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Les distributions et subventions alimentaires

CHAPITRE 3 : MODALITES D’INTERVENTION FACE AUX CHOCS

3.2 Les distributions et subventions alimentaires

Les distributions générales gratuites sont principalement utilisées comme instruments d’urgence (sécheresses, inondations), par le Gouvernement, les ONGs, et le PAM de façon ponctuelle lorsqu’un choc se manifeste. Elles sont aussi régulièrement programmées dans le cadre des Plans de résilience et de soutien annuels du SP-CNSA39 et dans les Plans de contingence du CONASUR; ces distribution peuvent atteindre jusqu’à 20% des stocks (SONAGESS). A titre d’exemple, le Plan de soutien 2014 prévoyait la mise à disposition en période de de soudure de 8 470 tonnes de céréales pour les provinces considérée comme les plus vulnérables (Oudalan, Soum, Seno, Passoré, Noumbiel et la Komondjari)40. L’identification des bénéficiaires devant être faite par les démembrements du CONASUR, les collectivités territoriales et les représentants de la société civile sur le terrain. De plus, le CONASUR, à travers ses structures décentralisées et avec les ONGs, prévoyait apporter gratuitement des vivres aux indigents (500 000) et aux personnes victimes de catastrophes (18 123) pour une mobilisation de 18 652 tonnes de céréales soit 75% des besoins des populations concernées. Cette distribution de vivres devant être couplée à d’opérations de cash inconditionnel d’un montant de 3,09 milliards FCFA (25% des besoins) afin de permettre à ces bénéficiaires de satisfaire les autres besoins complémentaires.

Les ventes de céréales à prix subventionné ont été réalisées principalement par la SONAGESS à travers les boutiques témoins, et aussi par le CONASUR. Les boutiques témoins ont a été mises en place en 2013 pour contribuer au « renforcement des mesures sociales, à la création d’emplois et de revenus et à l’amélioration des conditions de vie des populations pour faire face à la conjoncture ».174 boutiques ont été mises en place et sont gérées directement par la SONAGESS principalement en milieu urbain (3 par capitale régionale, 2 par capitale provinciale, 45 à Ouagadougou, 14 à Bobo-Dioulasso et 20 dans les communes rurales de 8 régions); elles vendent des céréales, à partir du stock commercial de régulation (mais et riz principalement) à un prix en moyenne 20% en dessous du marché41. Un rapport d’OXFAM42 détaille leur fonctionnement et leur impact sur les ménages vulnérables et les marchés. Cette mesure est aussi

39En 2012, au total, 105 000 tonnes de vivres toutes spéculations confondues ont été déployées dont 80 560 tonnes par l’Etat et 24 577 tonnes par les Partenaires.

40 Ces provinces sont situées dans les régions du Sahel, du Nord, de l’Est, et du Sud-Ouest. Le coût global de l’opération est évalué à 1 439 900 000 FCFA.

41Le maïs se vend en sacs de 50 kg à 6 000 F CFA le sac, tandis que le riz se vend en sacs de 5 kg, 25 kg et 50 kg à 1 500 F CFA, 7 500 F CFA et 15 000 F CFA respectivement. Les prix de vente sont les mêmes dans tout le pays. Le bilan de la SCADD fait état de 51 705 tonnes de vivres (maïs, riz, sorgho et mil) vendues à prix modéré.

42OXFAM, Protection sociale et sécurité alimentaire au Burkina Faso; les boutiques témoins, avril 2015

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préconisée dans le Plan de soutien 2014, qui recommande un renforcement du maillage pour les communes rurales afin de répondre aux besoins des ménages vulnérables. Cette mesure vise aussi à induire une baisse des prix sur les marchés.

Contraintes :

- L’acheminement des vivres pose souvent des problèmes de stockage au niveau local (absence de structure appropriée). Les banques de céréales ont pour la plupart rencontré des difficultés de gestion et ne remplissent plus leur rôle et les partenaires sont très réticents à en construire de nouvelles.

- A cela s’ajoutent au niveau du Gouvernement, la mise en place tardive des fonds pour l’acquisition des vivres, la lenteur de la procédure de droit commun pour l’achat des vivres et l’insuffisance des moyens logistiques pour le transport et la distribution des vivres.

- Le choix des aliments n’est pas toujours en adéquation avec les préférences alimentaires et il s’agit souvent de denrées importées qui ne contribuent pas à l’économie locale; et le prix relativement élevé en comparaison avec les denrées locales est une source de démotivation pour le consommateur pauvre.

