbienne (lactoperoxydase, lysozyme). La salive est secrétée de manière discontinue (entre 0,7 et 1 L pendant 24 heures avec un pic de sécrétion au moment des repas). Elle humidifie les aliments et sert de liant à la formation du bol alimentaire. Elle sert également à lubrifier et à nettoyer la bouche. Sa composition neutre permet également, lorsque le bol alimentaire est transféré dans l’estomac, d’y provoquer une légère augmentation de pH permettant ainsi aux enzymes salivaires de poursuivre leurs actions (van der Bilt, 2009).

1.2.2 L’estomac

Le bol alimentaire est transféré depuis la cavité buccale jusqu’à l’estomac par péristaltisme le long de l’œsophage. L’estomac est un sac en forme de J dans lequel on distingue le fundus (partie supérieure à l’orifice œsophagien), le corps et l’antre (partie la plus distale) dotée d’une couche musculaire plus importante. Le sphincter pylorique relie l’antre au duodénum. L’estomac reçoit le bol alimentaire et va le transformer en chyme sous l’action des sécrétions gastriques et enzymatiques couplée à une action mécanique de brassage principalement assurée par l’antre. C’est dans cet organe que la digestion des protéines commence véritablement. Les cellules G de la muqueuse antrale produisent la gastrine (présentée au paragraphe 2.3.1.2) en présence d’oligopeptides et du Gastrin-Releasing Peptide (GRP) qui contribue à stimuler la sécrétion d’acide gastrique au niveau des cellules pariétales. Un contrôle nerveux parasympathique impliquant l’acétylcholine participe également à la sécrétion d’acide. Afin de ne pas endommager la muqueuse gastrique, la somatostatine et les prostaglandines inhibent respectivement la sécrétion de gastrine et d’acide gastrique. Le pH gastrique peut se situer entre 1 et 5 et varie en fonction de l’individu et de l’état de jeûne du sujet. L’acidité gastrique n’est pas directement impliquée dans la digestion en tant que telle mais elle favorise l’activation du pepsinogène (précurseur de la pepsine), assure la dénaturation des protéines alimentaires facilitant ainsi leur hydrolyse pepsique et joue un rôle antibactérien en tuant les micro-organismes potentiellement toxiques pour l’organisme. En théorie, le pH acide inactive les enzymes salivaires mais le mélange de salive alcaline au suc

gastrique peut augmenter le pH jusque des valeurs comprises entre 5 et 6 permettant ainsi aux enzymes salivaires de continuer leur travail amylolytique. La pepsine, résultat de l’autocatalyse du pepsinogène, initie la digestion des protéines et génère une première population d’oligopeptides (Sherwood, 2006). L’hydrolyse pepsique ne génère toutefois qu’une petite quantité d’acides aminés libres, la digestion des protéines ayant lieu principalement dans l’intestin (Caspary, 1992). Une résistance de certaines protéines alimentaires à l’activité pepsique a été identifiée comme un potentiel facteur d’allergénicité notamment pour certaines protéines du lait de vache et de soja ou encore des noix. Toutefois, il n’est pas toujours possible de prédire le caractère allergène d’une protéine en se fondant uniquement sur sa stabilité gastrique (Wickham et al., 2009).

La quantité de chyme est le principal facteur influençant la force de contraction de l’antre. Les contractions péristaltiques de l’antre procurent au chyme la force motrice nécessaire pour passer dans le duodénum par le sphincter pylorique. L’intensité de la contraction du sphincter et la vitesse de la vidange sont sous le contrôle de facteurs intragastriques (gastrine, réflexe vagal) et de facteurs duodénaux (réflexe entéro-gastrique, hormones intestinales).

1.2.3 L’intestin grêle

1.2.3.1 Anatomie de l’intestin grêle

Constitué de trois segments successifs (duodénum, jéjunum et iléon représentés Figure 1 ), l’intestin grêle constitue le siège principal de l’absorption des nutriments. Le chyme est expulsé dans le duodénum grâce aux contractions péristaltiques de l’estomac et se mélange au suc duodénal et aux sécrétions pancréatiques et biliaires. Le duodénum mesure environ 30 cm de long chez l’homme et il est principalement le lieu d’absorption passive de l’eau et des électrolytes. Le jéjunum, long de 3 à 4 m chez l’homme, est le lieu de l’absorption des glucides, lipides et protides alors que l’iléon, long de 1 m, est plutôt consacré aux absorptions spécifiques comme la réabsorption des sels biliaires. La progression du chyme le long de l’intestin est assurée par deux mécanismes : la segmentation et le complexe moteur migrant. La segmentation consiste en des contractions annulaires du muscle lisse et l’alternance de contractions et de relâchements permet un brassage optimal du chyme. À la fin de l’absorption du repas, la segmentation est remplacée par le complexe migrant moteur. Constitué d’ondes péristaltiques allant du duodénum jusqu’à l’extrémité de l’iléon, il assure le nettoyage de l’intestin en évacuant les restes vers le côlon (Sherwood, 2006).

