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1.3 Absorption intestinale des nutriments

1.3.2 Absorption intestinale des acides aminés libres et des peptides

1.3.2.1 Absorption intestinale des acides aminés

Les acides aminés sont une source essentielle du métabolisme cellulaire et sont utilisés dans la synthèse de tissus ou comme précurseurs dans la synthèse de composés azotés, sulfurés et aromatiques. L’apport protéique dans le corps humain a deux origines : une origine exogène que sont les aliments ingérés et qui représente entre 70 et 100 g de protéines alimentaires par jour (repas occidental moyen) et une origine endogène, apportée par les sucs salivaires, gastriques et pancréatiques ainsi que les protéines constitutives des villosités suite au renouvellement de la muqueuse et qui représente environ 35 g par jour (Kiela and Ghishan, 2016). L’absorption des protéines a principalement lieu au niveau du duodénum et du jéjunum. Enfin, la flore intestinale présente au niveau de l’intestin grêle, bien que moins abondante que celle localisée dans le côlon, peut favoriser la digestion des protéines en dégradant les fibres alimentaires végétales et en facilitant l’accès aux protéines pour les enzymes digestives (Moughan, 2009).

Après avoir été successivement hydrolysées par la pepsine et les enzymes pancréatiques, la digestion des protéines s’achève au contact de la membrane de la bordure en brosse générant une population d’oligopeptides et d’acides aminés libres. Au niveau de la membrane de la bordure en brosse, on distingue neuf peptidases majoritaires : les aminopeptidases N, A, P, W, les endopeptidases-24 et 2, la DPP-IV (dipeptidyl peptidase IV), l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) et la carboxypeptidase P. Elles sont toutes présentes sur l’ensemble de l’intestin grêle mais leur activité enzymatique varie selon leur localisation. La DPP-IV est la plus active au niveau de l’iléon et du jéjunum d’intestin de rat (Bai, 1994). Il a été estimé que l’action des peptidases de la bordure en brosse générait 40 % d’acides aminés libres et 60 % d’oligopeptides. La dégradation des peptides est ensuite finalisée par l’action des enzymes cytosoliques après absorption par les entérocytes. Les systèmes transporteurs d’acides aminés sont composés de co-transporteurs acides aminés/Na+, K+ et Cl- localisés au niveau du pôle apical. Une pompe Na+/K+ ATPase en pôle basolatéral crée un gradient de Na+ en rejetant des ions Na+ à l’extérieur de l’entérocyte. D’autres transporteurs présents sur la membrane basolatérale assurent le passage des acides aminés libres du cytoplasme vers les capillaires sanguins.

1.3.2.2 Absorption intestinale des peptides

• Historique

Les protéines ne sont normalement pas absorbées sous forme native chez l’adulte sauf en cas d’altérations de la barrière intestinale. Toutefois, l’idée que des peptides de bas poids moléculaire pouvaient être absorbés et relâchés dans le sang portal sous forme intacte a émergé au début du XXème siècle. Plusieurs chercheurs avaient observé dans les années 1930

que les peptones, produits d’une hydrolyse extensive de protéines alimentaires, étaient plus rapidement assimilées qu’un mélange comparable d’acides aminés libres. En 1959, Newey et Smith ont mis en évidence que le transport des acides aminés libres et des oligopeptides se faisaient par deux systèmes distincts. Ce résultat a été rapidement confirmé par plusieurs études entre les années 60 et 70 qui ont démontré deux voies d’absorption possibles pour les oligopeptides : soit une hydrolyse en acides aminés au contact de la barrière intestinale suivie de leur transport par des mécanismes semblables à ceux des acides aminés libres, soit une entrée au sein de la cellule suivi par hydrolyse. En revanche, toutes les hypothèses convergeaient vers une hydrolyse totale des oligopeptides (Matthews, 1971). Ganapathy et Leibach ont démontré en 1985 que le transport de peptides impliquait un co-transport de protons et qu’un gradient de protons était la force motrice du transport actif peptidique. Il a

été plus tard admis que les di- et tri-peptides pouvaient être absorbés et libérés intacts dans la circulation sanguine. Ces peptides possédaient fréquemment un résidu de proline et leur poids moléculaire était approximativement de 500 Da (Webb, 1990). Actuellement, plusieurs voies d’absorption des peptides, ne se limitant pas aux di- et tri-peptides, ont été mises en évidence impliquant deux types de voies : la voie transcellulaire et la voie paracellulaire. Chez un sujet sain, la majorité de l’absorption des peptides se fait par voie transcellulaire, bien que cette voie soit plus coûteuse en énergie pour le métabolisme cellulaire. La voie paracellulaire a été observée comme étant prédominante chez des sujets malades ou en cas d’exfoliation de la muqueuse (Gardner, 1988).

• Transports transcellulaires et paracellulaires des peptides

L’ensemble des modes de transport des peptides a été récapitulé dans la Figure 5.