- Les secours arrivent difficilement au niveau de certains villages enclavés, et on note souvent des retards dans les livraisons.

- Le programme de boutiques témoins n’a aucun mécanisme de ciblage des populations vulnérables; l’exigence d’une pièce d’identité, l’information et la distance des boutiques limitent cet instrument pour les ménages ruraux pauvres.

- Les boutiques permettent de diminuer les coûts des céréales vendues par les commerçants cependant ceux-ci développent des stratégies d’adaptation.

- Ces ventes à prix social pourraient aussi avoir des impacts négatifs sur le stockage de proximité (warrantage); ce dernier aspect mérite d’être analyser de plus près.

- Le conditionnement en gros sacs favorise les fraudes et ne favorise pas les ménages vulnérables qui achètent en plus petite quantité.

Opportunités :

- Le dispositif43 de prévention et de gestion des crises alimentaire du Burkina Faso permet d’identifier chaque année les zones à risque et de mobiliser les partenaires pour une réponse appropriée.

- Le Gouvernement dispose d’un stock physique et financier qui peut être mobilisé en cas d’urgence.

- Dans le cadre de la Prévention des catastrophes, les structures décentralisées (provinces,

43 Le dispositif de Prévention et de gestion des Crises Alimentaires est composé au Burkina Faso du CNSA, du SAP, de la SONAGESS, du SIM et du CONASUR. Ce dispositif est coordonné à l’échelle régionale par le CILSS.

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communes et quelque fois villages44) sont formées pour développer des plans de contingence locaux et développer des stratégies en cas de catastrophes.

- Le Gouvernement (DOPAIR) développe, comme alternative aux banques de céréales, avec ses partenaires (OXFAM, PAPSA) le concept de coopérative de commercialisation et de warrantage « social » 45 comme structure pouvant jouer le rôle de banque de céréales, en partenariat avec les institutions de microfinance afin d’améliorer la gouvernance; dans ce contexte aussi, des liens sont développés pour mettre en relation les zones excédentaires avec les zones déficitaires. Un autre concept a été développé pour remplacer les banques de céréales, « le grenier de sécurité alimentaire » ; une étude46 détaille les retombées positives sur la réduction des coûts (8%) d’approvisionnement en céréales des ménages pauvres et sur leur état nutritionnel47 ; ces opérations demandent cependant une disponibilité en crédit et de l’appui technique.

- Les boutiques témoins ont été prises en charge sur le budget de l’état48; le Gouvernement prévoit maintenant d’en faire un programme triennal. Les tonnages sont importants (47,5% des volumes commercialisés pour le maïs). Les prévisions de 60000 tonnes en 2014 représentent plus que les réserves physiques des stocks nationaux.

- En améliorant le ciblage avec une méthodologie en développement pour le milieu urbain, en collaboration avec l’action sociale, ces boutiques permettraient de concentrer leurs ressources sur les plus vulnérables.

- Il a été observé que les boutiques provoquent une baisse de prix des céréales sur les marchés bien que leur impact précis soit difficile à mesurer. Cet impact indirect favorise l’accès aux aliments aux ménages vulnérables.

- Les boutiques témoins ont eu la faveur populaire et ont contribué à réduire les tensions sociales dues aux crises alimentaires principalement dans le milieu urbain.

- L’approvisionnement avec des denrées locales pourra satisfaire les bénéficiaires dans leur préférence alimentaire et économique.

Les cantines scolaires sont reconnues comme un des principaux instruments de protection sociale tant au point de vue financier49qu’en termes d’impacts sur l’éducation 50; ces cantines

44Le projet REGIS-ER développe les Plans villageois de contingence.

45Le warrantage social consiste à faire un transfert monétaire aux personnes pauvres qui achètent des céréales qu’elles stockent dans les magasins comme garantie afin d’accéder à un crédit auprès d’un IMF, payable avec intérêt.

46SOS Faim, Les greniers de sécurité alimentaire au Burkina Faso, un impact confirmé, 2016

47Concept développé par l’ONG SOS Faim qui s’appuie (i) la constitution d’un fonds de roulement centralisé destiné à l’octroi de crédits annuels (ii) le principe de ne vendre qu’au comptant (iii) l’ouverture à d’autres produits alimentaires que les céréales traditionnelles.