1.2.3.2 Les sécrétions pancréatiques

Le pancréas exocrine sécrète une solution alcaline riche en ions HCO3- permettant de

neutraliser le chyme acide et d’inactiver la pepsine. Les enzymes pancréatiques sont constituées d’un mélange de protéases, lipases, amylases et nucléases. Les protéases sont composées des endopeptidases et des exopeptidases. Les trois principales endopeptidases pancréatiques sécrétées sont la trypsine, la chymotrypsine et l’élastase. Elles sont sécrétées sous forme inactive nommées respectivement trypsinogène, chymotrypsinogène et proélastase. L’entérokinase, située à la partie apicale des cellules épithéliales du duodénum, va activer le trypsinogène en trypsine initiant une cascade de réactions permettant l’activation des autres enzymes pancréatiques. La trypsine fonctionne à un pH optimal de 7,8 et clive préférentiellement la partie C-terminale du peptide contenant un résidu d’arginine ou de lysine. La chymotrypsine, présente majoritairement sous deux formes A et B, clive préférentiellement les liaisons peptidiques adjacentes à des résidus d’acide aminés hydrophobes tels que la phénylalanine, le tryptophane et la tyrosine. Son pH optimal se situe entre 7,8 et 8,0. L’élastase (ou élastoprotéinase) est quant à elle moins spécifique que les deux autres endopeptidases et clive les liaisons peptidiques adjacentes à des résidus d’acides aminés aliphatiques (sérine, leucine, alanine, valine). Les exopeptidases sont représentées par les carboxypeptidases A et B (sécrétées sous forme de procarboxypeptidases). Elles hydrolysent préférentiellement les liaisons peptidiques du côté C-terminal avec une préférence pour les résidus d’acides aminés aromatiques dans le cas de la carboxypeptidase A. La carboxypeptidase B agit en complémentarité en hydrolysant toutes les liaisons non hydrolysées par la carboxypeptidase A comme celles adjacentes à des résidus d’acides aminés basiques (Beck, 1973). D’autres enzymes telles que l’amylase, la lipase pancréatique et la phospholipase sont sécrétées par le pancréas poursuivant ainsi la digestion des lipides et des glucides. Au niveau du pancréas exocrine, l’acinus est le siège de la synthèse et de la sécrétion des enzymes pancréatiques alors que les canaux excréteurs sont responsables de la sécrétion des ions HCO3-. La sécrétion acinaire est majoritairement sous contrôle hormonale

(CCK, motiline) et neurale. La sécrétion des ions HCO3- est stimulée par la sécrétine, elle-

même sécrétée par le duodénum en réponse à un environnement acide.

1.2.3.3 Les sécrétions biliaires

La bile est déversée au niveau du duodénum par le canal cholédoque. L’embouchure de ce dernier est gardée sous contrôle du sphincter d’Oddi empêchant la bile de rentrer dans le

duodénum entre les repas. Elle est composée d’un mélange de sels biliaires (dérivés du cholestérol), cholestérol, lécithine et bilirubine (provenant du foie). Plus de 95 % des sels biliaires sont réabsorbés au niveau de l’iléon et envoyés vers le foie par un système de transport actif nommé cycle entéro-hépatique (Maldonado-Valderrama et al., 2011). La fonction première de la bile est de faciliter le transport des lipides par la barrière intestinale. Grâce aux propriétés émulsifiantes des sels biliaires, les lipides hydrolysés en acides gras libres et en 2-monoacylglycérols sont incorporés dans des micelles stabilisées par les sels biliaires. Par ailleurs, les acides biliaires peuvent également améliorer la protéolyse de certaines protéines alimentaires en déstabilisant leur structure (Gass et al., 2007). Enfin, les acides biliaires participent également à la régulation du métabolisme énergétique en agissant par exemple sur la régulation de la glycémie (Vítek and Haluzík, 2016).

1.2.4 Le côlon

Partie la plus longue du gros intestin, le côlon est constitué de trois parties (côlon ascendant, transverse et descendant) dans lequel se retrouvent tous les résidus non digérés (ex : fibres alimentaires) et les constituants non absorbés. Le côlon absorbe l’eau et les sels et le contenu résiduel participera en partie à la formation des fèces. Le rôle principal du côlon est de stocker les selles. Lors de l’arrivée d’aliments dans l’estomac, la motilité du côlon est activée par le réflexe gastro-colique dans lequel interviennent le système nerveux extrinsèque et la gastrine. Le côlon se distingue des autres segments du tractus GI par l’abondance et la diversité de sa flore microbienne. Bien qu’il existe une très large diversité interindividuelle, 90 % de ces microorganismes appartiennent aux familles phylogénétiques des Firmicutes et des Bactéroidetes suivis par celles des Actinobactéries et des Protéobactéries (Guinane and Cotter, 2013). Le rôle principal de cette flore est d’assurer la dégradation des résidus alimentaires non digérés dans la partie supérieure de l’intestin. Elle transforme les glucides non dégradés comme les fibres alimentaires mais également les résidus protéiques et lipidiques menant à la libération d’une grande diversité d’acides gras à courte chaine (chaîne carbonée contenant moins de 6 atomes de carbone), de phénols, d’indoles, d’amines et des composés sulfurés (Scott et al., 2013). Le microbiote intestinal joue un rôle important dans le phénomène d’absorption des minéraux (calcium, magnésium, fer) et dans la synthèse de vitamines K et B (Scarpellini et al., 2010).