Figure 5 : Voies de transport cellulaires des acides aminés libres (AA) et des oligopeptides au niveau

de la barrière épithéliale.

1) diffusion passive, 2) passage paracellulaire, 3) endocytose, 4) transport actif des di et tripeptides par PepT1 et 5) transport actif des acides aminés libres.

Le premier mode de transport transcellulaire mis en évidence est un transport actif de protons assuré par le transporteur PepT1. Il fait partie de la famille des transporteurs proton- oligopeptides (POT) ou des peptide transporters (PTR). Il comporte douze domaines transmembranaires dont les deux extrémités N- et C-terminal sont localisées dans le

cytoplasme. La séquence du gène codant pour PepT1 est très conservée chez les mammifères. PepT1 est un co-transporteur peptide/proton et dépend de l’activité antiport Na+/proton (NHE3) assurant le maintien du gradient de protons. PepT1 accepte comme substrats plus d’un millier de di- et tri-peptides dont la charge, la polarité et le poids moléculaire varient (Adibi, 1997). La conformation serait probablement le critère modulant le transport des peptides : la chaîne peptidique doit être dans une conformation trans et la longueur séparant les extrémités N- et C-terminal doit être comprise entre 5,5 et 6,3 Å. Cela expliquerait ainsi pourquoi ni les acides aminés libres ni les tétra-peptides ne sont acceptés par le transporteur (Daniel, 2004). La modulation de l’abondance et de l’activité de PepT1 est sous le contrôle de plusieurs hormones telles que l’insuline, la leptine, les hormones de croissance et l’hormone thyroïdienne (Thamotharan et al., 1999). Les concentrations en acides aminés libres et en oligopeptides sont également capables de moduler l’expression de PepT1. Le deuxième mode de transport transcellulaire est la diffusion passive des molécules à travers la membrane apicale qui est fortement conditionnée par les propriétés lipophiles des peptides et ne concerne donc que certains peptides (Choonara et al., 2014). Le troisième mode transcellulaire, plus répandu pour les peptides de plus grande taille, est l’endocytose faisant intervenir un récepteur spécifique localisé au niveau apical. Les peptides sont transportés par des vésicules migrant du pôle apical vers le pôle basolatéral où elles fusionnent avec la membrane pour libérer les peptide par exocytose (Gardner, 1988).

Le transport paracellulaire est également un mode de transport des peptides dépendant de leur taille et des propriétés hydrophiles des peptides (Artursson et al., 2001). Ce mode de transport est conditionné par l’organisation de l’espace intercellulaire de la barrière intestinale (Figure 6).

Figure 6 : Les complexes d'adhésion cellulaire présents au niveau de la barrière intestinale

(modifiée sous accord d'après Jefferson et al., 2004)

Afin de former une barrière intègre, les cellules épithéliales sont maintenues en contact les unes aux autres grâce à la présence de trois types de jonctions : les jonctions d’ancrage, les jonctions communicantes et les jonctions serrées (Jefferson et al., 2004). Les jonctions d’ancrage sont impliquées dans des interactions cellule/cellule (ceinture d’adhérence, desmosome) ou cellule/matrice extracellulaire (point de contact focal, hémidesmosome) qui assurent une communication entre le cytosquelette et l’environnement extérieur par l’intermédiaire de complexes protéiques. La ceinture d’adhérence forme une bande continue le long des parois latérales cellulaires grâce aux cadhérines, protéines transmembranaires. Côté intracellulaire, elles sont reliées aux filaments d’actine par le biais de protéines d’association. Côté extracellulaire, elles interagissent entre elles grâce à des liaisons ioniques. Les desmosomes sont également constitués d’une partie extracellulaire permettant l’association entre deux cellules voisines assurée par les cadhérines desmosomales (desmogléines et desmocollines) et d’une partie intracellulaire formée d’une plaque protéique dense associée aux filaments intermédiaires. Les points de contact focaux assurent les liaisons entre cellules et lame basale grâce aux intégrines, associées aux filaments d’actine côté cytosolique et aux fibronectines et laminines côté extracellulaire. L’hémidesmosome associe la cellule à la matrice extracellulaire grâce à la présence d’intégrines côté extracellulaire. Le

côté intracellulaire est composé des mêmes éléments que le desmosome. Les jonctions communicantes (gap junctions) assurent une communication entre les cytosols de deux cellules adjacentes et permettent le passage de petites molécules d’une cellule à l’autre. Elles sont constituées de protéines transmembranaires appelées connexines groupées en complexe nommé connexon. Enfin, les jonctions serrées sont des complexes adhésifs protéiques localisés à proximité du pôle apical cellulaire. Les claudines et occludines sont présentes dans l’espace intercellulaire et sont connectées aux filaments d’actine intracellulaires par l’intermédiaire des zonula occludens. Les jonction serrées fonctionnent comme une barrière semi-perméable et conditionnent le passage des ions et des solutés dans l’espace intercellulaire (Groschwitz and Hogan, 2009).