48 En 2013, il s’agit d’un budget total de 64 500 millions de F CFA (98,04 millions d’euros) entièrement financé par l’État.

49 Selon le rapport Burkina Safety net, les cantines représentent 24 % du budget de la protection sociale

50 Selon un rapport d’OXFAM sur la question (OXFAM, Protection sociale et sécurité alimentaire au Burkina Faso, les cantines scolaires, avril 2015), les cantines scolaires améliorent l’assiduité scolaire et le taux d’achèvement des études. Selon le PAM, les rations à emporter par exemple augmenterait de 6% la fréquentation scolaire des jeunes filles. Ces constats sont partagés par le CRS (CRS, Beoog Biiga Program Final Evaluation Report, décembre 2014).

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couvrent tout le pays. Elles consistent à assurer au moins un repas51 par jour aux élèves du primaire et sont financées principalement par le Gouvernement qui les approvisionne environ 4 mois sur 9, et complété par des partenaires (PAM et CRS) dans certaines régions connaissant un risque alimentaire élevé et un taux d’alphabétisation faible. Dans la région du Sahel, le PAM fournit deux repas par jour et des rations à emporter (spécifiquement pour les filles) pendant toute la période scolaire et le CRS complète l’action du Gouvernement dans 5 provinces (Bam, Sanmatenga, Namentenga, Gnagna et Komondjari) en fournissant des vivres pour 5 mois. Pour parachever ce dispositif, des cantines endogènes ont été mises en place et les parents d’élèves complètent l’approvisionnement en céréales, sel, bois de chauffe, condiments de même que la préparation des repas (paiement des cuisinières). Le gouvernement met en place des comités de gestion (COGES) afin de mieux impliquer les autorités et les communes dans la prise en charge des cantines. Le développement des cantines scolaires fait partie du Programme Sectoriel de l’Éducation et de la Formation (PSEF) 2012-2021.

Il n’y a pas de dispositif de ciblage particulier, ce qui pourrait causer, une certaine stigmatisation des élèves selon certains. Cependant, le ciblage géographique du PAM et du CRS qui vise les régions à forte insécurité alimentaire, permet d’alléger le fardeau des parents des ménages vulnérables de ces zones. Si ces partenaires venaient à se retirer, il faudrait envisager un mécanisme pour alléger les contributions des familles vulnérables.

Contraintes:

- Les dotations budgétaires du Gouvernement ne sont pas respectées chaque année. Le dispositif de passation des marchés est lourd et les vivres arrivent toujours en retard.

- Le dispositif de suivi du MEBA ne permet pas de suivre toutes les écoles et on note quelques fois des détournements de vivres.

- Les vivres (céréales et légumineuses provenant du stock national et les importations de CRS) ne sont pas toujours achetés au Burkina et le régime est peu varié; les vitamines sont souvent fournies sous forme de supplément.

- CRS développe aussi autour des écoles des activités de sensibilisation à l’hygiène qui ont des impacts positifs jusque dans les familles, cependant ces activités sont limitées par la disponibilité des points d’eau près des écoles.

Opportunités :

- Le programme fonctionne depuis longtemps et le Gouvernement et ses partenaires arrivent à couvrir tout le territoire. Les parents sont fortement impliqués et arrivent quelquefois à fournir aussi les cantines de l’éducation préscolaire (bissongo).

51Le repas est composé majoritairement de céréales (mais, riz, sorgho), huile avec quelquefois des suppléments vitaminiques.

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- Le développement des COGES52 et des cantines endogènes favorise l’appropriation ; il est fortement conseillé à ces associations de développer des champs et des jardins scolaires. Par ailleurs CRS a appuyé les Associations de Parents d’Élèves en leur permettant de développer des microprojets pour financer les cantines.

- Le transfert d’une partie des achats aux COGES permettrait de développer l’économie locale.

- Des expériences d’achats locaux (expérience du P4P) sur la farine fortifiée, combinées avec le développement d’AGR sont possibles. D’autres initiatives sont à signaler c’est le cas avec le projet du PAM de fourniture de yaourt fabriqué localement dans la province du Séno53.

- Le rapport d’OXFAM recommande d’améliorer le suivi du programme ainsi que les capacités de ses agents ; de stabiliser les budgets afin de permettre une meilleure planification et une plus large couverture des écoles tout en réduisant les charges pesant sur les communautés locales ; de coordonner les activités des cantines scolaires avec celle de la santé et de la nutrition dans le but de renforcer l’assimilation des aliments et d’encourager les achats locaux pour promouvoir le développement endogène des communautés.

Le Blanket feeding : Cette mesure consiste à distribuer à tous les enfants de 6 à 23 mois des zones à risques des rations d’aliments de sevrage durant la période de soudure afin de prévenir la malnutrition. Actuellement le PAM assure une couverture dans quelques provinces les plus affectées par la malnutrition infantile en appuyant le développement des réseaux de farines infantiles SODEPAL et MERS. Cette mesure est inscrite aux Plans de soutien54. Dans le cadre du Cadre commun soudure 2013, 12733 enfants des ménages pauvres et très pauvres ont bénéficié d’une dotation de farine infantile pour toute la période de soudure. Ces farines ont été achetées auprès de 13 Unités de production appuyées techniquement par le GRET, et suivies par le laboratoire du centre de recherche en science biologiques alimentaires et nutritionnelles de l’Université de Ouagadougou (production totale de 26,9 tonnes par mois). Ces distributions de

52 Il existe actuellement 302 COGES dans les régions du Plateau Central, du Centre-Nord et de l’Est. Ce nouveau modèle tente d’impliquer différents acteurs locaux dans la gestion et le fonctionnement des écoles et des cantines endogènes. Il se rapproche des mairies, des leaders locaux, des Associations de mères, des Associations de Parents d’Élèves, des enseignants, etc. dans le but de répartir le poids de la gestion et de la responsabilité de l’école sur l’ensemble de la communauté.

53Le PAM a développé un projet pilote qui associe trois Unité de technologie laitière de la province du Séno qui sont renforcées et suivies par le LNSP pour la production et la livraison de yaourts de qualité aux enfants de 20 écoles. Ce projet nécessite encore 2 M$ pour sa mise à l’échelle dans la région. Le projet a contribué a augmenté les bénéficiaires des groupements de femmes transformatrices et d’améliorer la diète des enfants.

54Le bilan du plan de soutien de 2012 fait état de 88 000 enfants malnutris aigus sévères qui ont été pris en charge. La prise en charge des malnutris aigus modérés a concerné quant à elle 388 103 enfants au total, et de 400 000 enfants qui ont bénéficié de rations de protection dans sept régions. Pour 2014, cette opération ciblait environ 114 013 enfants et nécessitait 4 105 tonnes de rations de protection. Et en 2015 284 644 enfants de 6 à 23 mois dont 89 643 enfants résident dans les communes à risque étaient ciblés. Cette activité est évaluée à 10 247 181 795 FCFA pour une période de six mois à partir d’avril 2015.

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farine étaient accompagnées de sensibilisation sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant de 10 000 mères.

Entrent également dans cette catégorie, les dotations régulières des Centre de récupération nutritionnelle (CREN) et des différentes structures de santé qui sont approvisionnés régulièrement par le Gouvernement et des organisations comme le PAM.

Contraintes :

- Ces opérations sont encore assez dépendantes des aides extérieures et le taux de couverture du pays est en deçà des besoins.

- Un contrôle de qualité est nécessaire pour les farines produites localement et ces opérations doivent s’accompagner de sensibilisation et de formation.

- Les mères sont réservées sur leur capacité à acheter les farines, c’est pourquoi des stratégies doivent être envisagée pour faciliter l’accès (subvention partielle, micro conditionnement, bouillies vendues à la louche).

- Les suppléments vitaminiques et produits importés (plumpy nut) sont très périssables.

Opportunités :

- Le développement d’un réseau de petites entreprises de fabrication de farine de sevrage (MISOLA, MERS, SODEPAL) qui valorisent les produits locaux et créent des emplois en milieu urbain et en région55.

- Au niveau de l’expérience du cadre commun, aucune baisse des ventes ordinaires n’ont été ressenties chez 83% des unités de production; ces unités ont recruté en moyenne 9 employés supplémentaires; le montant des investissements réalisés avec les bénéfices et réinvestis s’élève à 350 000 FCFA par unité et 82,6% qui ne commercialisaient pas de farine ont l’intention de le faire après l’opération.

- Ces farines permettent de prévenir et de traiter la malnutrition, les projets et programmes sont en mesure d’en faire la promotion et de créer des habitudes56.

- Les programmes de protection sociale accordent une priorité au développement du jeune enfant et présentent une opportunité de mise à l’échelle de ces expériences.